Boulot, boulot, meurtre... - pv Silas

Je déteste la pleine lune. Non seulement ça sent le loup à plein nez dans les rues de Chicago, et en plus, il faudrait être le dernier des idiots pour ne pas les entendre hurler à la lune. Il n'y a qu'un pas avant de comprendre que la police va avoir du boulot ce soir. Et je les laisserait faire volontiers si je ne m'y connaissais pas un tout petit peu plus qu'eux dans ce domaine. Quoique leur nouvelle recrue sait de quoi elle parle. Entre vampires on se repère, aussi peu doué puis-je être en la matière. Si je pourrai demander à Dracula en la matière? J'ai très bien vécu 40années sans lui, je compte continuer ainsi. Même si son arrivée récente à la tête de la police me fait penser que ne pas me le mettre totalement à dos peut être une bonne idée. J'ai beau utiliser les accès privés d'Inaya pour entrer dans le commissariat, et apprécier de converser avec la jeune - et jolie - légiste pour autre chose que simplement récupérer les dossiers des macchabées du jour, si l'autre me ferme la porte au nez je vais être moins bien loti pour entrer.

Bref, j'attends mon heure, perché sur le toit d'un immeuble de trois étages, à observer la rue en contrebas tout en faisant confiance à mon flair pour me guider vers le sang s'il en est à couler. Et un loup-garou tuant sans verser le sang, je n'en connais pas. Bref, je finis par être exaucé, et je descend du toit - par l'escalier de secours, et non en en sautant tout sauf discrètement comme ces vampires de séries B - avant de me laisser guider par mon instinct, réprimant cependant l'envie de me mettre en chasse qui vient souvent avec l'appel du sang.

Une dernière inspiration devant une porte close m'apprend que je suis au bon endroit, et je la défonce d'un coup d'épaule après avoir vérifié qu'aucun bruit n'indique la présence d'un loup à l'intérieur. A l'intérieur, pas de loup non, mais plusieurs corps. Et je dis bien corps, parce que je n'entends aucune respiration ni aucun rythme sanguin de leur part. Plus loin en revanche. Je prend le temps de couper ma respiration et me calmer dix secondes avant de franchir une seconde porte, ne tenant pas à finir la tuerie.

A l'intérieur, je trouve une jeune femme très peu vêtue pour la saison - et trop vivante pour ne pas ressentir le froid - sur laquelle, sans l'examiner en détail, je peux repérer des traces de sang. Le sien? On verra plus tard. En attendant, je fais un tour rapide de la pièce pour m'emparer d'un peignoir que je glisse sur ses épaules.

"Ça va aller? Vous n'êtes pas blessée?"

Je pourrai m'assurer par moi-même que le sang qui la couvre n'est pas le sien... mais je suis légèrement à cran point de vue sang ce soir. On va éviter de prendre des risques inutiles.

"j ai vu. J ai vu. Il n y a rien de plus a faire pour eux. Alors en attendant, laissez moi m occuper de vous."

Je resserre le peignoir autour de son cou, observant son visage pour vérifier qu elle n est pas blessée outre mesure. Elle est lucide, malgré le choc, et se rappelle de me demander si je suis de la police. Pas vraiment, mais je suis actuellement son meilleur allié.

"Silas Evenson. Je suis détective privé. Il m arrive de travailler avec la police. Et vous, comment vous appelez vous ? "

Elle me dit qu elle a appelé la police, qui l a gardé en attente. Ce qui explique le grésillement qui perturbe mon ouie. Le téléphone posé au sol. Dont je m empare quelques minutes plus tard d un mouvement un peu trop rapide quand j entends une voix a l autre bout du combiné.

"Hale ? Depuis qu..." Depuis quand il est au standard celui la ?  "Aucune importance. Silas. Et redemande moi mon numéro de license je te promet de te faire avaler ma carte professionnelle. Une gamine effrayée oui. J ai pris le relai."

Je retire le telephone de mon oreille pour reporter mon attention sur la jeune femme, glissant une main sur son bras pour la rassurer.

"Je reviens."

Je me relève pour retourner dans le charnier, suivant les paroles de l autre au bout du fil.

"Trois corps. Peut être quatre. Oui peut etre, faudra expliquer a tes petits copains de laisser un plan quand ils s amusent. Bref, je gère la dame mais évitez de mettre quinze plombes a venir. Y a plus de sang qu un vampire en boirait ici."

Si je risque qu elle m entende ?  Ca peut etre une expression comme une autre. D accord, j avoue compter sur le choc pour qu ellz ai autre chose a faire que m entendre parler de vampire. L appel terminé, je quitte la pièce, m offrant un bol d air a l extérieur avant de revenir vers la survivante. Qui n irait pas prendre l air en ressortant de la dedans ?  Rien d incompatible avec ma couverture.

"Ils vont envoyer quelqu un. En attendant, je reste avec vous, i vous le voulez bien."

Je m installe au sol a côté d elle, me mettant a sa hauteur pour la rassurer, tout en lui laissant l espace de respirer. Et ce meme si l instinct paternel qui me guide depuis plus de 40 années me commande de la réconforter. Ce n est ni ma fille, ni mon fils, ni ma soeur, on ne se connaît meme pas. Je vais éviter d être familier avec toute la ville.

Revenir vers elle me rassure sur le fait qu'elle ne m'ait pas suivi à l'intérieur, dans l'idée d'aider ceux qui ne peuvent plus l'être. Les gens traumatisés ont parfois une logique bien étrange, qui n'arrange rien au traumatisme. On dit parfois qu'affronter la réalité aide à ne pas se faire de film... en l’occurrence, elle est incapable de se faire un film pareil, j'en suis persuadé.

"Bien sur que je suis revenu. J'allais pas vous abandonner là, toute seule."

Le premier craquement quelque part dans la pièce la fait sursauter, et se serrer contre moi. D'instinct, je glisse une main sur son épaule, la frottant machinalement pour la calmer. Ne faisant rien d'autre que lui laisser le temps de se calmer, avec toute la patience dont je sais faire preuve à l'égard d'une personne qui en a besoin. Me calmer aussi? Faut dire ce qui est, je suis un meurtrier multi-récidiviste, mais en général, mes scènes de crime sont propres... suffisamment pour qu'on en devine pas qu'un meurtre a eu lieu ici. Là...J'en arrive à devoir me concentrer pour ignorer l'odeur du sang qui filtre à travers la porte, ou encore la douleur dans mes crocs qui ne demandent qu'à sortir et mordre dans quelque chose.

Sa question, je ne l'entend pas venir. Je met même une seconde à percuter qu'elle ai pris la parole. Je baisse le regard vers elle en m'efforçant de ne pas entendre son cœur battre la chamade, encore sous le coup de l'émotion, tout en réfléchissant à la meilleure réponse à lui donner. Non, je n'ai rien vu, ceci est la stricte vérité. Mais j'ai une idée du responsable de ce carnage. Du moins du genre de bestiole qui en serait capable. Et il ne s'agit pas d'un ours.

"Je n'ai rien vu non. Hormis une porte ouverte et une odeur atroce. J'vous l'ai dit, j'suis dans l'investigation. Pas besoin d'être un fin limier pour repérer l'odeur d'un charnier quand vous en sentez un."

Ou l'art et la manière de ramer pour justifier que c'est l'odeur du sang qui m'a conduit à elle... Je pense cependant que mon explication tiens la route. Ça fait partie des odeurs fortes qu'on sent sans avoir besoin d'avoir les sens d'un vampires... vous n'avez jamais cherché deux heures la cause de l'odeur de mort dans votre jardin, avant de tomber sur le cadavre d'une minuscule souris dont vous jureriez qu'elle ne peut pas sentir aussi fort? Voilà. La mort, ça a une foutue odeur difficile à ignorer.

"J'ignore ce qui a fait ça. Je dois bien avouer que là, ça dépasse largement mon domaine de compétence. Sur ce coup, je vais laisser un peu de crédit aux flics. Ils ont des moyens techniques que je ne possède pas pour démêler cette histoire."

C'bon, fini de broder Silas? Ça devrait pas être mal oui.

Amélia. C'est noté. Je n'ai cependant pas le temps de lui répondre que les évènements se succèdent. Un coup à la porte, et bientôt, l'odeur de l'un des miens qui me vient aux narines. Sérieusement? Je leur parle de bain de sang et ils m'envoient un vampire? J'avoue que j'avais une meilleure estime de l'intelligence du loup-garou...
Je frotte le dos de la demoiselle pour la rassurer avant de me relever, mettant un instant à me défaire d'elle alors que je m'en éloigne dans le mouvement. La policière face à moi, je lui tend une main en réponse, tâchant d'être un minimum courtois malgré la situation.

"Silas Evenson, en effet. Je dois dire que j'aurai souhaité vous rencontrer en d'autres circonstances."

Je reprend quelques respirations, tâchant de demeurer le plus insensible possible à cette dite situation, alors qu'un instinct profond me somme de ne pas partager le diner. Sérieusement, c'était pas bien prévu ce soir, mais je crois que je vais aller plonger les crocs dans quelque chose en sortant de là...

"Pour être honnête, j'aurai souhaité quelqu'un d'autre. Sans vouloir vous être désagréable. J'ignore ce que Hale n'a pas saisi dans "bain de sang" ou encore "je vais péter un plomb. Enfin, si vous voulez vous faire plaisir, c'est par là."

Je la laisse y aller si l'envie lui en dit, retournant auprès d'Amélia, à qui je tend une main pour l'aider à se relever. Cela fait, je passe un bras autour de sa taille pour la soutenir, peu certain de ne pas la voir s'effondrer avant longtemps.

"Je peux considérer que vous prenez la relève? Je crois que la dame a passé bien assez de temps ici. Et j'suis pas sur cette affaire là. J'vous la laisse volontiers, pour être honnête. Ça sert à rien que je reste plus que nécessaire."

Quand à "interroger le témoin" comme je vais l'entendre me répondre dans moins de deux minutes? Ça peut attendre demain, non?

"Ouais alors une chose. Profitez d'être dans le coin pour apprendre la discrétion."

Je n'en dit pas davantage. Ce n'est pas à un jeune dans mon genre de faire la morale à un de ses ainés... mais quand même, là, faut pas pousser. Je veux bien que la jeune humaine est complètement HS, mais je ne parierai pas sur le fait que son cerveau n'est pas capable d'enregistrer ce qui se passe autour d'elle pour le lui restituer plus tard. Ce qui me fait dire ça? J'étais humain y a encore trois décennies, j'ai pas totalement oublié ce que ça fait.
Quand à savoir à quel moment elle a les infos? Quand j'aurai sorti Amélia de là. Et moi avec. Parce que elle, elle va me faire une syncope dans les pattes, et moi, j'vais vraiment finir par avoir besoin de mordre dans un truc. A rester là plus longtemps, elle va perdre son seul témoin de l'histoire, si elle continue.

"Y a un bar à deux rues de là. Vous avez qu'à nous y retrouver quand vous aurez fini ce que vous avez à faire ici. D'ici là, j'aurai peut-être réussi à ramener Mademoiselle parmi les vivants."

Je fais signe à Amélia qu'on va enfin sorti de là dedans, et, à peine à l'extérieur, je respire l'air frais à plein poumons, malgré l'inutilité de l'opération pour mes fonctions vitales. Ça m'aide à penser à autre chose qu'à la douleur lancinante dans mes crocs. Je parviens même presque à oublier la faim. Presque. Disons suffisamment pour remettre le chasseur en cage pour un moment.

"Allé venez. J'vous emmène boire un verre. Ça peut pas faire de mal, croyez-moi."

Je vais juste m'arranger pour qu'elle en reste au jus d'orange. La flic était déjà pas jouasse que je l'éloigne d'elle, si c'est en plus pour la laisser sa bourrer la tronche... là je crois que j'en entendrais parler.

Bon gré mal gré, la fliquette finit par nous donner notre congé, me précisant tout de même de transmettre l'adresse du commissariat à la jeune femme avant de la quitter. Ça me parait logique. A dire vrai, je peux même aller la chercher en voiture si elle le désire.

Alors que nous sortons du bâtiment, les évènements de la soirée font déborder le vase pour la jeune humaine, qui finit par se vider l'estomac un peu plus loin. Pour ma part, j'ai de la chance... vomir ne semble pas faire partie des capacités des vampires. Enfin, je dois avouer que le spectacle à l'intérieur m'a davantage titillé les crocs que soulevé le cœur... foutu instinct.

Une fois qu'elle a fini, je lui tend un mouchoir avant de l'accompagner à l'écart, n'hésitant pas à passer un bras autour de ses épaules pour la guider sur mes pas. A seule fin qu'elle ne s'effondre pas sur le trajet. Et comme je l'avais dit à ma "collègue", le bar le plus proche n'était pas bien loin. J'installe donc Amélia à une table en terrasse avant de m'asseoir en face d'elle, attendant le serveur pour nous commander deux jus de fruits. On a l'un comme l'autre besoin d'un truc plus fort, mais je doute que Sélène serait ravie de voir sa témointe arriver avec la gueule de bois demain matin.

"Buvez ça, ça vous changera le gout dans la bouche. Et si vous avez besoin de parler, je suis là. Ou si vous préférez que je vous raccompagne chez vous... quelqu'un pourra s'occuper de vous?"

Si le ton sur lequel elle me répond pourrait me vexer? Pas dans la situation actuelle. Je ne vais pas lui demander de contrôler ses humeurs en plus du reste. Et puis, ça ne sera pas la première à se défouler sur moi. La dernière a bien failli m'arracher la tête avec une ronce ensorcelée alors, je crois que je peux supporter la suite de la soirée. Physiquement parlant, en tout cas. Elle met un terme à sa tentative de boire le contenu de son verre, ses mains tremblantes réunies en un geste de réconfort d'elle à elle-même, avant de me poser LA question que tout esprit logique devrait poser. Celle dont je connais la réponse, mais qui est dans le même temps très compliquée à répondre sans lui en dévoiler beaucoup trop pour la soirée. Comme de savoir comment je sais que non, ils ne reviendront pas pour elle. Parce qu'un loup-garou n'est pas un vampire, il ne traque pas une proie précise, il se jette simplement sur le premier truc qui bouge. Et je pense que rajouter que je le sais parce que j'appartiens à la race des traqueurs n'est pas de bon ton. Je me contente donc de prendre ses mains dans les miennes, me moquant de la fraicheur de ma peau sur la sienne.

"Qu'ils essayent. Je serais là pour vous protéger."

Je fais mon possible pour capter son regard, plongeant mes yeux clairs dans les siens, tâchant de la tenir assez concentrée sur moi pour ne pas laisser son esprit imaginer la fin de la soirée de 50 façons macabres différentes. Quand elle me dit qu'elle ne souhaite pas rentrer chez elle. Compréhensible. Je songe tout d'abord à lui proposer de l'accompagner avant de me dire que la présence d'un étranger chez elle ne sera peut-être pas pour la rassurer.

"Je sais. Vous pouvez passer la nuit chez moi, si vous voulez." Je laisse planer un blanc avant de lui offrir une précision supplémentaire, sans nul doute bienvenue. "Avec ma sœur et mon fils. Pas d'entourloupe."

A ma proposition, c'est tout d'abord sa fatigue qui répond, me demandant si j'habite loin d'ici. Une question qui en amène une autre, plus rhétorique. Si j'ai le droit de l'inviter chez moi, et ce qu'en pensera ma "collègue". Alors, j'ai une veine absolue sur ce coup-là, j'ai pas pris l'abonnement au commissariat. C'est bien plus tranquille d'être free-lance, même si je suis bien content d'avoir quelques contacts dans la boutique pour me dépanner quand j'ai besoin de leurs infos pour avancer dans mes propres enquêtes. En échange, ils sont contents de me refiler le bébé quand un dossier est trop compliqué pour eux. Faudrait pas faire baisser leurs stats.

"J'habite à quelques rues d'ici. Et je suis pas flic. Donc j'ai le droit de boire en service, et accessoirement, de dépanner quelqu'un qui a besoin d'un toit pour la soirée sans devoir négocier avec trois intermédiaires et deux supérieurs hiérarchiques."

Bon, la question à 100000, ça va être la question de la place. Parce que si Adé et Tom ont chacun leur chambre, pour ma part, je me suis installé dans le canapé, ce qui me permet d'avoir une excuse valable quand j'occupe une partie de ma nuit à lire ou à regarder la télé. Donc, si je l'installe sur le canapé, je prétends m'installer où, moi? Y a encore peu, je me serai installé dans un fauteuil dans la chambre de mon fils, mais j'avoue prendre quelques pincettes avec lui depuis qu'il est au courant de mes plus noirs secrets. Il m'a renouvelé sa confiance, certes, mais ce n'est pas pour autant que je me la suis renouvelée moi-même. J'ai pas envie de lui filer plus de cauchemars, à ce gosse. Donc, une porte entre lui et moi quand il dort, je considère que c'est le minimum que je peux apporter à sa tranquillité. De même pour Adé, hein, mais à la différence de Tom, j'ai aucun meurtre la concernant à me reprocher. Quelques disparitions de petits copains absolument pas dignes d'elle, mais les petits copains, ça se remplace, surtout quand on a seize ans. Dixit le type qui a pas eu d'autre choix que d'épouser une de ces "petites copines remplaçables" après avoir réussi à la mettre enceinte... époques différentes.

"Accessoirement, le lieutenant Horvath n'a aucun ordre à me donner, hormis celui de fiche le camp de sa scène de crime. Et elle apprendra assez vite que quand on me vire par la porte, je rentre par la fenêtre. Allé, venez. Vous allez finir congelée sur place si on attend encore."

Il ne nous faut que quelques minutes pour rejoindre l'appartement que je partage avec ma sœur et mon fils, et je m'assure d'une oreille attentive que tout le monde dort à poings fermés avant d'en franchir le seuil prudemment, la laissant me suivre à l'intérieur avant de refermer la porte. J'ai repris depuis peu cette habitude qui consiste à vérifier pouvoir franchir un seuil avant de le faire, bien qu'il s'agisse de mon propre chez-moi, il serait légitime que mes proches apprennent à se méfier suffisamment de ma personne pour trouver un sorcier capable de remettre l'invitation en place. Inconsciemment, c'est surement l'une des raisons pour lesquelles j'ai toujours pris soin de garder ma sœur à mes cotés. Aucun vampire ne peut entrer ici sans y être invité, et Dante lui-même peut en témoigner. Une veine que Adé ai été présente ce jour-là, ou bien il restait sur le pallier.

Je laisse Amélia s'asseoir sur le canapé avant que je ne fouille dans un placard pour en sortir une couverture et un oreiller que je pose à coté d'elle.

"J'ai pas de chambre d'ami alors, faudra vous contenter du canapé. Il me semble qu'il est convertible, si vous voulez que j'y jette un œil."

Oui j'ai beau passer une partie de mes journées dessus, le mode "canapé" me va très bien, étant donné que je ne dors pas et que je n'ai pas de souci de vertèbres douloureuses au "réveil", alors on peut pas dire que j'ai pu expérimenter les différentes déclinaisons d'utilisation du bordel.

"Hésitez pas à vous servir dans le frigo si vous voulez." Et je vérifie un truc dedans en disant ça, d'ailleurs. "Enfin, si il reste quelque chose à manger dedans. J'irai faire des courses demain."

Ou plus facilement dans la nuit, à la supérette du coin, dès que je me serai assuré qu'elle dort à poings fermés et qu'elle ne risque rien.

"Pour la salle de bain, c'est la porte à gauche. Si vous voulez vous rafraichir."

Pour ma part, je regarde un instant la suite de livres posés sur la bibliothèque, en récupérant un que je n'ai pas lu cette semaine en pensant qu'il faudrait que je me refasse une descente à la librairie. Ou que j'y envoie Tom. Ces boutiques ont le mauvais gout de pas faire de nocturne. Avant de m'installer dans l'endroit que je considère comme le meilleur de la pièce, à savoir la niche de l'une des fenêtres, qui me permet de garder un œil sur la rue en contrebas et me donne en prime un point de vue optimal sur tout ce qui se passe dans l'appartement sans attirer l'attention plus que ça. Combien de fois j'ai pu attraper Tom ou Adé qui pensaient pouvoir sortir en douce passé l'heure de mon couvre-feu... Et oui, quand on sait ce qui traine la nuit, on évite de laisser ses proches sortir dans cette même nuit.

Je sors de ma chambre au moment où mon père débaroule dans le salon en compagnie d’une charmante jeune femme, installée sur le canapé. Je raconte même pas le sourire débile que j’adresse à mon père alors que je salue d’un simple geste de la main l’inconnue. Y’a une putain de couverture et un oreiller ! Elle reste dormir et c’est une victoire pour mon paternel. Par contre, mes oreilles de renard ont pas raté une miette concernant le frigo.

« J’ai pris la dernière bouteille de Yop p’pa ! »

Un nouveau grand sourire à la con et je lui adresse un clin d’œil avant de me rediriger vers ma chambre pour laisser les deux tourtereaux en tête à tête.

« Passez une bonne nuit … je mets mes écouteurs ! »

Je ferme la porte en explosant de rire avant que le vampire ne me jette un des oreillers fraichement sorti au visage. Je l’aurais bien mérité cela dit, mais je serais un mauvais fils si je n’avais pas fait une réflexion débile alors qu’il ramène enfin une conquête à la maison. Sur ce, je m’exécute et coupe le son de mon ordi pour me remettre Fall Out Boy sur mon téléphone avec mon casque vissé sur la tête.

L'oreiller qui vole contre la porte tout juste refermée de la chambre de Tom n'était pas volé. J'aurai même du ne pas lui offrir le luxe de refermer la porte avant que je ne l'envoie voler. J'aurai pu, il n'aurait clairement pas eu le temps de réagir. Mais loin de moi l'idée de lui faire mal, et un oreiller a beau être tout sauf dur, avec la force adéquate, on peut faire mal avec. Pas envie de m'offrir un tour aux urgences ce soir. D'accord, d'accord, pas envie d'en arriver à blesser intentionnellement mon propre fils pour une bêtise pareille.

"Petit con va."

Dans le coup, je n'ai pas d'autre choix que de me relever du coin tranquille où je m'étais installé pour aller ramasser l'oreiller que j'ai envoyé à travers la pièce. Avant de le remettre à sa place et reprendre ma lecture, laissant à mon invitée du soir l'occasion d'un peu de calme. J'imagine que discuter de ce qui s'est passé ou quoi ne risque pas de l'aider à ce calmer, alors je vote pour une soirée plus calme qu'elle ne l'a commencé. Mon oreille indiscrète capte d'ailleurs que ses battements de cœur semblent se calmer, au moins quelques instants avant de s'affoler à nouveau et la voir s'inquiéter de savoir si ses contacts ont été mis au courant pour ce soir. Je repose mon livre d'un geste un peu trop rapide pour revenir vers elle, me forçant à rester "au ralenti" comme je l'aurai fait avec Adé ou Tom quand ils étaient enfants, posant bientôt une main sur la sienne pour la tranquilliser.

"Je suis sur qu'elle s'en sera chargée. Au pire des cas, je les appellerai demain, si vous le souhaitez. A mon avis, ils apprécieraient peu d'être réveillés à cette heure, si ce n'est par la police...  D'accord, si vous avez leur numéro, j'vais mettre mon collègue sur le coup. Il a ses entrées au commissariat, lui."

Je la laisse me donner les numéros dont on a besoin avant de tirer la couverture au dessus d'elle, veillant à ce qu'elle soit bien installée avant d'aller remonter le chauffage d'un ou deux degrés. J'ai la fâcheuse tendance de ne pas ressentir la température autour de moi, et certains s'en plaignent au matin, alors, autant lui éviter d'avoir froid cette nuit. J'en profites pour entrouvrir la porte de la chambre de Tom, vérifiant ce que je savais déjà, qu'il ne dort pas. D'un coté, j'ignore comment il pourrait faire avec ce son qui va lui exploser les tympans avant l'heure. Je referme doucement la porte avant de m'arrêter à celle d'Adé, où je me contente d'écouter son souffle régulier à travers la porte, et je retourne lire, au moins le temps d'être convaincu que la jeune femme s'endorme comme elle le devrait. J'imagine que l'adrénaline disparaissant progressivement de son organisme va l'y aider plus vite que l'idée de sombrer dans l'inconscience dans un endroit inconnu, près d'un type qui n'a pas eu l'air plus affolé que ça de voir ce qu'elle a pu voir ce soir...