Une p'tite pinte ou un verre de rhum ? Peter

Si j'peux dire un truc, c'est que ça a chié sur le navire ce soir. Et aucun mec sain d'esprit se met entre deux harpies déchainées, au risque de prendre un coup de griffe, ou un éclatement des tympans pour cause de hurlement stridents, ou, bref, vous avez saisi l'idée. Passez deux heures au port et c'est la galzie. Pour ma part, j'ai attendu que ça se calme installé sur le rebord d'un des carreaux de la cabine de la captaine, mes quelques centimètres de haut m'allant très bien pour passer inaperçu. Seul truc, on entend beaucoup mieux donc ouais, j'ai du y perdre un tympan ou deux.
Liane partie, j'ai voleté jusqu'à la cale, d'où je suis ressorti avec une bouteille de rhum dans la main. Avec la taille de porter la bouteille, donc, suivez un peu nom d'un loup de mer! De là, j'ai mis pied à terre, descendant la passerelle en me moquant éperdument que mon style vestimentaire actuel ne soit pas tout à fait en concordance avec le reste de la ville. J'vais pas me changer pour faire plaisir à trois idiots qui croiront que je sors un peu arrosé d'une soirée déguisée.

Je traine en ville un sacré moment, ma bouteille finie depuis bien longtemps, quand je passe devant un bar apparemment bien animé. Mais pour être honnête, c'est pas ce qui m'attire là. Plutôt le fait de voir la captaine assise toute seule à une table, apparemment bien décidée à se prendre une biture. Je rentre alors à l'intérieur, profitant d'un instant d'attention du serveur pour attirer son attention comme je passe près du bar.

"Du rhum. Et la bouteille."

Je ne l'attends pas pour me diriger vers la place restée vacante, retournant la chaise pour m'asseoir à califourchon dessus. Une manière comme une autre d'attirer l'attention de la pirate en face de moi.

"J'te dirai pas qu'elle est occupée à retourner le raffiot, j'me suis sauvé avant. La prochaine tournée est pour moi tiens, ça m'aidera à oublier la terre ferme un instant. Si tu veux suivre, te gène pas."

Ce que j'ai entendu? Vague comme question. D'ailleurs je pourrai répondre que le bruit des vagues frappant la coque du navire fait partie de la réponse. Mais je crois que l'oreille attentive du papillon que je suis est utile à autre chose qu'à écouter ce que tout le monde peut entendre... même s'il n'y a pas plus réconfortant à mes oreilles que le bruit des vagues.

"Qu'on pourra surement reprendre la mer demain matin. Quelques paris sur laquelle de vous deux balancera l'autre par dessus bord en premier... Et deux ou trois théories sur une mutinerie de sa part... fin, tu connais l'équipage. D'un mot ils font une rumeur."

La théorie de la mutinerie, personnellement, j'y crois pas. Parce que franchement, j'pense que y a pire comme captain, et faudrait déjà vouloir en changer. Ensuite, entre les deux femmes fortes du bord, mon choix est rapide. Ensuite, parce que la moitié de ces pseudos loups de mer sont des poules mouillées qui sauteront eux-même par dessus le bastingage dès que Liane plantera son regard dans le leur...

"Sinon, j'ai entendu une luciole dire qu'un moineau avait entendu d'une mouette qu'elle avait aperçu un galion près de la côte.... Ok, j'ai réparé la radio. Tu veux pas foutre Morgan par dessus bord et qu'on aille voir ça? J'en ai marre de pas sentir le sol bouger sous mes pieds...même si il bouge un peu plus maintenant que j'ai vidé un litre de rhum."

Je ris de ma propre connerie, peut-être un peu plus enivré que je veux bien l'admettre. Le tout avant de vider cul sec le verre qu'elle a rempli pour moi.

Elle est sérieuse? On est des pirates, bien sur que dès que ça frite entre la captaine et sa seconde, y a des rumeurs de mutinerie. Comme un gosse cherche les gâteaux au chocolat au milieu des paquets de brocolis congelés dans le sac de courses de ses parents. C'est le genre de mots qui vont ensemble. Gosses et chocolat, Pirates et mutinerie... et navire, océan, pillage, liberté... ok, j'arrête là. Enfin bref, qu'elle m'accuse si elle veut, moi, je sais ce qu'il en est. Des deux, je sais qui je veux pour captaine... et c'pas celle qui est pas là actuellement. En attendant, je glisse la main jusqu'à son verre pour le finir à sa place.

"C'est officiel t'as trop bu. Tu connais l'équipage, ça cause, ça cause, mais on est tous d'accord sur qui est le capitaine du Hollandais Volant."

Partir maintenant moi je dis pas non, sauf que je pense pas qu'il reste grand monde SUR le raffiot après le coup d'éclat de tout à l'heure. On est pas totalement fous, juste un peu, et en tant que marins, on sait repérer le calme avant la tempête, alors en général, on se tire avant la tempête... sauf si on est en pleine mer, là, c'est un tout petit peu plus compliqué.. enfin, entre nous, les gueguerres au sein de l'équipage, c'est plus fréquent au port qu'au large.

"C'est toi la captaine. Si faut leur bouger les miches, tu sauras le faire."

Ok, je plaide coupable d'avoir observé quand elle s'est levé, pour savoir si elle allait pouvoir aligner deux pas sans flancher. Personnellement, j'ai dépassé la limite de consommation raisonnable, j'le sais, mais moi on s'en fout. De toute manière, en temps normal je suis aussi bon pour faire la vigie que mauvais avec une lame dans les mains alors tant que je sais par quel bout on la tient, cette lame, c'est ok pour moi.

"En tout cas moi j'te suis. J'imagine que y a mieux comme appui logistique m'enfin..."

A peine je suis debout que je manque déjà de finir de nouveau sur ma chaise, aidé par la pression de Liane sur mon épaule. Je suis pas sur qu'un chancelant s'appuyant sur un autre chancelant ça donne un truc bien droit. Rien compris? Normal. Les fées ne sont pas immunisées contre l'ivresse, même si je dois être l'une des rares à me servir d'alcool pour ça. Je crois que l'ivrognerie, parmi mes ancêtres maternels, se fait plutôt à coup de verres de nectar de fleur.

"Toi, aides-moi."

Nous arrivons péniblement à sortir du bar, juste à temps pour que Liane ne vide son estomac sur le sol. Cherchant à m'occuper pour ne pas la rejoindre sur ce coup-là, l'odeur du vomi ayant la mauvaise manie de me retourner l'estomac, je me contente de retenir ses cheveux en arrière le temps qu'elle ne finisse ses petites affaires.

"En général c'est comme ça que ça marche. Ça serait tellement déprimant si celui de trop était le premier."

Elle s'installe contre le mur et je dois avouer que le fait de rester debout en regardant vers le bas c'est... le truc à pas faire. Alors je finis par m'installer à coté d'elle, le regard plongé vers les étoiles au dessus de nos têtes. Si je songe à la possibilité de me miniaturiser et rejoindre le navire en volant? Plutôt à ce que donnerait un vol dans cet état. Rien de bien rectiligne j'imagine.

"Désolé, j'ai oublié de prévoir la poussière de fée. Va falloir marcher jusqu'au vaisseau."

Je vous dirait que d'ordinaire, je saurai me glisser sur son épaule, ou dans une poche... mais vu qu'elle tiens à peine debout, je préfère faire confiance à mes propres pieds ce soir. Pas qu'ils soient beaucoup plus surs que les siens.

"Si tu savais c'que j'y dit à la logique..."

Ce qui me ramène à cette histoire de poussière de fée. Une fée qui n'a "pas prévu la poussière de fée", ça parait dingue. Sauf que j'ai tout piqué à ma mère sauf... cette foutue poussière de fée. Ça, j'ai jamais pu en pondre la moindre trace, et c'est pourtant pas manque d'avoir battu des ailes dans tous les sens. Dommage, dans des cas comme maintenant, ça serait utile. Fin bref, j'en ai un peu, bien planqué dans un coin, mais avec ordre de ne l'utiliser qu'en cas d’extrême nécessité... pas sur que me ramener au port parce que je suis trop bourré pour retrouver le chemin soit de l'extrême nécessité...

"Parait que quand on supporte pas de boire, faut pas boire. Moi j'dis que les murges, c'le meilleur moyen d'apprendre à se murger quand même..."

Liane finit par essayer de se relever, ayant la mauvaise idée de s'appuyer sur moi, alors même que je ne dois pas être beaucoup plus fiable sur mes jambes qu'elle. La captaine finit par s'en rendre compte, vu qu'elle me relâche pour privilégier le mur derrière moi. Meilleure idée. Mon tour? Je vais éviter d'agripper sa main, je ferai que l'entrainer au sol avec moi. Je finis par jeter un oeil autour pour être sur de ne pas être observé, prendre mon apparence et ma taille de fée le temps que mes ailes ne m'aident à me relever avant de reprendre apparence humaine, me retenant sur le mur pour ne pas finir au sol de nouveau. Pas à cause de l'alcool mais du changement rapide de perception. taille humaine/taille de moustique/taille humaine, le tout en moins de deux minutes, ça donne un peu le vertige. Ok, l'alcool doit pas aider.

"Ouais, rejoindre le navire, ça c'est de la bonne idée. Un sol qui tangue sous les pieds d'un mec qui tangue, ça s'annule. Je marche jamais aussi bien bourré que sur le pont du navire."

Je commence à me diriger vers le port, ne l'attendant pas, convaincu qu'elle va suivre, avant de m'arrêter en voyant qu'elle ne suit pas. Son regard veut tout dire. Ok, le port, de l'autre coté. Demi-tour et en route.

Si la route parait longue? Parait qu'en faisant des zig zags c'plus long qu'en marchant droit. Parait. Fin perso, après une course poursuite avec un chien qui a bien failli me faire plonger dans une bouche d'égout, j'vois le port arriver de nulle part. Oui, c'pas nous qui sommes arrivés au port, c'le port qu'est venu jusqu'à nous. Pas possible? Beh si, si j'le dis!

Je suis la captaine sur le pont du navire, la laissant rejoindre seule le gouvernail même si je pense que dans notre état, conduire (ou manœuvrer un navire pirate de plusieurs dizaines de coudées de long... ) n'est pas vraiment conseillé. D'ailleurs, faire confiance aux yeux tout aussi ivres d'une vigie toute aussi ivre n'est pas mieux non plus. Enfin, je me fait pas prier pour aller piquer un truc en cuisine, en ressortant en évitant une casserole volante ( sisi, ça existe, c'est une casserole qui tourne dans l'air, et la queue fait comme les pales d'un hélico...non?), avant de m'atteler à la montée du mât. Si j'ai des ailes? Ouais, fin, aurait fallu y penser. Même si passer par le cordage, on a connu mieux comme raccourci... Bref, je finis par me benner dans le nid de coucou ... pie plutôt, tête la première. Avantage, j'ai retrouvé ma longue-vue!! Pourquoi c'est tout petit quand on regarde dedans? J'ai du la casser en tombant dessus... bref...

"Et quel cap veux-tu donc que j'observe, Captaine?"

Que j'gueule là dedans... l'astuce aurait été de demander AVANT de grimper, ou voleter rapido pour avoir l'info et revenir... mais j'en suis à un stade de murge où je vais m'endormir sur le rebord de mon nid si je ne concentre pas mes yeux sur un truc, donc le cerveau est passé en mode "déconnecté" depuis un petit moment.