Des souvenirs qui font mal...

J’suis pas des masses exigeant, ni même bien chiant, mais qu’on se donne rendez-vous, ça serait quand même cool de se pointer au lieu-dit plutôt que de me poser un lapin. Moralité, j’envoie un message assez light à Matt juste pour savoir ce qu’il branle et s’il a pas un souci de dernière minute qui le retient ailleurs. Un soupir franchit mes lèvres et je lève les yeux au ciel à sa réponse. Disons que c’est pas vraiment à côté et j’ai la flemme de prendre les transports en commun (ouaip ! ça existe ce genre de flemme). Moralité, je prends le temps de marcher en ville d’un pas plutôt rapide pour arriver à l’autre demeure (sans doute pas les deux seules d’ailleurs j’en mettrais ma main à couper) de mon copain.

Arrivé devant la maison, j’inspecte d’un rapide coup d’œil les environs. C’est étrange de la voir ici, de ne jamais y avoir prêté plus attention que cela. A force d’arpenter les rues, j’ai dû faire un tri inconscient des endroits « inutiles » pour survivre et sans doute que celui-ci en fait partie. Aujourd’hui, compte tenu de ma considération pour Matt, je n’ai plus qu’à le réinscrire au fer rouge dans mes méninges.

Je pousse le battant de la porte qui ne m’offre aucune résistance et me fige une fraction de seconde sur le pas de celle-ci. On dirait qu’il y a pas un chat et pourtant, j’rêve pas ! Il m’a bien dit qu’il était là. Je fronce les sourcils et me met à l’appeler par son prénom en espérant obtenir rapidement une réponse. C’pas qu’il va finir par m’inquiéter, mais bordel, qu’est ce qu’il fout !

« Matt ? »

J’essaye plusieurs fois et m’apprêtant à abandonner, j’entends finalement sa voix provenir de l’étage. Je monte les escaliers quatre à quatre pour le trouver affaler derrière la porte de ce qui semble être un placard, un air de chaton perdu sur le visage lui donnant l’air incroyablement fragile. Je m’accroupis devant lui et essaye de capter son regard.

« Hey … »

Je pose une main sur son visage et relève son menton. J’lis pas dans les esprits, mais il va pas bien et je connais cette expression. J’en profite pour poser un baiser sur son front et m’assied à ses côtés.

« Tu veux en parler ? »

J’ai toujours su être l’oreille attentive, alors c’est la moindre des choses que je le sois pour lui.

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Je veux bien concevoir qu'un endroit, un objet peut être synonyme de douleur pour un autre. Personnellement, j'ai jamais eu assez de bien pour l'attribuer à un mauvais souvenir ni même un endroit stable. Un coup d'oeil rapide sur l'environnement qui m'entoure et j'essaye de me faire une idée de ce qui cloche ici. Il a l'air de s'être mis la misère rien qu'en rentrant dans un placard. Silencieusement, je m'exécute et l'ouvre pour y découvrir des fringues parmi lesquelles, un robe noire élégante, certes, mais qui m'irait pas du tout ! Je soupire. J'ai une vague idée que c'est son passé qui vient le hanter et que mon compagnon a pas eu la meilleure idée du monde que de se pointer ici seul sans m'attendre. J'veux bien être présent pour lui, mais faut-il encore qu'il me laisse. J'ai déjà mon lot d'expérience avec Nath, j'sais parfaitement être l'oreille attentive, l'épaule sur laquelle pleurer voire même l'amant réconfortant ... même si c'est carrément passé ça pour lui et non merci, j'veux plus de mon frère sous cet angle-là.

Je retourne m'assoir auprès du brun alors qu'il me murmure ses regrets.

"Le passé, si tu deal pas avec, il va pas arrêter de te revenir à la face ... Si tu veux, on peut faire ça ensemble ..."

Je vais pas le forcer, ni même lui courir après pour, mais qu'il sache qu'il est pas seul. Après, ça sera à lui de m'inviter à rentrer dans son jardin secret. Je suis pas du genre intrusif à le faire par moi même et au vu des photos de couple qui ornementent les murs, j'parierais sur une histoire d'amour qui a mal fini, le genre amour perdu abruptement dont il a pas eu le temps de faire le deuil. Le connaissant, il a du se plonger dans son travail pour essayer d'oublier sauf que non ... ça s'oublie pas et j'dirais même que c'est ce genre de chose qui fait ce qu'il est aujourd'hui, c'est pas bon non plus de renier notre essence même.

"Tu veux qu'on descende, qu'on se mette ailleurs que dans cette pièce ?"

P't être déjà lui permettre de se détacher physiquement de l'objet qui a causé ce trouble, ça sera le premier pas vers de plus amples explications.

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J’ai ni envie de lui dire que je comprends ou même que je pourrais me mettre à sa place, j’suis différent. Je vis avec mon passé et m’en détache, mais on est tous différent et si je me sens impuissant en cette seconde, ça me pose pas tant de soucis que ça de me dire que pour d’autres, j’vais essayer d’être sa force. C’est ça un couple, non ? Enfin, si j’ai compris le principe …

Première petite victoire, il se détache du plancher et me suis vers le rez-de-chaussée ! On y croit, haut les cœurs les amis !

« J’suis pas médecin et encore moins psychologue, mais j’crois avoir notion que le deuil, peu importe comment tu le fais, tu vas passer par toutes les étapes … ça va faire mal et c’est ça qui va te permettre de rendre réel le truc pour pouvoir l’accepter … finalement j’vais p’t être passer une équivalence pour ouvrir un cabinet ! »

Qu’il s’inquiète pas, on n’en souffrira pas. Il a une vie à digérer et elle est déjà bien assez longue, j’vais pas le blâmer de prendre son temps pour le faire. Franchement, je me retiens de faire un « oooh » et de sourire bêtement en me disant « je t’aime ». J’l’avouerais pas ouvertement, mais j’trouve ça trop adorable, surtout la tête qu’il fait juste après en se rendant compte de ce qu’il vient de dire. J’passe une main dans ses cheveux et lui souris en retour, alors que je vois bien qu’il essaye de procéder entre son passé et son présent.

« Et je suis à 200% avec toi ! »

Je regarde autour de moi pour découvrir les lieux rapidement. C’est cosy, je reconnais bien là le genre de l’homme assis en face de moi. Simple et élégant.

« Mon but, c’est pas d’te faire cracher le morceau, mais si t’as besoin d’en parler, tu peux et si tu veux juste vendre cette maison, la rénover ou que sais-je, ben c’est tout pareil. T’as juste à me dire ce que je peux faire pour t’aider. »

J’dirais bien que j’ai aucune idée de ce que le brun a envie de faire pour faire son deuil, alors ouvrir le champ des possibilités et on verra. S’il veut aller manger une glace, j’suis pas contre non plus d’ailleurs.

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Hey ! C’est vexant ! Non, mais honnêtement, il a pas tort, j’irais pas remettre mon cul sur les bancs d’une école déjà que j’y ai vraiment pas tenu longtemps voir moins que ce que j’aurais dû normalement faire. Je lui assène une pichenette au nez pour lui signifier ma protestation.

« Même pas besoin de passer par l’école ! Je me forme par l’expérience mon ami ! »

Je l’accueille au creux de mes bras alors que le brun se pelote comme un chaton essayerait de le faire dans un panier tout juste à sa taille.

« Y’a pas d’urge, prends ton temps pour décider, mais te laisse pas ronger comme ça. Rien que de te dire qu’un projet va se mettre en place, j’suis sûr que ça va t’ouvrir les yeux.

Finalement, il évoque une possibilité qui semble raviver la flamme un tant soit peu. En revanche, j’avoue avoir quelques difficultés à le suivre … J’ai dû mal à comprendre qui il considère comme étant mon entourage.

« Va falloir être un peu plus explicite Matt si tu veux que je comprenne. »

Il prend des airs penseurs et je vois bien que tout un tas de choses doivent se construire dans sa tête. Aucun doute qu’il faudrait que j’y sois pour déchiffrer les énigmes qu’il évoque. Moralité, je me réveil et regarde par-dessus son épaule pour essayer de voir s’il y a quelque chose d’intéressant par-là qui me mettrait la puce à l’oreille. J’espère pas trop, mais sait-on jamais.

« Si y’a bien un type qui peut avoir des rêves de grandeur et les atteindre, j’suis persuadé que c’est toi. »

J’dis pas ça parce qu’il à l’argent, mais plutôt parce qu’il m’a pour l’instant toujours prouvé que s’il avait une idée en tête, il l’a laissé pas mourir bêtement, mais essayait de réaliser l’objet de ses fantasmes.

« Dans tout ça, j’dirais pas non à ce que tu m’expliques mon rôle pour t’aider. »

Je passe mes bras autour de sa taille alors qu’il continue de contempler le dehors et la petite terrasse. Encore une fois, je le retrouve bien là dans ce genre de décors. C’est cosy et moderne.

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Mon savoir de la rue … ça me fait toujours rire cette expression, comme s’il y avait une intelligence particulière qui se développait à y vivre. Moi j’appelle ça de la débrouille ou au pire, de la survie, mais de là à dire que c’est de l’intelligence …

« Je fais pas trop le liens entre la rue et ta maison … à part peut-être le pas de la porte qui joint les deux mais j’ai pas l’impression que c’est aussi littérale ce que tu veux dire ! »

Oh la, j’ai dû trop traîner avec Dante pour faire des blagues aussi bas niveau … C’est Nath aussi qui m’inquiète quand il s’y met.

Les rêves, les désirs … ça aussi c’est compliqué et j’ai l’impression que la nuance se fait vraiment avec sa vision de démon plus qu’un être humain peut vraiment l’entendre. De mon côté, j’vois juste que Matt s’implique et c’est ça qui me fait espérer qu’il passe à autre chose. Je lève les yeux au ciel à sa dernière réplique.

« C’est sûr, te supporter ! C’est au moins ça. »

Si j’affiche pas clairement un panneau ironie, c’est bien parce que le ton de ma voix laisse pas de place au doute. De tous les mecs que j’ai pu avoir, Matt est vraiment, vraiment, mais alors vraiment pas chiant. Il est pas sur mon dos, me fais confiance et en même temps on construit notre truc tranquillement sans se prendre la tête malgré les mondes qui nous séparent, sans avoir que faire du quand dira-t-on.

Je dépose un baiser sur son sourire et reprends plus sérieusement.

« On a la chance de pouvoir dire que notre affaire roule … Tu l’sais au moins ? »

Pour le reste, son passé et ses souvenirs, on va pas annuler ce qu’ils sont, mais avancer ensemble, ça me va très bien.

« Je prends la place que tu m’donnes dans ta vie et ça me va. Alors tu as envie de faire quoi avec mon « savoir de la rue » ? »

Je souris en réutilisant son expression que je trouve tellement digne d’un gars de son genre et de sa part, je sais que c’est un compliment.

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Franchement, même le plus insensible deviendrait tout guimauve devant lui. On dirait un p’tit oiseau tombé du nid ou un chaton égaré. Mais j’dois bien être un des rares avec qui il se permet de se montrer comme ça et j’peux pas résister à l’envie de le prendre dans mes bras. J’ai toujours eu un syndrome du chevalier en armure et voilà ma princesse !! Un beau gosse, PDG et moitié démon … définitivement, pas une blanche-neige, c’est sûr.

J’esquisse un sourire alors qu’il me propose de me faire un coin dans ses affaires.

« Ben j’ai pas grand-chose, mais si ça te fait plaisir, t’peux toujours me faire une place. »

Je pose une main sur sa poitrine.

« Moi, ce qui m’importe, c’est celle-là. »

Je demande pas grand-chose, juste de l’honnêteté. Qu’on se la fasse pas à l’envers et si un jour il me supporte plus, j’préfère douiller et le savoir plutôt que de vivre dans un mensonge. Je l’attire vers moi et passe ma main dans ses cheveux alors que mon nez vient se fourrer dans son cou. Il en gros sur le cœur en ce moment et j’me sens autant nécessaire comme ami que p’tit ami. J’peux lui offrir les deux sans problème de toute façon, j’suis très partisan que dans un couple, ta moitié a bien une place en top liste de tes amis, sinon je vois pas comment ça pourrait marcher. La preuve en est avec Nath, on a su être amant, ami et maintenant frère. Comme quoi, le cœur peut bien passer de l’un à l’autre tant que c’est sincère.

« C’est pas que j’te sens pas, mais si t’es pas d’attaque aujourd’hui, on peut autant aller se promener et sortir un peu d’ici. J’pense que t’as assez ruminé pour la journée et maintenant que tu as les idées plus claires, on reviendra. »

C’est sûr que ça sert à rien de rusher. On mettra en œuvre ses idées, sans traîner s’il préfère, mais pas aujourd’hui. J’attrape sa main et le tire vers la sortie.

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Ma chemise ? Je fronce les sourcils en ayant toutes les difficultés du monde à m’en souvenir. Faut dire que je suis vraiment pas matérialiste et les fringues ça va, ça vient comme de rien. Des fois j’en donne, des fois j’en « trouve ». Au moins, ça veut dire que j’aurais de quoi me changer la prochaine fois que je passer à son hôtel si besoin et sinon, c’est à lui que je piquerais une chemise.

J’acquiesce et lui souris lorsqu’il valide qu’on pourra bien prendre le temps une autre fois plutôt que de se presser aujourd’hui. Je l’entraîne vers une porte et apparemment, j’ai mal calculé mon coup. Je pensais qu’on sortait dans la rue, mais en fait, c’était dans le petit jardin à l’arrière. Voilà encore une preuve que les maisons trop grandes, c’est pas ma came, je m’y perds comme de rien.

« C’est sûr qu’t’as un vrai trou de verdure ici, c’est sympa. »

Le balcon donne une vue imprenable sur tout l’espace et je me dis que rien qu’avec ça, y’aurait de quoi trouver son bonheur. Je m’appui à la rambarde et siffle entre mes dents.

« Et ben mon p’tit père, t’as de quoi être tranquille ici ! »

Je ne m’étais pas rendu compte en voyant la simple façade devant. Après, je ne devrais plus être surpris avec lui, il a des besoins de grandeurs que je ne comprends pas, mais j’ai pas besoin de tout comprendre de toute façon. Lui n’a jamais jugé mon besoin de liberté ou encore ma manie de trouver un endroit où dormir un temps et d’en changer dès que j’me sens trop à l’aise. J’suis pas partisan de ceux qui pensent qu’être en couple c’est tout savoir de l’autre etc Faut au contraire accepter d’avoir une vision différente, un mode de vie aussi et c’est l’à que ça peut rouler sans encombre. Après je dis pas, si c’est pas compatible, ça se casse la gueule, mais lui et moi, pour l’instant, on s’y retrouve.

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Je me penche un peu plus par-dessus la balustrade pour essayer d’apercevoir plus de son jardin. Des arbres, des petites bâtisses genre patio et tout ça … presque sûr qu’il doit y avoir une piscine quelque part ou un jacuzzi …

« Oh, bah on peut aussi y faire un tour et redécouvrir le truc, ça à l’air assez grand pour qu’on se sente presque en pleine campagne. »

Bon, p’t être pas, c’est pas non plus un parc, mais c’est déjà bien pour juste un type. Son bras par-dessus mon épaule me ramène au sol et je lui lance un sourire. Plus il parle, plus je sens que son optimisme revient.

« T’avais besoin, maintenant, tu te fais de nouveaux souvenirs ! »

J’vais pas avoir la prétention de dire que j’veux être un de ses bons souvenirs, mais je veux bien au moins essayer. J’veux bien concevoir que beaucoup de souvenirs douloureux hantent les lieux, mais j’m’improvise exorciste quand il veut si ça peut le soulager. Je pose mon doigt sur son nez.

« Exactement ! Alors chasse le maussade et montre-moi ton sourire si charmant ! »

On va pas se mentir, il est quand même séduisant, mais avec un smile sur son visage, ça change aussi la donne. Je préfère voir les gens que j’aime heureux, appeler moi crétin … Je ferais n’importe quoi pour réussir à redonner un brin de bonheur à ce grand échalas. Il porte toute la misère du monde sur ses épaules.

« Tu veux t’y promener alors ? »

Je lui tends la main pour l’inviter à me rejoindre.

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J’en connais un autre qui a besoin d’amour autant que son gazon si ce n’est plus et ça me fait sourire à cette pensée. Quant aux voisins, j’ai pas bien la notion qu’on ne peut pas se montrer en couple devant et accepte son baiser sans me soucier le moins du monde du regard des autres. Déjà, je les connais pas et ensuite, je m’en fiche toujours aussi royal du qu’en dira-t’on. Il retrouve un sourire bien plus convaincant et je lui fais un clin d’œil.

« Parfait ! De toute façon, j’vais me résoudre à accepter les gens que s’ils ont au minimum un sourire maintenant ! »

Non, mais entre Matt et Nath, c’est la déprime assurée … je dis ça, mais je sais bien qu’au moindre pépin, j’serais encore et toujours le premier qui accourrera sans se poser de questions. Je peux pas les laisser, c’est inscrit dans mon génome. Je prends sa main et l’entraîne dans les couloirs avant de comprendre de quel côté il faut sortir pour finalement rejoindre son jardin. Je crois que ça l’amuse plus qu’autre chose que de me voir découvrir les pièces et grommeler à chaque fois que je tombe dans une impasse.

« C’est pas mon truc les grands espaces, te moque pas. »

On finit donc pas franchir le seuil d’une porte vitrée pour arriver sur une terrasse dans la prolongation du jardin, je comprends mieux l’étendu du truc et me tourne vers le brun.

« Un p’tit sac de couchage dans le jardin, un feu de camp et on invite des potes pour une soirée tranquille ! Moi j’vois que ça ! »

Non, j’vais parler de par terre de fleur, de fontaines ou de je sais quoi d’autres qui doivent parsemer ce jardin mais juste recouvert par la flore sauvage. J’préfère la friche de loin que ce soit urbaine ou rurale.

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Lui, il voit direct le truc trop organisé. Je crois que j’ai pas la même notion d’une soirée tranquille. J’l’imagine déjà comme dans les trucs américains de banlieues avec son tablier spécial barbecue et des pavés de bœuf qui nourriraient tout un quartier et des packs de bières à foison. Moi j’voyais sans doute plus les p’tit shamallows au bout d’un bâton et au max un harmonica pour accompagner les chanteurs éventuels. Après, pour la bière, je compte un peu sur Nath pour ramener le pleins au pire.

« Les hautes herbes, ça me gêne pas ! Devrait pas y avoir de vélociraptors ici normalement … »

J’ai une petite référence filmographique à placer, je le fais, c’est déjà bien assez rare pour que je rate le coup.

« Et toi ? Tu m’as pas parlé de ton frère ? Parce que je dirais pas non à rencontrer la tienne aussi de famille, ça pourrait être sympa. »

On me demandera pas de réitérer l’exploit si lui et moi ça marche pas, mais pour ses beaux yeux, j’veux bien me plier aux conventions qui sont de rencontrer la famille de mon copain. Bon après, c’est un peu la carte de la facilité, il m’a bien parlé que d’un frère si j’ai tout capté et du fait que ça se passait bien entre eux. Je pars du principe que s’ils sont cool l’un envers l’autre, j’devrais a minima le supporter, voire même l’apprécier. Je passe mon bras par-dessus son épaule et désigne d’un geste ample l’espace devant lui.

« C’est sauvage, c’est sympa. Y’a moyen de donner une ambiance camp de scout … sauf que les scouts seront pas aussi sobres que prévu. On a déjà fait un dîner bien pompeux grâce au vampire de Nath, j’serais bien partant pour faire un truc plus simple et naturel. »

Non, parce que les petits plats dans les grands, ça va deux secondes, mais c’est bien pour Nath que j’ai supporté ça et éventuellement parce que je savais aussi que c’était encore le genre de soirée qui avaient le plus de chance de mettre Matt à l’aise. Pour un gars qui dirige une équipe de ouf, dans l’intimité, dès qu’il doit se confronter à d’autres, j’ai l’impression qu’il se remet en question à chaque seconde et qu’il perd confiance en lui. Là, on parle quand même de faire un truc chez lui, dans une maison qu’il a désinvestie depuis des années à cause d’un traumatisme … j’aimerais bien qu’il se décoince à 200% pour profiter de tout ce beau monde.

« D’ailleurs, si tu veux, tu me laisses gérer, faut juste que tu m’expliques comment contacter ton frangin pour lui proposer le truc. »

Je le ramène vers moi et lui adresse un sourire franc. S’il s’en occupe, j’ai peur qu’il se mette la pression et retourne cette maison et tous les souvenirs qui la hantent. Ma main passe sur son visage et je me demande bien si je suis convaincant à essayer d’endosser ce genre de rôle. Je me prends moi aussi pour un chevalier en armure blanche … Allons savoir si ça me sied ou si je me rétame.

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J’éclate de rire. Je veux bien ne pas être toujours conventionnelle dans ma vie affective, mais non, je ne me laisse pas grignoter les mollets par qui que ce soit. Pour son frère, oui d’accord, j’ai p’t être pas collé tout de suite les infos ensemble et effectivement c’est ambitieux de vouloir faire venir un fantôme manger des chamallows … il risque d’être déçu par l’invitation qui plus est. Bon admettons que c’était pas l’idée du siècle, mais ça peut au moins se tenter par je ne sais quel procédé … qui ne tente rien n’a rien après tout.

« Oui, bon, ben j’aviserais. »

Quant à ses idées, je les chasse d’un geste de la main, mais je vois bien qu’il en changera pas et je l’aime aussi pour ça. Plutôt que de laisser le naturel, il veut laisser un air de négligence. C’est trop compliqué pour moi et c’est son chez lui, j’vais le laisser gérer ce côté, ça lui fera sans doute plaisir aussi de reprendre possession des locaux, verdure comprise. Moi, j’ai pas conscience du risque incendiaire que je suis, je suis sans doute un poil trop confiant dans nos capacités surtout si on picole, mais bon, je laisserais Matt être la voix de la raison quand je deviendrais celle de la déraison et ça pourrait effectivement arriver bien assez tôt. De mon côté, j’ai déjà trop envie d’y être pour laisser filer l’occasion de rendre visite à Nath directe au bar de Luther ce soir, j’suis sûr de l’y trouver et y me dira ce qu’il en pense.

« Oui, oui j’suis sûr ! Regarde tellement sûr, je vais y aller de ce pas prévenir la marmaille de la fête si ça te va ? »

Je me stoppe.

« Je trouverai une solution pour ton frère et si y’en a pas … on fera sans lui ? c’est grave ? »

J’ai pas bien la notion de ce que je pourrais réaliser, j’ai jamais été médium ni même en contact avec l’un deux que je me souvienne.

« Toi, fais ce qui te fait plaisir pour aménager un peu. Moi, je m’occupe des « préparations ». »

Un bien grand mot pour juste dire que je fais passer l’info aux potes et on verra bien comment se déroule la soirée naturellement. Je passe ma main derrière sa tête et l’attire vers moi pour un dernier baiser. Je file, sinon, ça va jamais se faire si on en cause trois milles ans.

« Dans deux semaines jour pour jour. »

On va prier pour que Nath puisse demander un congé ou que ça soit son jour de repos, sinon j’décalerai un peu et je préviendrais Matt. Je lui adresse enfin un clin d’œil et prend la poudre d’escampette. Je sens bien qu’il va déjà mieux et ça sert à rien de le faire cogiter plus longtemps sur les souvenirs douloureux en eux-mêmes. Je suis sûr qu’avec une telle proposition, il va vite retomber sur ses pattes et investir les lieux pour en faire un p’tit nid douillet pour tous nous accueillir en bonne et due forme.

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