Dance with somebody | feat libre

La première tonalité résonne à mon oreille. Il est encore temps pour moi de raccrocher. Ma respiration demeure bloquée au fond de ma gorge. Mon cœur, quant à lui, ne cesse sa course effrénée. Il ne demande qu'à perforer ma cage thoracique avant d'être réduit en miette. Seconde tonalité. Je me torture pour rien. J'en ai bien conscience. Je n'arrive tout simplement pas à tourner la page. La troisième tonalité, je me donne un élan de courage, prête à raccrocher lorsque sa voix se fraie un chemin.

- Allô?

Je ne réponds rien. Je voulais simplement l'entendre et maintenant que c'est chose faite, je raccroche. Est-ce que je me sens mieux? Pas le moins du monde. Axel a raison, je dois passer à autre chose. Je ne sais juste pas comment faire. Quoi que...



L'euphorie s'empare de mon corps. Un sentiment aussi artificiel qu'éphémère et pourtant bien ancré dans ma chair. L'alcool, breuvage ravageur mais racoleur. Il inonde mes veines. Il noie mes peines. Un pansement sur mes fêlures. Le monde tourne et je virevolte en son centre. Les courbes de mon corps se mouvent au rythme de la musique. Un rythme entêtant pour ceux qui savent l'écouter. Un rythme endiablé pour ceux qui savent le dompter. Je me mouve avec la grâce d'un félin. Je suis le serpent qui pousse à la tentation. Je suis la sirène qui envoûte. Je déchaîne les foules. J'enflamme les mœurs. Mes doigts se perdent sur ma robe, ils accrochent le tissus et dévoilent un peu plus de peau. Ma tête dodeline à chacun de mes mouvements. Le monde tourne mais n'existe pas. Les notes dictent leurs lois. L'esprit noyé par la vodka, je ne contrôle plus rien... et ça me plaît. Ma dextre abandonne la douceur de mon vêtement pour remonter le long de mes cheveux bruns. Puis la musique cesse. Net. Sans préambule. Penaude, je me tourne vers mon amie sans la trouver. Comment  elle s'appelle déjà? Mes bras retombent le long de mon corps et en regardant autour de moi, je réalise que les seuls corps mouvant autour de moi... et bien c'est moi. Voilà ce qui arrive lorsqu'on prend un bar de loosers pour une boîte de nuit.      

— Hey! Toi, la table c'est pas une piste de danse?! beugle un employé.

Il me désigne avec le bout de son torchon sale et mes sourcils se froncent. Je l'observe, moi et mes plis disgracieux qui barrent mon front. Pleine d'incompréhension, je me gratte l'arrière du crâne. c'est quoi, son soucis? Il croit que les tables ça sert à quoi, franchement? A manger, peut-être?

— Hey sois cool, laisse la finir le show.
— Ouais! On veut voir ce qu'il y a sous la robe.
— Mais vos gueules, que je riposte à l'intention des pervers.
— Poupée, descend de là tout de suite! s'impatiente le barman.
— C'est Raegan, espèce de baltringue!

Agacée, je retire ma paire d'escarpins. Ils m'emmerdent! Les deux... trois... Quatre? Ils se dédoublent tous! Bref! Ils m'emmerdent tous, là, à ramener leur fraise et à péter ma bulle de bien-être. Merde alors! La langue pendue sur le côté, je ferme une paupière et me concentre sur le barman. Une fois prête, je lui lance ma première chaussure. Raté.

— Hey, je te préviens tout de suite, je vais appeler les flics!
— Ah ah.

J'ignore sa menace et j'essaie avec la deuxième chaussure... encore raté! Enfin pas tout à fait! Elle ricoche sur la tête de quelqu'un d'autre. J'hésite un court instant avant de sautiller sur la table.

— Touchée, coulée!!! que je m'exclame avec joie.

Pas de chance, mon manque d'équilibre a raison de moi et je me sens chuter dans les airs. Je m'attend à un atterrissage douloureux mais s'écraser sur quelques clients, ça aide à amoindrir la douleur.