Objet volé

Une main dans les cheveux, je joue distraitement avec la perle qui me permet de survivre à l’astre du jour. Je me dirige d’un pas souple en direction du Pandémonium, hôtel fort luxueux dont il m’a été donné la chance de squatter une nuit. Bon, d’accord, j’ai mis le prix, mais j’avais besoin de cette échappatoire à l’époque. Un soupire franchit mes lèvres en repensant aux songes étranges qui ont hanté mon sommeil, notamment la forte présence de Luka, mon ex, dans chacun d’eux. Je ferme les yeux et grimace, c’est pas le moment ! C’est pas le moment ! Je chasse ses souvenirs de ma mémoire et me focalise sur la mission qui m’incombe. Mettre du beurre dans les épinards … façon de parler … j’suis plutôt au régime sangsue, mais Silas a, à très juste titre, rappelé que nous avons besoin de temps en temps d’accepter des affaires moins glauques, mais qui rapportent un peu plus. C’est le cas de celle-ci. Si j’ai bien compris, l’homme qui m’a interpellé a assez d’or pour couvrir certaines affaires bien moins lucratives. Un nouveau soupire m’échappe et je me plaît à penser que cette affaire peut tout de même s’avérer des plus plaisantes au milieu de toutes nos enquêtes de meurtres sordides.

Je passe la porte principale avec l’assurance d’un homme qui a tous les droits d’être là. Chose partiellement vraie … j’ai le droit sans doute, mais je ne suis plus un homme depuis de nombreuses années et je me dois de rester vigilant. Mon charme me permet de survivre, mais mes capacités sont fortement réduites et je n’ai pas encore tous les tenants et les aboutissants de la requête de notre investisseur.

Arrivant au niveau du bar, je repère un homme seul, attendant semble-t-il quelqu’un. Un sourire vient illuminer mon faciès et je m’avance vers lui.

« Monsieur Vingbal ? »

Je lui tends une main glaciale afin de le saluer.

« Enchanté, je suis Dante, détective privé. On s’est eu au téléphone. »

Je lui adresse un nouveau sourire, toujours amicale. Je suis peut-être un cadavre ambulant, mais ça empêche pas d’être poli.

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Monsieur Dante, j'avoue, je ris intérieurement, mais bon, je viens d'imaginer la tête de Nath s'il voyait quelqu'un m'appeler avec autant de courtoisie. Je lui adresse un sourire amusé.

"Juste Dante, ça m'ira très bien."

Regardant mon interlocuteur faire, j'arrête le serveur au moment où il compte remplir mon verre. Pas que je ne bois pas pendant le service ... l'alcool n'a pas vraiment un effet dévastateur sur mes compétences, mais je préfère le rhum, brun tant qu'à faire. Chose que je demande au barman en lui donnant un clin d'oeil pour le remercier.

" Merci pour le verre et ne t’inquiète pas, toute affaire est bonne à être résolue."

Oui, je sais, je tutoie encore et toujours, mais il est pas né le premier qui me fera ... ah si je crois que j'ai vouvoyé Nath une fois ... Mais il m'avait énervé ou un truc du genre et j'sais pas ce qui m'a pris ... comme quoi, il ne faut jamais dire jamais. Enfin bref, tout ça pour dire que si je ne vouvoie pas, c'est juste que dans mon apprentissage de la langue, j'ai pas trouvé ça utile. (surtout qu'officiellement ça existe pas en anglais mais chut !) Je m'assied à ses côtés et savoure une belle gorgée du liquide ambrée. On peut rajouter une qualité à cet hôtel, il choisit à la perfection ses crues.

Le dragon me présente un dossier et m'explique brièvement que je peux tout trouver dedans. Je fronce les sourcils et me penche sur le contenu ... Je ne peux même pas traduire ma surprise en lisant les premières lignes. Il semblerait que le mystère, à défaut d'être un danger, soit au moins des plus amusants. Pour résumer, j'ai une armure hantée par je ne sais quel esprit qui se promène sans doute, accompagné ou non. L'énigme réside donc de savoir si notre chère armure a décidé de prendre la poudre d'escampette par elle-même ou si quelqu'un l'y a aidé. Préférant ne pas taire certaines éventualités, je complète mes informations auprès du brun.

" T'as la moindre idée de quel esprit hante ton armure ? Et s'il est dangereux d'une quelconque manière ?"

Parce qu'autant, si c'est juste une fugue, j'veux bien, mais si elle commence à foutre des coups de hache aux gens gratuitement, le problème va être tout autre. Oui, parce qu'une armure, ça a forcément une hache à deux mains, double tranchant, hyper shiny et tout et si vous pensez que j'ai regardé trop de film de vampire en Transylvaine, vous avez raison.

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Je hausse les épaules et une nouvelle question me vient à l'esprit.

"Attend mais, elle vient de fuir ton armure ? J'espère qu'elle aura pas eu le temps d'aller trop loin de toutes manières voir même si elle est pas encore à l'hôtel parce que j'imagine pas un truc pareil passer une porte sans se faire remarquer effectivement."

Je lui adresse un clin d'oeil, j'y crois dur que l'armure n'est pas sortie des murs (belle allitérations en "ur" par ailleurs, j'suis fier de moi. Je devrais songer à écrire des poèmes pour mon homme).

"T'avais fait un truc pour que l'esprit se manifeste pas avant de l'exposer ? Parce qu'au final à part l'exorciser à la base, j'ai du mal à comprendre ce qui aurait pu la rendre réellement inoffensive."

je croise les jambes et attrape mon verre pour le siroter tranquillement alors que l'homme en face de moi semble se laisser gagner par l'inquiétude. Je lui adresse un sourire franc et use de ma capacité pour le convaincre que tout va bien se passer. Je me redresse et m'accoude sur mes genoux, mon menton posé sur mes mains entrelacés.

"Mais j'adore qu'on me court après ! Non et plus sérieusement, pour l'instant, crois-moi, il n'y a rien que je ne puisse résoudre et si vraiment ça dérape, on verra pour mon partenaire mais ..."

Je jette un regard par la fenêtre et contemple l'astre du jour. Pour moi, c'est de la rigolade de me promener sous ses rayons, mais mortel pour mon collègue qui n'a pas la chance de posséder un même artefact que celui que je possède.

"... faudra attendre ce soir, il est pas dispo pour le moment."

Je replonge mon regard dans celui du dragon et me lève sur mes deux pieds, finis cul sec mon verre avant de lui répondre.

"Si tu veux, on peut déjà faire un tour de l'hôtel et j'dirais pas non pour voir la porte entre ton musée et l'hôtel pour comprendre un peu le truc."

Je lui adresse un signe de la tête pour lui indiquer que cela serait bien qu'on commence de suite l'exploration afin de ne pas donner plus de temps à l'armure pour quitter l'hôtel ou réussir à accomplir ses desseins si ce que me dit son propriétaire est vrai. Pas le moment de lambiner et plus ça va, plus je kiff de résoudre une enquête au ton plus léger et sans cadavre à la clé, d'où que j'aimerais que cela reste le cas et que l'entité ne se déchaîne pas.

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Au final, le dragon ne me donne aucune réponse … Je veux bien qu’il garde son jardin secret, sa part de mystère et tout le tralala, mais s’il veut que j’enquête, ce cher Hurlonne va devoir s’ouvrir un peu … C’est simple, soit il le fait de son plein gré, soit je fouille et quand je fouille, je trouve de tout. Pour le moment je le suis passivement alors que le jeune homme ne me montre que ce qu’il veut. J’ai demandé une visite de l’hôtel et éventuellement de voir la porte, juste de la voir. Je crois que le dragon est bien trop fier de montrer son antre et la fortune qu’il a dû accumuler au fils des années alors qu’il zappe totalement ma première demande pour directement me conduire chez lui. En tant normal, lorsqu’un bel homme m’invite à son domicile, cela pourrait me rendre tout feu tout flamme, mais de un, je suis fidèle et de deux, le côté tout feu tout flamme avec un dragon me fait un peut craindre pour ma vie. Petit hic, mon client ferme la porte derrière moi et j’avoue ne pas apprécier la sensation d’être pris au piège. Je fronce les sourcils et ne dissimule nullement mon inconfort.

« Ok, je ne suis pas sûr d’être à l’aise avec le fait que je ne comprenne pas comment retourner chez moi. »

Je jette un œil à la porte magique et comprends rapidement que je ne vais être en mesure de l’activer tout seul … Toutefois, un soupir plus tard, je capitule et m’active à commencer mon enquête là où il souhaite que nous commencions.

« Admettons … Si tu veux, tu peux déjà me montrer la salle où l’armure était exposée. »

Un regard autour de moi me suffit à constater l’accumulation de biens que possède cet homme. C’est phénoménal ! Moi qui suis incroyablement minimaliste, mon violon, un livre et Nath sont tout ce qu’il me faut pour être heureux. J’suis plutôt Marie Kondo dans l’âme il faut dire. Si je devais partir demain avec un sac à dos sur le dos, je pense que je n’aurais aucun mal à laisser tous mes biens derrière tant que mon sorcier m’accompagne. Enfin bref, tout ça pour dire que je peux que concevoir qu’il ait perdu la trace d’un de ses trésors compte tenu du nombre qu’il a … Je sais pas comment il fait pour garder un œil sur tout. Toutefois, y’a quand même un truc qui me titille, que je ne percute pas.

« La porte était déjà ouverte, ce n’est pas possible que l’armure l’ait activé toute seule. »

Je me tourne une fois encore vers le mécanisme magique.

« Ou alors elle est capable de l’ouvrir toute seule et dans ce cas-là, il vaut mieux qu’on retourne fissa à l’hôtel pour mettre la main dessus. »

Je me redirige vers mon client puisqu’in fine, il est bien le seul à pouvoir décider de ce qu’il veut faire. Encore, une fois, je n’aime pas du tout cette situation où je ne contrôle rien. Je ne devrais pas dire cela, mais trop de magie me met mal à l’aise. Je ne me sens pas dans mon élément et ce n’est certainement pas en sortant avec Nath que j’en ai appris plus. Je croise les bras sur mon torse et plonge mon regard bleuté dans le sien. Certes il est plus grand que moi, peut-être plus fort, mais j’me ne laisse certainement pas impressionner par qui que ce soit …

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Ma main vient s’écraser sur mon front face à ma bêtise. Bonjour ! Je suis un vampire et je sais pas ouvrir une porte ! J’ai sans doute trop pris l’habitude des fenêtres et je pense pas que cela soit bien plus rassurant … quand on pense au nombre de fois où j’ai réellement ignoré l’entrée évidente pour me contenter de l’ouverture du deuxième voir étage encore plus haut … Je suis incurable sur ça.

« Non, mais t’inquiète, en plus de pas être doué avec les ascenseurs, je dois avoir une aversion naturelle pour les portes aussi. »

Je le laisse vociférer contre certaines créatures et j’avoue être impressionné. J’existe. Je suis un vampire. Mais à chaque fois que je découvre qu’une autre légende est vraie, c’est comme si je tombais des nues. C’est impressionnant le nombre de créatures qui peuplent la terre et dont on a pas idée … sans compter celle du ciel et de l’enfer. Nath peut me dire ce qu’il veut, mais je suis sûr d’en avoir croisé plus d’un qui peuvent prétendre à l’un ou l’autre ou qui voudrait y prétendre tout du moins. Sans compter que mon client est un dragon !! Un dragon les gars ! C’est genre Donjon et Dragon en réel et un truc du genre dont m’a parlé le p’tit de Silas. Un geek ce gosse. Nous finissons par arriver devant le lieu d’exposition de la pièce maîtresse, celle qui a pris la poudre d’escampette …

« J’dis pas non, vite fait, juste sur le moment de a disparition parce que si on commence à tout visionner, on va vraiment la perdre et après on retourne fissa à l’hôtel pour en faire le tour. J’espère juste qu’elle en aura pas profiter pour se tirer, j’suis pas hyper serein depuis qu’on est parti. »

Bon d’accord, c’est sans doute parce que la porte m’a fait un effet du tonnerre et que j’ai bien cru que j’étais pris au piège, un vrai rat dans une cage. Quoique, plutôt un lion … J’ai même la crinière qui va avec, une magnifique crinière dans laquelle je passe une main avant de finir par jouer avec la perle tressée. Le dragon me guide jusqu’à la salle de surveillance et nous visionnons le passage désiré. Il faut dire que sur la scène de crime même, y’avait pas grand-chose. Une vitre clairement explosée depuis l’intérieur, des traces de pas qui s’éloignent et basta … Je pense honnêtement que la vidéo ne nous montrera rien et qu’il vaut mieux qu’on se dépêche de la retrouver. C’est une chasse et le prédateur en moi hurle pour qu’on le libère !

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Je vous jure que je me retiens. De ? De le bouffer. Déjà, il écoute rien, on se barre après avoir rapidement visionner la vidéo et ensuite il se joue de moi avec un certain mépris que j’interprète très mal. Je ris, jaune, mais je ris.

« Tu me touches, je t’éclate. »

Un sourire carnassier sur le visage et je lui fais bien comprendre que je n’ai pas bien pris sa dernière vanne. Je n’aime peut-être pas ce genre choses, à savoir les objets magiques, mais j’aime encore moins qu’on se foute de moi. Je passe donc sans un regard la porte et n’attends certainement pas qu’il me suive pour poursuivre dans le sens de mon flair, là où mon investigation doit réellement continuer. C’est fini. Je ne prends plus en compte ses indices ou ses recommandations, il est clair que le dragon n’a aucune idée de comment procéder suite à la disparition d’un de ses artefacts magiques. Je crois qu’il ne se rend même pas compte du danger dans lequel il met les citoyens de Chicago. Pour la peine, je m’imprègne de mes souvenirs de la salle et j’essaye d’internaliser l’empreinte magique qu’il me semble avoir déceler autour de la vitre brisée, une odeur plus qu’une aura, je ne suis pas assez sensible à la magie. Ok, d’accord, y’a même carrément une vieille odeur de rouille qui pourrait entrer en ligne de compte, mais j’assume, je suis un vampire pas un mage après tout.

Pour mon plus grand soulagement, mon odorat me guide vers les étages et j’en conclu peut-être trop hâtivement certes, mais qu’il semblerait que la fugueuse n’ait pas encore quitté l’hôtel. Je pousse la porte d’une chambre, déserte, pas un bruit ne règne, toutefois, aucun doute, je suis sûr qu’elle est là. Un sourire victorieux se dessine sur mon visage et je me félicite d’avoir réussi avant que Silas n’ait dû intervenir. Dans tous les cas, je n’aurais pas pu le laisser seul avec Hurlonne, c’est sûr qu’il aurait jamais eu la patience de la supporter, parce qu’il y a une chose à savoir, c’est que c’est moi le social, hyper avenant et empathique envers nos clients …. Je crois que c’est la première fois que je suis poussé à bout au point d’avoir mal répondu quitte à ne pas me faire payer, je m’en fiche.

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Je regarde le dragon papillonner à travers la pièce et croisse mes bras sur mon torse. Il a l’air de se faire une idée de ce qui se trame et je suppose que cela ne le lui plaît guère. Je souris. Il me rend vraiment perplexe que ça va en devenir adorable s’il continu.

« Non, mais cherche pas, elle est pas passée par la fenêtre, on est au 3ème étage et j’imagine pas un truc de plus de 100kg avoir l’agilité de descendre en rappel le long de la façade de l’immeuble et que personne ne l’ai remarqué … Si tu veux mon avis, elle a juste assez de jugeote pour essayer de nous mener en bateau. »

Je me baisse et passe un doigt dans la poussière de rouille et des traces laissées bien trop en évidence pour que cela soit autre chose. J’ai assez d’années en tant que détective pour m’en rendre compte … 24 ans c’est pas si mal ! J’fais plus jeune que mon âge paraît-il !!

« Suis-moi … »

Je poursuis et repère qu’une autre porte dérobée permet de sortir de la chambre … Elle est pas si discrète que cela, je rappelle, c’est une armure, le pauvre esprit n’a pas eu la chance de sa vie en venant hanté un tel objet … la poupée Chucky était mieux loti pour le coup. Je me tourne une fois encore vers Mr Vingbal.

« Elle a dû continuer par ici, elle doit être complétement perdue. On aura sans doute besoin d’un exorciste à la clé pour relâcher l’esprit et lui permettre de se défaire de l’armure. Tu perdras ton précieux artefact, mais je pense qu’il est inhumain de la conserver contre son gré. Qu’en penses-tu ? »

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Je fronce les sourcils lorsqu’il évoque le fait de faire fondre l’amure.

« Tu crains pas qu’elle t’en veuille et s’en prenne à toi ? Je sais pas si ça craint pas un peu comme solution, c’est quand même compliqué ces histoires. Désolé vraiment, c’est pas ma tasse de thé les esprits à la base. J’aime mieux ce qui est bien tangible. »

Le mieux c’est quand on peut converser avec, avoir un terrain d’entente, sinon au moins pouvoir écraser mon poing dessus si ça se passe mal. Là je vois pas bien l’aboutissement. Je finirais sans doute par me fracturer le poignet si j’essayais de défoncer l’armure à main nue et je préfère pas savoir ce que l’esprit pourrait concocter pour se venger.

C’est pas tant détruire l’objet qui m’importe, mais plutôt d’apporter la paix à une âme et manque de peau, j’suis pas nécro !

« J’aimerais bien comprendre quand même ce qui l’a poussé à agir aujourd’hui plutôt qu’un autre jour. C’est étrange quand même. Peut-être que ce serait éventuellement un indice pour découvrir l’identité de ce fantôme non ? »

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