Welcome aboard - ft Peter & Marius

Ma passion pour la mer ? Essayez de grandir sur une foutue île et pas vous intéresser à ce qui vous entoure, c’est que vous êtes bien con. Alors oui, mon premier voyage à bord d’un navire, j’étais qu’un passager clandestin, mais ça m’a pas empêché de bouquiner tout ce qu’il faut pour me renseigner. Mon premier matos pour cartographier le fond ? Savoir quel danger peut poper ? Vous saviez, vous, que les fantômes respirent pas ? Ben suffit de savoir leur demander gentiment et je peux vous dire que la mer regorge de spectre prêt à vous rendre service pour passer le temps ou en échange de leur ticket vers l’au-delà. Après j’suis pas un batard, s’ils veulent juste passer, je les laisse. Ça sert à rien de les mettre en colère et même bien au contraire si j’veux pas qu’ils trouvent moyens de se venger. Alors voilà, j’suis hyper émoustillé parce que je commence sur un bateau et pas le plus merdique. Le Hollandais Volant. Déjà, rien que la renommée de la bâtisse fait frémir, les légendes de morts qui l’entourent et son funeste destin … Enfin, tout pour me séduire. Et pas que. Vous en voulez un autre de sexy ? Le mec de la vigie. Héhéhé, j’ai pas passé une adolescence à me prostituer pour pas profiter de quelque avantages à repérer les beaux gosses quand j’en vois un, mais bon un peu de sérieux mon p’tit Marius, tu vas pas te taper tout l’équipage !

J’avance sur la passerelle et monte à bord, mes premiers pas sur le pont en tant que cartographe du Hollandais Volant … Les papillons dans mon ventre pourraient bien prendre vie et s’envoler tellement je me sens d’humeur joyeuse. Je sautille à bord ne prêtant pas attention aux quelques âmes égarées. J’aurais bien assez le temps de les revoir plus tard et pour l’instant, j’vais essayer déjà de voir ce que les vivants peuvent m’apporter.

« Oh ! »

Une mouette posée sur le plancher prend son envol à mon exclamation et je me mets à la suivre à travers le pont, voir jusqu’où elle va … ne voyant pas bien sûr que le pont va pas aussi loin que ses ailes l’emportent et je manque de passer par-dessus la rambarde. La surprise m’arrache un cri, c’est jamais agréable de se retrouver arrêter en plein élan.

« Aouch »

Une main ferme m’empoigne et me retient de justesse m’empêchant de faire le grand saut. Passe encore, on est à l’arrêt mais quand même. Je me retourne vers mon sauveur et une sourire enjouer apparaît sur mon minois.

« Ah bah j’pensais justement à toi ! Enfin, c’était avant la mouette, mais c’est tout comme. »

On passera sur le salut classique, je crois que c’est pas ma bille de convenir aux normes sociales de politesse et autres mondanités futiles. La fée me lâche et j’époussette ma tenue, ça devient un toc cette histoire, faut dire que je passe tellement de temps à me salir qu’il faut bien que j’en vire de temps en temps une p’tite couche. Non, mais j’me lave hein ! Et j’ai même une machine à laver dans mon studio (oui bah je savais pas que j’allais finir sur un bateau du coup j’ai gardé un p’tit pied à terre dans Chicago au cas où).

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Je crois que j'ai fait une connerie. Non. Je sais au fond de mes tripes que j'ai fait la plus belle connerie qu'il me sera donné de faire durant tout le restant de ma vie. La connerie? Le mec qui a pas capté qu'il lui manquait une paire d'ailes pour sauter du pont du navire et que je récupère in extremis avant le grand plongeon. Le pire? C'est qu'il est pas léger coco, il m'a tué le poignet ce con... D'accord, la captaine m'a interdit de me plaindre des conséquences de mes propres âneries, alors motus.

"C'est moi la fée et c'toi qui trouve une mouette plus intéressante que le Hollandais Volant lui-même? Allé, viens voir par là, tu vas voir, ça vaut le détour."

Ce qui va valoir le détour, ça va être la vitesse à laquelle on va ME foutre par dessus bord avec tout ça... Je prend d'ailleurs le parti de reprendre ma taille de guêpe et voleter à hauteur de ses yeux, juste pour éviter plus de mésaventures. De là, je le guide jusqu'à la proue du navire, avant de reprendre taille humaine, assis à califourchon sur le mat de misaine. Bon, à l'arrêt au port, ça a moins de gueule c'est certain, mais une chose est certaine... va falloir qu'il arrête de jouer les sauterelles si il veut tenir là dessus sans passer par dessus bord. Et c'est moi qui réclame du calme? Mazette...

"Sinon, comment tu fait pour rester immobile deux secondes pour lire une carte et fixer un cap, déjà?"

J'rappelle que j'suis la vigie du bord. Et que l'ancien cartographe, la mer veille sur son âme, avait la bonne idée d'être assez précis dans ses indications pour me mâcher le travail. Et que donc, j'tiens pas à avoir plus de travail avec cui-là. Moi, paresser là-haut en regardant les nuages pour leur trouver des formes, ça me va... même si, attention, j'ai jamais mené le rafiot sur les récifs jusque-là!

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Je fronce les sourcils.

“C’est quoi le rapprochement entre le fait que tu sois une fée et celui que je trouve intéressant les mouettes ? »

Non, je ne pense pas que ce soit ce qu’il ait dit, plutôt …

« Ou bien pourquoi les fées, les mouettes et le Hollandais Volant devraient entrer en compétition sur qui est le plus intéressant ? »

Je pourrais débattre des heures sur la question, mais la vigie ne semble pas disposée à écrire une dissertation sur le sujet. D’autant plus qu’il vient d’aborder un autre thème hyper pointu concernant ma capacité à agacer le monde plus vite que la lumière ne se déplace … Non, ce n’est pas non plus ce qu’il a dit, mais clairement on entre dans le vif du sujet. C’était plutôt : ma faculté à pas montrer ouvertement que je suis un bon cartographe.

« Alors, déjà je peux pas vraiment tout faire à la fois. Je sais qu’on pourrait croire, mais non. Je suis humain à la base quand même. »

Ça devait toujours pas être ça le sujet et je l’observe froncer les sourcils alors qu’il doit tenter de comprendre de quoi je parle. Je souris.

« Ok, je reste jamais immobile, je crois que pour commencer, j’ai des impatiences dans les jambes dès que je m’arrête de marcher alors je préfère danser et courir. Ça peut agacer parfois, … »

Il fronce un peu plus les sourcils ou je rêve ?

« … voire souvent … »

Un rire m’échappe alors que je sens bien que je m’enlise gentiment. Heureusement que je suis pas mauvais sinon c’est lui qui finirait par me jeter par-dessus bord, quoiqu’il aurait juste à attendre qu’un autre volatile me distrait.

« Sinon le cap, c’est plutôt les âmes des défunts qu’on croise qui m’aiguillent une fois qu’ils savent notre destination. Bon une fois, je suis tombé sur un esprit avec le sens de l’orientation d’une courgette et ça a été l’Enfer. Du coup, depuis, je me méfie et je revérifie par quinze fois qu’ils nous emmènent pas au casse-pipe. Sinon pas de regret, l’autre équipage c’était des marchands d’esclave et ils ont juste compris que je pouvais être un peu plus intéressant sur le bateau que s’ils me revendaient, moralité, ils auraient mieux fait de me vendre ! »

Ben oui, le triangle des Bermudes ne pardonne pas et le naufrage leur a couté cher. Je suppose qu’ils sont tous morts. Perso, j’ai encore juste eu une chance de cocu et … Elle est bête cette expression, je peux pas être cocu, j’ai même pas de relation, enfin bref … mince j’ai oublié le fils de ma pensé.

« Non, mais ça devait pas être important. Juste que j’estime en général que les courgettes doivent pas avoir le sens de l’orientation vue qu’elles sont des légumes. »

Je hausse les épaules d’un air entendu, comme si, bien sûr, toute notre conversation n’avait tourné qu’autour de l’estimation de l’intelligence d’une courgette.

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Non mais, entendez bien. Je ne suis peut-être que la moitié d'une fée, mais mon humain de père a totalement oublié de me transmettre le plomb dans le crâne que cette race est supposée avoir. Au moins c'est ce qui est écrit dans les livres... ok, les histoires du soir que ma mère pouvait me lire au coucher. C'est pas que j'aime pas les livres, au contraire, quand on a une imagination aussi développée que celle d'une fée, c'est facile de faire un film de ce qui est dans le bouquin. Par contre, je préfère de loin me faire lire l'histoire que la lire moi-même. Je suis un mauvais conteur, ça casse tout. Bref, il m'a embrouillé, et je profite d'être à coté de lui pour humer l'air près de lui, pour vérifier sa certitude de n'être "qu'un humain". J'ai pas l'odorat d'un vampire, mais j'crois qu'il n'a pas tord sur ce point.

"T'es bizarre. Et je suis à moitié fée alors m'entendre le dire, crois-moi, c'est bizarre."

Je change de position pour me mettre debout sur le mat de misaine, n'ayant aucun souci d'équilibre à trouver sur ce rondin si peu large. Pour être honnête, je ne prête même pas gare à l'endroit où je pose les pieds alors que je reviens vers lui, repassant bientôt par dessus le bastingage de la proue du navire.

"Tu parles comme une fée. Et il parait que c'est pas un compliment. Fais en ce que tu veux."

Donc en fait, si je comprend bien, il y connait nawak en navigation, il a juste les oreilles affutées face à des gens qui s'y connaissent? Je suis mort. Fin, plus que la dernière fois où on m'a cru mort quoi. Ni la première fois, ni la dernière. Demandez à monsieur "je prend un malin plaisir à enfermer la fée vagabonde dans le four à bois". Il cuisine comme un chef, mais pour l'humour et la patience, on y est pas.

"Si les courgettes avaient le sens de la navigation, elles iraient pas finir dans la casserole. Mais j'suis pas sur que la Captaine débattra de l'intelligence des courgettes avec toi t'sais. S'tu veux être convaincant, fait au moins semblant de savoir lire une carte par toi-même."

Je croise ses yeux des miens un instant avant de me miniaturiser à nouveau. Facile d'en abuser quand la dépense énergétique est ... tellement nulle que j'la sens pas, en vrai. Bref. Je papillonne devant lui pour attirer son attention avant de voler jusqu'au nid de pie, mon fief.

"Mais avant ça, viens admirer le meilleur point de vue du navire. Alors idem, t'imagines qu'on est pas au port quoi."

Il se démerde pour grimper? J'suis peut-être le plus efficace pour monter aux voiles, mais en vrai, y a pas un pirate ici qui sache pas le faire alors, disons que ça sera un test comme un autre. De quoi dissuader la Captaine de me jeter par dessus bord trop vite.

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S’il avait pas filé aussi vite, je l’aurais couvert de câlins. J’adore qu’on me dise que je suis bizarre de la part d’un être autant bizarre que moi à la base, c’est juste adorable. Un sourire me fend le visage et mes yeux pétillent de mille et une étoile. Et en plus il continu en disant que je parle comme lui. Je lui adresse un clin d’œil. Il en fera ce qu’il veut mais j’suis preneur d’un ami. Cependant, encore une fois, je me fais passer pour plus bête que je ne le suis réellement, mais cela ne me dérange pas le moins du monde.

Si la capitaine ne souhaite pas discuter de courgettes, je ne vais certainement pas m’en contrarier, il y a quand même 250% de chance que dans les dix prochaines minutes j’ai totalement oublié avoir jamais parlé de courgettes à bord de ce navire. Je n’ai pas la mémoire pour ce genre de chose de toute manière. Surtout si l’on considère le nombre de pensées qui me traversent à chaque minute, si je devais les répertorier, j’aurais des méninges qui me sortiraient par les trous de nez, dégoulinante et pas sexy du tout. Non, je préfère définitivement que mon cerveau reste dans ma boite crânienne et que les sujets ne s’y amoncellent pas inutilement.

« Pas besoin de faire semblant, je sais le faire, juste de manière non conventionnelle et tout le monde peut pas dire qu’il a les info complémentaires en temps réel. »

La fée se la pète en se miniaturisant sous mon regard ébahi, je suis définitivement bon public et carrément absorbé par le papillonnement de ses ailes. Je ris, je sautille et je trépigne d’impatience. Moi aussi je veux voler ! Un petit cri m’échappe alors que la fée m’invite à la rejoindre au sommet du mât. Je jubile et me voilà à refaire le singe et chercher les meilleures prises pour le rejoindre fissa. Mon premier essai se solde par un tôle à deux mètres. Je frotte mon croupion endolori et reprends mon escalade, insouciant. J’adore ce genre de défis et si j’arrive à monter rapidement, il peut compter sur moi pour le rejoindre fréquemment et dans tous les cas ce me sera bien utile pour capter les directions proposées par les âmes perdues et me faire ma propre idée des dangers qui nous guettent.

Finalement, c’est à la troisième tentative que je parviens au nichoir.

« Yeah »

Grand cri de victoire et bien sûr les poings levés vers le ciel très fier de ma performance. S’ensuit un « oooooh » d’extase en admirant le panorama du côté aqueux de la chose. Parce que si on parle de la ville, les dédales de béton n’ont aucun charme à mon gout.

« Tu sais que c’est diablement beau par ici ! Je suis impatient qu’on lève l’ancre, enfin, pas complétement, parce que je viens de croiser un méga beau gosse en ville et j’aurais bien aimé m’amuser une dernière fois avant d’aller en mer me perdre. »

J’ai une vie sexuelle et j’en suis fier, l’abstinence ne fait pas partie de mon vocabulaire et surtout que je pense que si je savais la définition exacte de ce mot je ferais une attaque cardiaque rien que de l’imaginer. De toute façon, connaître trop de mots du dictionnaire ne me servirait pas à grand-chose, je parle déjà bien assez sans rajouter en prime un vocabulaire de ouf qui perdrait sans doute tous les gens autour de moi.

« Et sinon, y’a des attentes particulières pour le prochain voyage ? »

Mon regard se perd à observer la danse macabre d’une femme décédée. Le voile de sa robe tourbillonne et me frôlerait s’il n’était pas inexistant. Un geste m’échappe toutefois en voulant l’éviter de me toucher le visage.

« Va danser plus loin toi ! tu me perturbes et j’ai oublié d’écouter la réponse de … »

Je me tourne vers Peter qui ne doit pas biter un mot de ce que je raconte. Je hausse les épaules, c’est pas comme si je n’avais pas déjà l’habitude de passer pour un hurluberlu !

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D'accord, rejoindre le sommet du mat c'est quand même bien plus simple pour moi que pour le reste de l'équipage. Pas ma faute si y a pas plus de fées qui veulent se convertir à la piraterie, pourtant, y a de quoi y faire pour s'occuper, et ce sans prendre en compte mon coté humain. Je me penche donc par dessus le rebord du nid de pie pour l'observer alors qu'il tente encore et encore de grimper me rejoindre. Je suis presque tenté d'aller le chercher, à un moment, mais il en profite pour réussir à trouver ses prises pour grimper, alors je me contente de déboucher une bouteille de rhum et m'en offrir une gorgée ou deux en l'attendant.

"Tant que tu convainc la captaine, le reste, c'ton affaire, pas la mienne."

Je lui tend la main pour l'aider à passer par dessus le rebord du nid de pie, le réceptionnant maladroitement dans l'espace exigu dans lequel on se retrouve. On comprend rapidement pourquoi je bosse en solo là-haut, c'est à se marcher dessus. Je me cale donc dans son dos pendant qu'il admire le paysage, même si j'imagine que ça serait plus grandiose en haute mer que dans le port. Cela dit, ça a déjà l'air de le botter pas mal. Même si il sait où sont ses priorités, apparemment. Ce qui provoque un léger mouvement de recul de ma part, le temps que j'comprenne que c'est pas une façon détournée de me faire du gringue, mais qu'il parle d'un autre péquin. Non pas que j'me prend pour le centre du monde, mais c'était bizarrement dit sa phrase.

"Savoir nager est un plus, entre nous. Si tu sais par quel bout on tient une épée c'pas mal non plus. Et j'ai pas entendu qu'on prenait la mer ce soir, alors si tu cours vite, tu peux encore le rattraper ton mec."

Sauf qu'il m'écoute plus, occupé à parler avec un de ses esprits, apparemment. Ou alors c'est une méthode comme une autre pour boucler le caquet de ceux qui l'emmerdent, allez savoir.

"J'te disais d'aller choper ton guss. On part pas ce soir. Pour la simple et bonne raison que j'ai un rencard et que le navire peut pas partir sans sa vigie."

Non c'est des conneries. Fin si, si j'peux croiser Persé avant qu'on s'en aille, j'vais pas me gêner, mais entre nous, il faudrait plus qu'une panne de réveil de ma part pour empêcher le navire de prendre la mer. J'crois que tout l'équipage sait tenir une longue vue, je suis juste celui qui a la vue la plus perçante et le plus rapide à monter en haut du mat au besoin.

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Compliqué, ça court vite les félins et le mien ne m’a pas laissé d’adresse, ni son collier … j’ai juste à espérer qu’on retombe nez à nez en me promenant dans le coin du zoo … Et rien ne me dit que lui ça l’enchantera de me revoir, mais bon, je peux toujours espérer décrocher ne serait-ce même qu’un coup d’un soir avec lui.

« Ok, comme ça je pourrais aussi passer prévenir mon coloc qu’il va avoir la paix quelque temps, c’est quand même un comble pour un esprit. »

Ben oui, ne dit-on pas « Repose en paix ». L’ironie doit quand même bien se fendre la poire s’il elle pouvait se personnifier. En attendant, je reste également convaincu que j’aide Jon à garder un pied à terre avec le monde des humains. Je vois bien comment finissent les esprits qui n’ont personne avec qui parler que d’autres esprits … ils finissent tous par errer ou franchir le voile pour les plus intelligents.

De mon côté, j’imagine déjà l’aventure que cela sera que de voyager à bord du Hollandais. Je n’ai aucun espoir concernant mes relations avec le reste de l’équipage, ce sera toujours le même refrain. Je suis drôle pour certains, insupportables pour beaucoup et juste un imposteur pour les derniers, mais aucun ne pourra gratter la couche en dessous. Je m’en fiche. Pour moi, tout ce qui compte est de vivre pleinement, loin des fous qui me traquent. Naviguer et utiliser mes facultés pour aider des vivants autant que des morts à trouver la voie. C’est quand même chouette quand on y pense, je serais guide dans tous les cas. Je me hisse sur le bord de la rambarde sans craindre le vide derrière moi.

« Tu travailles depuis longtemps sur ce navire ?

Ma vie de débauche et de fuite ne m’a jamais permise de trouver un travail aussi conséquent que celui que je viens d’accepter sur le hollandais, mais sur aucun autre navire je n’aurais pu faire valoir mes compétences sans qu’on m’enferme à l’asile. Dire que je travaille de concert avec des fantômes pour naviguer est pas vraiment crédible paraît-il.

Sur le pont, le reste des hommes me paraissent incroyablement minuscules et en fermant un œil, je peux les dissimuler derrière mon pouce comme si je les écrasais sur le sol. Comme des petites fourmis mais c’est pas cool de tuer les insectes ! Je ne fais pas ce genre de chose.

En bas, un homme sort des parties communes. C’est là qu’il me faudra trouver un coin pour dormir au milieu de tous ces êtres vivants. Ça aussi ça va être une première et j’ai peur que les nuits s’annoncent longues. Il faudra pourtant que je prenne le plis et que je m’habitue à la présence d’autres personnes vivantes, à leur ronflements, grincements de dents et autres bruits étranges.

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Je tourne sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler, comme me l'a appris ma maman, et comme je ne le fais jamais en temps normal, quand il met les mots "coloc" et "esprit" dans la même phrase ou presque.

"Donc t'es en train de me dire que ton coloc est un esprit? Au moins il te vide pas la réserve d'eau chaude avant que tu prenne ta douche."

J'l'ai tournée que six fois et demi la langue dans ma bouche? Possible. Que voulez-vous être sérieux je sais pas faire. Je l'apprends à personne, cela dit. J'crois pas du moins. Si quelqu'un compte me contredire, qu'il le dise maintenant ou se taise à jamais... oui j'suis crevé, ça se voit, j'dis encore plus de conneries qu'à l'ordinaire.

Lui s'installe sur la balustre du nid de pie sans avoir l'air le moins du monde gêné par la hauteur dans son dos. Ca me change de ma biquette affolée par le vide, les orages, les mouvements un peu raides du navire... ouais nan, Persé, je l'adore, mais j'arrive pas à comprendre comment on peut mettre un pied hors de chez soi en étant aussi blindée de trouille.

"Quelques années. J'sais pas exactement. J'suis pas doué avec les durées. Y a des trucs de longtemps qui m'ont l'air pas vieux, et des trucs récents qui m'ont l'air de dater de la création de la ville... pas que j'y étais hein."

Non mais vaut mieux préciser, vu que les gens y connaissent rien aux fées en temps normal. Une fée, ça vit pas 10000 ans comme un vampire, pas à ma connaissance en tout cas. Pis même si c'était vrai, mon cher illustre inconnu de paternel bien humain aurait réussi à me court-circuiter, de toute. Faut être réaliste de temps en temps.

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J’éclate de rire.

« Tu m’as regardé ? Je vis dans un squat, un immeuble désaffecté où l’eau chaude n’a pas pointé le bout de son nez depuis une paye ! »

On va pas se mentir, je suis pas contre le principe d’une petite douche régulièrement et comme j’aime aussi m’envoyer en l’air, je combine les deux ! Pratique. J’ai juste à trouver un mec qui vit pas dans un taudis comme le mien et j’peux carrément profiter du confort sans m’y habituer non plus. Vu la vie sur un navire, les modes de vie sont kiff kiff que j’sois sur terre ou sur l’eau. Autre chose, ce n’est justement pas mon coloc qui va se plaindre de ne pas avoir l’eau courante et il peut même pas se lamenter concernant l’odeur, il n’a plus d’odorat depuis belles lurettes.

« Donc non, il vide pas l’eau chaude, ni le frigo, il est cool. »

Mes jambes se balancent dans le vide et je manque une ou deux fois de me viander, trop occupé pour me tenir correctement et bien assez distrait à gratter le bois vermoulu par endroit.

« Je ne sais pas à quoi j’aspire, mais j’dirais pas non à me poser pour une fois … La capitaine, sa seconde … toi aussi … ça m’semble pas être une équipe à problème. Ici, chacun à l’air de se concentrer sur faire son taf et pas se mêler de la vie des autres. Le paradis quoi. »

J’mettrai ma main à couper qu’il y a plus d’un gars comme moi, qu’a pas envie qu’on se pose trop de questions sur son passé, sa vie … même la vigie reste discrète en parlant d’elle et j’m’imagine mal aller glaner des ragots. Ce qui m’interesse, c’est juste l’histoire du navire et les grandes lignes peuvent très bien suffire. L’avantage, c’est que j’peux facilement me trouver un ou deux esprits rattachés à cette bâtisse qui sauront p’t être combler les vides. Je saute sur mes deux pieds, ne manquant pas de faire tanguer légèrement le nid de pie

« Bon, j’te laisse pour ce soir alors et j’vais essayer de trouver le chaton … »

J’y crois pas trop, j’sais que je vais me paumer ou juste me pieuter à la maison si j’suis trop claqué de voir du monde, mais bon, on verra bien. Je le salue et descends tranquillement à la corde pour pas m’achever sur le plancher en contrebas.

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