One little stone on the way [Silas & Rampa]

J’esquisse un sourire démoniaque, personne en vue pour le percevoir dans tous les cas, je peux me permettre de retourner au naturel. Je ne perds pas des yeux l’homme qui vient de pénétrer les lieux. Je frotte mes mains l’une contre l’autre et inspire avant de tenter de me fondre dans les ombres. Son odeur m’est familière sans pour autant la connaître réellement. Un démon. D’un autre genre, mais tout de même un démon. Mon sourire s’élargit et je jubile. Il faut que je reste le plus calme possible. Il est normal pour moi de traîner dans les parages afin de récupérer des accords du maire, des signatures, des mandats et autres trucs qui me permettent d’assurer ma fonction. Je le piste à distance sans me faire voir et l’observe entrer dans le bureau interdit. Intéressant. Je n’ignore pas qu’il y a des créatures de la nuit qui cherchent à faire tomber d’autres et je ne peux mettre le doigt sur l’essence qui émane de notre maire, quoiqu’indéniablement, il n’est pas originaire de notre monde pour sûr. J’arrive au niveau du couloir où vient de s’engouffrer le jeune homme et je m’immisce derrière lui. Je toussote discrètement et prend un visage serein tout en allumant la lumière de la pièce.

« Bonsoir, excusez-moi, je pensais que j’étais seul dans le bâtiment. Puis-je vous aidez d’une quelconque manière ? »

Ma voix se fait réellement serviable mais sincère. Je reste tout de même un juriste.
Je m’approche doucement vers lui et le toise en retour de son propre regard qui me semble bien insistant. Si j’ai pu sentir son odeur, je ne doute pas qu’il puisse éventuellement sentir la mienne, enfin tout dépend de sa puissance s’il est juste un sous-fifre ou un démon autrement plus puissant. Je toussote à nouveau.

« Si je ne m’abuse, vous êtes dans le bureau de la secrétaire du maire et la pièce d’après et celui de notre cher maire, hors, il ne me semble pas vous avoir déjà vu dans les parages et j’ai un peu de mal à trouver une explication pour donner de la légitimité à votre présence ici. »

Je retiens mon sourire, mais j’ai l’impression d’avoir piégé une souris et qu’elle s’apprête à me mordre pour s’enfuir de ce terrible guet-apens.

Made by Neon Demon

Mon sourire s’étire doucereusement alors que je le toise du regard. Je n’ai rien du pitoyable avocat, rien de leur bassesse, je suis le feu qui répand ses cendres, ne laisse rien derrière lui, c’est moi qui rend le verdict et consume les derniers espoirs. C’est là qu’il se trompe … les démons sont tout à fait capable d’avoir une âme, corrompue, brisée, noircie, mais bien présente et c’est elle-même qui donne l’étincelle à notre noirceur, c’est sans doute cela qui rend les démons supérieurs bien plus dangereux, un démon qui regagne son âme devient plus puissant, plus conscient.

« Je confirme … vous vous trompez … »

Je m’approche de lui et laisse les flammes paraître une fraction de seconde au fond de mes pupilles. L’incandescence même de mon être qui ne s’éteint jamais.

« C’est la différence entre vous et moi … j’ai une âme. La vôtre est perdue, rongée par votre nature … la mienne est éternelle. »

A quoi cela sert-il de comparer l’incomparable. Je le laisse évoquer le Tout Puissant, seigneur des seigneurs, le Grand Façonneur …

« Il y a longtemps que Dieu n’est plus de bon conseil. »

En voilà un qui ne sait même pas de qui il parle. Dieu, je l’ai rencontré, une fois, ça m’a suffi pour me faire un avis. Il était de passage aux Enfers, il vient comme un conquérant surveillant ses larbins … il n’a que faire de ce qu’il s’y trame tant que les âmes damnées sont triées et stockées, torturées. Et c’est en ça que les gens croient ? Lui alloue tant de bonté et de grandeur ? Je me sers à nouveau et lui propose de même. Je ne compte pas m’en faire un ennemi, mais pour certains, il est bon qu’ils sachent à qui ils s’adressent, je ne me dévoilerai pas, juste qu’il se tienne à sa place.

« Le maire est déjà parti, vous ne le rencontrerez pas ce soir. »

Je sais bien que ce n’est pas cela qu’il me demande. Je bois mon verre. Plus lentement cette fois-ci. Et le bruit du verre sur le bureau rythme mes paroles alors que je fais tournoyer le liquide à l’intérieur.

« Ne dansez pas avec le maire si vous voulez tout savoir, ne l’approchez pas, fuyez et laisser faire ceux qui sont capables de le gérer. »

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Ce petit est délicieux et j’éclate de rire une fois encore. Il révèle sa vraie nature, expose ses suspicions envers la mienne sans aucune honte, aucun scrupule. Il a ça pour lui au moins, c’est qu’il joue carte sur table et pour un vampire, c’est déjà pas mal. Mais ses rognures de démons ont tendance à être de sacré tête brûlée pour les macchabés qu’ils sont.

« Encore une fois, vous faites erreurs. »

Je bois une longue gorgée, vide mon verre et prend le temps de me resservir tranquillement sans même lever mon regard vers lui. Je ne vois pas l’intérêt de me presser, lui et moi avant l’éternité devant nous pour discuter si nous le souhaitons. Enfin … c’est sans compter que j’aimerais profiter de ma belle Inaya avant qu’elle ne finisse six pieds sous terre.

« Je n’ai que faire de plus de pouvoir, certainement pas politique qui plus est. Ma place me sied à merveille et je n’irais jamais prendre celle de notre cher Maire … »

Toutefois, je reste coi devant sa question concernant ma douce.

« Inaya ? »

Je me redresse sur mon séant et lui fait face, presque autant que s’il venait de m’annoncer qu’il était la personne à qui il faudrait que je demande son avale si j’ai le droit de lui demander sa main à moins qu’il ne compte s’en servir de levier pour m’atteindre et s’en prendre à elle. Je ne me laisse pas le moins du monde impressionner par les canines de cette andouille, mais une colère monte en moi. Celle qui brûle lorsqu’on interfère dans ma sphère privée. J’explose. Je n’en reviens pas qu’il ose mettre en doute mes sentiments pour la jeune femme et je sens le verre éclater entre mes doigts alors qu’une flamme se forme autour de mon poing. Dans ma fureur, je me suis levé et le bureau recule percutant sa chaise dans mon élan. Il est au courant que c’est dangereux de me mettre en colère ? Parce que là, concrètement, s’il continu sur cette voie, je peux le faire disparaître de la surface du globe et ce n’est pas le tas de cendre fumant qu’il sera qui pourra m’incriminer. D’autant plus que techniquement, il est déjà mort.

« Je crois que l’on s’est mal compris … »

Si ma colère est incandescente, ma voix est de glace et chaque mot est un souffle que je suis sûr que seul le brun peut entendre.

« Vous ne vous approchez pas d’elle, si le moindre mal lui arrive, je ne me contenterai pas de vous réduire au silence, mais je mettrai fin à tous ceux qui vous sont chers … Inaya est ma femme et vous ne voulez pas savoir ce qu’il arrive si on s’en prend à la partenaire d’un démon ! »

Et c’est quoi cette histoire de sentiments ? Depuis quand un misérable être de la nuit tel que lui peuvent juger de ce que son capable ou non de ressentir les démons. Je suis pas sûr non plus qu’il a envie de connaître les conséquences que cela peut impliquer de me mettre hors de moi, la première fois c’était l’éruption du Vésuve et endosser une apparence d’humain n’a rien eu d’indolore pour ma part.