Nathaniel Orsan - Life was a game I'm now paying the price

Nathaniel est né à peu près à l'autre bout de la ville dans laquelle il vit aujourd'hui. Illusk. Ses parents, deux élémentaires. Un père forgeron, une mère herboriste, à peu près tout ce qu'il y a de plus normal dans cette cité qui a fait le choix de survivre à l'influence néfaste du modernisme. L'anormalité est son reflet. Plutôt son jumeau. Un complice de la première heure avec qui il a fait pleurer une bonne partie du quartier. Non pas qu'ils étaient méchants, mais on finissait par se méfier de leurs frasques même lorsque leurs intentions étaient bonnes.
Avec leur père ils apprirent l'art de la forge. Avec leur mère celui des plantes... un art dans lequel Nathaniel n'a jamais vraiment excellé, contrairement à son frère. Une première fêlure dans le miroir de leur ressemblance. Un autre point de discordance? Mélissandre. Il fallu en effet qu'ils tombent amoureux de la même demoiselle... et quelle demoiselle! Pour être capable de tenir tête à ces deux loustics réunis, il fallait déjà une certaine force de caractère.
C'est Danak qui a fini par l'emporter, cette bataille. Si Nate lui en a voulu? Non. S'il en a voulu à sa désormais belle-sœur? Pas davantage. Il avouera cependant que jeune et sot, il aura peut-être abusé de sa ressemblance avec son frère pour se rapprocher de la dame, rien qu'une fois... Non pas qu'il ne la respecte pas, bien au contraire, mais l'amour rend con, c'est bien connu.

Cette épée qui ne le quitte jamais? Il sait que Danak a eu la même. Il ignore s'il la porte encore aujourd'hui. A ses yeux, c'est l'arme parfaite, parce qu'elle est le fruit de leur travail commun. Il était prêt à risquer gros pour cette lame. Il a bien failli y perdre son frère, un jour qu'ils se sont retrouvés face à plus fort qu'eux. Pire encore, il a failli rendre sa belle-sœur veuve et sa nièce orpheline. Et ça, ça lui est resté en travers de la gorge. Il aurait pu simplement en causer avec Danak. Mais il sait parfaitement qu'à têtu têtu et demi, et il ne parviendrait jamais à faire entendre son point de vue à son jumeau. Celui selon lequel il ne le séparerai pas de sa famille en l'emmenant à la tombe. Parce que lui n'avait rien à perdre, et comptait bien continuer ses explorations hors de la caverne qui abrite Illusk encore un peu... et Danak ne le laisserait jamais au grand jamais partir seul.

Alors il a profité que son frère se remettait de leurs derniers exploits pour s'en aller, poussant l'aventure toujours plus loin. A un moment donné, il y a quelque chose comme une quinzaine d'années, il est tombé sur un groupe de kobolds apparemment très occupés. Les Kobolds? Regardez un peu le traitre qui sert de conseiller au grand patron, si vous voulez savoir ce que c'est. Bref, quelques coups d'épées plus tard, il découvrit la raison de leur agitation. Une femme si belle qu'il se demande comment on peut vouloir lui faire du mal... même en étant un Kobold... Il regrettera un instant de ne pas avoir davantage retenu les leçons de sa mère en matière de médecine, devant trainer la blessée jusqu'à la ville en espérant qu'elle tienne le coup jusque là.

C'est pendant son sommeil, sous la surveillance des guérisseurs de la cité, qu'il parvient enfin à quitter son visage du regard pour remarquer autre chose de plus inhabituel. Ses ailes. Aussi blanches que celles d'un ange, et aussi abimées que celles d'un oiseau attrapé par un chat. Si lui portait quelques plaies superficielles, il repoussa l'assistance des guérisseurs, veillant l'oiseau aux ailes brisées nuit et jour, jusqu'à ce que ses yeux dorés ne croisent les siens. Ce jour-là, il sut qu'il avait enfin trouvé quelque chose d'assez précieux pour craindre de le perdre. Ce qu'elle était? Une néphilim, rien de moins. L'enfant d'un ange tombé du ciel qui avait tenté de se réfugier dans les souterrains après que son existence soit découverte. Les risques? Il n'en avait cure. Il était prêt à affronter les légions du ciel tout entier pour elle s'il le fallait.

De même que le reste de son corps, ses ailes finirent par guérir des mauvais traitements subis. Mais pas assez cependant pour pouvoir espérer la porter de nouveau un jour. Une épreuve dans laquelle il serait son soutien. Le choix de s'installer sur les hauteurs de la ville? L'occasion d'un point de vue élevé, une façon pour elle de survoler la caverne du regard à défaut de pouvoir le faire vraiment. Esther fut pour lui autant une drogue qu'un médicament. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, ils accueillirent Kelean dans la famille quelques années plus tard.

Et autant dire qu'au début, Nate a prouvé qu'il n'était absolument pas doué avec les enfants. Ou alors, son fils avait une dent contre lui. Il a fallu le concours d'une porte maladroitement refermée sur l'une de ses ailettes pour que l'enfant affolé vienne se réfugier dans ses bras. Des ailettes qui ne se développèrent jamais totalement d'ailleurs, demeurant au stade de membres pourvus simplement de juste assez de plumes pour les couvrir. Si les rémiges permettant le vol pousseront un jour? Nate l'espère, mais n'y croit plus vraiment. Un remord pour lui, convaincu que c'est son métissage qui cloue son oisillon au sol.

Neuf années durant ils vécurent heureux. Son épouse et lui ont ouvert une taverne au rez-de-chaussée de leur habitation, et lui s'est installé une petite forge à l'arrière. Juste de quoi revenir aux origines quand le besoin s'en faisait ressentir. Jusqu'à l'hiver dernier, celui qui vit Esther se faire happer par la maladie sans qu'on y puisse rien faire. Nate est resté avec elle jusqu'au bout, la regardant dépérir chaque jour davantage sans pouvoir rien y faire. Une impuissance qui le mit d'abord en colère... mais en colère contre quoi? Il n'y avait personne sur qui se venger, pas dans ces circonstances.

Ça a failli l'achever. S'il n'y avait pas eu son fils, il doit avouer qu'il ne sait pas ce qu'il aurait fait. Aujourd'hui, il fait son possible pour rester fort pour le gamin, mais le secours inespéré de sa nièce est plus que le bienvenu. Lâcher du lest et s'autoriser à pleurer son amour perdu, il en a besoin sans se l'accorder vraiment. Le retour de son frère dans sa vie? Ca, c'était imprévu par contre. Bon ou mauvais? A voir comment ça tourne.