Rescue me
feat libre & Raegan
Glaglagla. Froid. Glacé. Pourquoi j'ai eu la bonne idée de sortir en pyjama sans enfiler le moindre manteau? Malgré le retour des beaux jours, les nuits restent fraîches. Je le sais bien, pourtant. Pour un génie j'ai par moment l'intelligence d'un escargot. Quoi que, je n'aime pas cette formulation, je la trouve insultante envers ces pauvres
gastropoda. La mâchoire qui claque et les genoux qui se cognent, je trottine jusqu'à la benne ordure en face de mon immeuble. La dernière corvée du soir avant de m'endormir sur mes deux oreilles.
— Excusez-moi...Une voix masculine et caverneuse sort de nul part. Enfin non, pas de nul part. Il y'a bien quelqu'un derrière moi et cette intrusion soudaine m'arrache un hoquet de surprise. Le cœur tambourinant contre ma poitrine, méfiante, je me tourne en direction de l'intrus. D'ordinaire, la rue est déserte à cette heure aussi tardive. Et oh bordel! Interloquée, mes yeux s'ouvrent en grand pendant que je détaille l'homme en face de moi. C'est un véritable géant de muscles et de testostérones. Je déglutis.
— Connaissez-vous une Raegan Valentin?C'est Valentine, connard. Et ensuite, merde, il me veut quoi, ce gars? J'hésite... mais pour une fois, mentir me semble la seule option.
— Non. Désolée.Mon rêve, c'est d'être danseuse ou chanteuse mais certainement pas comédienne. Je feins l'indifférence mais je suis à chier. D'ailleurs une chance que j'ai été au popo la demie-heure d'avant parce que là, je me serais retrouvée avec une chiasse d'enfer tellement j'angoisse. Je souris... J'essaie en tout cas et je me détourne de lui, prête à partir, parce que bordel, elle pue cette benne. Au retour de mon frère, je compte bien avoir une discussion avec lui. Sérieusement ce gars c'est qui? D'où il connaît mon identité et mon adresse? L'angoisse, je vous dis.
— Vous mentez, qu'il réplique simplement.
Bordel. Et je ne vois pas la tête qu'il tire comme je lui ai tourné le dos. La chiasse! Pourquoi je l'imagine soudainement avec un sourire carnassier?
— Pourquoi poser une question si vous pensez déjà détenir une réponse? Non pas que je veuille jouer à la plus maligne mais c'est quand même perturbant, non? Poser une question sans se soucier de la réponse, c'est d'un ridicule! Je n'obtiens aucune réponse claire. Par contre j'entends des froissements de tissus. Il se rapproche.
C'est typiquement dans ce genre de moment où je me met en pilote automatique. Je crois que c'est l'instinct. Vive, je me retourne, mon sac poubelle brandit en face de moi tel un bouclier. Réflexe qui me sauve la vie puisque la poubelle en question vient d'être éventrée par une lame aussi tranchante qu’impressionnante. Le contenu du sachet se déverse sur le sol et j'ai malgré-moi une pensée pour les éboueurs. Les pauvres. Bordel Raegan tu vas mourir! Oublie l'écologie deux secondes!
Les yeux de cet homme sont étranges. Noir. Un noir profond. Okay ce n'est pas un humain et je suis certaine de ne pas remporter ce combat. Alors je prend la décision la plus sage et avisée au monde : courir le plus vite et le plus loin possible. Sauf que je n'ai le temps de rien. Sa main colossale m'attrape à la gorge. Aïe. C'est douloureux. L'air. Je vais manquer d'air. Bordel je vais vomir.
— On doit causer, qu'il grogne en me traînant vers la ruelle. Bah tiens... la minute d'avant il voulait me charcuter et maintenant il veux causer? Ah ah très marrant. Enfin non, pour moi c'est loin d'être l'éclate. Mes petites mains essayent en vain de desserrer l'étau de sa grosse paluche. Peine perdue.
*** Une heure plus tard ***
Bien qu'amochée, je traverse les rues de Chicago à vive allure. Courir pour vivre. Fuir pour survivre. Ces derniers temps, j'ai l'impression d'être bonne qu'à ça. Fuir. Une chasseuse. Mon cul! Mon cœur palpite violemment à l'intérieur de ma cage thoracique. Mon corps est endolori par l'effort et les coups que j'ai reçu. Toutefois, je tiens bon. Je n'ai pas le choix. Si il me rattrape, il va me tuer. J'en suis certaine. Quant à combattre? Non. Je ne peux pas. J'en suis incapable. Il est trop fort. Je me sens comme un animal traqué, sans issue. Et à chaque coup d’œil derrière moi, j'ai l'impression qu'il prend de l'avance.
Rien, absolument rien ne devait m'arrêter dans mon élan. Ni les rares passants qui me regarde étrangement parce que je cours comme une folle, vêtue d'une chemise de nuit Titi & Grominet, ni cette fichue peau de banane candidement étalée sur le sol. Et pourtant, ouais, pourtant, la fatalité vient mettre son putain de grain de merde. La semelle de ma converse dérape sur cette putain de pelure. La seconde suivante, mes fesses tombent lourdement sur le bitume glacé.
Pour le coup j'ai l'air bête. Assise sur le trottoir à avoir bêtement trébuchée devant je ne sais trop qui. Et le démon qui est toujours à mes trousses. Je dois repartir et vite.