Une soirée difficile - ft Ava

Une soirée difficile

Je ne sais pas depuis combien de temps je fixe mon verre auquel j'ai à peine touché. Il trône là, sur la table, et j'ai jugé bon de me perdre en contemplation dessus. Dans mon esprit, c'est le vide total. La moindre petite pensée est impitoyablement évincée, me laissant ainsi totalement hagarde.

Pour être honnête, cet état me convient parfaitement. C'est reposant pour une fois de n'avoir aucune idée qui ne me traverse le crâne, juste du calme. Dans un court instant de lucidité, je me rends compte que j'ai même occulté les bruits qui m'entourent, les ignorant ostensiblement. Je me demande même comment mon verre m'est arrivé devant le nez. Je n'ai pas le souvenir d'avoir parlé à quelqu'un depuis que j'ai atterri ici.

D'ailleurs, je ne sais même pas où est cet ici.

J'essaye de me souvenir de la route qui m'a mené jusque dans ce bar, mais rien. Un peu plus et j'en viendrais même à me demander si je n'ai pas été droguée, mais je sais que la vérité est tout autre.

Je bouge un peu sur ma chaise, et mon corps se rappelle à moi. Chaque inspiration un peu trop profonde est douloureuse, une de mes omoplates s'insurge d'être plaquée contre le dossier de chaise et mon bras droit irradie d'une douleur aiguë. En plus de toute ça, le brouhaha de l'établissement vient se fracasser contre mes oreilles, interrompant ma pseudo paix intérieure.

Je soupire, quittant enfin mon verre des yeux et le bois d'une traite, grimaçant au goût du breuvage : c'est clairement pas moi qui ait commandé ça.

Maudissant John quelques secondes devant ses goûts très discutable en matière d'alcool, mon cerveau semble enfin recommencer à fonctionner correctement. Je m'intéresse à mon environnement, mais rien ne vient me choquer de prime abord. Je suis dans un bar que je ne connais pas, mais un bar reste un bar. C'est le genre de lieu où habituellement, je suis à l'aise. Et le genre d'établissement où quelqu'un qui bug sur un verre, ça passe totalement inaperçu.

Je n'ai aucune idée de l'heure et aucun moyen de la connaître, même si je sais que la nuit est bien avancée au vu de mon activité précédente m'ayant menée dans ce lieu précis dans un état aussi déplorable. Mais le plus gros problème, je n'ai aucune idée de l'endroit géographique où j'ai atterri. Le bon sens voudrait que j'ai quitté l'état de l'Illinois, mais je suis quasi certaine que John ne m'aurait pas fait un coup pareil... Et que lui non plus n'a pas quitté l'Etat. Ni même la ville. Je dois toujours être à Chicago.

Du moins je l'espère, sinon je le retrouve et je le dépèce. Enfin, façon de parler.

Alors je vous vois venir, vous vous demandez qui c'est ce type. Je vais être brève : derrière un visage souriant et aimable, une tenue soignée et de bonnes manières, c'est le genre de gars, vous ne savez pas s'il est là pour vous coller une balle entre les deux yeux pour boucler son contrat, ou si, comme pour moi ce soir, il va vous tirer d'un merdier sans nom parce que vous bossez pour le même employeur. C'est pas la première fois que je le croise, ni la première fois qu'on bosse ensemble et même si ma curiosité est légendaire, je lui ai jamais posé trop de questions. Je suppose que c'est un ancien soldat, reconverti en mercenaire. Je me demande bien ce qu'il ne sait pas faire. Encore ce soir, il m'a montré qu'il savait s'occuper des blessures mineures comme celle de mon bras. J'me serais passée de me faire recoudre sur la banquette arrière d'un vieux tas de ferraille volé, mais c'est toujours mieux que de devoir aller à l'hôpital après un fiasco pareil.

Enfin, j'entends aucune sirène de police, alors je suppose que je suis passée à travers les mailles du filet. Les quais au sud de la ville doivent être bouclés et grouiller de flics suite à la fusillade, et moi je suis dans un bar inconnu, devant un verre vide, totalement détendue et surtout, totalement en miettes.

Je ne peux m'empêcher d'avoir un rictus a cette idée, et me décide de faire signe à l'un des employés.

Je dois avoir une dégaine d'enfer : je dois me tenir assez droite pour pas que mes côtes me fassent souffrir, je ne peux pas m'appuyer contre le dossier sous peine de me faire insulter par mon dos et j'évite de trop bouger mon bras droit histoire de pas faire sauter les points maison qu'un tueur à gage m'a gentiment fait pour m'éviter des possibles complications. Ajoutons à cela que je dois sentir la poudre, la sueur et le sang, et le tableau est complet. Oh, et je dois avoir des cheveux en pagailles et poussiéreux, mais ça, c'est le cadet de mes soucis.

C'est une serveuse très mignonne qui vient à ma rencontre. Je lui adresse un sourire -sans doute un peu crispé- avant de lui poser deux questions qui risquent de l'interloquer un peu. Ou pas, vu que dans un bar, les serveurs sont habitués à avoir des questions étrange.

- Je pourrais savoir l'heure, où je suis et avoir...

Pendant quelques secondes, je cherche ce que je pourrais demander à boire alors que je n'ai même pas pris la peine de lire ce qui est proposé.

- Un Mai Tai, s'il vous plaît.

Je vais rester classique pour le moment, même si dans mon état, elle pourrait m'amener juste la bouteille de rhum, ce serait amplement suffisant.

Une soirée difficle

La fin du service approche. Je dirais encore une bonne demie-heure. Luther vient de s'éclipser dans son bureau, c'est qu'il y a vraiment plus grand monde et qu'il va entamer les comptes de la soirée. J'aurais juste à lui amener les quelques tickets restant si il y en a. Je suis sur le nettoyage des tables déjà vides de monde, lorsque j'aperçois cette femme sur une table seule. Je l'ai aperçue à quelques reprises au cours de la soirée, elle avait l'air vraiment ailleurs, mais bon vu qu'elle était pas au bord du coma non plus, je me suis pas inquiétée plus que ça et puis elle avait déjà un verre entre les mains, alors bon, Luther pouvait rien me dire à ce propos s'il l'avait vu. Lorsque je m'approche d'elle pour nettoyer la table à côté de la sienne, je constate que son verre est vide. Je récupère les verres sur mon plateau que je pose sur l'autre table libre, enlève les couverts toujours présent et passe mon chiffon.
L'heure ? Elle veut savoir l'heure et le lieu ? Je pensais pas qu'elle avait bu au point d'oublier ça. Mais bon, après tout j'ai pas le nez sur les clients, j'ai du louper un truc :

"Oui bien sur" ... je regarde ma montre ... "Il est minuit et quelques! Vous êtes au Black Wolf."

Elle me demande un Mai Tai et je m'en vais de ce pas lui préparer ça. Je reviens quelques secondes plus tard, avec une boisson préparée par Nath. Je lui dépose à quelques centimètres de la main.
Je sens le sang à des kilomètres à la ronde et clairement sur elle ça empeste. Je me permets donc un :

- Vous allez bien ? Vous n'avez pas l'air en pleine forme, si je peux me permettre !

Une soirée difficile

Minuit passé... Apparemment je n'ai pas été absente trop longtemps. C'est plutôt une bonne nouvelle. Je regarde sans vraiment voir la jeune femme aller me chercher mon cocktail. Elle est bien gentille de me donner le nom du bar, mais ça ne m'avance pas vraiment. Même si, malgré mes neurons totalement défaillant, le nom ne m'est pas si inconnu que ça. Je tâte machinalement mes poches à la recherche de la connaissance -mon portable et son saint google- avant de soupirer devant leur absence manifeste... John a dû m'en débarrasser. Tant de prévoyance, c'est touchant...

Soupirant théâtralement, je focalise toute mon attention sur mes souvenirs, j'essaye désespérément me rappeler qui m'en a parlé, sans aucun succès. Toutefois, dans un dernier effort, le nom de l'Avenue me revient comme un flash !

- Oak Street !

Je frappe ma main droite sur la table, manquant de renverser mon nouveau verre arrivé lorsque j'étais en intense réflexion. Je regrette instantanément mon geste lorsqu'une douleur fulgurante me traverse le bras, et c'est avec un regard larmoyant et un sourire grimaçant que je réponds a la question de la serveuse :

- J'ai l'impression d'être une nonagénaire qui s'est fait rouler dessus par un bus... mais je suis vivante. C'est déjà ça.

Je trempe mes lèvres dans mon Mai Tai et savoure la légère amertume que j'apprécie tant. Punaise. je devrais prendre une retraite anticipée sur une ile paradisiaque et me siroter des cocktails à base de rhum jusqu'à la fin de mes jours !

- Du coup, je disais, on est sur Oak street c'est ça ?

Devant l'affirmation de mon interlocutrice, je me retiens de me frapper le crane contre le mur. A pied, j'en aurais pour 2 heures pour rentrer chez moi.

- C'est possible d'avoir carrément une bouteille de rhum ?

Je lâche mon premier sourire charmeur de la soirée, sans aucun espoir que ma demande se réalise, mais bon. Qui ne tente rien n'a rien, et puis discuter calmement en sirotant de l'alcool, ça me remet de bonne humeur. D'ailleurs je vais reprendre une bonne gorgée, histoire de continuer à améliorer mes capacités sociales. J'en profite pour jeter un rapide coup d'œil autour de moi, pour constater qu'il ne reste pas grand monde. Le bruit que me semblait être une véritable cacophonie n'est pas si élevé que ça, et provient d'une table où sont cinq personnes.

Génial. J'aurais apparemment même pas le temps de me bourrer la gueule avant la fermeture du bar.

Une soirée difficle

Elle n'a pas tout à fait l'air en pleine forme. Je ne suis pas télépathe, mais je comprends rapidement, qu'elle est en pleine réflexion. Je me demande si je dois rester proche d'elle ou non ? Elle pourrait bien avoir besoin d'aide. Surtout si cette odeur de sang est la sienne. Une nonagénaire ? Ca me fait aussi cette impression, après une nuit de pleine lune. Mais aucune magie n'émane d'elle, enfin pas que je sache. Pour moi, elle est humaine. mais les humains savent aussi s'attirer des ennuis, j'en vois tous les jours ... ou presque.

Je me revoyais à sa place, il y a quelques années, lorsque je trainais encore avec ses loups, lorsque j'étais plus bas que terre. J'en ai vécu plus d'une des situations similaires, et j'ai eu la chance de trouver quelqu'un qui me tende la main quand j'en ai eu le plus besoin. Je jette par réflexe un regard vers lui. Il est dans son bureau, je ne le vois pas, mais je sais qu'il y est, je sens sa présence et ça me suffit pour m’apaiser. Il est toujours là quand j'en ai besoin.

Je confirme son affirmation sur le quartier ou nous nous trouvons. Elle a l'air déboussolé.

- Ok pour la bouteille, a une condition : Vous m'acceptez à votre table et vous m'expliquez ce qui vous arrive. Il paraît que c'est plus facile des fois de parler à un inconnu.

Une fois sûre qu'on est sur la même longueur d'onde, je me dirige vers le bar et prend une bouteille déjà entamée. Je suis pas là pour qu'elle se bourre la gueule non plus. Je nous prends deux verres et je repars vers la table de la jeune femme. je m'asseois face à elle et ouvre la bouteille, avant de nous servir.
Je ne dis rien de plus, attendant qu'elle se mette à parler. Je garde la bouteille plus près de moi que d'elle. Je vais essayer de gérer un minimum la situation, on verra.

Une soirée difficile

Contre toute attente, il semblerait que je puisse obtenir ce que je veux. Hum. cette soirée n'est peut-être pas si désastreuse que ça, même si le prix pour avoir mon rhum ne me satisfait guère sur le moment. J'ai pas besoin de me confier, je suis en paix avec moi même. Mais du rhum... J'en ai besoin !
Alors je soupire, avant de lui annoncer :

- T'es dure en affaire, mais c'est d'accord.

Je profite du moment où elle se lève chercher mon précieux pour pousser la chaise en face de moi avec mes pieds. C'est toute la galanterie donc je puisse faire preuve en cet instant. C'est déjà beaucoup.

Frétillant intérieurement, je la regarde revenir avec la bouteille et deux verres, s'assoir et servir l'alcool. Je descends la moitié du verre en un temps record, appréciant la brulure alcoolisé qui me descend le long de la glotte. Revivifiant, à ne pas en douter. Mais maintenant se pose la question de "que vais-je bien pouvoir lui raconter ?". Je pourrais mentir. je suis bonne menteuse, mais j'ai la flemme de trouver une justification à mon état de loque. Va donc pour la vérité. De toute manière, elle est tellement improbable qu'avec de la chance, ça passera pour un mensonge.

Puis au pire, je pense pas qu'elle puisse me faire le moindre tort. Sa parole contre la mienne, si ça arrive aux oreilles des forces de l'ordre.

- Très bien, j'te plante le décor : South Deering, la nuit commence à tomber. J'arrive sur place avec quelques personnes à l'heure convenue. Sur le lac, un bateau nous attend. Jusque là tout semble normal. Sauf que le truc tu vois, c'est que depuis que j'ai pris la route, j'ai un mauvais pressentiment. Et j'me trompe rarement. Depuis le début, il y a trop de fuites à droite à gauche...

Je reprends une gorgée de rhum, me disant que j'ai vraiment été stupide de me pointer en fait. Je le savais, que ça allait mal tourner...

- Alors je reste derrière, j'envois les autres. Il y a juste disons, une connaissance, qui reste avec moi. Mais tout se passe bien. Les types en face sortent la marchandise, alors je suis bien obligée de pointer le bout de mon nez et faire mon taff. Donc j'me rapproche, et... j'me dis que mon verre est vachement vide !

Je lui adresse un sourire que je qualifierai d'angélique et pousse mon verre vers elle, avant de changer totalement de discussion :

- En fait, tu t'appelles comment ? Moi c'est Ghilian.

J'aime bien savoir à qui je parle, puis je vais peut-être pas lui déballer tout d'un coup. De toute manière le reste, elle peut quasiment le deviner toute seule. Mais si vraiment elle insiste, je lui raconterai la fin de mon histoire.

Une soirée difficle

- Eh ouais ! dis-je en lui faisant un clin d’œil.

Je vais nous chercher bouteille et verres, avant de revenir et m'asseoir en face d'elle, grâce à la chaise qu'elle m'a déplacé. Une fois servit, elle boit allègrement la moitié de son verre, Elle m'explique ce qui semble être son début de soirée et je l'écoute avec attention. J'avais donc vu juste, de penser qu'elle n'avait pas n'importe quel travail, je connais ce genre d'emploi, je l'ai fait une fois ou deux. Elle s'arrête alors que ça devenait intéressant pour me demander un autre verre. C'est qu'elle a une bonne descente, mais je m'exécute, je veux le fin mot de l'histoire.

- Et moi c'est Ava, enchantée ! Mais dis moi, qu'est-ce qu'il s'est passé après ?

J'en ai bien une idée, mais je veux sa version. Je réponds à son sourire, par un autre. Je finis à mon tour le verre que j'avais sous le nez, pour m'en servir un second. Bon va pas falloir que j'aille aussi vite sur le prochain, j'ai encore plusieurs minutes à tenir avant qu'on ferme. Je ne peux pas me permettre de flancher avant la fin de mon service.

Les flics avaient été mit au courant ?

Une soirée difficile

Imprimant le prénom de la belle serveuse dans ma mémoire, je ne peux m'empêche de sourire devant son empressement de savoir la suite -prévisible-, je m'accorde quand même une lampée du breuvage alcoolisé, notant dans un coin de mon esprit qu'il faudrait que je me calme un peu si j'escompte rentrer chez moi.


- Et bien une fois à bord de ce fichu bateau, j'ai mis mon nez dans la marchandise, juste le temps de voir que c'était effectivement ce qui était demandé, après quoi, le type qui était avec moi m'a jeté par terre derrière les caisses, me fêlant au moins deux côtes au passage. Ensuite, ça c'est mis à tirer dans tous les sens. Je ne sais même pas qui a commencé. Donc je suis restée bien sagement là où j'ai atterri jusqu'à c'qu'on me fasse comprendre qu'il fallait que je bouge mon croupion alors que ça pétaradait encore dans tous les sens.


Et que ça me bousille une veste dans l'opération. Zut. Je l'aimais bien moi. Je reprends un peu de rhum, avant de passer à la conclusion de cet instant en deux mots :


- C'était génial.



Je pense que jamais un mot n'a été prononcé avec autant d'ironie, et pourtant d'un côté... c'est le genre de moment qui vous rend chaque seconde terriblement conscient du fait que vous êtes vivant et que cet état est éphémère.


- Et j'ai pensé aux flics moi aussi, mais ils n'ont pas pointé leur nez. je pense plutôt à des rivaux qui avaient tout intérêt à faire foirer le deal.


Je reste quelques secondes silencieuse, réfléchissant rapidement à un potentiel coupable, mais j'ai trop de possibilités me viennent en tête. j'y réfléchirais plus tard, à tête reposées, après avoir passé quelques coups de fils.


- Bref, dans tout ça, j'm'en tire bien. Bon, j'aurais une cicatrice à cause du ricochet d'une balle, peut-être que dans trois jours je vais crever d'une septicémie parce que ce faire recoudre dans un vieux tacot volé c'est pas le lieu le plus merveilleux pour ça, mais pour le moment, je suis en vie, et je bois du rhum avec une belle femme, que demander de plus ?


Je lui adresse un léger clin d'œil accompagné d'une grand sourire :


- Alors, mon histoire valait une bouteille ?

Une soirée difficle

Je l'écoute me parler en silence. Je ne rate pas une miette de son discours et encore moins des lèvres qui prononcent chacun de ces mots. Ca me rappelle des choses tout ça. Non pas les dites-lèvres, mais ce qu'elle raconte. Je suis passée par ce genre de moment, plus ou moins similaire, y a genre quinze ans. Tout a si radicalement changé dans ma vie depuis. J'en garde des marques, physiques ou mentales, mais c'est derrière moi, je le sais, j'ai apprit à vivre avec 364 jours sur 365. Je ne sais quoi dire de plus. Je ne cautionne pas ce qu'elle a fait, mais je peux le comprendre, j'ai été pareil, ça a fait de moi ce que je suis aujourd'hui. Et je suis toujours prête à aider au besoin, alors je tente un petit :

- J'peux y jeter un oeil ... s'tu veux! A ta blessure. J'suis pas experte, mais je me débrouille.

Ca m'a servit une fois ou deux de savoir me recoudre toute seule. Ca peut pas être pire que ce qu'on lui a fait dans une voiture.

- T'as mit de l'alcool au moins ?

Elle ou la personne qui l'a aidé à se soigner.
Si j'ai peur pour une inconnue ? Peut-être bien. D'un je voudrais pas qu'elle ma claque entre les mains et de deux je sais pas y a un truc chez elle que je ne saurais définir qui me pose question, qui m'attire (peut-être). Je n'arrive pas à le décrire.

- Oui, ça valait au moins ça !

Une soirée difficile

Sa demande me laisse indécise. Je fais confiance à John et je pense pas qu'elle puisse faire plus...

- C'est pas que je veuille pas qu'tu y jette un œil, mais j'pense que celui que m'a recousu connaît l'affaire. Sans doute un ancien seal, tu vois le genre.

Je reprends une petite gorgée d'alcool, avant de tout de même accéder à sa demande. C'est vrai que ça me coûte que quelques gesticulations ridicules pour virer ma veste.

- Je sais pas trop c'qu'il a fichu dessus mais j'ai douillé comme pas permis, alors je suppose que c'est désinfecté.

Je bataille quelques secondes pour trouver le début du bandage de fortune -un magnifique bout de chemise déchirée- avant de reporter mon attention sur Ava :

- Admire donc !

Le sourire que je lui adresse est un peu désabusé. J'ai beau faire la mariole, je souffre. Mais tout ça est balayé au second plan lorsqu'elle me dit que mon histoire valait au moins la bouteille. Bouteille dont le niveau descend doucement mais sûrement.

- Et que mérite-t-elle ? Parce qu'une bouteille, c'est déjà pas mal...

Je lui adresse mon plus beau sourire charmeur, retenant sagement le "surtout en si charmante compagnie" qu'elle doit entendre à longueur de temps du fait de son travail.

- Et je vais abuser de ta gentillesse mais il y aurait pas un truc à grailler qui traine ? Même un morceau de pain ferait l'affaire... Mon estomac est en train de s'auto-digérer...

Vu l'heure, j'ai conscience d'abuser, mais qui ne tente rien n'a rien...

Une soirée difficle

- Oui, oui je vois. Pas de soucis. Si t'es sûre de toi, moi ça me va!

Pourtant elle enlève sa veste et me montre les dégâts, après avoir enlevé le bandage. De ce que je peux voir il a effectivement fait ça pas trop mal. J'espère juste pour elle qu'il a tout bien nettoyé et qu'il ne restait rien dans la plaie avant qu'il ne referme, mais je n'insiste pas, elle a l'air de faire confiance à ce type. Je reste un moment à observer les points de suture. Il a fait ça avec les moments du bord et pour le coup, il devait être infirmier dans une vie intérieure, car j'ai vu bien pire. Et je sais de quoi je parle, j'ai eu bien pire sur le corps et j'en garde d'ailleurs quelques belles cicatrices.

- Ca va, il s'en ai bien sortit, en effet !

Je me tourne vers le reste du bar, quand elle me demande ce que ça mérite d'autre. Les derniers clients partent. Je fais signe à Nath qu'il peut y aller, je m'occupe de la demoiselle. Je l'entends nettoyer les quelques verres restant, avant de disparaître en nous souhaitant une bonne nuit.

- Je dirais que ça mérite au moins une deuxième bouteille. Laisse moi nous amener ça.

Je fais aussi vite que possible. J'en profite pour ramasser un ramequin avec deux cacahuètes qui se battent en duel, sur une table. Je les avale rapidement avant de nous refaire le plein.
Je finis par trouver une nouvelle bouteille, de vodka cette fois. "Ok Luther va falloir faire le plein, désolée." Les deux bouteilles seront pour moi, je m'en remettrais, je m'en achète pas perso, j'ai pas d'enfants à qui payer des fringues ou je ne sais quoi, alors deux bouteilles, je devrais m'en remettre.

- Vodka et cacahuète, j'espère que ça te va ? dis-je en revenant vers elle. "Vu l'heure, j'ai rien de mieux à te proposer, désolée!"

Si je compte la faire boire jusqu'à l'ivresse ? C'est bien possible. Si je compte abuser d'elle, sans son consentement ? Surement pas. Si je la trouve à mon goût ? Assurément ! Tout ça pour dire que je ne lancerais rien, mais que si la situation se trouve, je ne cracherais pas dans la soupe si vous voyez ce que je veux dire. Mais je dois me concentrer sur autre chose, parce qu'elle est surement très loin de penser à tout ça... Fichue pleine lune qui arrive à grand pas, ça me mets la sérotonine en ébullition et je perds un peu la tête, mais je parviens encore à prendre un peu sur moi et ne pas lui sauter dessus.
Je suis pas comme ça les trois quarts de l'année, elle tombe pas le bon jour, elle doit me prendre pour une folle à l'observer ainsi.

Une soirée difficile

Une deuxième bouteille ? La réponse me tire un petit sourire. Je ne suis jamais contre plus d'alcool, même si je suis un peu loin de ma piaule. Je la suis du regard alors qu'elle se lève chercher ça et peut-être me ramener une maigre pitance, et prend conscience que nous sommes vraisemblablement seule.

Tant mieux. Le bruit me fatigue ce soir.

Je me perds vraisemblablement quelques instants dans le néant de mes pensées -ou totalement abrutie par l'alcool et la décompression de ma soirée mouvementée- vu que brusquement, Ava est à mes côtés, cacahuètes et bouteille de vodka en main.

- C'est parfait, ne t'inquiète pas.

Parfait pour que je tombe dans une mouche dans quelques verres. Je tiens bien l'alcool pour ma corpulence, mais sans véritablement manger et dans mon état, je me fais pas trop d'illusions. Je picore quelques arachides -les entières uniquement, une de mes manies- savourant un peu trop les amuse-gueules salés. J'ai vraiment faim. Mais malgré mon sale état, je ne suis pas totalement stupide. Mon hôtesse improvisée me regarde parfois avec insistance.

- J'ai un truc sur le bout du nez, ou mon charme naturel fait des ravages ? Je lui demande ça avec mon air le plus innocent que je puisse faire, avant de finir mon verre de rhum.

Ouais, malgré mon épaule et mes côtelettes meurtries, j'ai encore assez d'énergie pour plaisanter. Tout va bien donc, je suis pas à l'article de la mort. Je pousse mon verre vide vers elle, attendant sa réponse avec une pointe d'impatience. L'amour propre, que voulez-vous...

Une soirée difficle

Elle semble appréciée ma seconde bouteille, ainsi que le maigre aliment que je lui propose.

- Attends moi là !

Je file rapidement en cuisine. Parce qu'après tout j'en ai conclu qu'il n'y avais plus rien, mais qui sait, s'il ne reste pas un morceau de viande qui n'aurait pas servit, ou un fond de frite. Je fouille tous les placards, avant d'ouvrir le frigo. Il reste une tranche de jambon. Je vais lui emmener ça.
Je reviens vers elle aussi vite que me le permette mes jambes après une soirée de service, tout sourire. Sa remarque sur mon insistance à la regarder par contre je m'y attendais pas pour le coup. Je suis donc si prévisible que ça. Je tenterais bien une touche d'humour, mais le loup en moi me hurle d'être sincère et de lui sauter dessus... Cruel dilemme !
Je profite donc que son verre soit vide et du temps qu'il me faut pour le remplir de nouveau, pour avaler ma salive et trouver la réponse adéquate ... en théorie...

- Je vote pour le charme et une pointe d'excitation face à se que tu me racontes ! Ca me rappelles des souvenirs.

Ok c'est pas du tout le sujet, mais que voulez vous tout en elle me fait craquer, même cette espèce de réminiscence de mon passé. Je grogne intérieurement. Je les yeux qui brille, je crois qu'avec la fatigue qui commence à se faire sentir et le peu d'alcool bu, sans compter mon fort intérieur qui s'agite, je ne suis plus tout à fait moi-même.

Une soirée difficile

Apparemment mon innocente question fait mouche, car je n'ai pas une réponse immédiate. Mon verre se fait re-remplir pour la énième fois, et je m'attaque a la sainte tranche de jambon qu'elle vient de m'emmener. Moi j'dis, à la fin du verre, je suis cuite. Peut-être même que c'est son but, tiens. Va savoir.

Si sa réponse flatte mon égo ? A votre avis ! Qui, sur cette boule flottant dans l'espace, n'aime pas plaire ? Je crois même que je me permets un petit rosissement des joues, mais c'est peut-être dû à l'alcool. Sans doute même. ça fait bien longtemps que je ne rougis plus comme une collégienne dès qu'on me complimente. Mais plutôt que de continuer à pousser la discussion dans ce sens -je suis pas en état d'assumer !- je préfère rebondir sur la deuxième partie de sa phrase, ignorant difficilement les beaux yeux sombres qui brillent de plus en plus face à moi :

- Des souvenirs ? Du genre ?

Je finis la tranche de jambon, sans même lui en avoir proposé un bout. Je vous jure, je perds toutes mes manières ! Oh et puis, ça va être amusant de lui dire que j'ai pas un sou en poche aussi. J'espère que la maison fait crédit, j'suis pas certaine que mon charme me sauve de ce sujet épineux...

Une soirée difficle

Si je me ferais un plaisir de la savoir soûle, non pas vraiment. Je préfère avoir entre les bras quelqu'un qui s'en souviendra le lendemain matin et qui reste animée toute la nuit, sans perdre connaissance à cause de l'alcool. D'une ça me vexerais et de deux c'est moins drôle. Elle ne relève pas à ma première phrase, dommage. Mais c'est peut-être mieux ainsi. Je voudrais pas empirer ses blessure et puis elle doit être fatiguée. J'enquille donc sur la deuxième.

- Ce serait long de tout raconter, mais disons que j'ai été adolescente, sans parents pour m'aider à me repérer et que les membres de ma... de mon groupe "d'amis" étaient loin d'avoir les meilleures manières qui soit. J'ai touché au vol, à la drogue, surtout la drogue!

J'ai pour habitude que ce soit les clients qui se dévoilent, pas moi. Mais j'en ai trop dit plus tôt. Je lui dois le minimum syndicale.

- Niveau trafic, j'ai donné dans celui de la drogue bien sur, et en même temps on refourguait les trucs tombés du camion. Il m'a fallu le coup de main de Luther pour m'en sortir. Je suis nettement mieux aujourd'hui. Droite dans mes baskets et dans ma tête surtout.

Si je veux lui faire ouvrir les yeux ? Peut-être et en même temps je suis bien placée pour savoir que si tu veux pas t'en sortir, tu t'en sors pas. Après aujourd'hui elle réfléchira peut-être deux fois avant d'y retourner, mais rien est moins sur.

- Tu penses remettre ça bientôt ? Fin je veux dire : ça aurait pu être bien pire ta blessure. T'aurais pu mourir ce soir...

Une soirée difficile

Drogue et vol donc. Je ne dirais pas que c'est commun, mais je crois qu'une grande partie des gens ont commencé par ça. En même temps la drogue c'est vachement accessible, et le vol... Les gens font pas attention à leurs affaires. Je l'écoute sans broncher, luttant pour ne pas finir mon verre mais je ne peux m'empêcher de rire doucement en l'attendant prêcher ce que j'appelle la "bonne parole".

- C'eut été un drame que je meurs ce soir, je n'aurais pas eu le plaisir de te rencontrer.

Je lui adresse un petit sourire, ose même le clin d'œil, puis croise mes mains sur la table.

- Je suis sincèrement heureuse que tu ailles bien maintenant, mais qui te dit que je ne suis pas bien dans ma peau ?

C'est la vérité. J'ai jamais pensé à changer de vie parce que ma vie actuelle me convient très bien.

- J'ai failli mourir, et alors ? Qui te dis que cette nuit tu ne vas pas tomber sur un taré qui va te poignarder douze fois, hum ? J'ai conscience de pas optimiser mon espérance de vie mais je vais t'avouer un truc... Je me penche vers elle -autant que me le permettent mes côtes endolories- avant de lui dire avec un air satisfait : J'aime ma vie comme elle est, et je m'ennuierai comme un rat crevé si je ne faisais pas ce que je fais.

En d'autre terme, je suis un cas perdu qui s'assume et qui kiffe sa race, comme dirait les jeunes.

- Et je pense que ça devrait être le but de toute personne : trouver une vie qui leur convient, peu importe ce que pense les gens... C'est juste que certaines personnes ont besoin d'un peu plus de piments dans leur vie que d'autres...

Finalement, je fini mon verre d'une traite, et le repose un peu trop brusquement sur la table :

- ça te manque pas un peu quand même ?

Une soirée difficle

- A qui le dis-tu !

Je souris de plus belle à sa réflexion sur notre rencontre. J'en suis enchantée également; plus que je n'ose le lui admettre. Elle me fait un clin d’œil ? J'en grogne de plaisir intérieur.

Là, elle marque un point. Je n'en ai aucune certitude, juste mon avis personnel sur la question.
Elle se penche vers moi, comme pour me faire une confidence et je fais de même pour entendre ce quelle a à me dire. Nous sommes si proche désormais, mais ce qu'elle a me dire, m'intéresse désormais plus que son charmant minois.

Si ça me manque ? Je sais pas si on peut dire ça. Disons que je suis heureuse de ma vie actuelle et que j'ai bien assez d'adrénaline, lors de mes transformations une fois par mois, pour le reste de ma vie. Pis elle sait pas où elle a mit les pieds : Non pas un repaire de brigand, mais de créatures surnaturelles et avec eux leur lot d'aventures en tout genre.

- Oui vu comme ça c'est sur ! Si ça te convient réellement, alors tant mieux ! C'est tout ce que je peux te souhaiter j'imagine ! Et non, personnellement ça ne me manque pas. Ca ne me plaisait pas tant que ça. Je m'en servais pour avoir ma dose, le reste m'importait peu. Il n'y avait que la drogue qui comptait pour moi en ce temps là. Et rien que de songer à ce "job" là, ça me rappelle à quel point j'ai touché le fond. Et je ne souhaite pas revivre ça, même si j'ai parfois des périodes un peu difficile. J'espère réussir à m'en sortir définitivement. Si tenté qu'on puisse s'en sortir définitivement !

Je songe soudain, qu'elle doit être épuisée après ce qu'elle vient de subir. Je doute que Luther m'en veuille pour ma prochaine proposition.

- Dis je pensais, tu dois être fatiguée ? J'habite plus ici, mais y a toujours une chambre libre à l'étage, si ça t'intéresse. Pour te reposer, ça pourrait te faire du bien, non ? Je te montre si tu veux ?

Une soirée difficile

Je reste un instant silencieuse. Etonnement, même s'il m'arrive de toucher à des substances illégales, je ne suis accro qu'à l'adrénaline, alors je conçois que son expérience dans ce genre de job soit différente. Faire ça par obligation, ça doit être aussi chiant que de bosser dans un bureau h24. Avec en prime, la possibilité de finir en prison ou au cimetière.

- ça m'a l'air en bonne voie en tout cas, si t'as un job réglo et que tu es consciente que parfois ça va pas bien... Je lui adresse un sourire, étrangement sûre de moi : Je suis certaine que tu y arriveras.

Après tout, les fées ça existe, alors plus rien ne me paraît impossible. Puis j'ai envie d'y croire au fond de moi, elle m'a l'air d'une bonne personne.

Si je suis fatiguée ? j'ai l'impression que je pourrais dormir une semaine, voir hiberner un petit mois, douillettement enfouie sous une grosse couette duveuteuse. D'ailleurs, comme si mon corps voulait bien me le faire comprendre, me voilà en train de réprimer un baillement. Je crois que l'offre de la chambre ne se refuse pas...

- Seulement si tu m'aides à réchauffer les draps.

Si j'ose ? Apparemment. Je vous l'avais dit, un cas perdu, irrécupérable. En même temps, qui n'est pas pour de la chaleur humaine ? C'est cool de dormir collé contre quelqu'un, surtout pour se réchauffer les pieds. Puis qui ne tente rien... Bon après, mon égo survivra à un refus, parce que ce dont je rêve au plus profond de mon pauvre corps meurtri, c'est m'allonger et ronfler comme un ours.

Une soirée difficle

Moi aussi c'est tout ce que je désire, mais quand je songe à l'anniversaire de la mort de mes parents, je me rappelle que tous les ans c'est le merdier et que tous les ans je replonge, malgré toute ma bonne volonté le reste de l'année et le soutiens infaillible de Luther.

Ce qu'elle me dit ensuite quand je lui propose un lit où se reposer, je m'y attends clairement pas. Je pensais qu'on avait clairement passé ce cap là plutôt dans la soirée, lorsque je les draguais ouvertement. Je suis jamais contre un câlin, mais là, vraiment. Je ne suis vraiment pas sure que ce soit une bonne idée. Elle essaie de faire bonne figure, mais je me doute qu'elle souffre au vu de sa blessure. C'est surprenant qu'elle n'ait pas tourné de l’œil.

- Je te tiendrais compagnie avec plaisir, mais je suis pas sure que t'es besoin de ça ce soir. Tu devrais te reposer, te remettre sur pied et on en parle après.

Je regrette déjà ce que je viens de dire. J'imagine très bien sa peau contre la mienne. Nos cœurs battant à l'unisson, un moment d'extase... mais non je ne ferais pas ça. Je me secoue la tête, comme pour m'enlever une mauvaise idée du crâne.
Je me lève et vais fermer la porte du bar et descendre le rideau. Je reviens ensuite vers elle pour lui montrer le chemin. J'entends son souffle derrière moi quand nous montons les escaliers, je me retourne et lui propose mon bras pour l'aider. Enfin proposer est un bien grand mot, je ne lui laisse pas le choix. J'ouvre la porte. Je me mords la lèvre inférieur pour ne pas lui sauter dessus. Elle est ravissante, elle est blessée, épuisée... C'est donc ça l'instinct du chasseur ? Le loup en moi rugit, ce qui se traduit extérieurement par une prise un peu trop ferme de l'embrasure de la porte. Je sens son odeur, sa chaleur. Je me retiens je ne sais comment de l'embrasser sur le champ.

- Bonne nuit Ghilian. Repose toi bien! On se voit demain. Je serais à côté si t'as besoin.

Dis-je d'une voix un peu trop rauque, tout en lui montrant la porte d'à côté. C'est un petit salon. Je serais bien là. Je pourrais continuer d'entendre sa respiration pendant qu'elle dormira. Oui je sais ça craint, mais que voulez vous je suis comme ça. D'un coté ça fait très prédateur, mais c'est aussi un moyen d'être sur qu'elle ne passe pas l'arme à gauche durant la nuit. Je m'en voudrais.

Une soirée difficile

J'accepte le refus avec un petit sourire et la regarde fermer les lieux. Elle a entièrement raison, je dois effectivement dormir et de toute manière, je ne suis bonne qu'à ça actuellement. Je la suis lorsqu'elle revient vers moi, partant à l'assaut des escaliers, qui me font souffler comme un bœuf. Heureusement Ava me tend un bras secourable que je ne refuse pas, et bien vite les marches sont derrières moi. Et une porte après et le sacro-saint lit est là, à me tendre ses petits oreillers moelleux.

- Bonne nuit à toi aussi et... merci. Sincèrement.

Toute alcoolisée que je suis je ne suis pas encore trop HS pour bien être au courant que je n'aurais jamais atteint mon chez moi. J'me serais effondrée sur un trottoir et j'me serais réveillée en cellule de dégrisement au mieux. Ava referme la porte derrière moi et je me laisse tomber sur le lit sans réprimer un grognement de douleur. Bah oui ma grande, se jeter comme un lamantin alors qu'on est contusionné de partout, c'est pas l'idée la plus lumineuse du jour. Je crois qu'il me faut bien cinq minutes pour arriver à retirer mes chaussures, encore deux bonne minutes pour virer mon jean, et enfin deux supplémentaire pour me mettre sous les couvertures. Tous mes gestes sont ralentis, c'est risible. L'effet de la fatigue conjuguée à l'alcool... Je suis une loque.

Une loque qui s'endort quasi instantanément et qui se réveille fraîche comme un gardon hors de l'eau depuis cinq jours.

J'ai la gerbe, mon estomac se tortille comme un vermisseau, ma tête semble sur le point d'exploser, et ma langue n'est plus qu'un morceau de carton. En bref, j'ai une gueule de bois carabinée. La routine. J'ouvre péniblement les yeux pour les refermer aussitôt. Trop de lumière. Pourquoi j'ai pas fermé mes volets ? Je tente de tirer un oreiller sur ma frimousse, mais une douleur lancinante dans le bras me fait changer d'avis. Qu'est ce que j'ai encore foutu ?

Gardant obstinément les yeux fermés -j'ai moins l'impression de flotter et la luminosité est trop aggressive- j'essaye de me remettre les idées en place. Il me faut un peu de temps pour que le puzzle se réassemble. Travail. John. Fusillade... et Ava. La belle serveuse qui m'a éconduite. J'entre ouvre un œil, pour constater que je ne connais pas la piaule où j'ai passé la nuit.

Bien, donc j'ai pas rêvé le fait d'avoir dormi dans le bar où John m'a largué comme une pauvre chaussette dépareillée. C'est génial. Je me redresse en grimaçant. Bordel. J'ai l'impression de m'être fait roulé dessus. Va falloir que j'me remette au sport, mais après avoir trouvé des anti-douleurs et de l'eau.

Je sors du lit et passe un temps incroyable à renfiler mes vieilles fringues, et renonce à lacer mes chaussures. On va juste croiser les doigts pour pas se casser la margoulette.

J'me traîne jusqu'à la porte, manque de me l'ouvrir dans la figure et tombe sur Ava dans le couloir. Timing incroyable qui me réjouit au plus haut point.

- 'lut.

J'ai la voix rauque tellement que j'ai l'impression de pouvoir aller doubler un zombie pour le prochain block buster post apo. Au pire, voilà une carrière qui devrait me mettre à l'abri des balles.

- J'peux avoir de l'eau ?

Ma bouche est tellement sèche que je m'étonne de pouvoir encore bouger ma langue et je dois me tenir au mur pour être certaine de rester debout. Une mise en garde contre l'abus d'alcool à moi seule. Tiens d'ailleurs, pendant que ma gracieuse hôte s'en va me chercher le précieux liquide, j'me laisse glisser sur le sol, préférant mettre à rude épreuve mon dos courbaturé plutôt que de risquer de faire la crêpe par terre... ou vider mon estomac sur le parquet. J'ai encore un semblant de dignité. Peut-être. Quelque part.

Une soirée difficle

- Avec plaisir !

Elle s'endort en un rien de temps et elle respire plutôt fort, probablement l'alcool et peut-être un peu aussi sa blessure.
De mon coté, je décide d'aller prendre une douche avant d'aller me coucher. Je pars ensuite m'installer sur le canapé évoquer plus tôt. Je finis par fermer un œil, puis l'autre. Je l'entendrais de toute façon si il y a un soucis ,j'en suis persuadée, j'ai l’ouïe super fine après tout.
Mon oreille est d'ailleurs belle et bien la première à me faire comprendre qu'il y a un truc qui se trame dans la pièce à côté, lorsqu'elle se réveille sa respiration change. Elle émerge. C'est lorsqu'elle se lève que je me réveille tout à fait. Elle à l'air de s'en sortir. j'entends une boucle de pantalon. Je ne dirais pas non pour aller l'aider, mais ce serait encore plus bizarre que tout ce que je suis entrain de vous dire. Lorsque je l'entends se diriger vers la porte, je me lève et vais dans sa direction. Elle ouvre la porte, alors que j'arrive devant. Je la salue avec un léger sourire.

- Un verre d'eau ? Oui je t'apporte ça tout de suite. Tu peux t'asseoir dans la pièce à côté.

Je me dirige moi-même dans la dite pièce où se trouve en plus du canapé, une table et des placards. Sur l'un d'eux, je trouve le saint Graal : un pichet avec de l'eau dedans. Je prends un verre et la sert. Je lui tends le verre, avant de lui proposer de manger quelque chose.

- Tu prends un p'tit déj ? Après je te dépose chez toi ! A moins que tu décides enfin à aller à l'hosto!

Mais bon cette fin de phrase, j'y crois pas trop vu notre discussion de la veille.

Une soirée difficile

Mon cerveau ralentit n'analyse la proposition qu'une fois mon popotin au sol. Merde. ça veut dire que je dois me relever ? Lutter contre la gravité est un combat difficile, mais je le remporte sans trop pester, pour aller m'assoir comme une personne civilisée sur le canapé de la pièce d'à côté.

A peine installée, je me retrouve avec mon verre d'eau tant convoité que j'entame avec rapidement. Ma langue semble reprendre vie, me permettant de nouveau de parler à peu près correctement.

- Merci. Et oui, je veux bien un truc à manger.

Dans l'idéal, je demanderais bien du jus de cornichons, des œufs et du miel -ma sainte trinité des gueule de bois- mais dans la pratique je grignoterais ce qu'Ava daignera bien me donner. J'ai assez abusé de son temps.

- Et tu peux oublier l'hosto, ils feront pas mieux pour mon bras.

Je lui offre un sourire entendu : elle ne devait pas se faire trop d'illusion quant à cette proposition.

- Et en plus, si tu me laisses à l'hôpital, comment tu peux savoir où j'habite et venir me faire une visite surprise ?

J'étouffe un sourire dans mon verre, que je finis d'une traite. J'me referai jamais.

Une soirée difficile

Elle accepte mon petit déjeuner. Je file donc dans la cuisine pour lui trouver du pain, du beurre, du café, il reste des fruits aussi et je déniche du jus de tomate (pour l'anti gueule de bois) au fond du placard, sans compter quelques tranches de lard. Je mets tout ça sur un plateau et je remonte pour lui donner ça. Je pose le plateau sur la table et m'asseois en face d'elle. Je lui souris. Je me rends compte que c'est assez frugale, mais je ne voulais pas la laisser seule trop longtemps.
Je hume la bonne odeur de lard fumé, je grogne légèrement de plaisir. J'ignore si elle m'a entendu ou non et je n'en fais pas cas sur le coup.

- T'as envie de quelque choses en particulier ? Je pense pouvoir trouver d'autres trucs. Sers-toi ! Prends tout ce que tu veux !

Je la laisse gérer comme elle le sent. De mon côté, je prends du jus de tomate, j'adore ça, et avec mes quelques verres dans le nez d'hier soir, ça ne pourra pas me faire de mal.
Je rougis quand elle me dit que l'hosto ne fera pas mieux que son ami. Certes il s'était bien débrouillé, mais bon sait-on jamais... Mais je n'insiste pas.

Je souris largement devant son commentaire suivant et j'approuve. Je serais heureuse de la revoir une fois qu'elle sera plus en forme. Je serais ravie de pouvoir échanger d'avantage avec elle dans tous les sens possibles et imaginables.

- Très mauvaises idées en effet !

Nous prenons un moment pour manger et échanger sur pas mal de choses. Je suis contente d'en savoir toujours un peu plus sur les gens que je croise. J'aime les rencontres qu'elles soient positives ou négatives, elles nous forgent le caractère et renforce notre vie. Ghilian en est une belle. Au bout d'un moment, lorsque je la vois rassasier, je lui propose une douche.

- Tu veux peut-être prendre une douche avant que je te dépose ? Je dois bien pouvoir te trouver une t-shirt qui t'iras ?

Après c'est toujours bien d'être dans ses propres fringues, alors c'est comme elle veut.

Une soirée difficile

Dire qu'Ava que me sert un petit-déjeuner royal est en dessous de la réalité. Trop de choses font apparition devant moi, à tel point que je ne sais même pas par quoi commencer. Lard, pain, beurre, fruits... Totalement indécise mais affamée, j'attrape le premier truc qui me tombe sous la main : du pain. Avec un petit morceau de lard et du beurre, ça sera parfait.

- Reste ici, c'est largement suffisant ce que tu as ramené. Merci.

Je lui souris avant d'entamer ma tartine. J'ai toujours une fanfare sous le crâne, mais mon estomac sera lui rassasié. Un problème de moins, et pas des moindre ! D'expérience je sais qu'après avoir manger, je n'aurais plus le cœur au bord des lèvres.

Mon sourire s'agrandi d'autant plus lorsqu'Ava semble trouver elle aussi que ne pas savoir où j'habite serait une triste idée. Qu'on se comprenne bien : je suis totalement HS, je ne rêve que d'une dose de morphine pour arrêter le feu dans mon bras et mes côtelettes, alors oui, revoir ma bienfaitrice dans des circonstances moins catastrophiques serait fortement appréciable.

Je reprends encore du pain et quelques figues sèches, avant de décider de finir par un bon café. En espérant que ça me réveille totalement. J'attrape la cafetière, en essayant de ne pas en foutre de partout. Malheureusement je suis pas très douée ce matin, et je loupe la tasse, rependant un peu du liquide chaud sur le plateau. Zut.

Je repose le récipient avant de faire plus de bêtise, et prend ma tasse à moitié pleine. Je bois une gorgée de mon café tout en réfléchissant sérieusement à sa question pour la douche. Honnêtement je dois sentir un mélange de transpi aigre, de sang et de crasse... Mais m'habiller me demande trop de capacité motrice.

- Je crois qu'on va devoir supporter ma puanteur, où alors va falloir que tu m'aides à me déshabiller et à me rhabiller.

Comment ça j'abuse ? Je peux même pas lever les bras ! je peux pas enlever mon haut toute seule ! Je suis condamnée à demander de l'aide... Ou rester crasseuse, ce qui me dérange pas le moins du monde vu que je compte dormir, dormir et encore dormir une fois chez moi.

Une soirée difficile

Elle a une de ces façons de me sourire... c'est trop pour moi. J'ai chaud. Faut vraiment que j'arrête. C'est clairement pas le moment pour une histoire aussi courte ou longue fusse-t-elle. Je n'arrive pas à m'enlever de la tête ses magnifiques courbes, son esprit acéré. J'adore tout ce qu'elle dégage. Elle mange pas mal. Ca au moins ça marche bien, je suis contente. Mieux que le reste de son corps visiblement, puisque lorsque je lui propose une douche elle m'explique que toute seule elle n'y arrivera pas. Vraiment ? Pourquoi autant de supplice. J'avale ma salive.

-Ton odeur ne me gène aucunement ! Mais je veux bien t'aider!

Dis-je, le regard en feu. J'essaierai de rester courtoise, mais je ne peux rien promettre. Je n'ai beau pouvoir me transformer qu'à la pleine lune, je vous garantie que là, je sens le loup en moi dans chaque millimètres carré de mon être.
Mon esprit est déjà un peu ailleurs. Ce qui me ramène à la réalité du moment ? Le bruit que fait la tasse dans ma main qui est en mille morceau. Je viens de la broyer, à force de penser à tout ce que je pourrais faire avec cette jeune femme. Je grogne mais de mécontentement cette fois. Entre elle qui renverse le café et moi qui pète des trucs, ont fait une fine équipe, je vous le dis. Finalement, après quelques instants, je me rends compte de la situation et explose de rire.

- Ok je vais me contenter de te ramener ça vaut mieux.

Je la laisse finir de manger tranquillement, ne me lassant pas de l'observer. Oui je sais ça fait un peu voyeur, mais c'est plus fort que moi. J'espère juste ne pas la mettre mal à l'aise.

Une fois son petit déjeuner finit, je l'aide à se relever, puis à redescendre cet escalier qui lui a donné bien des peines hier soir. Je fais signe à Luther que je pars. Il a bien du nous entendre discuter. Je n'ai plus pour habitude de dormir ici, même si je sais y avoir ma place, ça a du lui faire bizarre, mais il n'a rien dit.
Nan mais en plus vous imaginez faire certaines choses avec lui à côté, qui peut tout entendre, même si il ne le souhaite pas - non très peu pour moi.

Nous prenons ma voiture. Nous parvenons jusque chez elle, après un petit moment, sur ses indications. Il y a déjà un monde fou à cette heure. Il y a toujours un monde fou dans les rues de cette ville de toute façon.

Une soirée difficile

Je crois pouvoir décemment dire qu’il y a une pointe d’empressement dans sa voix qui me flatte. En même temps, qui ne rêverait pas de me déshabiller ? Mon égo et ma vanité n’ont pas de limite, et intérieurement, je glousse. Mes chevilles vont bien, merci. C’est même l’un des endroits qui ne me rappelle pas son existence en ce moment. Puis soyons réalistes : Ava est canon, j’aurais pas proposé ça à n’importe qui. Mais d’un point de vu pratique, j’me serais bien passée d’une douche. Va encore falloir que j’me contorsionne comme un vermisseau, mon corps me remercie d’avance.

Je suis tirée de ces considérations par un bruit de tasse brisée : Ava vient littéralement d’en exploser une entre ses mains. J’me sens moins seule dans ma maladresse, mais ce n’est pas la première chose qui m’interpelle :

- Ça va ? tu ne t’es pas blessée ?

Mais au même moment, elle se met à rire, balayant ma question. J’aime bien son rire. J’essaye de me rappeler si c’est la première fois que je l’entends, mais mon cerveau ne coopère pas et me laisse sans réponse. C’est mal, l’alcool. Mais qu’est ce que c’est bon !

Je ne fais même pas l’effort de l’aider à nettoyer nos bêtises –je pense que j’aurais empiré les choses- et continue de grignoter deux trois trucs avant que mon estomac ne soit satisfait et qu’il soit l’heure de rentrer dans ma piaule.

La descente des escaliers se passe sans heurt, grâce à Ava qui m’évite de me casser la figure. Rappelez-moi, je vis à quel étage moi déjà ? Encore une fois ma mémoire m’envoie chier, mais sans doute pour ne pas me démoraliser d’avance. Ça va être fun. Je la vois à peine faire un signe à un type que me voilà déjà dehors, grognant vaguement sur la lumière qui m’éblouit. C’est bien le soleil, mais pas de bon matin.

Je m’effondre avec bonheur dans sa voiture : c’est fou, mais assis, le monde tourne moins. Et heureusement pour nous, ma mémoire ne me fait pas défaut cette fois, et j’arrive à la guider sans problème. Et sans lui faire prendre de sens interdit. Vive moi.

C’est seulement  avec l’aide d’Ava que j’arrive à ressortir de son véhicule et encore grâce à elle que j’atteins mon palier en quelques minutes et pas en deux heures. N’ayant plus rien dans les poches, c’est sans grandes convictions que j’essaye d’ouvrir ma porte et pourtant, à ma grande –bonne- surprise, elle s’ouvre dans son horrible grincement habituel.

Home sweet home !

- Je te proposerais bien un truc à boire mais je suis pas certaine qu’il me reste grand-chose... Et j’ai foutrement envie de dormir. Pendant au moins deux jours.

Comme pour appuyer mes dires je réprime un bâillement. D’un coup d’œil rapide je constate que mes clés son sur ma table basse, à côté de deux téléphones portables et d’un paquet de clopes. J’ai une putain de dette envers John. Vous en connaissez beaucoup des types qui vous larguent dans un coin pas craignos après vous avoir sauvé les miches, puis qui déposent vos clés, des téléphones et des cigarettes chez vous ? Bah moi nan. Et il l’a pas fait par pure gentillesse, mais ma dette attendra. Je pense que je rembourserai celle que j’estime avoir envers Ava d’abord.

Je vais poser mes fesses dans mon canapé défoncé, soupirant fortement. C’est trop réconfortant d’être chez soi. Et avant de dormir, je pense que je prendrais un peu de cancer.

- Merci de pas m’avoir fichu dehors cette nuit. Et de t’être occupée de moi.

Je m’allume une cigarette et pour un peu, j’en ronronnerai de plaisir. Finalement, je suis une femme simple.

- Mais je t’ai assez pris de ton temps.

Oui, je suis en train de la congédier sans bouger mes fesses et sans signes avant coureurs, mais c’est pour son bien. Je suis pas bien fraîche, mais je vois bien qu’elle hésite entre quitter mon appart ou venir me rejoindre. Alors je prends la décision pour elle. On aura tout le temps de se recroiser dans de meilleures conditions. Puis jouer l’oisillon blessé ca va deux minutes, mais je préfère décéder dans mon coin. Même si j’me connais, dans deux heures je vais prier pour qu’une âme charitable fasse son apparition pour me filer à manger, m’aider à me laver... bref.

- Cela dit, j’espère que t’as retenu où je crèche... Sinon j’me pointe sur ton lieu de travail.

J’accompagne ma terrible menace d’un sourire, qui se termine sur un merveilleux bâillement. Ok message reçu, je deviens une marmotte. Sans cessez d'augmenter mes chances d'avoir un cancer des poumons, je regarde ma porte se refermer sur Ava. On repassera sur ma manière de dire aux gens de déguerpir et j'espère qu'elle ne m'en tiendra pas rigueur, mais je suis HS. Mon crâne est sur le point d'exploser et je me sens tellement crevée que j'ai l'impression d'avoir enchainé les nuits blanches. En clair, je suis une loque et clairement pas à mon avantage. Et pas en état de ressasser ce qui c'est passé ces dernières 12 heures.

J'envoie d'une adroite pichenette ma cigarette à moitié consumée dans le cendrier et m'allonge, tirant le plaid tout doux astucieusement déposé sur le canapé pour m'enrouler dedans. Je réfléchirai plus tard. Pour le moment, il y a Morphée qui me réclame, et j'ai pas envie de le faire attendre.