Cauchemars, terreurs nocturnes et un soupçon de magie. [Nath&Dante]

La dernière fois que j'ai fini à l'hosto? Y a quelques semaines, et j'dois avouer que ça reste plutôt flou, pour ne pas dire que hormis les infos de Elaine et Ryan, j'ai aucun détail de la soirée. Et demandez pas à Dante, j'ai pas voulu le mettre au courant. Il aurait encore flippé pour rien. Remarquez que ça fait vraiment pas de mal d'avoir quelqu'un qui se préoccupe de soi, et il a une façon de le faire juste craquante, mais vraiment, j'ai pas eu envie de lui rajouter ça sur les épaules alors que je sais même pas de quoi il retourne. Bref, pourquoi j'en parle du coup? Parce que depuis, j'ai ces foutus cauchemars dont je pensais m'être débarrassé qui me reviennent en pleine face dès que je ferme les yeux. J'suis sur que Dante l'a remarqué, mais j'mettrais ça sur le compte de la période de l'année, sur le fait que j'bosse trop et dors pas assez (la faute à qui?), et pis voilà.

Je quitte le bar après avoir fini mon service en début d'après-midi, sans attendre Dante qui a prévu de me rejoindre sur le trajet.On peut dire que j'ai mon escorte personnelle pour le retour, et j'avoue que vu les derniers trucs qui ont fait la une du Tribune, ça me va assez bien que Dante décide de m'accompagner. Ouais, on va dire que j'ai pris la trouille, ces derniers temps. Bref, la prochaine fois, j'aurai l'idée de l'attendre au bar devant un cocktail fait maison, ça m'évitera les mauvaises rencontres au détour d'une ruelle que j'utilise comme raccourci pour passer d'une avenue à une autre. La mauvaise rencontre? D'abord un coup par derrière, en plein dans les côtes, qui me fait rencontrer le mur proche, puis un autre, et un autre et encore un, s'acharnant sur moi alors que je ne peux que me recroqueviller pour les recevoir. J'pourrai me défendre, t'être, mais pas là, pas alors que ça me ramène à une époque où je ne pouvais que subir les coups encore et encore. Je relève le regard juste assez pour que le visage de mon agresseur me soit visible, et plus que son visage, c'est la canne au pommeau d'argent qui frappe mes souvenirs avant de frapper mon dos une fois encore.

C'est la brusque explosion de magie qui me sort du sommeil, et je me redresse sur le lit le souffle court et en sueur, cherchant le secours de Dante que je trouve... par terre. Fait trop noir dans la pièce pour que je fasse le tour du bordel que j'ai causé, mais j'imagine qu'il est pas tombé tout seul. Je lui laisse à peine le temps de se poser sur le matelas avant de venir me réfugier contre lui, tentant de faire redescendre la pression en me laissant envahir par son calme. Peu efficace en vrai, je jurerai que j'ai vraiment vu mon père face à moi, et j'ai même mal partout comme si il m'avait vraiment foutu sur la gueule y a pas cinq minutes.

Putain de... sincèrement, j'ai pris d'autres roustes que celles infligées par mon père, dans ma vie, aussi bien des bagarres de bar que des bastons de coins de rues, des mecs que j'ai cherché moi-même et d'autres qui m'ont pas demandé mon avis pour me trouver. Des filles aussi, et là c'est inégal, parce qu'un de mes rares principes, c'est de pas frapper une femme. Même si elle l'a très bien cherché. Mais bref, c'pas le sujet. Le sujet c'est que y a que mon père qui ai jamais su instiller autant de terreur dans chaque parcelle de mon corps que j'en ressens ici et maintenant. Et je ne suis pas seulement collé à Dante en quête de réconfort, c'est même totalement sa protection que je recherche, alors que mon dos est aussi tendu que si je m'attendais à en prendre une de plus. Je reconnais cette sensation comme un lointain souvenir que je pensais loin derrière moi, surtout depuis que le paternel est six pieds sous terre. Enfin non, là il l'est pas, parce que si c'était pas lui... La pensée me tire un nouveau frisson de trouille, et je crois que Dante peut faire tous les efforts du monde, il ne m'en tirera jamais un pareil, quoiqu'il en pense.

"Nan je... c'b... Ok nan, c'pas bon. Allumes la lumière s'teuplait, j'veux être sur que... Allumes."

Il a un interrupteur de son coté? Me semble. J'en sais rien. J'réfléchirai demain. Là j'veux juste être sur que y a que lui et moi dans la pièce. Dans l'appart. Dans l'immeuble. Ok, pas réaliste. J'en profiterai pour admirer le bordel que j'ai mis dans la chambre quand j'aurai les neurones moins bugués. Pour le moment, je capte même pas. Et pourtant, une petite voix me dit que y a du boulot pour ranger. Mais j'm'en fous. Ce que je sais là, c'est que je suis terrifié, j'ai mal, et j'ai autant envie que Dante vérifie que c'est sur que j'ai pas envie de le voir me lâcher une seconde. Je le laisse pourtant s'échapper pour me confirmer que c'est bien tranquille, et j'en profite, machinalement, pour jeter un œil vers mes côtes douloureuses et buguer un peu plus. C'pas ma magie qui a causé ces marques, ,j'en met ma main à couper. Mon vampire surpuissant de mec non plus d'ailleurs. Elles ressemblent bien trop à celles, bien moins fraiches, qui sont restées marquées sur ma peau malgré les années.

"Putain c'est quoi ce merdier?"

Dans l'coup, j'suis réveillé au moins, c'est ça de gagné...

Je remercierai Dante plus tard d'être le plus posé de nous deux, ou tout du moins, de ne pas m'accompagner dans mon affolement personnel. Pour le moment, je me force à garder mon regard dans le sien, dont le bleu est loin d'égalé l'intensité de celui de mon frère ou de mon paternel. Au moins jusqu'à ce qu'il se rapproche assez pour me faire loucher, et poser son front contre le mien, avant de m'offrir le réconfort de ses bras. Je m'y abandonne un moment, respirant son parfum, sentant la fraicheur de sa peau irradier sur la mienne si fiévreuse.

"C'le même cauchemar depuis un mois. J'sors du boulot, j'avance pour te rejoindre sur le chemin, et il me tombe dessus. Mon père." Un mot que je crache presque, avant de reprendre. "Mais là c'était différent. Ca paraissait si... réel."

Je m'éloigne légèrement de lui, assez en tout cas pour pouvoir inspecter ce qui m'est accessible de mes flancs endoloris.

"C'est la première fois que ça me fait ça par contre. C'pas ma magie qui m'a fait ça. J'fous le bordel autour de moi quand elle pète, j'me fait pas de mal à moi-même."

Parlant de bordel, je m'intéresse pour la première fois au dawa que j'ai foutu dans la pièce alors que ses doigts froids parcourent les bleus que j'ai récolté dans la bataille.

"J't'ai pas fait mal à toi au moins?"

Si c'ma hantise, de faire du mal aux autres quand je perd le contrôle? Totalement. J'ai réussi à casser quelques côtes à Shawn une fois, et ça aurait pu finir moins bien encore si le plafond s'était effondré deux mètres plus à droite. Étonnement, j'ai toujours réussi à me contrôler à peu près avec Claire, à l'exception d'un taux extraordinaire de verres brisés quand on se prenait la tête, et je crois bien que cette fêlure dans le carreau de la cuisine, c'était aussi de mon fait. Après... j'ai éteint l'incendie à coups de drogues dures. Tout en craignant de faire mal à ma fille à chaque occasion que j'ai pu avoir de passer du temps avec elle. Heureusement, c'est jamais arrivé. J'm'en serai pas remis, c'est certain.

Déjà, je retiens, un mois, c’est effectivement là que j’ai commencé à le sentir plus tendu. Pas vraiment distant, mais pas prêt en tout cas à partager avec moi. Je n’imagine même pas le vécu traumatique qu’il a enduré enfant et devoir revivre toutes les nuits ce même rêve a dû être éreintant. A contrecoeur, il se détache de moi et je ne peux m’empêcher de porter le regard inquiet qu’il déteste tant. Soit disant que je n’ai pas besoin de porter sa croix en plus de la mienne, j’aime bien lui rappeler que dans un couple, on partage ce qu’on veut et aussi nos malheurs. Ok, j’suis pas un exemple non plus, mais on va bien finir par travailler sur ça et trouver un juste milieu. Une pointe d’amertume ponctue toutefois la description de son cauchemar. Je suis la personne qu’il est censé rejoindre et je ne suis pas là, je ne le protège pas. Même si ce n’est qu’onirique, cela me blesse de me dire que j’ai failli dans son subconscient.

Préoccupé par son état physique, nous inspectons tous les deux l’étendue des dégâts sur son corps. Je secoue la tête en signe de négation, incapable de procéder à un raisonnement logique sur la survenu d’un tel phénomène. Pas de possession, je n’imagine pas non plus une malédiction et la seule chose qui me vient dans l’immédiat c’est l’œuvre de quelque chose de plus puissant genre le croque-mitaine ou que sais-je … honnêtement, j’espère que ce n’est pas ça parce que je n’y connais strictement rien en la matière et je me sens encore une fois des plus impuissants face à mon homme.

Je soupire en l’entendant se préoccuper pour moi et lève un regard empreint de tendresse vers lui. Il a souffert et il pense encore aux autres, je suppose que cela le torture de se dire qu’il peut blesser les gens autour de lui.

« Je n’ai absolument rien … »

Je me lève et pose un regard inquisiteur sur lui en revanche.

« Toi, par contre, ça te ferait pas de mal un peu de glace. Je vais dans la cuisine tu veux venir avec moi ? »

Je m’en doutais un peu, mais le brun me suit docilement alors que nous quittons notre chambre. Je ne l’avais jamais vu autant sur le qui-vive, comme si son paternel allait effectivement surgir devant nous dans la seconde qui suit … Sincèrement, si cela arrivait, j’ai peur de ne pas garder mon sang froid et de lui donner un ticket retour direct pour l’enfer. Je serre mes poings et me résigne à nous guider jusqu’à la cuisine, sentant son souffle chaud dans mon dos, ma main cherche la sienne et j’entrelace mes doigts. Je comprends pas … y’a quelque chose, c’est définitif, mais je ne comprends pas. L’ambiance dans le salon est lourde, les lumières éteintes à l’intérieur tandis que le halo d’un lampadaire loin en contrebas allonge les ombres de nos meubles. Instinctivement, je sors les crocs, mais peut-être n’est là que mon imagination.

Y a un truc dans son regard, quand je lui raconte le cauchemar qui me hante chaque nuit depuis un mois. Oh, il m'a hanté plus d'une fois avant, mais pas de manière aussi appuyée, et pas en solitaire. J'ai plus d'un mauvais souvenir dans ma vie qui peuvent alimenter une nuit entière de cauchemars sans s'offrir de redifs, et on ne parle même pas de ce que mon esprit peut s'inventer à coté. Du genre? Que j'ai peur des crocodiles. C'est con, c'est même totalement stupide vu qu'à Chicago, ça court pas les rues, et que j'peux totalement regarder un docu sans devoir éteindre précipitamment la télé. Mais ça m'arrive de faire ce cauchemar d'un pont de singe à franchir, et en dessous, y a des crocos. Et j'vous laisse deviner la suite. Bref, ça c'est les conneries de mon esprit, et j'le remercie presque de me les trouver parfois. Mais on disait. Que j'suis pas débile, j'le vois ce truc dans ses yeux quand je lui dit ça. Mais j'avoue être un poil trop préoccupé pour mettre le doigt dessus maintenant. J'y repenserai plus tard. Qu'il me fasse confiance pour ça.

Il a beau me dire qu'il n'a rien, je ne peux pas m'empêcher de vérifier rapidement qu'il me raconte pas de chars pour me rassurer, avant d'acquiescer à sa proposition de le suivre dans la cuisine. Pas par envie de me lever, sérieusement. Parce que là, j'ai vraiment, mais vraiment pas envie de me retrouver seul à seul avec moi-même, même si la lumière allumée me montre clairement que y a pas de monstre dans le placard. On a vérifié sous le lit? Ok, c'bon signe que l'humour de merde refasse surface ou pas? Bref, plus sérieusement, je le suis en dehors de la chambre, glissant mes doigts entre les siens quand je sens sa main se glisser sur la mienne, maudissant le mec brillant qui a pas pensé à mettre un interrupteur à coté de la porte de la chambre. Pas que cui de l'entrée soit très loin, mais là tout de suite, "pas très loin" me parait des kilomètres, même si je connais cet appart par cœur à force de me lever de nuit sans vouloir réveiller personne. Fin, Elaine surtout, parce que j'ai le copain le moins chiant du monde question ronflements.

Je tatonne sur le mur jusqu'à ce que les doigts ne rencontrent l'interrupteur, clignant un instant des yeux face à la lumière. Pour voir comme une ombre quitter le mur en face de nous pour s'infiltrer par la fenêtre. Mais entre mes clignements d'yeux et la lumière de la rue qui ne nous laisse jamais vraiment dans le noir, ajouté au stress que j'ai encore pas totalement évacué... bref. Si je ne sentais pas Dante totalement sur le qui-vive devant moi, j'me dirai que c'est mon imagination et basta.

"Qu'est-ce que tu vois?"

Je pose ma main libre dans le creux de ses reins, tout en me disant qu'en fait, sortir chercher trois malheureux glaçons ça s'appelait de la connerie profonde. Je prend volontiers la fraicheur de sa peau, surtout vu la surface de mon dos qui va me faire pigner une fois l'adrénaline descendue. Du moins, je suppose, vu le peu que j'en ai vu.

Dire que je suis tendu n’est qu’un euphémisme. Mes muscles se bandent et à l’apparition de l’ombre lorsque Nath allume la lumière, je me raidis, prêt à bondir. Mais cela n’aurait servi à rien … la présence disparaît rapidement par la fenêtre et je valide que nous sommes à nouveau seul. Une seconde à fermer les yeux et laisser mes autres sens s’aiguiser confirme cela. La voix de mon homme et sa main dans mon dos me ramène à un peu plus de chaleur humaine. Je soupire. C’est moi, où lui est carrément las et résigné ? Le cauchemar a dû lui prendre toute son énergie et j’aimerais pouvoir être plus rassurant.

« C’est parti … »

C’est parti, mais c’était là. Se promenant en toute impunité dans notre appartement.

« Dis à Elaine de pas venir ce soir. »

Ok, je suis peut-être plus autoritaire que ce que je ne l’aurais souhaité, mais je n’ai aucune envie de mettre en péril la vie de la jeune fille et je compte bien résoudre notre problème d’intrus avant. Un nouveau soupir franchit mes lèvres et je me détache de mon cher et tendre pour inspecter les lieux. En premier, la fenêtre puisque c’est de là que le voyageur a pris la poudre d’escampette … je passe un doigt sur une trace de brûlure à l’endroit présumé du passage de l’ombre.

« J’te jure que j’suis à deux doigts de penser qu’on a un Croque-Mitaine en ville, mais bon, il est pas censé s’en prendre qu’aux enfants ? »

Je jette un regard à mon mec et j’avoue qu’un léger sourire vient égayer mon visage. Mon grand gamin immature ! Sinon, rien d’autres n’attire particulièrement mon attention, mais cela me fait chier à un niveau divin de me dire qu’on s’est introduit jusque dans notre chambre à coucher sans que je ne le remarque. Troisième fois de la soirée que je me sens impuissant et j’en viens à grimacer. Je veux la palme d’or du vampire le moins efficace du monde et ne parlons pas du détective, ça deviendrait vexant. Je retourne auprès de Nath après avoir choppé un paquet de petit pois dans le congèle et lui donne tandis que mon autre main vient ébouriffer sauvagement sa chevelure déjà en pagaille. Sa mine défaite et son air fatigué me donnent un pincement au cœur. Merde je l’aime, j’devrais au moins pouvoir le protéger des autres.

« Soit on résout ça entre nous, soit je rameute Silas sur le coup, soit tu demandes à ton frère … »

Potentiellement savoir si le frangin a aussi des problèmes d’agression nocturne, ce serait pas mal pour évincer le coup du Croque-Mitaine vue qu’il aime bien s’en prendre aux fratries. Le résultat est le même, je ne vais pas dormir, ni même me perdre dans mes pensées, je passe mes bras autour de sa taille, mon torse caler contre son dos, et complète le travail du sac de congélation a plus grande échelle, même si je suis pas aussi froid que ça, ça fera toujours diminuer les hématomes.

« T’as personne d’assez puissant qui t’en voudrait par hasard ? »

Ça nous avancerait s’il me répondait oui et qu’on pouvait tout de suite s’atteler à chercher cette personne, mais au gré de mes enquêtes, j’ai appris qu’il n’y a jamais de solution aussi évidente … Je dépose un baiser dans sa nuque et reprend d’une voix posée :

« Ce soir, je veille sur toi … on l’attrape. »

Pas une nuit de plus je ne le laisserai revivre ses cauchemars d’enfants et se réveiller avec les coups de canne de son père. Qui sait jusqu’où la réalité peut aller et je ne veux pas le perdre.

Un croquemi quoi? Ca existe pas que dans les contes ce truc là? D'accord, c'est le sorcier qui parle, et le fait que je sois né avec cette magie en moi contrairement à Dante qui est tombé dedans sans l'avoir vu venir ne m'aide apparemment pas à avoir plus de bases que lui en la matière. Je me contente d'acquiescer concernant Elaine, ne comptant pas lui lancer la pique que j'ai vraiment pas eu besoin qu'il me le dise pour avoir cette brillante idée. J'suis levé du pied gauche, j'vais vraiment faire gaffe à pas être con avec lui, il le mérite pas.

"Dois-je te rappeler que Silas et toi m'avez appelé moi sur votre dernière affaire de magie? Fallait être particulièrement désespérés pour ça."

Il me balance un paquet de petits pois congelés, le genre de truc qui doit servir qu'à ça étant donné que j'ai une sainte horreur de tout ce qui est vert dans mon assiette, et je l'appuie contre mes cotes endolories alors qu'il vient se caler contre mon dos. Ca ça fait du bien, et pas qu'à cause de sa peau froide. De savoir qu'il est là, et que j'peux m'appuyer sur lui. C'est con, parce que je le sais, mais le rappel fait pas de mal vu l'état de stress dans lequel je suis là. J'ai l'impression d'être revenu des années en arrière, quand j'pouvais compter que sur moi-même et sur ce pauvre Shawn à qui j'ai pourri la vie comme il faut. J'suis sur que la taule, ça a été des vacances pour lui, même si il devait tourner en rond comme un lion en cage, lui qui tient pas en place.

"Sérieusement, j'sais pas bien qui de "puissant" pourrait bien avoir à se préoccuper de moi. C'est pas franchement un mot qui me caractérise, tu crois pas? Raison de plus pour appeler Max plutôt que Silas. Si c'est une histoire de famille, c'est pas moi qui suis visé. C'plutôt son meilleur poto le démon temporel, tu crois pas?"

Et j'ai pourtant vraiment pas envie d'entendre parler de ce type, pas après avoir eu droit aux souvenirs si agréables de mon paternel une partie de la nuit. C'est simple, il me fait bien trop penser à lui pour pouvoir prétendre qu'ils étaient pas de famille. Pitié, dites-moi que j'ai été adopté...

"Quand j'te dis que j'en ai marre de cette foutue magie et que j'ai absolument pas envie de m'en rapprocher plus. Si j'étais qu'un simple humain, ma vie serait quand même vachement plus simple."

Je pose ma main libre sur les siennes, mon crâne s'appuyant légèrement contre le sien. Si ça aurait posé un problème qu'il soit vampire, dans ce cas de figure? J'ai pas passé autant d'années que Shawn dans la rue, mais dans ces rues, c'est l'entraide qui prime. Qu'on soit blanc, noir ou latino, aucune importance. Alors qu'on soit humain, vampire ou loup-garou, pas plus d'importance, non?

Je pose une main sur ma poitrine, à l’endroit présumé où un cœur devrait battre. Genre « argh tu vient de me tuer avec ta remarque » et en même temps, il a raison … Silas et moi on s’en sort plus ou moins tant que y’a pas trop de magie à gérer, plutôt de la bonne enquête et rien à battre de se retrouver à dégommer des créatures magiques au passage. Mais la magie pure et dure … je suis hyper frileux. Pas ma tasse de thé et j’irais même jusqu’à dire que cela génère même un certain malaise de devoir m’y confronter. J’écoute ses suspicions concernant l’ancêtre Abraxas … le mec dont j’ai pas le droit d’évoquer trop la présence en ville, encore un sujet tabou entre mon homme et moi … va falloir tenir une liste, ça commence à en faire des sujets à pas aborder.

« Va pour Max alors, j’aurais misé aussi dessus, mais bon, j’veux pas t’imposer d’y mêler ton frère, surtout que si j’ai bien compris, vous vous entendez bien, mais y’a une belle discordance sur votre intérêt à voir débouler votre grand-père démoniaque. »

Ting ting ting ! La corde sensible. Mais bon, c’est lui qui l’a mis sur la tapis de parler de cet ancêtre et j’avoue ne pas aimer que sa présence attire en plus des ennuis à sa famille qu’il dit soit disant chérir … quelle créature pourrait bien s’en prendre à sa descendance ou plutôt quelle créature ne serait pas concernée, car il a bien dû en vexer plus d’une au cours de sa longue existence. Le sorcier a l’air foutrement tendu et je le laisse s’appuyer contre moi. Il se dénigre et je ne peux réprimer un nouveau soupir, on est des quiches à pas savoir s’accepter soi-même alors que l'un comme l'autre on a accepté le second les yeux fermés.

« Chaque petite parcelle de toi fait l’être exceptionnel que tu es, alors non, on ne retire rien et toi comme moi, on apprend à vivre avec nos … particularités ? »

Son front contre le mien, je rapproche mon visage pour déposer un baiser sur ses lèvres.

« Pourquoi tu m’en as pas parlé avant ? Tu le sais que je le sentais en plus, on est con à jamais rien se dire, un jour ça va nous porter préjudice … »

Cependant, je me tais, je me glace – un peu plus quoi – et mes sens se mettent en alerte maximale … la présence est de retour et j’ai l’impression qu’elle n’est pas seule cette fois … Je murmure à Nath alors qu’une ombre vient d’apparaître.

« On a de la compagnie … »

Cette dernière semble prendre de plus en plus contenance et bientôt, c’est le bruit d’une canne qui claque contre le sol qui accompagne chaque pas. Je grimace alors qu’une sensation désagréable me parcours, comme si je vivais le souvenir d’un autre, celui de l’homme que j’aime. Me revient les bribes de ses descriptions de son paternel, sa canne, les marques sur son corps et je ne peux que sentir une colère noire monter en moi. Est-ce vraiment qu’un cauchemar ou l’homme a réussi à revenir des enfers pour tourmenter son fils ? Nath s’est retourné et je pose mes mains sur ses épaules, prêt à le dégager du trajet de l’ombre si elle venait à le menacer, prêt à attaquer … je grogne et c’est sans doute cette rage soudaine qui m’empêche de me rendre compte de l’état dans lequel se trouve mon cher et tendre. Mais quel état ?

Je ne me rend compte du tabou que j'ai posé sur cette partie de la famille que quand je voix Dante hésiter à en parler, attendant que j'amène le sujet sur la table pour l'évoquer par la suite.

"Pas tant que ça. On est d'accord sur ce qu'il représente. C'est un fac-similé grossier de notre père. C'pour ça qu'il plait tant à Max, et que j'm'évertue tant à l'éviter. Fin, si ça a à voir avec lui, Max le saura. Ils sont comme cul et chemise non?"

Je soupire quand il me répond que ma magie, ça fait partie de ce que je suis. Pour m'attirer des ennuis c'est pas mal ouais. J'en suis venu parfois - souvent - à me dire que sans ça, mon père aurait peut-être été moins vache avec moi. Après tout, c'est ça qui a été l'élément déclencheur, de base, non?

"Sois honnête, s'il te plait. Si on te disait qu'il existait un moyen de te rendre ton humanité, t'y réfléchirai même pas une seconde? La magie, c'est pas ce qui nous caractérise le plus. C'est pas ce qui nous a fait nous croiser, et c'pas ce qui nous lie."

Il m'embrasse, un bon moyen pour me faire taire, avant de me demander pourquoi j'ai gardé mes cauchemars pour moi. Pour une raison simple. Ne pas lire l'inquiétude que je lis à présent dans ses yeux. J'ai pas le temps de lui répondre qu'il est de nouveau en alerte, me disant qu'on n'est pas seuls ici. Foutue magie. Un frisson me prend soudain et mon premier réflexe est d'agripper la main et le poignet de Dante, reculant légèrement pour me planquer derrière lui. Oui, j'y fais entièrement confiance pour me défendre au besoin, et face à mon paternel, non, je ne jouerai pas les héros.

Un homme apparait soudain, dispersant l'ombre de l'homme qui m'effraye le plus, et avant même qu'il ne prenne la parole, c'est son regard que je remarque. Les yeux clairs, si on m'oublie, c'est légion dans la famille, apparemment. Et d'ailleurs, c'est son évocation de la "famille" qui me fait reprendre une certaine constance. Son arme braquée sur Dante également. De quoi me faire passer de "planqué derrière lui" à "me placer devant lui". J'ai pas assez écouté ce que Abraxas avait à me dire pour reconnaitre être en présence de son frère, mais mon instinct me hurle que ça sent le démon à plein nez là-dedans. Et il a raison sur un point. Hors de question que Dante se retrouve en danger, que je risque de le perdre lui aussi. J'ai mon compte de gens à pleurer. Même si je sers les dents en me promettant de massacrer Abraxas s'il se met simplement à considérer l'idée que suggère ... ah ben son frère, s'il le dit.

"Trop lâche pour attaquer le démon alors on vient intimider ceux auxquels il tiendrait pour le faire sortir de son trou? C'est courageux."

Et si j'confond sans doute le courage et la folie à lui répondre? On touche pas à ma famille, et contrairement à ce qu'il vient de dire, Dante en fait intégralement partie.

Je secoue la tête en signe de négation.

« C’est pas une question de perdre mon humanité, puisque je considère que je ne l’ai pas perdu en tant que telle, juste qu’elle se bat continuellement avec la bête… Silas me dit de juste embrasser l’autre et qui sait … Si ça se trouve il a raison et je n’en perdrai pas pour autant mon humanité. J’aimerais juste que de la même manière tu acceptes ta magie, tu es pas obligé d’être un sorcier, autant que je ne suis pas obligé d’être un monstre sanguinaire. »

Okok ! J’ai toujours pas réussir à franchir le cap, mais je désespérer pas et je me dis que si lui et moi on peut aller de l’avant, ensemble et main dans la main, cela serait peut-être plus facile ! Enfin bref, débat clos, mon baiser la convainc que nous pouvons passer à la suite. Voire, plutôt, au danger suivant. L’ombre.

Toutefois, elle se volatilise et ce n’est plus que le démon perfide qui nous fait face. Il me cherche, il me nargue. Touche la corde sensible, mais je ne cille pas. Mes muscles sont bandés et s’il faut lui sauter à la gorge dans la seconde pour l’empêcher de s’approcher de Nath, il peut compter sur moi. Le truc, c’est qu’en révélant sa présence, je trouve que son tour de passe-passe perd toute sa splendeur et le côté horrifique de celle-ci s’amenuise pour ma part … dans tous les cas, depuis que je suis immortel et un buveur de sang, je ne crois pas que je me sois encore beaucoup laissé impressionné par des histoires pour enfants. D’autre part, je peux lui trouver facilement pleins d’autres défaut s’il le souhaite. A commencer par le mensonge ou la désillusion. Le pauvre démon se croit parfait et tenace ? Mon homme et parfait et je suis tenace, il se confronte à ce qu’il croit être sans même la savoir.

« Pas de soucis, tu te rends en Enfer et tu vas sans doute l’y trouver ! Have fun ! La « famille » n’a pas besoin d’un autre démon déluré. »

Enfin, mon cher et tendre, dans son élan de perfection ne me laisse pas vraiment le choix et se place devant moi. Et oh ! Minou, tu vas retrouver ta place et me laisser te protéger là ! Sinon, c’est lui et moi qui allons finir par nous chamailler pour savoir qui défend l’autre du grand méchant vilain.

« Bravo chéri, je crois que tu viens de trouver une autre de ses qualités … on disait perfectionniste, tenace et donc courageux aussi ! »

J’avoue qu’un sourire de dédain se fiche sur mon visage alors que nous sommes là, deux cons à faire face à un démon tellement plus puissant que nous deux réunis. Je pose ma main sur l’épaule de Nath et affronte le regard de l’être qui nous fait face. Je ne suis pas sûr que nous sommes en train de nous faire un copain dans la famille et si un jour on se marie, je ne pense pas qu’on lui enverra un carton d’invitation !

Dante n'a pas besoin de gronder pour que je sente sa désapprobation quant au fait que je me place devant lui face au démon qui nous a rendu cette visite impromptue. C'est dans chaque fibre de son être, dans la tension que je peux deviner dans chacun de ses muscles, bref, pas besoin de mots pour l'entendre. En revanche, il y en a un autre dont je n'entendrais bien pas les mots, mais pour d'autres raisons. Ses excuses m'ont l'air aussi sincères que mon envie de le voir trainer ici une seconde de plus, et j'ai pas envie de le voir trainer là une seconde de plus. Même le fait que Abraxas l'aurait "prévenu", je trouve ça gros. Du peu que j'ai appris de l'ancêtre depuis qu'il a débarqué en ville, j'ai pas l'impression qu'il aurait "prévenu" son frère de quoi que ce soit à notre sujet.

"C'est bon, t'as satisfait ta curiosité? J'te montre pas la porte, t'as pas l'air du genre à en avoir besoin pour entrer chez les gens alors j'imagine que pour en sortir ça fonctionne pareil."

J'suis peut-être un blaireau en matière de ma propre magie, mais à défaut de gérer la pratique, je gère la théorie, merci aux potos sorciers. Donc ouais, la téléportation, je vois à peu près comment ça marche. Et j'me dis que j'demanderais bien à Max un répulsif pour ce type là. J'ai des nuits bien assez mouvementées (et pas dans le bon sens du terme, même si y en a aussi de bien plus intéressantes quand mon compte de sommeil m'en donne l'occasion... ou que j'décide de pas en tenir compte d'ailleurs) pour ne pas avoir besoin de visites de ce genre pour en rajouter.
Quand à sa tentative d'en remettre une couche? Je compte bien lui tailler l'herbe sous le pied, et hors de question de lui avouer que les interrogations qu'il se pose, je me les pose de plus en plus en ce moment. Pas sous la même forme cela dit. J'ai plutôt une liste des pour et des contre l'option vampire qui a dépassé la page A4 et sur laquelle j'espère bien que Dante tombera pas, parce que soyons honnêtes, déjà, il y pigerait pas grand chose vu que les arguments se répètent dans les deux colonnes. La seule chose à retenir c'est que ce putain de mec qui est le mien va finir par réussir à me convaincre sur des points sur lesquels j'avais pas prévu de bousculer mes projets.

"On se démerde très bien sans toi, t'inquiètes pas pour nous. Sur ce, j'voudrais pas être désagréable, mais la prochaine fois, oublie de passer, ça m'ira bien aussi."

J’aimerais lire dans la tête de ce démon juste pour savoir que notre amour l’écœure ! Je serais fier comme un paon. Et franchement, son blabla de démon qui essaye de faire peur, c’est ça qui m’écœure perso, tellement c’est naze et prévisible, qui utilise des choses personnelles pour nous toucher et nous faire croire qu’il peut être sympa ou que sais-je. C’est triste quand même de vivre des milliers d’années pour être aussi lamentable. J’ai pitié de lui le pauvre.

« Abraxas joue pas aussi au thérapeute ? »

Non, mais sérieux, ils ont quoi les démons à vouloir faire parler tout le monde de leur problème. C’est évident qu’entre un vivant et un macchabé, nous avons abordé déjà mille fois ce sujet, ou plutôt, nous l’avons évité mille fois. Moralité, je m’adresse plus à mon mec que véritablement au démon qui nous fait face, l’ignorant parfaitement vu que Nath lui a explicitement dit de quitter les lieux. Je ne pense pas qu’il y verra trop d’impolitesse à ce que je considère qu’il a déjà pris la poudre d’escampette du coup. Concernant l’ancêtre Abraxas, je ne dirais pas que je me suis vraiment renseigné, mais dès que Nath m’en a parlé la première fois et sachant que je n’aurais sans doute pas plus d’information de sa part, je me suis permis de faire quelques recherches pour éluder la question de qui est ce mec. Moralité, rien de bien effrayant, plutôt le genre gentil démon si j’ai bien compris. Je prends Nath par la taille, vu que le jeune homme a décidé que j’étais la demoiselle en détresse ce soir et l’attire contre moi.

« Bon, maintenant qu’on sait d’où viennent tes cauchemars et qu’on sait aussi que ce démon est pathétique, on peut retourner se coucher ? »

J’suis plutôt honnête et je pense vraiment que c’est triste que ce démon ne sache pas faire autre chose que de venir faire chier un de ses neveu très éloigné plutôt que de se rendre utile. Au moins, il pourrait avoir envie de contrôler le monde, mais c’est quand même étrange de le voir juste faire mumuse avec Nath en lui donnant des cauchemars.

Son petit spectacle sans doute achevé, le dénommé Barabas finit par disparaitre sans autre forme de salutation, nous laissant seuls, Dante et moi, dans le salon. A la question de Dante au sujet d'Abraxas, je me contente de poser ma main sur son torse tout en faisant demi-tour, en ayant plus qu'assez de toutes ces conneries de démons et autres histoires de famille.
Ma main descend le long de son bras jusqu'à ce que mes doigts se joignent aux siens, et c'est en silence que je l'attire en direction de notre chambre. En évitant de commenter son idée selon laquelle "on sait d'où viennent mes cauchemars". Sans doute qu'on sait qui a joué avec ces derniers temps, mais Barabas serait d'une patience d'ange si c'était lui qui me les envoyait depuis l'enfance. Mais c'est pas une conversation que j'ai envie d'avoir avec lui ce soir... matin. Les cauchemars, j'en fais autant que n'importe qui d'autre. Si y avait pas ma magie pour faire le con avec, ça irait hein. Le souci, c'est que j'en deviens dangereux, quand les deux se combinent de travers.

"Ouais, allons dormir. Toi tu éteins ton cerveau et ton instinct de survie, et moi j'te fais plus voler du lit sans prévenir. Deal?"

Cela dit, c'est bien dans ses bras que je me réfugie, laissant la sensation de sa peau fraiche contre la mienne m'aider à mettre en pause ma propre vigilance pour me permettre de dormir un peu.