Ewleth Arendil - My blood is my curse

இ Être né quelque part pour celui qui y nait est toujours un hasard. இ
Ewleth est né il y a 170ans dans les profondeurs d'une cité Drow dont le nom importe peu. Un nom de toute façon quasi imprononçable pour qui ne possède pas l'accent des profondeurs. Son père? Probablement mort avant sa naissance, pour peu que sa mère s'en soit lassée trop vite. Sa mère? Il l'apercevait de loin, au cours des réunions tactiques du clan, ou des rares cérémonies religieuses auxquelles les mâles étaient invités à se joindre. Celle qui l'a éduqué - dressé - était l'une de ses tantes, une sœur de sa mère n'ayant pas eu la chance de naitre la première, et pas la hardiesse de faire en sorte de le devenir. Une "qualité" à laquelle elle devait probablement la vie. Si elle avait représenté une menace, la Mère Matrone l'aurait fait disparaitre comme nombre d'autres avant elle.
Des frères, des sœurs? Un frère, un nombre qui ne risquait pas de progresser avec le temps. Il était en effet de tradition que le premier fils devienne sorcier, le second un guerrier et le troisième... un sacrifice. Pour qu'un autre survive, il uarait fallu que Ewleth ou son ainé décède en cours de route... et malgré l'ambition de la jeunesse, il compris vite que la place de second-fils était la plus confortable. Son frère passerait les cinquante années à venir à craindre la dague de son cadet quand lui n'avait pas à s'inquiéter de ce genre de préoccupation.
A sa naissance, il avait deux sœurs ainées. Deux autres rejoignirent le clan par la suite. Orphelines récupérées des restes d'un clan ennemi anéanti. C'est comme ça que ça fonctionne, chez les Drows. Quand une Maison est détruite, les soldats mineurs renforcent l'armée de la Maison survivante au raid, ses filles rejoignent la famille comme membres à part entière... et ses fils passent de vie à trépas.

இ La volonté des petits mâles doit être brisée, et ils doivent apprendre à obéir sans réfléchir. இ
Bref, la partie contextuelle mise en place, revenons à nos moutons. C'est donc à sa tante que l'enfant fut confié peu de temps après sa naissance. Sevré rapidement, il fut bercé dès sa plus tendre enfance des histoires de son peuple, de la gloire de Lloth, leur déesse, de la haine inspirée par les elfes blancs, leurs cousins de la surface... Les histoires du soir étaient simples. L'ennemi s'appelait "elfe", et la sauveuse s'appelait "Lloth". A peine sut-il marcher que l'enfant fut mis au travail, et appris à connaitre chaque marche de chaque escalier et chaque pavé de chaque carrelage de la maison. Croiser le regard de ses ainés? Il essaya, et la rouste qu'il prit lui conseilla de ne pas retenter l'expérience.
Huit années durant, ce même manège. Un ménage sans fin de toutes les pièces de la demeure, l'interdiction de croiser le regard ou adresser la parole à qui que ce soit, et le rappel que même les kobolds, cette misérable chair à canon qu'on se faisait presque livrer au kilo en temps de guerre, étaient plus dignes de respect que lui.

இ Tu n'es plus un page, mon fils, mais un Prince de cette Maison. இ
Au jour de son dixième anniversaire, changement radical de programme. L'enfant fut convoqué dans l'une de ces pièces réservées aux femmes où jamais un mâle n'aurait osé seulement approcher un regard ou une oreille. Face à sa mère, cette ombre menaçante dont il ignorait jusqu'aux traits, ne connaissant que le son de ses cris traversant le domaine lorsque l'un ou l'autre avait le malheur de lui déplaire. Par curiosité, il osa lever le regard, un quart de seconde, avant de contempler de nouveau les lignes du pavé de la pièce. La gifle qu'il reçu l'envoya à terre, sans qu'il ne comprenne les règles de ce nouvel exercice. Après dix ans à devoir baisser le regard, il devait à présent le lever fièrement... ou du moins, juste assez pour ne pas manquer de respect à sa mère, sa tante, ses sœurs et à peu près n'importe quelle femme Drow qui croiserait son chemin. La fierté est une notion étrange pour un mâle Drow...
Dix autres années s'écoulèrent sous la tutelle du maitre d'armes de la famille, le vieux guerrier lui enseignant tout ce qu'il y avait à savoir sur le maniement des armes, les feintes, les parades... tout ce dont il aurait besoin pour rester en vie. Ewleth pensa plus d'une fois qu'il faudrait déjà qu'il survive à son enseignement, vu les plaies et les bleus qu'il récoltait à chaque entrainement. Jusqu'à ce jour où il prit le dessus sur son maitre, la pointe de sa lame s'arrêtant à un demi centimètre de la gorge de son enseignant. S'approcher davantage? Il eut cette pensée en tête, rien qu'un instant, avant de baisser son arme et offrir son dos à son opposant en se retirant. Une erreur qu'il paya d'un coup de pied dans le genou, d'une chute, et d'une lame contre sa propre gorge. "Leçon du jour, ne jamais croire que le combat est fini tant qu'il ne l'est pas." Cependant, ce jour-là, il gagna le respect de son professeur, et les entrainements à venir furent tout aussi dangereux mais plus réjouissants à la fois.

இ La seule vraie différence entre un allié et un ennemi, c'est que le premier mérite une mort rapide. இ
Ewleth avait 20ans lorsqu'il intégra l'école militaire. S'il avait appris à se battre et à survivre avec son maitre d'armes, là-bas, il y appris la véritable stratégie Drow. Car les Drows ont un sens de l'honneur bien à eux, et ce dernier ne semblait pas aller dans la même direction que le sien. Naïf, il se fit avoir à de nombreuses reprises par d'autres étudiants, récoltant des coups qu'il n'aurait surement pas pris s'il avait compris cette notion connue et revendiquée par la plupart des Drows : La lame de tes amis est la lame de tes ennemis. Cette notion apprise et adoptée, il finit par abandonner l'idée de combattre en équipe pour défendre sa seule peau. Une technique de combat qui ne l'a jamais quitté, d'ailleurs, incapable qu'il est aujourd'hui encore de savoir compter sur ses alliés au cours d'une bataille.
Après dix années d'études, il revint rapidement parmi les siens avant de choisir de rejoindre les patrouilles extérieures de la cité, une façon pour lui d'échapper à sa famille, bien qu'un Drow en égale un autre. Une prêtresse est une prêtresse, toujours prête à rappeler à coups de fouets au mâle qui la toise qu'il n'est qu'un misérable mâle. Un sorcier est un sorcier, toujours prêt à prouver à un guerrier que ses lames ne peuvent rien contre sa puissance... alors en fait, dans le domaine familial ou dans les tunnels, il n'était jamais dépaysé. La différence majeure étant qu'au lieu d'affronter ses frères Drows, il affrontait des créatures des profondeurs. Gobelins, trolls, hobgobelins... un sport national parmi ceux de sa génération fut la chasse au kobold également... l'idée? Capturer un Kobold. Le relâcher dans un tunnel en ligne droite. Voir quelle distance il peut parcourir avant qu'une lance, une flèche, ou un carreau d'arbalète ne l'atteigne.

இ Une illusion, c'est réel tant qu'on y croit. Un instant de doute et la fable vole en éclat. இ
Ewleth avait 35ans lorsqu'on fit un honneur tout particulier à sa patrouille. Celui d'avoir été choisie pour participer à un raid à la surface. La perspective de faire couler du sang d'elfe remboursa largement le labeur du trajet pour les jeunes Drows, bercés depuis le plus jeune âge par les récits sanglants sur l'ennemi elfique. Et pour ajouter au dramatique de "l'enfer dans lequel ces viles créatures vivent", c'est en plein jour qu'ils émergèrent des profondeurs pour la première fois de leur vie, le soleil blessant instantanément des rétines n'ayant jamais connu ne serait-ce que la lumière d'une bougie. Attendant finalement le coucher du soleil pour sortir de nouveau, l'un des plus anciens, habitué à ce genre de mission, parti localiser la cible la plus proche, ils atteignirent finalement un campement, non pas d'elfes, mais de simples humains. Pour tout dire, Ewleth mettra encore plusieurs décennies à comprendre la différence entre ces deux races. Une chose qui déstabilisa la troupe? L'absence clairement évidente de guerriers au sein de ce groupe. Eux qui avaient des idées préconçues des créatures de la surface restèrent un instant indécis. Du moins jusqu'à ce que le signal de l'attaque soit donné. On lui avait appris à obéir. Ewleth obéit. Et il n'avait de toute façon, à l'époque, aucune raison de douter de la parole de ses pairs. Moins de dix minutes leur suffirent pour repeindre en rouge l'herbe du campement, laissant derrière eux autant de corps brisés qu'il y avait eu d'âmes vivant là.
Ce qui ébranla les certitudes du Drow devait se dérouler plus tard cette nuit là. Lorsque l'un de ses compagnons réapparut des sous-bois en trainant une enfant hurlant à pleins poumons. Si la chasse au kobold était une distraction à ses yeux, cette fois-ci, ce n'en fut pas. Et lorsqu'on le poussa à tenter sa chance après que la gamine ai échappé aux tirs de deux Drows n'ayant apparemment pas les yeux en face des trous, il récupéra sa lance avant de s'éloigner, allant perdre son regard dans la lueur pourtant vive des étoiles. Malgré la douleur, vive, et les larmes réflexes de ses yeux tâchant d'éviter la brûlure, c'est un spectacle qu'il trouva aussi beau que les rues animées de sa cité natale vues sous le spectre infrarouge.

இ Je t'offre une opportunité. A toi de décider de la suite du trajet. இ
De retour auprès des siens, on le remarqua plus taciturne, et moins enclin à la fête - façon Drow, je vous laisse imaginer ce qu'est une fête. D'ordinaire, que ses ennemis soient Drows ou monstres, chacune de leurs morts avait un propos bien défini. Avec cette elfe miniature, dont le regard ne décelait pas la moindre trace de haine comme on pouvait en voir chez les enfants Drows bien avant l'heure, ses convictions prirent un coup dans l'aile. C'est là qu'il prêta attention à l'une des nombreuses rumeurs qui tournaient dans ces tavernes où se regroupaient les Drows mâles quand les prêtresses leur lâchaient enfin la bride. Une de celles qui évoquaient une terre où les leurs pourraient vivre loin du joug de ces femmes. Une rumeur dont beaucoup rient, d'autres s'inquiètent, mais que personne n'écoute vraiment à moins d'être intéressé par cet inconnu qui n'est peut-être qu'un piège pour tester leur loyauté. Un piège dans lequel il décida de plonger. Et tant pis si cela lui valait d'être changé en Drider.
Rejoindre Illusk? Effectivement, c'est réservé aux Drows motivés. Mais il semble que Darkhan se méfie avec raison des potentiels espions qui infiltreraient la cité uniquement pour offrir sa localisation à Lloth et ses ouailles sur un plateau d'argent. Pour Ewleth, un changement d'atmosphère, et un sacré changement de vie. Accepter que les Kobolds puissent être des êtres vivants doués d'intelligence (toute relative soit-elle), que lycans, vampires et autres gobelins ne soient pas de ses ennemis... tout simplement de pouvoir respirer sans craindre la dague qui se planterait entre ses côtes... ce sont des années qu'il lui fallut pour accepter de circuler sans arme et sans raser les murs. Une quinzaine d'années, qu'il passa là-dessous, à apprendre à vivre une vie que l'on pourrait qualifier de normale alors que l'ombre du 20eme siècle se profilait à la surface.

இ Lune qui là-haut s'embrume avant que le jour ne vienne... இ
Les étoiles. Elles le fascinèrent dès la première nuit où il les vit. Et quand il apprit que Illusk avait un accès direct à la surface, ce devint une habitude. Sortir à l'air libre, la nuit, et observer les étoiles de même qu'être témoin silencieux de l'évolution de la ville du dessus, Chicago. Souvent en solitaire, parfois accompagné d'une ombre, un esprit dont on soupçonne l'existence sans jamais réussir à la cerner vraiment. Spirit ne lui aura cependant pas été d'une grande aide le soir où ce projectile lui transperça l'abdomen, le laissant à l'agonie dans la sombre ruelle où il s'était installé une bonne partie de la nuit. Quoique... sans doute n'était-elle pas étrangère à l'arrivée de cette elfe perdue bien loin de son ile. L'emmener à l'hôpital local? Oui, bien sur. Une elfe et un Drow à l'hôpital, le tout en 1910... La discrétion totale et complète... en vérité, sans doute plus qu'aujourd'hui, étant donné que Tolkien n'avait pas encore créé la Terre du Milieu et donc une communauté de lecteurs parfaitement capables de reconnaitre un elfe quand ils en voient un. Bref, ne souhaitant pas parier sur sa chance ou sur la médecine peu évoluée des hommes, elle le ramena sur l'Ile Mystérieuse, s'attirant le courroux d'une bonne partie du village.
Contre toute attente, et sous bonne garde, le Drow se remit de sa blessure, profitant bientôt de l'ombre du couvert des arbres pour faire quelques pas à l'extérieur. Les semaines qui suivirent le virent découvrir autant ce qu'on peut trouver à la surface - question végétaux, il devait bien admettre que hormis les mousses, champignons et lichens... - que ce qu'il y a à savoir sur les elfes, les vrais, du moins dans la limite de ce que ces derniers le laissaient découvrir sur leur compte. Plus que ne l'auraient souhaité certains, et pour cause, sa sauveuse d'un jour semblait bien décidée à profiter du séjour de son hôte dans les lieux.

இ Le cœur a ses raisons que la raison ignore. இ
Il ne pourrait prétendre avoir été préparé à cette période de sa vie. A cette elfe qui faisait montre d'un intérêt certain pour lui, lui qui ignorait qu'on puisse seulement éprouver d'autres sentiments que la crainte et le respect faussé pour une entité féminine. S'il avait dû, dans sa jeunesse, s'incliner à de nombreuses reprises face aux femmes de sa race, il n'hésitera pas à affirmer que Saleen est la seule femme devant laquelle il se serait incliné de son plein gré, si elle l'avait laissé faire. Pour elle, il a partagé sa vie entre Illusk et l'Ile, apprenant à connaitre les signes annonciateurs du passage du Hollandais. Elle lui a également appris à écouter ses sentiments et ses émotions, se moquant bien souvent de son incapacité à s'ouvrir aux autres tout en louant ses efforts. Des efforts qui se heurtèrent fréquemment aux préjugés des uns et des autres. Lui mis des années à se départir de sa méfiance d'enfant dès lors que l'un des elfes du village faisait quelque chose d'inhabituel, et le reste du village mis un temps à cesser de lui jeter des regards soupçonneux. En vérité, le remède à ce différend vint des enfants. Plus encore que chez les hommes, les enfants sont précieux pour les elfes, eux qui en ont si peu. Et quand celui que vous jugez comme un intrus sauve trois d'entre eux de la charge d'une bête sauvage, vous avez tendance à le juger autrement ensuite...

Aujourd'hui, Saleen et lui sont mariés depuis plus de 80ans. Leur fils ainé, Jakob, va sur ses 55ans et accompagne régulièrement son père lors de ses rondes de surveillance - ayant surtout lieu lorsque le Hollandais accoste, l'Ile empêchant toute autre embarcation de la trouver -, et leur fils cadet, Alraen, attaque sa vingtième année, avec toute l'impétuosité et la soif d'indépendance qui va avec. Lui passe d'ailleurs plus de temps à Chicago que sur l'Ile, causant l'inquiétude de ses parents et la lassitude de son frère. Le concernant, Ewleth est clairement dépassé, et il ne sait vers quel elfe ou drow se tourner pour l'aider à comprendre ce qui ne va pas entre son fils et lui. Sa crainte? Que le désir de son fils de le contredire en tout et sur tous les points le conduise à un retour aux origines.