The Blank Page avant Noël [scène libre]

S'il est évident pour quiconque me connait un minimum que je ne compte pas passer les 50 prochaines années sous la condition de spectre que j'occupe actuellement? Je le pense oui. Même si j'ai récupéré un minimum de contacts avec le monde extérieur depuis que j'ai testé cette étrange potion récupérée auprès de cet être étrange dans cette étrange boutique dans laquelle je devrais fortement songer à refaire un tour, et que le temps physique passé, j'ai pu remarquer être resté visible pour le reste du monde. Du moins, la plupart du temps. Il y a encore quelques moments de latence où j'ai l'impression de ne plus avoir un seul pied dans ce monde, mais qui ont le bon gout de ne pas durer plus que cela.

Bref, je n'ai pas pour habitude de me complaire dans mon malheur, mais je ne me satisferai pas non plus de cette demi-victoire. Et vu que le grimoire de mon père n'est ni en ma possession, ni en celle de mon frère, et que mes connaissances en terme de démons qui sont assez aimables pour partager leur grimoire familial sont plus que limitées, je profite de n'avoir pas grand chose à faire de mes journées en terme d'emploi (on en reparlera quand je pourrai toucher quelque chose) pour faire mes propres recherches. Ce qui me conduit aujourd'hui devant une librairie... tout connement. Parce que je sais que les libraires sont tous un peu collectionneurs de vieux livres dans leur arrière boutique, et qu'un vieux livre tel qu'un grimoire démoniaque, c'est le genre de truc qui ne peut que attirer ce genre de personne.

Le problème de la porte? Je reste devant un instant en espérant que quelqu'un finisse par l'ouvrir pour entrer ou sortir, et ferait que je profite du mouvement pour passer "discrètement", mais vu que rien ne se passe, je finis par traverser le verre de la porte de la façon la plus naturelle du monde. Pour être honnête, passer au travers des cloisons n'a rien d'agréable, mais ce n'est pas pire que de traverser les gens. Ca, j'évite au maximum.

Bon, pas vu pas pris, c'est déjà ça de fait. Quant à la vendeuse qui s'adresse à présent à moi? Et bien, je n'ai plus qu'à me montrer courtois, ce que je sais faire au besoin, n'en déplaise aux mauvaises langues.

"Bonjour à vous. Je voudrais savoir si vous aviez à tout hasard un rayon consacré aux livres anciens. Et plus spécifiquement à tout ce qui touche aux arts occultes. Livres de potions, traités de démonologie, divination..."

Si je ne crains pas qu'être aussi précis dans ma demande puisse me rendre suspect? Je suis sur qu'à l'époque à laquelle nous nous trouvons, un bon 10% d'êtres totalement humains totalement dépourvus du moindre pouvoir se sont déjà essayé de lire une formule magique ou parler avec les morts. Donc je devrais avoir un peu de marge avant de me faire interner.

Je sais, chercher un tel ouvrage dans une stupide librairie, c'est très tiré par les cheveux, mais à âme désespérée... je vous laisse imaginer la suite. Et puis, ça me donnera peut-être l'occasion de rire quelques instants à la liste des titres des livres qu'elle va me sortir de son chapeau. Mais en bon gentleman, j'incline rapidement la tête en guise d'assentiment quand elle me dit qu'elle va faire quelques recherches, avant de me dire qu'effectivement, elle a quelques titres en vue. Et comprendre, peut-être à mon expression, que je ne cherche pas vraiment les dernières fanfictions de ce fascinant univers où les vampires brillent de mille feux au soleil, ou la dernière analyse de personnage du Diable et de chacun de ses frangins angéliques. Soyons honnêtes, quand il m'était possible de tourner les pages, il m'arrivait de lire ce genre d'ouvrage, juste pour m'amuser deux minutes de ce que les humains écrivent comme âneries sur nous, mais à l'heure actuelle, je n'en ai ni le temps, ni l'envie.

"Invitation acceptée."

Je lui offre mon plus beau sourire, comme si, après un siècle et demi passé à ne regarder qu'une seule et unique femme, j'allais convaincre le monde que je suis un dragueur invétéré. Entre nous, j'ai jamais vraiment compris comment j'ai fait mon coup avec Ziva, alors... mais là n'est pas le sujet.

"Je le saurai quand je le verrai. Formule magique, poupée vaudou, filtre d'amour... allez savoir ce dont on peut avoir besoin pour se sortir une épine du pied."

Oui, je compte, étrangement, attendre quelques instants avant d'avouer à une humaine que j'ai besoin du grimoire de mon démon de père pour y trouver une formule magique, un charme, ou quoi que ce soit qui pourrait m'aider à retrouver un ancrage dans le monde physique, le tout dans une langue que 99.99% des gens ne savent pas même identifier. Mais humaine, l'est-elle vraiment? J'ai perdu ce truc qui me permettait de repérer une créature surnaturelle du premier coup d'œil, mais j'ai plus de quatre siècles d'expérience en la matière. Il y a des signes qui ne trompent pas. Comme une personne qui ne sort qu'en soirée et court d'ombre en ombre quand vous la croiser sous un ciel bouché. Quelqu'un qui est la crème des crèmes le lendemain de la pleine lune, mais à qui on ne peut rien dire trois jours avant... Là j'ai pas trouvé encore, j'avoue, mais sans doute suffit-il d'avancer le bon pion pour voir la partie se jouer.

"D'accord. J'ai un problème physique assez difficile à traiter. Et après avoir écumé les autres options, il m'est devenu évident que la magie pourrait être mon traitement."