Gwen Evenson ♠ In a world of my own

Je vis le jour au crépuscule du 13 mai 1972. J’aimerais pouvoir dire que je viens de l’union de l’amour entre deux être, mais ce n’est pas tout à fait cela. Une liaison qui s’est terminé en mariage forcé. Je ne peux pas me plaindre vraiment. J’ai eu tout l’amour parental dont j’avais besoin auprès de mon père. Ma mère a bien fait quelque effort, au début… Mais elle doit bien avoir rapidement remarqué qu’elle n’arrivait pas à la cheville de mon paternel, car elle eut vite fait de laisser mon éducation à mon cher papa pour faire je ne sais quoi à l’écart. À vrai dire, ce n’est pas quelque chose qui me déplut. J’étais, et suis toujours, la petite fille à papa. Mon enfance fut bercée par les cris qu’ils se lançaient l’un l’autre… Ils ont parfois tenté de faire ces disputes à voix plus tempéré, mais dès qu’ils me croyaient suffisamment loin, la cacophonie recommençait. Les parents… à croire qu’ils ne se souviennent pas de leurs propres jeunes années. Mes jeunes oreilles entendaient très bien.

Un jour, les cris ont cessé. En fait, la présence de mère avant tout simplement cessée. Elle n’était plus à la maison. Disparue du jour au lendemain, sans explication. Père était aussi devenu étrangement silencieux. Je me souviens le jour où il est entré dans ma chambre après avoir toqué à la porte. Il n’a pas attendu que je répondre et est entré avec un baluchon et s’est mis à y fourrer mes vêtements à l’intérieur. Du haut de mes treize années, je n’y comprenais absolument rien. Mais je n’avais pas à comprendre. Seulement à suivre les directives que mes parents pouvaient me dicter. Mon père m’amena chez mes grands-parents paternels, et m’y laissa. Repartant sans un regard derrière lui. Pourquoi? C’est une question à laquelle je n’ai réussi à trouver de réponse satisfaisante durant l’année qui a suivi. Puis l’épidémie a réussi à m’atteindre.

La tuberculose vint frapper à notre porte. À la mienne, plus précisément. Tout d’abord, les symptômes apparurent tel un léger rhume en hiver. Puis, la toux devint plus grasse, irritant ma trachée de plus en plus à chaque fois, me réduisant au silence même si, à l’intérieur, je hurlais à chaque symptôme qui faisait son apparition. Je savais, au plus profond de mon âme, que la mort avait jeté son dévolue sur moi. Puis est apparue la fièvre et la fatigue. Et encore ensuite, ce fut le tour de douleurs dans le corps, mais principalement à la poitrine, ce qui me coupais le souffle. Une atrocité lors de chaque respiration. J’ai même été placé dans l’aile des condamnés au Sanatorium. Je savais mes derniers jours proches. Enfin… je l’ai entendu dire par les gardes malades qui n’attendaient que le moment où mon dernier souffle traverserait mes lèvres pour m’envelopper dans un drap et m’envoyer soit dans une fosse commune, soit à l’incinérateur.

Le jour où je croyais que c’était la toute dernière journée de ma vie, j’eus la surprise de voir, entre deux battements de paupière, le visage de mon père se pencher sur moi. Il était revenu. Je pourrais au moins faire mes adieux à mon cher père avant de quitter pour l’autre monde. Alors que je n’arrivais pas à déchiffrer l’expression de ses prunelles, je sentis ses doigts glacés effleurer ma joue. J’entendis un murmure lointain. La voix de mon père. « La douleur ne sera bientôt plus, ma fille. Je vais t’offrir une nouvelle vie, encore meilleure. »

Mon esprit était si faible lors de ma transformation en vampire. C’est ce qu’il était devenu. C’est ce qu’il m’a donné. Le cadeau d’une deuxième chance dans la vie. La fin de la souffrance. Je ne me souviens pas vraiment des détails de cette procédure. Nous avons passé les deux années qui suivirent à vagabonder d’un pays à l’autre, profitant de la culture de chaque lieu. Voyager rendait notre existence plus facile. Ne pas rester trop longtemps au même endroit nous permettait de ne pas avoir à nous cacher. Nous ne fuyions pas. Nous profitions de notre deuxième chance ensemble. J’ai même découvert que mon affection pour les animaux alors que j’étais encore toute jeune, venait probablement d’un don enfui en moi. Un don que j’ai appris à découvrir en temps que créature surnaturelle. Qui dit vampire, dit sang. Le sang est synonyme de survie. Et pour moi, il est hors de question que je m’abreuve d’animaux. Alors j’ai choisi de faire des sélections. Aidé par mes fidèles amis poilus, je sélectionnais les humains mauvais. Les animaux sont partout. Un écureuil dans un arbre, les oiseaux sur les toitures des immeubles, le chevreuil dans les bois… Ils ont vu et voient encore, chaque jour, les mauvaises herbes de ce monde.

J’ai vécu ainsi, accompagnée de mon père jusqu’au jour où un nouveau malheur s’abattu sur nous. Nous eûmes la malchance de croiser le chemin d’un coven de sorciers irlandais en colère. Ils semblaient nous avoir observés suffisamment dans les mois précédents pour savoir ce que nous sommes, et cela ne devait pas leur plaire car ils ont ordonné mon exécution par le feu. Cela était supposé purifier mon âme déchue. Cette souffrance. Tout simplement inoubliable. Les flammes qui caressent ma peau sont un supplice qui a su m’arracher des hurlements qui ont déchirés la nuit noire avant de me plonger dans la mort.

J’ai erré ici et là, dansant entre les deux mondes qui étaient séparés d’un fin voile semblable à une brume. Mais un jour, je suis restée trop longtemps du mauvais côté du voile. J’ai été capturée par les sorciers et leurs médiums et emprisonnée dans un genre de prison bien gardé. Aux grandes frayeurs des geôliers, j’ai réussi à maintenant mon esprit saint, du moins c’est ce que j’espérais, en les effrayants, eux. Mais qu’est-ce qu’est la folie? Qu’est-ce que c’est que d’être saine d’esprit? Puis, un nouveau gardien a pris la place de l’un de ceux qui avait mystérieusement disparu à la suite de l’une de mes crises de hurlements. Mes cris semblaient bien plus puissants que ce que j’aurais pu croire. J’ai réussi à m’échapper et à reprendre forme terrestre. Tentant, tant bien que mal, de me fondre dans la masse humaine de ce monde. Mais je ne suis pas humaine. Plus depuis longtemps. Maintenant, tout ce que je souhaite, c’est retrouvé père. Je devrais faire attention. J’ai bien remarqué que mes excès de frustration causaient, par moment, un terrible sort à ceux qui avaient le malheur de m’entendre.

Si vous devez croiser ma route, s’il vous plait, pour votre sécurité, espérez que je n’hurle pas. Cette voix dans ma tête, donc je tente avec ardeur de faire taire me rend légèrement... imprévisible.