Ce retrouvez la ou il faut pas

D'aucuns penseraient que je passe ma vie dans les bars et autres tavernes. Il n'est pas faux que j'y passe une certaine partie de ma vie, une partie qui va en diminuant depuis que je ne chemine plus seul cela dit. Si Ziva a réussi à faire de moi un mari potable? Je cherche toujours ce qu'elle a pu trouver comme intérêt à me suivre, hormis pour emmerder ses parents, mais si ça avait été là la seule raison, elle m'aurait lâché dès qu'on aurait quitté l'Iran. Et non, je ne suis toujours pas parvenu à me la mettre à dos, et notez que de toute manière, je n'en ai pas plus envie que ça. Pour une fois en deux siècles, j'ai croisé la route d'une personne avec qui je compte faire un bout de chemin. Cela dit, on ne fait pas d'un cabot des rues un chien de salon en un claquement de doigts, et donc, Ziva aura un peu de travail avant de me retirer tous mes vices. Je profite donc d'un verre bien mérité après une mission personnelle plus ou moins réussie qui m'a conduit dans l'une de ces maudites églises que ma nature exècre tellement. Jusqu'à ce que l'arrivée d'un groupe d'hommes dans la salle me fasse relever le regard en songeant que j'aurai peut-être dû pousser jusqu'à Milwaukee pour boire un verre à ma santé. Enfin, repéré pour repéré, autant affronter l'orage à venir, alors je croise franchement le regard du chef de la bande alors que ses deux gorilles s'installent chacun de son coté de ma personne, comme si je comptais prendre la fuite.

Et ce qui devait arriver arriva, et après un semblant de discussion somme toute houleuse, j'omet de répondre à la dernière interjection en date pour préférer murmurer quelques mots dans une langue dont les oreilles de ces hommes sont incapables de comprendre la subtilité. Quelques mots qui suffisent à éjecter les deux affreux jojos qui me cernent alors que j'en profite pour balancer mon verre à la face de leur acolyte avant de me relever et contourner la table en lui tournant le dos, marque d'irrévérence s'il en faut. Le problème étant qu'un bon soldat évite de tourner le dos à son ennemi, et je le comprend quand je m'écrase au sol en prenant une chaise sur les omoplates. Je me relève pour éviter un verre volant dans ma direction avant de retenir un coup qui était destiné  à me démolir la face et utiliser un autre des sorts que j'ai en réserve pour faire apparaitre des flammes aux pieds des trois types, les faisant aussi bien reculer que ceux qui ont décidé de rejoindre la bagarre générale en cours de route.

La magie répond finalement à la magie et les sorts répondent aux sorts plus souvent que les coups, jusqu'à ce qu'un nouvel invité s'immisce dans la partie. Un invité avec lequel je me retrouve bientôt dos à dos, chacun protégeant les arrières de l'autre, même si l'espace d'un instant, il me semble aller beaucoup plus vite que moi dans l'espace. D'accord, un temporel, manquait plus que ça. L'homme articule en latin, un latin impeccable si vous me demandez, et le temps semble reprendre son cours normal.

"Si on pouvait finir ça tout court, ça serait pas un mal non plus." Je ferme les yeux le temps d'incanter un nouveau sort, qui finit par repousser tout le monde contre les murs les plus proches, mon allié du moment excepté. "Si tu me permets."

Je passe mes mains autour de ses poignets sans y regarder avant de nous téléporter à l'extérieur du bar, dans le parc situé à coté, avant de porter l'une de ces dites mains à mes lèvres pour siffler, espérant attirer l'attention des autres restés dans le bar.

"A toi de me dire si tu veux continuer la fête ou aller voir ailleurs si on y est. J'ai encore quelques sorts en réserve."

S'il s'agit de faire courir ces sorciers qui ont décidé de me prendre la grappe, ça sera avec plaisir. Cependant, le sort que j'ai à l'esprit n'est pas de ceux que je connaisse par cœur, du moins pas sans prendre le risque de fourcher en le répétant, alors, à peine l'accord de mon condisciple obtenu, je sors mon grimoire de l'une des poches de ma veste et tend la main devant moi, en direction des hommes qui arrivent dans notre direction, prononçant plusieurs mots en araméen avec la prononciation impeccable que donne l'habitude. De quoi faire choir les indésirables dans ce que j'appellerais vulgairement un "trou de lapin". D'accord, c'est pas vraiment les faire courir ça. Mauvaise page, sans doute. Page que je tourne d'ailleurs, devant me concentrer pour déchiffrer l'écriture de l'ancien propriétaire de l'ouvrage au milieu du papier craquelé, pour lancer un sort supplémentaire, qui se contente de reboucher le trou sans autre forme de procès. Bon, j'avais oublié qu'on parlait du grimoire d'un démon, mais je m'en remettrais. On dira qu'il y avait un téléporteur dans la bande.

Je pense quand même que c'est affiché clairement sur ma tête que je n'avais pas prévu cette fin alors que je referme le livre pour le glisser de nouveau dans ma poche, avant de me retourner vers mon compagnon d'infortune (ou de fortune, ça reste à voir), pour me rendre compte que cette tronche là, je l'ai déjà vue, même si j'ai croisé pas mal de monde au cours de ma trop longue existence.

"On s'est déjà croisés toi et moi, non?"

Pour être honnête, c'est surtout son regard qui m'interpelle, un regard qui m'a déjà interpelé par le passé, comme une fausse reconnaissance, sans que je n'arrive à mettre le doigt dessus.  Et si je n'ai pas posé la question à l'époque? J'imagine que notre rencontre a été trop fugace pour que je réalise ce détail avant qu'on ne se quitte. Et oui, si je suis aujourd'hui sur de savoir où et avec qui je vais, j'ai eu une vie plus dissolue par le passé, et j'ai pas franchement retenu les noms de tout le monde.

Chacun son tour de faire preuve de magie, et si je me retrouve un peu beaucoup embarqué par sa foulée quand il m'entraine vers cette ruelle, j'ai le temps de voir apparaitre de nulle part un mur se confondant parfaitement avec le reste des bâtisses de la rue, de quoi nous rendre invisibles aux yeux de ceux qui avaient apparemment pour projets de rejoindre leurs petits copains six pieds sous terre... littéralement. Pas mauvais. Pas mauvais du tout même. Je dois bien admettre que le regard que je lui porte après être parvenu à décrocher mes yeux de ce mur sorti de nul part est admiratif. Au moins jusqu'à ce qu'il me confirme qu'on s'est déjà croisés, juste avant de m'en demander davantage sur mon grimoire. Mon regard se fait sans doute plus avertissement qu'admiration, mais je finis tout de même par répondre à sa question.

"C'est un objet de famille. En quelque sorte. Il m'a été transmis par mon père. Et je ne m'en sépare pas."

Autrement dit? Je ne suis pas prêteur non plus. Surtout pas avec l'énergie démoniaque qu'il dégage. J'aurai des doutes quand au fait de récupérer mon bien après coup. Je sais, c'est un demi-démon qui parle, mais je ne dis pas que je rendrais son bien à quiconque me le prêterait non plus. D'aucune dirait qu'il y a du boulot pour obtenir quelque chose de potable de moi. Défi lancé. On en reparlera.

"Illusionniste alors? Plutôt intéressant comme don. Ca vient d'où?"

Autrement dit, de quel démon dois-je me méfier?

J'incline légèrement la tête sur le coté quand il me dit que ce grimoire, il le connait pour l'avoir déjà eu en sa possession. Il y a une sacrée paye alors. J'ai appris à reconnaitre (décrypter est plus exact, le démon a du être médecin dans une vie antérieure) l'écriture de Asmodée page après page, et si j'ai pu tiquer sur des annotations écrites d'autres mains, l'encre en est si vieille que l'arrière grand mère de ma mère ne devait pas être née quand elles ont été posée. Je ne suis pas un expert en démon, mais je ne donne pas un millénaire d'existence à celui que j'ai face à moi.

"Faudra voir ça avec Asmodée. Je n'en suis que le gardien. Et dans l'état actuel des choses, il est le seul à qui je le rendrais s'il me le demandais."

Peut-être. Bon, faut déjà que le paternel refasse surface. Et vu le nombre de fois où je l'appelle "mon père" dans une année, il est clair que les visites ne sont pas courantes. Certes, son sang coule dans mes veines, mais on ne peut pas dire qu'il m'ait élevé, et si on me permet de fonder une famille un jour, j'espère bien ne pas prendre exemple sur lui pour élever mes propres enfants.

"Sortilèges, ouais, ça j'connais. Une magie à la fois plus contraignante et plus complète. On peut faire ce qu'on veut, mais faut connaitre les formul... Quoi?"

Oui, non, mais je viens juste de repérer qu'il est totalement bloqué là. A la limite de la tentation de lui claquer les doigts devant le regard.

Il semblerait que l'homme connaisse un minimum Asmodée, au moins autant que je le connais (c'est à dire que je sais qu'il brille par son absence). Enfin, c'est peut-être le propre des démons en général d'être ainsi, alors, si ça se trouve, le nom d'Asmodée ne lui parle absolument pas. Enfin, c'est ce que je me dis jusqu'à ce qu'il se débloque, se (me?) demandant s'il n'aurait pas un frère. Autant dire que c'est à mon tour de buguer, surtout que je commence à replacer l'homme dans le contexte de notre dernière (et unique) rencontre. C'est presque un crime d'avoir oublié. Et si sa supposition est juste, mon éducation religieuse ajoutera que c'est un crime complet de penser à son frère de la sorte.

"Si ta mère a eu la mauvaise surprise de croiser la route d'Asmodée, faut croire que oui."

A moins que ce ne soit une stratégie pour récupérer le grimoire? Ma vie était bien plus simple quand j'étais que le fils du pasteur... pas aussi surprenante faut dire... d'accord, je me serai rapidement ennuyé dans cette vie. Cela dit, avec cette nouvelle hypothèse en tête, je jette un regard différent sur l'homme face à moi, et parlant de regard, c'est ça qui me fait tiquer. Ouais, j'crois que j'peux dire qu'il a le regard de son père. D'accord, mettez trois nourrissons dans une même pièce, dites qu'ils ont tous le même père et vous trouverez qu'ils ont le même nez, ou les mêmes yeux, ou que sais je. Enfin, selon l'hypothèse actuelle, pourquoi pas.

"Ok, donc on est frères... demi-frères au moins. Il aurait pu laisser une note. J'imagine que j'suis l'ainé. T'avais l'air d'un gosse la dernière fois qu'on s'est croisés. J'ai presque eu pitié à l'idée de te pervertir."

Chassez le naturel, il revient au galop. Aura pas fallu longtemps pour que mon coté cynique reprenne le dessus. D'aucuns diraient que je me cache derrière, d'autres que c'est juste mon coté conard qui ressort... en général, les seconds ont plus d'arguments que les premiers.

"Toutes mes condoléances."

D'être le fils de notre démon de père, d'avoir droit au bonus exclusif de m'avoir pour frère, ce que vous voulez. C'est sorti plus vite que ma réflexion n'a avancé, pour tout dire. A l'entendre dire qu'il a bien grandi, je ne peux éviter un mouvement involontaire de mon regard le détaillant de bas en haut pour m'arrêter, effectivement, bien au dessus de ma propre tête. Bien grandi, c'est un euphémisme. Même s'il n'était sans doute pas plus petit à l'époque, j'avais juste un peu plus d'alcool que de sang dans les veines à ce moment là, surtout.

"Le vieux t'emmerde, jeune coq. Mais pour te répondre, j'dirai plutôt que tu m'as pas fait tant d'impression que ça. J'ai connu d'autres soirées arrosées et j'ai vu assez de jolis minois depuis pour que tu me sois to-ta-le-ment sorti de l'esprit."

Si je joue avec son ego? A peine. J'imagine qu'il pourrait en faire autant avec moi, si mon ego sur mes conquêtes passées n'était pas totalement oblitéré par celle qui m'a conquis actuellement. Il peut essayer en revanche.

"Les condoléances sont acceptées depuis longtemps de mon coté j'te dirai. J'utilise ce qu'il m'a légué. Mais j'ai décidé d'oublier de suivre son exemple en matière d'éducation."

Sinon, moi aussi j'pourrais avoir disséminé des gosses aux quatre coins du pays en sachant même pas combien j'en ai ou sans m'inquiéter qu'ils se rencontrent un jour ou quoi. Pas mon genre. A ma connaissance, mon fils unique était adoptif et en terre bien trop jeune et il y a bien trop longtemps. J'dis pas que j'ai jamais couché avec une parfaite inconnue dans des coins pas toujours réglos, mais dans l'ensemble, j'estime avoir limité les dégâts.

"Ca l'était. Mais j'ai réitéré depuis. En espérant que j'ai pas réussi à conclure avec un autre membre de notre fratrie. Ca s'appelle de l'inceste quand on sait pas que ça en est?"

Je fronce les sourcils, me posant uniquement la question pour ma culture générale. Concernant mes principes, oui je sais que j'ai été élevé dans une église, mais si j'commence à me ronger les ongles concernant tout ce que je ne saurai peut-être pas, j'ai pas fini.

"Et je répète. Le vieux t'emmerde. J'suis mieux conservé que toi d'abord. C'est des rides que j'vois au coin de tes yeux ou tu vas accuser la fatigue?"

Si il a réellement des rides au coin des yeux? C'que j'en sais. J'vais pas l'attaquer sur son tour de taille, c'est une grande perche.

"Vu comme ça. Ca tombe bien que t'étais pas d'humeur ce soir là. D'ailleurs, j'peux te demander... fin."

Je fais un geste vers ma propre personne, l'encourageant à me détailler de haut en bas si ça lui fait plaisir. Non parce que franchement, y a quand même pas besoin d'être bourré pour se dire que j'suis pas désagréable à l'œil, si? Non, ça ne s'appelle pas de s'insécurité, c'est de l'inquiétude pure et dure. Pour lui j'entends. Moi, non, j'le vis très bien merci. Matthew n'est clairement pas la personne dont l'avis sur mon physique me préoccupe aujourd'hui, en témoigne l'alliance que je porte à la main gauche.

"Tu sais, il y a un truc contre le fait de passer toutes ses ressources. C'est d'en avoir sous le pied, des ressources. Ou de prendre gare à ne pas tenter de sort plus conséquent que ce que l'on peut se permettre. Enfin, j'imagine que je ne t'apprends rien."

Je hausse les épaules tout en glissant mes mains dans les poches de mon blouson, décidant que nous sommes restés sur place trop longtemps. Pas que nos copains pourraient avoir des renforts, parce que c'était franchement pas un combat digne des grandes aspirations de la magie, mais plutôt que je m'ennuie rapidement, et ça y est, je m'ennuie. Alors je décide de reprendre ma marche, et qu'il me suive s'il le souhaite. Avec ses grandes guiboles, il ne devrait pas avoir de mal à le faire.

"Sinon toi, t'en es où? T'as quelqu'un? Des gosses? Et tes projets d'hôtel?"

Oui, quand je fais appel à ma mémoire, je retrouve quelques bibes de notre conversation précédente, même si il m'avait pas marqué plus que ça à l'époque. Enfin, un peu, mais pas non plus au point que je retrouve tout ce qu'on s'est dit en dix secondes quoi. Comme dirait l'autre, y a eu des morts d'enterrés dans le cimetière depuis...

Outch, touché. A chaque époque son style, c'est là tout l'intérêt de l'immortalité. Je prévois d'être de toutes les modes, et de revenir à celles que j'ai préféré quand aucune ne se dessinera à l'horizon. Donc oui, actuellement, je la joue décoloré. Qu'il attende ma période punk pour critiquer.

"Qu'est-ce que tu veux. J'ai ordre de pas draguer tout ce qui bouge en l'absence de la dame, faut bien ternir un peu l'éclat de la marchandise sinon ça devient compliqué."

Lui, je suis à peu près sur qu'il aura toujours le même costard sur le dos si on se revois dans un siècle ou deux. Fin le même genre, voyez bien ce que je veux dire. On en reparlera dans un siècle ou deux.

"Te plains pas, t'as échappé à ma période curé. J'serai presque rentré dans les ordres à cette époque..."

Si j'avais pas été le garçon d'église le moins converti qu'il ait existé, si j'avais pas eu cette allergie aux crucifix et autres bibles... ouais, mon père était un prêcheur aussi convaincant que convaincu. Mais quand tout votre être vous hurle de fuir en courant, c'pas votre intellect qui l'emporte. Bref, je n'échappe pas à un frisson en y repensant, ce qui me permet de revenir à la réalité par la même occasion.

"Des lignes énergétiques comme celles qu'on trouve ici, tu veux dire?"

Bien qu'un truc me chiffonne dans cette ville, c'est qu'il est clair que la magie qui coule dans les veines du sous-sol n'est qu'une réminiscence d'une source bien plus forte, mais très certainement dissimulée aux yeux de tous. Ziva m'a fortement conseillé de ne pas m'y frotter, alors pour l'heure, je reste bon élève et je m'y abstiens. Pour l'heure.

"Possiblement quelqu'un en vue." Je sais qu'on est immortels, mais ça fait pas de moi un homme patient. Enlève la dame - ou le jeune homme -, et vois si tu prend une baffe en retour. Ou fais-toi enlever, ça marche aussi."

Oui parce que à y réfléchir, je ne suis toujours pas convaincu de qui a embarqué l'autre dans son histoire, entre Ziva et moi... Un peu les deux je crois. Ce que je sais, c'est que nous nous sommes mutuellement refilé nos emmerdes, mais à dire vrai, je lui en ai refilé un peu plus qu'elle m'en a rendu...
Quand aux gosses? Se préoccuper des officiels c'est déjà une sinécure en soi, parole d'homme qui a déjà eu à mettre en terre un garçon qu'il considérait comme sien, si en plus il fallait s'interroger sur les conséquences de rendez-vous galants sans lendemain... on resterait sagement chez soi sans bouger une oreille. Cela dit, certains apprécieraient peut-être, mais faire passer les autres avant moi n'est guère dans mes principes... hormis ma chère et tendre bien sur.

"Ca semble en effet. Heureusement que le temps n'a que peu de prise sur toi, apparemment. Je sais que les humains ont mis des siècles à monter des cathédrales, mais j'espérais que l'architecture avait légèrement accéléré depuis le temps.

Si je le pique un peu? A peine. J'ai jamais dit que j'était aimable non plus. D'après certains, je ne sais montrer que des défauts, derrière lesquels il faut savoir observer une ou deux qualités. Mais je ne nommerai pas l'auteur de ce commentaire, par respect pour lui... d'accord, elle.

Son air intéressé réveille le mari jaloux en moi, et ce même si j'ai une confiance totalement aveugle en mon épouse. Et qu'elle a une confiance totalement aveugle en moi? On est d'accord sur le fait que j'ai eu plus d'une vie avant elle, et sur le fait que je ne suis pas un ange, loin de là, mais je ne pense pas avoir encore réussi à donner à Ziva de quoi s'inquiéter de ma fidélité.

"Oh non tu la connais pas. Crois-moi, t'es pas son type. Un peu trop... toi."

Je fait un geste dans sa direction pour exprimer ma pensée sans vraiment développer, me disant que rester vague est sans doute mieux que lui faire une liste interminable de détails insignifiants.

"Pour le reste, j'suis né dedans, j'dois être vacciné. Cela dit, certaines blessures marquent plus facilement que d'autres."

Je penche légèrement la tête de coté quand il me dit que s'il a eu son compte de baffes, cette fois-ci, il compte se la jouer traditionnel. Faut voir, ça ne m'a pas franchement réussi la première fois, mais chacun est différent. Et puis, les erreurs des uns ne sont pas spécialement celles des autres.

"Et bien, on s'offrira peut-être une soirée à quatre un de ces quatre matins alors. Entre frères. Avec un peu de chances, tu ne feras pas fuir ma femme et je ne ferai pas fuir ton élu/e."

Je glisse machinalement ma main dans mes cheveux, les mettant plus en désordre si c'est possible, quand il mentionne d'éventuels cheveux blancs. Au milieu du blond décoloré, j'vois pas bien comment il les verrait s'il y en avait. S'il y en a? En toute sincérité, je m'en carre. Le look poivre et sel ça va à plus de mecs qu'on ne le pense.

"Prend pas tes illusions pour des réalités, ça t'évitera de te manger un mur que tu prendrais pour faux. Bon, ça te dit qu'on aille causer le coup ailleurs ?"

Je lui tends une main, comptant bien lui faire subir à nouveau les affres de la téléportation. Les rives du lac Michigan sont pas déplaisantes en cette période de l'année.

Je le laisse là-dessus, n'ayant de toute manière pas plus d'argument à apporter à sa fontaine. Je connais suffisamment Ziva pour savoir qu'elle n'a pas besoin de moi pour la protéger des tentatives de drague de son beau-frère si cela devait arriver. Il comprendrait rapidement son erreur.

Quand à nos aprioris concernant la religion? On a beau n'être que des moitiés de démons, lui et moi, on a quand même ça dans l'instinct d'éviter de s'y frotter. Bon, en étant né dedans, comme dit, je relègue la peur qui va avec l'instinct au second plan, mais je suis tout de même loin de me promener avec un crucifix autour du cou. Faut pas pousser le démon dans l'église non plus...

"Quoi, tu veux dire que t'as jamais corrompu une bonne sœur?"

Je m'offre un vrai rire, sans arrière pensée, comme je ne m'en offre pas tous les jours, avant de redevenir plus sérieux quand il évoque sa moitié et le fait qu' "elle" (ça ça m'offre une information déjà) n'est pas au courant du nom de notre père. D'un coté, ça se crie pas franchement sur tous les toits. Autant j'ai jamais caché ma nature à ma femme, autant je ne suis même pas certain que ce nom ait été prononcé au cours de l'une ou l'autre de nos conversations. L'homme n'est pas assez intéressant pour ça.

"Si c'est que ça... rassure-moi quand même, elle est au courant pour notre monde?"

Prétendre n'être qu'un humain au sein d'une communauté, c'est réalisable du moment qu'on peut être soi-même dans son propre foyer. Quand cela même nous est interdit... Bref, je ne suis pas à mon premier mariage, et je peux dire que je manquais d'atomes crochus avec ma première épouse. Sans doute que ça n'y était pas pour rien, étant donné qu'il paraitrait que je suis un mauvais bluffeur... Quand l'autre a constamment l'impression que vous lui cachez quelque chose, ça ne peut pas bien aller.

"Tant que t'évites d'en mettre sur ma route."

Sa main dans la mienne, j'use de mon pouvoir de téléportation pour nous emmener ailleurs, à savoir, sur l'une des plages qui bordent le lac. De quoi lui permettre de tomber sur le cul sans douleur à l'atterrissage s'il en ressent le besoin. Pour ma part, je m'assieds volontiers sur le sable, en me fichant bien d'en mettre sur mon manteau, de toute façon de la même couleur.

Je le trouve hésitant sur cette histoire de bonne sœur, assez pour penser avoir gagné le point de cette manche.

"Tu vois, y a des cotés intéressants à avoir grandi dans une église."

Soyons honnêtes, ça m'empêche pas de voir ma chair bruler quand elle se trouve en contact avec un crucifix, mais ça aide à supporter l'idée. Ok, j'vais me cramer, clairement, mais de toute manière, ça va guérir... même si ces foutus brulures divines sont du genre chiantes à cicatriser. La dernière fois que je m'y suis essayé, j'ai gardé la trace d'un crucifix sous la gorge pendant au moins six mois... heureusement qu'on était pas en pleine inquisition, dans le genre discret...

"Putain, j'aurai même pas sauté à cette évidence... Quand j'dis que j'm'en carre d'être de son engeance, j'crois qu'on fait pas meilleure preuve!"

Bon, cela dit, vu que j'ai pas hérité des dons de "contrôle mental" (oui j'appelle ça comme ça, quand on peut influer sur les désirs des gens) du paternel, ça aide à pas se préoccuper de l'héritage de "contrôle mental" du paternel. Bon, concernant sa dame, il me rassure déjà un peu. Pour eux hein, moi ce que je m'en fiche...

"Les petits frères, ça sert de punching bag à leur ainé, à ce que j'en sais."

Sur ces "sages" paroles, je nous téléporte jusqu'à une plage sur laquelle j'ai déjà mis les pieds, à quelques kilomètres seulement de l'endroit où nous nous trouvions jusque là. Un jeu d'enfant, suffit de pas se laisser distraire entre deux, c'est tout. Et si lui parvient à ne pas finir le cul dans le sable, moi je m'y laisse tomber bien volontiers. Se poser un instant, c'est un truc qu'on trouve jamais le temps de faire, même passé 300 ans, alors pour une fois, j'écoute mon psy. J'ai un psy? Non, mais si j'en avais un (le premier qui dit que ça ferait pas de mal...), il me dirait de faire un break. Donc je m'auto thérapise, et je fais ce break.

"Longue portée, c'est quand tu te crois capable de te transporter d'un coté à l'autre du Pacifique. Là, j'nous ai épargné la marche à pied sur trois blocs de bâtiments. Allé, quatre maximum."