Une virée renversante - Abraxas/Ghilian

A
vachie dans une chaise, un pied sur ma table, je regarde par la fenêtre. Le ciel est gris, il y a du vent... bref, ambiance morose et déprimante. Mais ça fait deux jours que je croupis dans ma piaule nouvellement trouvée et même si elle est confortable, bah... je m’emmerde. J’aime pas rester enfermée.


Je finis mon café avant de m’habiller très chaudement. Je vous jure, bientôt je vais ressembler à un manchot tellement j’ai de couche sur le dos. Faudrait peut-être que je pense à déménager dans un état plus chaud. Genre Hawaii. Un sourire débile étire mes lèvres au souvenir de l’archipel. Ouais. Bon bail les îles. Mais pour le moment je suis à Chicago, alors inutile de rêvasser aux palmiers et à la plage. Je claque la porte de l’appart –ça va c’est 9h passé, les honnêtes gens sont au taff- avant d’aller affronter le froid polaire.


Ok. Peut-être qu’il fait pas si froid, mais moi, en dessous de 25 degré, c’est polaire comme climat. Clair ? Bien. Donc on me laisse me plaindre en paix, merci. Je sais même pas quel jour on est tient... Est-ce que c’est important ? Clairement pas. Je prends une direction un peu au hasard. Je suis pas sortie avec un but précis. Seulement m’aérer et commencer à me repérer dans la ville. Et voir des gens aussi. Même si je leur parle pas. Deux joggeurs me dépassent sur ma droite au-même moment, allongeant ma liste de chose potentielle à faire dehors : me rincer l’œil.


Chacun ces occupations, que voulez-vous.


Bon aller ma grande, focus sur les rues et les commerces si tu veux apprendre à connaître la ville. Je continue ma petite balade, avant de m’arrêter pour m’acheter un paquet de clope. Bon ok, j’en ai payé un, je suis repartie avec deux mais ça, c’est une autre histoire. Mais je suis raisonnable. Je les laisse gentiment dans leur paquet. Je m’empoisonnerais plus tard. Je me mets à siffloter –très très faux- sur quelques mètres avant d’arrêter. Je me casse moi-même les oreilles. Imaginez le niveau quoi... A dire vrai, je pense que personne ne reconnaitrait l’air que j’étais en train de massacrer de tout mon cœur. Et si quelqu’un y arrive, je lui paye un café.


Prise d’un fou rire sur mon incroyable talent – on peut sérieusement pas faire pire- je m’engage pour traverser sans vraiment regarder ce qui se passe sur la route. Pas comme si potentiellement il y avait des bagnoles ou autre hein... Je crois d’ailleurs que mon cerveau n’a envisagé cette possibilité que quand j’ai entendu un horrible crissement de pneu sur le bitume.


Zut.


Premièrement, c’est vachement con de crever comme ça.


Deuxième, ce qui est encore plus con, c’est que j’ai quand même eu le temps de penser que c’était pas très utile de freiner. Quitte à rouler sur quelqu’un hein... autant y aller franco.


Troisièmement, et qu’on se le dise, je meurs en fervente croyante. Ma foi en une entité supérieure aura durée quelques secondes mais hé, je fais ce que je peux ! ... Mais envoie quand même de l’aide, ô être supérieur !


Quatrièmement, je crois que je suis toujours en train de rire.


Et cinquièmement... néant.

Ghilian & Abraxas

Petite virée renversante

Aujourd'hui? Journée ordinaire. Je profite d'un congé pour visiter cette ville qui se retrouve malgré elle au centre du dernier conflit en date en Enfer. J'ignore pourquoi Azazel a choisi l'option politique plutôt qu'une attaque frontale en direction du sous-sol, de la cité d'Illusk, et de ce qui se cache en dessous, mais ce faisant, il a potentiellement condamné cet endroit à devenir le prochain champ de bataille de notre espèce, à plus ou moins courte échéance. Ce que j'y peut? Pas grand chose. Je suis trop impliqué dans cette histoire pour que je puisse en connaitre l'issue, malgré la puissance de mes dons. Le voyage temporel fait partie des pouvoirs les plus dangereux qui soient, et s'accompagne d'autant de responsabilités que de règles impossibles à briser. Ma propre ligne temporelle m'est interdite, de même que - bien sur que j'ai vérifié cette théorie - celle de mes descendants directs. Impossible pour moi de savoir quelle vie ont bien pu mener mes fils après ma disparition, à moins que Maxwell et Nathan n'aient des informations à ce sujet. Remarquez que je mise plus de billes sur le premier que sur le second.
Il m'arrive pourtant d'en abuser, profitant d'un autre de mes dons, me permettant de prévoir les conséquences d'un changement dans le flux temporel, pour lui faire accepter de minuscules modifications de l'ordre de l'invisible. Comme celle que je m'apprête à commettre, sans prendre suffisamment de temps pour y réfléchir.

Je patiente au feu piéton pendant que la foule des voitures en furie dévale l'avenue, devant être le seul à ne pas avoir le nez fourré dans l'écran de mon téléphone portable. Si Elaine m'a filé quelques tuyaux pour me mettre à la page après un siècle d'absence en ce bas monde, cette fascination de la race humaine pour cet appareil est encore une étrangeté bien trop étrange pour moi pour que je m'y soumette avec facilité. Bien sur que j'ai un portable sur moi, dans le fond de ma poche, et il n'en sort que quand mon travail se rappelle à moi. Et encore, uniquement parce que je n'ai ni les moyens ni l'envie de supporter une secrétaire pour gérer mes rendez-vous sur les créneaux que je ne réserve pas au lycée.

Je disais donc que j'attends au feu rouge, quand une cinglée décide de braver la circulation en se lançant à travers sans même regarder avant de passer. Mon coté visionnaire lui donne cinq secondes et une file de véhicules franchies avant de se faire projeter sur le bitume par une camionnette et aplatir sur le sol par les deux voitures qui n'auront pas le temps de freiner derrière. Et je peux d'ores et déjà affirmer que cette femme ne gagnera pas le Pulitzer, ne découvrira pas le vaccin contre le sida ni n'ira poser le pied sur Mars, donc, je prévois de m'épargner de passer une partie de la journée au poste à livrer ma déposition de témoin de l'accident à venir. Je m'engage à mon tour sur la chaussée à la suite de l'humaine, la saisissant par le bras pour nous transporter quelques secondes plus tard, après le passage de la camionnette. Enfin, ça c'était le plan. Parce qu'il se trouve que je me cogne dans un rétroviseur au moment où j'use de mes pouvoirs.

La concentration perdue, couplée à une secousse temporelle plus forte que prévue, je me retrouve à chuter au sol, sur une surface qui ne me semble pas être du bitume. La poisse. Parce que moi seul, légèrement égaré dans le Temps, ça passe... mais avec une de ces humains incapables de tenir en place, ça craint.

G
rande nouvelle ! Après le néant, il y a bien un truc. Une envie de vomir. Classe pas vrai ? Un peu comme si vous vous leviez trop vite un lendemain de cuite. Sauf qu’apparemment je suis étalée par terre alors je vais peut-être pas me lever tout de suite. Je sais pas si c’est bien vu d’éparpiller le contenu de son estomac sur le sol alors qu’on vient d’arriver au paradis. Ou en enfer. Ou je sais pas trop où... Mais vu les bruits que j’entends – ou plutôt ceux que je n’entends pas, à savoir voitures, klaxons, travaux et autres joyeux bruits urbains- je suis clairement plus à Chicago. Allez... Ouvrons un œil pour voir où l’on atterri après s’être mangé une voiture dans la tronche !


Bon déjà, il fait un peu sombre. Mais je suis pas au milieu de nulle part, plutôt au milieu d’une pseudo route. Encore. Il y a des bâtiments vieillots sur les côtés... et nulle trace de petits angelots aux fesses potelées ou de diablotins cornus. C’est pas juste ! J’ai dis que je mourrai en fervente croyante, zut !


- Si je suis morte et que c’est ça qu’il y a après la mort, c’est décevant.


Oui je parle toute seule. Enfin il y a bien un type à côté de moi, qui semble lui aussi avoir une passion pour le sol, mais on m’a toujours dis de pas parler aux inconnus dans la rue. Paraît que ça essaye de vous filez des bonbecs pour vous droguer et vous emmener dans un coin pour vous faire des trucs pas cool. Faut dire non à la drogue les enfants. C’est pas bien. Et se méfier des inconnus mais - alerte spoiler !- j’ai jamais écouté ce qu’on me disait.


Je tâte machinalement les poches de mon blouson et en sort un paquet de cigarette. Je crois que c’est le moment de s’empoisonner. De toute façon si je suis morte, ça changera pas grand-chose et si je suis pas morte c’est que je délire et m’en griller une ne raccourcira pas plus ma vie. Je m’assois et prends le temps d’allumer ma clope avant de faire ma presque civilisée :


- Vous savez où je suis ?

Ghilian & Abraxas

Petite virée renversante

Pas besoin d'un lien particulier avec la trame temporelle pour savoir que j'ai reculé d'un peu plus que quelques secondes dans le passé. Tous mes sens me le disent. Le toucher, qui ressent la terre battue sous la paume de mes mains. L’ouïe, qui ne remarque aucun des bruits qu'émet habituellement la ville surbookée de Chicago en 2021. L'odorat, qui ne sent pas les odeurs d'hydrocarbures et de hot-dogs ayant trop baigné dans l'huile jamais changée habituellement laissées par l'activité de la ville. Et enfin la vue... qui me dit qu'on est pas à la bonne époque.

Je me relève en essuyant mon jean de la terre qui y est accrochée, jetant ensuite un œil aux environs en oubliant totalement - en apparence du moins - la femme qui m'a suivi dans ce voyage improvisé. Du moins jusqu'à ce qu'elle se mette à déblatérer des sornettes d'humain.

"Croyez-moi, l'Enfer n'est pas un endroit aussi agréable à vivre."

Je prête enfin attention à la jeune humaine à coté de moi, remarquant qu'elle est vêtue de bien trop de couches de vêtements pour être à l'aise avec. Sa question me tire un sourire en coin, et je me contente de m'éloigner de deux pas, fermant les yeux en tâchant de me mettre en relation avec le flux temporel pour déterminer notre position exacte dans le temps. 1893 hein? Une année intéressante, je dois dire.

La question n'est pas où, mais quand."

Je m'assied au sol à coté d'elle, tiquant sur les cendres de cigarette tombant sur la chaussée. Une règle du voyageur temporel? Éviter la pollution temporelle.

"Mais on n'aura pas l'occasion de visiter. Je vous ramène chez vous. En 2021. Et si possible, sur le trottoir. Mais je suis bien moins doué pour le déplacement distanciel que le temporel."

Je lui tends la main en vue d'un voyage retour plus civilisé que l'aller. Sauter sur les gens, pas trop mon truc d'ordinaire. Je laisse ça à ma pourriture de frère.

J
e regarde le type s’assoir à côté de moi, pas certaine de ce qu’il essaye de dire. Je le laisse continuer sans rien moufter. Même que je rebondirai pas sur l’Enfer, parce que je vois pas pourquoi il serait plus au courant que moi. Et pourquoi j’irais, d’abord ? J’ai buté personne que je sache. Il y a des gens pires que moi.

- Oh oui, bien entendu. Un voyage temporel...

Etonnamment, il n’y a aucun sarcasme dans ma voix, juste une sorte d’amusement : je délire totalement, sans aucun doute. Je fixe ma cigarette trois secondes, histoire de bien confirmer que ce n’est qu’une simple clope... C’est le cas. Bien. Ça doit être la bagnole. Je dois être dans le coma. Ou alors j’ai imaginé cette histoire de voiture et je suis encore dans mon appart, totalement défoncée. Peu probable mais pas impossible. Je regarde sa main tendue et décide sagement de continuer à fumer.

- J’me savais pas capable d’autant d’imagination. Habituellement j’entends les couleurs, voit deux trois trucs exotiques, j’oublie quelques heures de ma vie mais là... Je m’impressionne !

Et si mon cerveau a décidé de déconner à ce point... autant en profiter ! Je finis ma clope, un sourire aux lèvres :

- J’ai rien contre le fait de rentrer accompagnée chez moi.

Que mon hallucination prenne ça comme elle veut ! Je jette mon mégot par terre et me relève, malgré une désagréable sensation de vertige.

- Mais ça m’a l’air d’être fun comme endroit ! Je veux visiter !

Je regarde autour de moi. Ouais bon. Il y a rien de fun. Mais j’aime bien faire ce qu’on m’interdit ou déconseille de faire. Puis d’abord, mon délire, mes règles. Non mais !

- Et malgré leurs fringues cheloues, ces gens ont l’air d’être sympa !

Je pointe du doigt –ouais je sais, il paraîtrait que ce soit malpoli- quelques personnes débouchant assez loin au coin de la rue. Leur vêtements sont pas si étranges en vérité. C'est juste qu'ils auraient leur place dans un musée. Comme les bâtiments. Mais bon. C'est du détail. J'ai dans l’idée d’aller les rencontrer. Je suis curieuse de voir jusqu’où mon inconscient peut aller. Hé ça se trouve, je suis la nouvelle Alice ! Et ce type est mon lapin blanc. L’idée me fait sourire. Je regarde de nouveau l’homme –pourquoi diable ramasse-t-il mon mégot ?- et je l’imagine soudainement avec de grandes oreilles blanches, ce qui me fait exploser de rire.

- Vous avez un nom ?

Je préfère demander. Peut-être que mes hallucinations sont déjà nommées, mais dans le doute, on va pas les stresser, c’est pourquoi j’enchaîne, sans lui laisser le temps de répondre :

- Sinon je vous appelle McTwisp !

J’ai pas l’impression que ça lui plaise, ce qui me tire une moue contrariée. Elle est pourtant bien ma référence... Non ?

Ghilian & Abraxas

Petite virée renversante

Le voyage temporel, un concept compliqué à accepter pour les humains, eux qui sont pourtant nombreux à voter "voyage temporel" et "téléportation" quand on leur demande quel pouvoir magique ils voudraient obtenir si cela était possible. Y a qu'à voir le nombre de films qu'ils sont capables de nous pondre sur le sujet. Mais, mis devant le fait accompli, c'est trop compliqué pour eux, semblerait-il.

Je comprends assez rapidement qu'elle pense rêver, et je me permet de peser le pour et le contre de cette idée. D'un coté, je suis pour éviter d'attirer un trop grand nombre de simples mortels dans notre monde. De l'autre, je me dit que cette idée de rêve risque de la conduire à faire n'importe quoi, persuadée que cela n'aurait aucun bon sang de conséquence.

"Et qu'est-ce qui vous fait dire que c'est un rêve?"

Couper la poire en deux? Pour le moment. Au pire, si elle a besoin d'être pincée pour y croire, je serais son homme. Sa remarque concernant le fait de rentrer accompagnée me tire un sourire en coin. J'ai beau avoir dépassé mon troisième millénaire, je sais remarquer une belle femme quand j'en vois une. En même temps, j'ai quelques notions de civilisation, contrairement à d'autres personnes.

"Si on rentre sans perturbations, on en reparlera."

Une façon comme une autre d'essayer d'obtenir un retour rapide sans briser la ligne temporelle en cours de route? Qui ne tente rien n'a rien. Ce qui ne l'empêche pas de vouloir "visiter". Elle se relève, observant les vêtements des passants, qui vont bientôt finir eux aussi par tiquer sur les nôtres. Je ramasse le mégot qu'elle a jeté au sol, vérifiant qu'il est bien éteint avant de le glisser dans ma poche, et me relever à mon tour.

C'est quoi ce nom qu'elle compte me trouver? Je retire ce que je disait sur les noms de mes frères démons et le fait que la plupart d'entre eux auraient intérêt à trouver autre chose pour passer inaperçus sur Terre. Certains humains ont des noms qui détoneraient même en Enfer.

"Je préfère Abraxas. Et vous, j'imagine que vous avez également un nom?"

J'en profite pour user d'un artifice emprunté à un de mes frères pour changer d'accoutrement, me fiant aux modèles que je peux apercevoir sur les passants croisés plus tôt. La concernant? Ce sera davantage une illusion qu'une véritable tenue, mais, comme je l'ai déjà entendu de la bouche d'autrui, une illusion peut être parfaitement réelle pour qui y croit vraiment.

"Si vous souhaitez vraiment visiter, autant nous mettre dans le thème. En revanche, je mène. Je préfère éviter de devoir réparer vos sottises après coup."

Disant cela, je lui tend le bras, attendant qu'elle ne s'en saisisse. Autant jouer le jeu jusqu'au bout.

Il est amusant... La question serait plutôt qu’est ce qui pourrait me faire croire que c’est réel ?!


- Pour l’instant, il y a beaucoup plus de chose que je peux comprendre si je pars du principe que ce n’est qu’un délire parmi tant d’autres.


Et contrairement à ce que je laisse penser à la majorité des gens, j’aime comprendre ce qui se passe autour de moi. Vous savez, connaissances, pouvoir, tout ça... Mais c’est plus amusant de jouer la godiche. On s’enjaille comme on peut hein... Enfin bref, laissons ce problème mineur de côté, je suis certaine que je finirai par trancher en faveur de la réalité ou d’un rêve.


J’hausse un sourcil à l’entente de son prénom. Ça ressemble plus à que marque de produit d’entretient qu’autre chose. McTwisp, c’était mieux ! Mais bon. Qui suis-je pour juger du nom de mon lapin blanc... Je vais lui dire le mien quand je m’arrête soudainement, la bouche entrouverte -on a la classe où on l’a pas- sa tenue vient de changer ou je délire encore plus qu’escompté ? Je penche la tête vers mes pieds... Ok, pause ! Est-ce que mes vêtements aussi viennent de se transformer ? Je viens de passer du manchot capitonné à une robe du siècle dernier Mais le pire, c’est pas tant la robe, c’est qu’apparemment, j’ai un chapeau ! 10 dollars que j’ai une connerie de ruban quelque part sur le crâne !


Par acquis de conscience, je tiraille sur une des manches : ouaip. Aucun doute possible, ça m’a l’air aussi réel que mon adorable doudoune que je portais quelques secondes plus tôt. ... Sérieusement... Comment vous voulez que je pense réellement que c’est la réalité ce qui se passe ?!


J’ai tout de même deux neurones qui se reconnectent malgré la situation, ce qui me permet de répondre à sa question précédemment formulée :


- Ghilian.


Nan, je poserai pas plus de questions. A chaque fois il m’embrouille encore plus en m’en reposant une derrière ! Enfin ça, c’était ma bonne résolution juste avant qu’il insinue que j’allais faire des bêtises.


- Alors j’ai tout un tas de questions que me viennent à l’esprit là maintenant, tout de suite, mais je vais être grande dame et n’en poser qu’une : qu’est ce qui vous fait dire que je suis du genre à faire des sottises ?


Outre le fait de m’être littéralement jetée sous une bagnole... et que j’aborde un odieux sourire en coin qui veut tout dire. Même si soyons honnêtes, je fais plus des conneries que des sottises.


Exemple rien que pour vous : remplacer le sucre par du sel, c’est une sottise. Remplacer le sucre par une substance illégale et hallucinogène, c’est une connerie. Je vous laisse deviner de quel côté je suis... un indice : la vidéo de cette soirée était inoubliable.


Je me saisis néanmoins de son bras, toujours un sourire aux lèvres, avant de lâcher d’un ton mutin :


- Et ne prenez pas l’habitude de mener. J’ai horreur de ça.


Même si là je suis plutôt contente à dire vrai. Si on est réellement dans le passé, je préfère avoir un guide. Et si je suis dans un rêve... faut toujours suivre le lapin blanc !


- D’ailleurs, si nous sommes vraiment dans le passé, on est quand et qu’est ce qu’il y a de cool à visiter ?


Ouais parce que bon, se balader pour ne voir que des vieux bâtiments de briques...

Ghilian & Abraxas

Petite virée renversante

Conclusion logique. A laquelle j'adhère. Tant qu'elle se tient à carreaux et que je peux garder un œil sur elle, la théorie du rêve peut être gardée. Du moins jusqu'à ce qu'elle réalise elle-même que ce n'en est pas un.

"Et bien soit, disons, "pour l'instant", que cela est un rêve."

Le changement de tenue ne passe vraisemblablement pas inaperçu pour elle, et j'ose penser que ce sera un premier pas vers la réalisation du non-rêve. Le tissu entre ses doigts est par trop réel. Je dois dire que certains de mes frères sont doués dans leur art, qui ne consiste pas toujours à vouer un culte à la destruction finale de toute chose... Même les démons savent faire preuve de Création, même si ça parait un concept compliqué pour le reste du monde... et pour la plupart d'entre nous.

"Vous êtes humaine. C'est un élément largement suffisant pour moi. Devrais-je rajouter que, sans mon intervention, vous seriez confortablement installée sur le plateau de la chambre froide d'une morgue, à l'heure actuelle? A l'instant où vous avez mis le pied sur la chaussée, votre espérance de vie s'est réduite à néant. Ne me remerciez pas."

J'attends qu'elle ai glissé son bras dans le mien pour avancer, veillant à garder un rythme qu'elle soit capable de suivre. Pourquoi? Parce que les baskets ne sont pas réellement des chaussures d'époque, et je ne rêverai pas vraiment de me retrouver affublé de talons. Pas pour le style, j'ai fait pire. Plutôt pour l'art et la manière de marcher avec.

"Alors considérez que je ne mène pas. Je me contente de vous garder à portée de vue. De façon très rapprochée, certes. Mais vous autres humains avez tendance à disparaitre en un clin d’œil. Je préfère être prudent, ça m'évitera du ménage."

Je tourne au coin d'une rue, trouvant exactement ce que je cherchais, là où j'espérais bien le trouver. Chicago n'a pas tant changé en un siècle, pour être tout à fait honnête. Je m'arrête donc devant un kiosque à journaux, mon visage se rapprochant du sien alors que je lui signe de regarder la Une du journal.

"Je dirai que nous sommes le 1er mai 1893, et que l'exposition universelle vient d'ouvrir ses portes. Si ça vous dit, milady."

Règle d'or du voyageur temporel. Repérer les kiosques à journaux. Autant pour connaitre la date du jour que pour remarquer les erreurs temporelles à corriger. Comme? Au hasard, une grève générale empêchant l'ouverture de l'exposition? Là, y aurait un problème. Mais rien de tout cela à l'horizon, à ce que je vois.

Je m’en tiens a ma sage décision d’arrêter les questions alors qu’il me parle de morgue et me fait la remarque ô combien pertinente que je suis humaine. Parce qu’il est quoi lui ? Un ornithorynque ?

Cette idée me tire un faible gloussement qui passe inaperçu, alors qu’il en remet une couche. Comment ça « nous autre humain » ? Je note cette insistance étrange dans un coin de mon cerveau avant de me ré intéresser à mon environnement alors qu’il m’entraîne à sa suite. Tss. Heureusement qu’il ne devait pas mener... C’est bien un homme tient...

Il s’arrête devant un vieux kiosque à journaux avant d’enfin me répondre. Huhum. 1er mai 1893, première exposition universelle... Il ne faut que quelques secondes à ma cervelle pour me balancer une info sorti de ses recoins les plus obscurs, c’est donc la donc première...

- Grande roue !

Je m’exclame tout fort, sautillant presque sur place, manquant de me vautrer en oubliant que mes chaussures plates ont été troqué par des godasses miteuses avec des talons horribles.

Je suis pas contre les talons, mais il faut que les chaussures soient classes, et de ce que je vois en tirant sur ma robe pour la remonter un peu, c’est pas vraiment le cas.

- Franchement, quitte à me relooker, j’aurais pas pu avoir des Louboutin ? Ou des Prada ?

J’ignore complètement les quelques personnes à s’être retournées vers moi, levant un regard interrogateur vers mon lapin blanc, même si je pressens que je peux aller me brosser pour mes chaussures de luxe.

Rabat-joie.

- On peut aller faire un tour de grande roue ?

Grand sourire enfantin de ma part pour laver sa réponse effrontément négative quand à ma dernière demande.

- S’il vous plaît.

Même que j’y mets les formes cette fois. Mais je ne jure de rien si je n’ai pas ce que je veux. Je tolère qu’on me dise non une fois, mais pas deux. Que voulez-vous, je ne sais pas gérer convenablement mes frustrations.