Une nouvelle traversée avec une nouvelle tête - ft Perséphone

Ouais, je crois qu'elle est aussi enthousiaste que moi à l'idée de faire vivre des animaux sauvages en plein milieu du monde des humains. Soyons honnêtes, les miens ne sont pas installés dans un quartier privé tranquille peinard dans le poumon vert de la ville pour rien, et même là, j'ai trouvé à m'exiler sur les flots, un peu plus loin encore de la civilisation.
Cela dit, je n'ai pas l'occasion d'y réfléchir beaucoup plus vu le changement radical d'humeur auquel Perséphone semble être capable de procéder. Décue, excitée comme une puce, et hésitante. Le tout en moins de trente secondes. Ce qui me fait penser un instant qu'une demi-heure à ce rythme, ça risque d'être long, même pour moi. Enfin, j'arrive à raccrocher les wagons quand elle se fixe sur un mot de ma part, le marché. On m'a pourtant déjà bien assez seriné d'en parler sans réfléchir, mais bon entre nous, j'dirai que 90% des créatures magiques de la ville connaissent son existence, en parler donne pas la clef non plus... Comment on y entre? Croyez que j'vais vous le dire aussi!

"Non, je crois que la fée que je suis parlait du marché aux trolls."

Mon regard pétille de malice en disant ça, mais pas autant que le sien pétille d'excitation quand elle met deux et deux ensemble concernant le fait d'être une fée (ou demi, mais j'en ai marre de me répéter, c'pas comme si mon humain de paternel avait participé à mon éducation) et de savoir où se situe le marché des fées. Au point que je déploie mes ailes de nouveau, prêt à m'en servir si elle arrive à nous faire passer tous les deux par dessus bord du nid de pie. Et si on arrive à éviter l'accident, un regard vers le bas me montre que tout le monde n'apprécie pas que le mât bouge autant sans qu'une tempête en soit responsable. Alors quand elle me demande de redescendre, je ne me fais pas prier, suivant le long du mât jusqu'à poser mes bottes sur le sol de nouveau, conservant mes ailes dans mon dos avant de passer par dessus le bastingage à coté d'elle, m'amusant de l'entendre réprimer un cri, avant de voler au dessus de l'eau en avant du bateau, laissant la lune se reflétant dans l'eau du lac faire de même sur les écailles de mes ailes, en profitant surtout pour vérifier un truc qui m'a un poil chiffonné vu de là-haut. Oui, même avec de la compagnie, j'ai quand même fait mon boulot!
Revenant vers le navire, je me pose à coté du gouvernail et de la personne qui le tient, ne me gênant aucunement pour faire dévier la trajectoire de quelques degrés sans lui demander son avis. Jusqu'à ce que le mien d'avis soit demandé.

"Y a un écueil qui a rien à faire là droit devant, alors à moins de vouloir couler le navire, dévie un peu."

Cette partie de mon boulot faite, je traverse le pont de la poupe à la proue pour m'assurer qu'on passe bien à coté de l'écueil et pas dessus, en profitant pour revenir à coté de la rouquine. La captaine m'a demandé de la surveiller, en passant, alors autant ne pas faillir à la tâche.

"En plein jour on verrai surement que c'pas grand chose, mais de nuit, j'préfère signaler un danger inexistant que pas signaler un truc et rejouer Titanic. On verra demain que c'était qu'un paquet d'algues flottantes perdues par un kelpie et y en a deux ou trois qui rigoleront bien, mais si ils sont pas contents, ils embauchent un vampire."

Je bug royal lorsqu’il me parle de troll. Je plisse les yeux et les focalise sur lui pour essayer de percevoir de l’ironie dans ses propos, mais rien à faire. Je suis totalement incapable de me rendre compte s’il plaisante ou non. Je retiens mon souffle lorsqu’il accède à ma requête et nous retrouvons le plancher plus stable du navire. Je n’y peux rien si je ne suis pas sereine en l’air, vous avez déjà vu une biche monter aux arbres ?
Pour la suite, mon petit cœur de pudu rate un battement lorsque la fée passe par-dessus la rambarde. Je n’arrive pas à réprimer un cri que j’étouffe avec ma main. Oh la la, mais on a pas idée d’être aussi mouvant ! Il ne s’arrête donc jamais ! Il exécute une dans aérienne au-dessus de l’eau et je le perds de vue rapidement, sans doute aussi captivé par la beauté du spectacle. C’est reposant, je me sens tellement mieux lorsque la ville s’estompe. Un soupir de soulagement franchit mes lèvres et je m’accoude au bois humide de la balustrade pour me laisser porter par mes rêveries. Je remarque à peine le retour de la vigie qui se pose à côté de moi. Je le regarde perplexe ne comprenant pas de quoi il parle.

« Tu as vu un truc dans l’eau ? Tu as déjà de sacré yeux, je t’avoue que j’ai rien remarqué du tout. Même quand tu es partie, c’est à peine si je pouvais te suivre du regard. »

Si je saisis bien, ce n’est rien de bien inquiétant, mais monsieur fait son job et évite à son embarcation de couler ou de prendre en tout cas le risque de couler.

Finalement, le temps s’écoule assez rapidement et Peter doit retourner à ses obligations. Le débarquement s’opère sans encombre et nous partirons à la découverte de l’île au petit matin. Je ne peux m’empêcher toutefois de jeter des coups d’œil en direction de la fée. Je me ferais rougir toute seule, mais j’avoue avoir passé un agréable moment en sa compagnie et c’est rare de trouver quelqu’un qui comprenne mon besoin de nature et mon amour pour les choses simples. Avec lui, j’ai pu parler de tout et de rien, sans me soucier d’être jugé, après, je suis incroyablement crédule et je me suis peut-être leurrer. Je le saurais une prochaine fois, j’espère vraiment recroiser sa route.

Mes ailes vibrent dans mon dos quand Perséphone s'enthousiasme de ma vision nocturne pourtant loin d'être à toute épreuve, en contradiction totale avec le détachement que je met dans ma voix pour lui répondre.

"Question d'habitude, c'est mon job après tout."

Un job pour lequel faut aussi bien discerner ce genre de truc que la réaction de l'eau autour. Pour repérer une forme sombre sur l'eau sombre, c'est parfois la forme d'une vague qui sert d'indice. On arrive à proximité du rivage et je reprend donc mon poste de façon plus sérieuse, plus concentrée disons, de quoi éviter de fracasser le navire sur les rochers. Ca peut être une bonne idée sur le fond. Sur la forme aussi, en y réfléchissant un peu. Et si je respire un peu mieux une fois l'ancre jetée à l'eau? Toujours. On sait jamais si on a pas déplu à la mauvaise sirène qui déplacerait un rocher juste où il faut pas pour nous pourrir la soirée.. Quant à visiter l'ile? On verra demain, il fera jour, ça sera au moins aussi intéressant que de nuit. D'ailleurs, parlant de nuit, je me penche au dessus du nid de pie pour observer la rouquine restée sur le pont. Me demandant si j'dois lui trouver une place pour dormir dans un coin du rafiot ou si elle va descendre jusqu'au village elfique. On verra bien. Moi j'me trouverai bien une tulipe où roupiller cette nuit tiens, ça changerait du bois.