Puzzle Party vaut encore mieux que Anniv party

Qui pensait vraiment que j'allais rester sagement chez moi, où n'importe qui me connaissant sait me trouver, un jour assez maudit pour n'avoir le droit d'apparaitre dans le calendrier qu'une fois tous les quatre ans? D'où me vient cette aversion pour le 29 février alors qu'il ne m'a rien fait? C'ma date de naissance, tout simplement, ça suffit amplement à rendre cette date détestable. Cherchez pas, je fais autant de progrès que de concessions pour faire de moi un homme potable, un père convenable et un fiancé à peu près supportable, mais y a quand même des trucs parfaitement inutiles sur lesquels je ne suis pas prêt à revenir de sitôt. Mon anniversaire, ça en fait partie, et être passé neuf fois par là dans ma vie est assez suffisant pour que j'évite de réitérer l'exploit dans ma non-vie. Donc oui, j'me suis barré, et j'dirai pas que j'en suis fier. Peut-être parce que je me suis piégé tout seul comme un con dans un de nos vieux squats abandonnés dans lequel les espaces où le soleil ne parvient pas à s'infiltrer sont assez réduits. J'aime pas la lecture, mais si faut rester coincé là dix heures de temps, j'aurai pas refusé d'en avoir un sous la main.


"J'avais une chance sur trois. Toujours aussi prévisible, même si c'est que tous les quatre ans."

Coincé dans le coin d'un mur par le trou d'une fenêtre absente orientée plein est, je relève le regard vers l'origine de la voix, sachant déjà qui je vais y trouver. La ville est assez grande pour ne pas y croiser ceux qu'on ne souhaite pas croiser, mais dans le même temps, pas assez pour que ceux qui souhaitent nous croiser sachent où on est.

"Ce qui signifie que t'as checké les autres planques avant celle-là. J'suis pas si prévisible que ça. Toi en revanche, ça m'aurait chagriné que tu débarques pas à l'improviste."

Son regard passe de la fenêtre à moi, pour revenir à la fenêtre et de nouveau sur moi. J'ai vraiment l'air si coincé que ça?

"J'me disais qu'tu puais le macchabée. J'imagine que Luther a pas apprécié la blague. Enfin, j'suis pas venu les mains vides."

Se rapprochant de moi, tout en laissant de manière évidente le rai de soleil entre nous, le loup finit par sortir une boite de son sac pour me l'envoyer.

"Tu sais que j'veux rien. Hormis faire avancer le temps jusqu'à ce qu'il soit minuit tapantes."
Je lui renvoie la boite, laissant mes doigts traverser la lumière un court instant, suffisant pour que j'ai l'impression de les avoir posés sur une plaque électrique.
"Je sais, c'est pour ça que c'pas pour toi. C'pour Elaine." Et qu'il me renvoie la boite. Au moins je suis sur d'un truc, ça casse pas, même si vu le bruit, j'me demande si c'est pas un paquet de Kellogg's qu'il me refile. "Ca y fait quoi, 18, 19 ans maintenant? Elle me remerciera de lui offrir quelques heures de liberté pendant que t'auras le nez plongé là-dedans."

Là, je fronce carrément les sourcils, me demandant quel coup tordu il a pu m'inventer. Parce qu'avec lui, à chaque fois que j'pense qu'il peut pas inventer pire que la dernière fois, il invente pire que la dernière fois. Je déchire le paquet en deux mouvements pour y trouver une boite de puzzle à rien que 5000 pièces avec, il faut l'avouer, un sacré panorama de la ville. Je crois que je vais le tuer, vraiment.

"Quelques heures? J'ai jamais fini cui qu'on avait trouvé quand on avait 15ans, et devait y avoir 50 pièces. Même sans dormir, j'crois que t'y laisse le temps de me donner des petits enfants avant que j'en ai fait la moitié, de ce truc."

"Possible. Fin, là j'crois que t'as le temps d'le commencer, en attendant de pouvoir mettre le nez dehors. En cherchant bien, tu aligneras deux pièces avant le crépuscule. A moins qu'tu préfères que j'te trouves quarante bougies à souffler le temps qu'tu m'expliques comment tu t'es débrouillé pour te choper une allergie solaire. J'pourrais demander à la meute mais..."

"Mais ils sont pas bavards avec les loups solitaires. J'vais t'en apprendre une bonne alors. J'ai croisé un vampire."

Je fais mine de pas en ajouter plus, finissant cependant par regarder de nouveau du coté de la fenêtre, avant de prendre une inspiration et passer à travers le rai de lumière pour le rejoindre, devant éteindre le début de combustion spontanée qui me prend malgré le fait que l'exposition n'a duré qu'une demi-seconde. Faut vraiment que j'demande à Silas comment il gère de trainer dehors en plein jour sans protection magique... D'accord, il est anglais, j'imagine qu'il profite des nuages, du brouillard, de ce genre de conneries. Mais revenons à nos moutons, je confirme ce qui se dit, les loups-garous sentent vraiment le vieux chien mouillé. Ou c'est juste lui.

"J'en ai attrapé un dans mes filets. Il m'a attrapé dans les siens. Bref, merci pour le non-cadeau, on s'dit à dans quatre ans ou tu comptes te rappeler où j'habite un jour?"

"T'as l'air plus serein en tout cas. Et c'pas le loup qui a rejeté la meute qui va te faire la morale parce que t'as préféré fuir le soleil que tes pouvoirs. Et j'te rappelle que t'as déménagé depuis la dernière fois. Mais t'as raison, j'pourrai faire un effort. Si t'en fais un. J'viendrais le contempler terminé, ce puzzle. A la r'voyure. Et bon anniv."

Je lui réponds d'un grognement avant de ne pouvoir que l'observer s'éclipser, avant d'aller me poser dans un coin sombre en attendant que le jour ne se décide à décliner. Oui, cette journée supplémentaire dans l'année va être longue.

Le soir arrive enfin, et j'attends à peine que la lumière du soleil ait disparu à l'ouest pour sortir du bâtiment, devant même faire un détour pour éviter de me retrouver dans une rue exposée plein ouest sur ma route. Enfin, j'y parviens tout de même, après un second détour et une montée d'escaliers qui est bien l'un des rares avantages de ma nouvelle condition, arriver en haut sans être essoufflé pour un sou. Je passe la porte de mon appartement après avoir vérifié d'une oreille discrète qu'il n'y a pas de mauvaise surprise à l'intérieur, n'y trouvant que Elaine et Tom occupés à regarder un film sur le canapé.

"Lut par ici."

Je me contente d'embrasser ma fille dans les cheveux par dessus le dossier du canapé avant de déposer la boite de puzzle sur la table basse devant eux.

"Amir s'est cru malin. Et te dit bonjour en passant. Vous embêtez pas pour moi, j'casse une graine et j'file."

Direction la cuisine donc, pour piocher une poche de sang dans le congélateur et la faire réchauffer dans le micro-ondes. C'est toujours aussi peu agréable, mais je ne suis pas convaincu de savoir rester sage avec tout ce qui me passe dans la tête aujourd'hui. Dans l'idée, je ne suis pas encore tout à fait certain de réellement éprouver du remord à l'idée de tuer quelqu'un par manque de contrôle, mais je ne me vois décemment pas regarder ma fille dans les yeux après avoir abandonné un macchabée dans une ruelle, alors pour ce soir, ça sera congel et micro-ondes. L'odeur du sang réchauffé à l'ouverture de l'appareil suffit à me donner les crocs, au sens littéral du terme, et je mords directement dans le plastique sans me préoccuper de me servir d'une tasse. On m'apprendra les bonnes manières un autre jour. Du bruit dans mon dos me fais jeter un regard rapide, avant de penser à m'essuyer les lèvres et ranger les canines avant de me retourner pour croiser le regard d'Elaine. Evitant le sujet en repensant à cette histoire de puzzle.

"Si ça te dit qu'on se le tente un jour, ce puzzle, j'pense qu'on peut monopoliser la table pendant dix ou quinze ans. J'suis sur que la table basse voit plus de nourriture qu'elle. Mais j'vais pas vous embêter plus longtemps, j'vais me poser dans ma chambre."

J'ai attendu mon père toute la journée. Je sais pertinemment qu'il s'est fait la malle pour que je ne puisse pas lui souhaiter un joyeux anniversaire. Mais il va bien finir par venir. Je m'attendais même à ce que ce soit plus tard que ça, lorsque je l'entends entrer dans l'appartement, alors que je suis avec Tomas dans le salon.

Nous avions passé la journée ensemble avec Tom. Nous étions allés nous promener en ville, nous avions déjeuner près du lac et après cela nous étions rentré. Il m'avait raconté une histoire, j'adorais quand il faisait ça. Et puis nous avions fait quelques jeux et j'avais même prit une heure pour réviser pour une épreuve que j'avais demain. Globalement c'était donc une très bonne journée et maintenant que mon père avait franchit le seuil de la porte c'était parfait.

- B'soir!

Lui dis-je, après son baiser sur mon front. Il est déjà dans la cuisine, avant que je ne me lève. Je vais donc l'y rejoindre en un pas.

Je n'ai pas le temps de dire ce que je voulais lui dire qu'il parle du puzzle qu'il a placé devant nous. Cadeau d'Amir.

- Bon anniversaire!

Oui je sais il ne vieillit plus, mais même lui ne pourra pas m'empêcher de lui souhaiter du bonheur pour le jour de sa venue au monde. Nous sommes heureux après tout aujourd'hui. Même si je n'aurais jamais pensé qu'il puisse devenir vampire un jour, mais nous sommes ensemble. Il a un fiancé. Je suis plus proche que jamais de ma mère et de ma petite soeur. J'ai un petit ami, dont je suis très amoureuse. J'espère que mon père et comme moi, ravi de cette vie et que nous n'en attendons rien de mieux. Au j'ai de grand projet pour mon avenir bien sur, mais tant que j'ai ma famille, je suis la plus heureuse au monde. J'espère que c'est son cas aussi. Nous sommes sa famille et rien de son passé ne doit l'empêcher de voir cela ainsi.

- Non tu n'as pas le droit d'aller dans ta chambre, pas tout de suite. Nous avons un puzzle à commencer.

Je m'approche encore plus près de lui, et l'embrasse.
Je prends sa main et je nous emmène dans le salon pour retrouver Tomas qui a eu la délicatesse de ne pas me suivre. Je lui ai expliqué rapidement que mon père n'aimait pas commémoré le jour de sa venue au monde.