Entrée d'une touriste dans Illusk [PV Ewleth Arendil]

Illusk a été le premier endroit que j'ai un jour appelé "maison", bien avant cette ile sur laquelle j'ai fondé mon foyer, après autant de décennies passées à l'adopter, elle et son peuple, qu'à me faire adopter d'elle. Un endroit où je reviens fréquemment, autant par respect pour Darkhan et l'aide immense qu'il m'a fourni à cette époque que parce que parfois, malgré la jeunesse chaotique que j'ai passé au fond des profondeurs, au milieu du peuple drow, je ressens ce besoin de revenir aux origines. Et honnêtement, Illusk est une destination moins risquée que ma cité natale. Moins de prêtresses dévouées à Lloth à tous les carrefours. Eilistraée est, pour sur, une déesse plus conciliante et moins risquée à apprécier, même si je suis loin d'être son fidèle le plus dévoué. Là où la Reine Araignée n'uarait pas toléré qu'on oublie de lui offrir une cérémonie après chaque bataille gagnée, chaque petite chose de la vie d'un elfe noir pour laquelle il devrait se sentir obligé de lui rendre grâce, j'ai un ressenti bien plus libre envers sa fille. Est-ce un tort? Aucune idée. Ce que je sais, c'est que j'ai bien assez parlé de religion pour aujourd'hui.

Ce que je fais présentement à telle proximité du lac souterrain? Un besoin de solitude, comme à chaque fois. Les elfes m'entrainent au fin fond d'une forêt que je connais peut-être mieux que la plupart d'entre eux, les drows m'emmènent dans les tunnels qui ceinturent leur cité. Je crois que plus nombreux qu'on ne le crois ne sont les gens "sociaux" qui apprécient le calme de la solitude. Social, je le suis peu, malgré les efforts déployés en ce sens par Saleen, ma chère et tendre épouse. Solitaire, davantage. Et me retrouver seul en ces lieux ne m'est en aucun cas inconfortable. Le plus inconfortable, ici et maintenant, serait plutôt la douce luminosité dégagée par les lichens du bord de l'eau, faisant hésiter mes yeux habitués à l'obscurité des tunnels et à la luminosité du jour au dessus (bien que je préfère de loin me réfugier à l'ombre des arbres lorsque le soleil est à son zénith). Ma vision infrarouge est perturbée, et en même temps, il fait à peine assez clair pour y voir en vision normale... Je passe donc régulièrement de l'une à l'autre, en usant de mes autres sens en complément.

Et ce sont aussi bien mon ouïe que ma vision nocturne qui m'informent que je ne suis pas seul en ces lieux. Le plic-ploc de gouttes d'eau tombant au sol, et non dans l'étendue du miroir qu'est le lac souterrain, source de vie pour la cité qui le surplombe, associé à des traces de chaleur résiduelle au sol, et à une forme humanoïde se réchauffant progressivement au contact de l'air chaud de la caverne. Ceux à venir ici par le lac ne sont pas monnaie courante. Les sirènes ont depuis longtemps décidé de laisser les ténèbres aux créatures des ténèbres, même si certaines viennent parfois troquer leurs découvertes contre celles d'en dessous. Décidant d'opter pour la prudence, je pose ma main sur la garde de l'épée que je porte au coté, arme peu ordinaire pour moi, mais plus pratique d'utilisation dans les tunnels étroits que la lance qui ne me quitte habituellement pas. De toute façon, les guerriers de mon peuple apprennent de bonne heure à se servir de toutes les armes qu'ils peuvent avoir à portée de main. Même si la hache et la morgenstern n'ont jamais su trouver grâce à mes yeux, et que je suis un bien piètre tireur à l'arc, n'en déplaise à mon peuple d'adoption.
Pour résumer, je garde la main à l'épée, mais je ne me montre pas ostensiblement agressif. Les règles de Darkhan sont claires. Tout le monde est le bienvenu en ville (même si les démons n'ont pas sa préférence), du moment qu'aucun acte belliqueux n'est commis. En attendant, je repasse à la vision normale, le reflet rougeoyant dans mes yeux s'éteignant progressivement, pour avoir un aperçu physique du nouvel arrivant. De la nouvelle arrivante.

"Il est peu habituel de voir quelqu'un d'extérieur venir par ce passage. J'ai cru comprendre que les sirènes aimaient autant les drows que les puces, et un dragon d'eau boucherait le chemin."

Désagréable? Non. Du moins, je n'essaye pas de l'être. j'ai déjà dit que j'étais peu sociable. Pas le manque d'essayer. Enfin, il y a bien pire parmi les drows des profondeurs. De ceux qui ne sont pas dans cette ville. Ceux qui frappent d'abord et interrogent ensuite. J'en ai été, et je n'en suis pas fier aujourd'hui. Cependant, on m'a appris à vivre avec mon passé plutôt qu'à chercher à le renier.

Si elle ne semble pas totalement ignorante de ce qu'elle trouverait en arrivant ici, ses déclarations me laissent perplexe. Ne sachant si je dois la considérer téméraire ou simplement imprudente. Certes, le mode de vie des miens en Illusk est bien loin de l'image que l'on se fait d'une société drow. De l'image véritable d'une société drow, pour être exact. Car les livres d'histoire des elfes sont ceux qui dépeignent le mieux la réalité, croyez-moi. Il y a longtemps que je ne crois plus aux dires de mes précepteurs, de ceux qui affirmaient haut et fort que "ce pauvre peuple que furent les drows se retrouva honni par la simple cause de son apparence, et trouva refuge dans les profondeurs, entre les pattes bienveillantes de la Reine Araignée". J'ignore si les Drows naissent avec le meurtre dans le sang, ou si c'est notre société qui fait de nous les tueurs les plus implacables de l'Outreterre toute entière, mais il faut bien admettre que Illusk est une exception notable dans le mode de vie de mon peuple. Sans doute que l'absence quasi totale de femelles de notre race n'y est pas pour rien. Les prêtresses sont, après tout, les porte-paroles de Lloth. Retirez les de l'addition, et son influence ne se ressent plus sur nos épaules.
Cependant, la plupart d'entre nous sommes des guerriers accomplis, qui avons vécu sous le joug de cette société matriarcale et dangereuse, et je n'irais dire à personne qu'il est en parfaite sécurité entre les parois de cette grotte.

"Prendre des risques est un euphémisme lorsque l'on parle de mon peuple, si on veut être parfaitement honnêtes. Mais vous avez de la chance, je suis dans un bon jour."

Une tentative d'humour? On peut toujours essayer. Mes fils se frapperaient la tête contre le mur s'ils m'entendaient, cependant. Et je ne risquerai pas de leur en vouloir, eux qui ont eu la chance de naitre sous des horizons plus lumineux que les miens. Bien que mon héritage reste une croix qu'il leur faudra malheureusement porter toute leur vie durant.

"Puis-je espérer que vous ayez autre chose à vous mettre sur le dos que ces rares tissus que vous portez? Vous risqueriez d'attirer bien des regards, et sans avoir besoin d'user de vos charmes aquatiques pour cela."

Me concernant? Aucune chance. Je la mettrais même au défi de s'y essayer. Saleen a persisté durant plus de cinquante ans pour me faire ouvrir les yeux sur les sentiments que je ressens pour elle (à ma décharge, "amour" et "amitié" n'ont même pas de traduction dans ma langue natale), mais à présent qu'ils sont clairs pour moi, je ne risque pas de les trahir.

Il semblerait qu'elle se soit renseignée un minimum avant de venir se perdre dans les souterrains. Du moins, elle en sait assez pour savoir que les Drows ne sont pas les seuls habitants de la cité.

"Les Drows ont fondé la cité. Et sont très certainement les plus nombreux de ses habitants. Mais de nombreuses autres races coexistent, avec plus ou moins de succès. Vampires, sorciers, kobolds et j'en passe. On a même vu passer un angelot et un dragon, il y a quelques années."

Quoique le dragon doit encore trainer dans le coin. Aucune idée. Disons que comme tout être intelligent et doué de raison, j'évite de m'aventurer du coté de la grotte qu'il a choisi pour sienne. Et étant donné qu'un dragon peut dormir plusieurs siècles sur son trésor avant de se réveiller d'une humeur de chien, je préfère la prudence à la folie. Cette dernière, je la laisse aux petits jeunots voulant jouer au plus fins à s'aventurer près de l'antre de l'écailleux … et probablement que mes fils ont été parmi les premiers à essayer, d'ailleurs.

Elle tente de me rendre fautif d'être arrivé trop tôt pour qu'elle ai le temps de se changer, sans que cela m'affecte néanmoins. Vaut mieux arriver trop tôt que trop tard. Je me contente néanmoins de hocher la tête pour lui donner mon assentiment quand elle me dit qu'elle compte s'éloigner pour s'habiller. Elle n'a pas l'air dangereuse, même si une part de moi reste méfiante, en témoigne la main qui n'a pas quitté la garde de mon épée. Et je suis plutôt rapide à dégainer, au besoin. Enfin, quelques minutes plus tard, elle finit par sortir de derrière son champignon, plus vêtue qu'elle ne l'était jusque là. Mieux, en effet.

"Bien. Je crois que la cité vous est ouverte. C'est par là-bas, après la montée."

Si je ne compte pas l'accompagner? J'étais venu ici pour être tranquille, de base. Mais je sens que, de toute façon, je ne serai pas tranquille aujourd'hui. Je jette donc un dernier regard vers l'étendue lumineuse de l'eau avant de reporter le regard vers l'obscurité temporaire entre cette source lumineuse et la suivante, les lumières tamisées - et pourtant violentes à mes yeux - de la cité.

"D'accord. J'ai peut-être une heure à vous consacrer. Je n'ai pas emmené mes lunettes noires et il fait encore bien trop jour à la surface à cette heure."

Je fait un geste de la main pour lui indiquer de passer devant moi, avant de lui emboiter le pas. Une marque de méfiance de quelqu'un qui voudrait garder l'inconnue en vue? Pas cette fois. Une habitude qui m'est restée de mes jeunes années. Les femmes d'abord. Notez que ça amuse toujours autant Saleen, mais c'est ainsi. Hormis danger, elle passera toujours avant moi. Et quand il y a danger... elle le fait aussi, parce que c'est une sacrée tête de mule, mon elfe!

Elle semble hésiter alors que je parle de "la surface", et je met un instant à comprendre son problème. Vrai que les habitants de la surface utilisent peu ce terme pour parler de la terre où ils vivent. Je suis né au plus profond des profondeurs, dans des tunnels plus proches de l'Enfer que de la surface. Ces termes sont naturels pour moi.

"Chicago. Pour les habitants d'ici, c'est la surface. J'y habite, la plupart du temps. Bien qu'une part non négligeable de mes contacts habitent ici."

Soyons honnêtes, je n'habite pas à Chicago même, bien que j'y passe trop de temps pour mon propre bien entre deux traversées du lac pour regagner l'ile sur laquelle j'habite réellement. Mais assez peu de monde est au courant de l'existence de cette ile pour ne pas la mentionner au premier venu.

Je la laisse passer devant moi pour nous rendre à la cité souterraine, devant avouer que sa question me prend légèrement par surprise, tant par le fond que par la forme. S'en étant apparemment rendu compte elle-même, elle s'en excuse aussitôt, me proposant d'oublier sa question à peine posée. Je pourrais, effectivement, mais je sens qu'il vaut mieux que j'y réponde. La plupart des gens savent, heureusement, à quoi s'attendre avec les elfes noirs. Une prudence qu'il vaut mieux éviter de mettre de coté, à mon humble avis.

"Parce que les Drows sont généralement belliqueux. Et qu'une trop grande..." Je cherche le mot, ma maitrise de l'anglais se jouant parfois de moi étant donné que je parle plus souvent le Drow et l'elfique que cette langue. N'allez pas croire, le multilinguisme est un art consommé pour mon peuple, mais à ne pas utiliser certains mots, on les perd. "sympathie de leur part est généralement mauvais signe. Illusk ne fait pas exception. Il y a moins de tensions, moins de guerres fratricides que dans les cités où la loi de Lloth prévaut. Mais un Drow reste un Drow. Ce n'est pas moi qui le dit. Mais la vie m'est plus paisible à l'écart des miens. Bien que j'ai conservé des liens avec la cité, comme vous pouvez le constater."

Cette violence que j'évoque, c'est mon passé. J'ai eu beau naitre dans une famille relativement bien placée dans la hiérarchie de la cité, j'ai passé chaque instant de ma jeunesse à devoir me battre pour rester en vie, apprenant une règle très simple chez les miens. On peut gagner des dizaines, des centaines de combats, mais on ne peut en perdre qu'un. Et aussi longtemps que l'on surveillera notre dos dans la crainte de voir une dague s'y planter, c'est de face que la mort nous prendra. Illusk est une cité bien plus paisible que ma cité natale, les Drows qui y vivent ayant tourné le dos à la déesse du chaos qui règne ailleurs. Mais un Drow reste un Drow, et malgré l'influence sage et bénéfique de Darkhan, il arrive que la nature première des hôtes de cette cité refasse surface, en témoignent les claquements de fer que mon ouïe sensible peut entendre à quelques rues de là, à n'en pas douter le théâtre de quelque conflit comptant se régler par le fer. Les combats d'ici se finissent en général au premier sang versé, et on est loin des assassinats gratuits que l'on peut observer ailleurs, mais il y a une bonne raison pour laquelle mon épée reste à mon coté en toutes circonstances, ici.

"Je ne vous dis pas d'avoir peur ici. Nombreux sont les "non-Drows" à apprécier les lieux et à y vivre de façon convenable. Je vous conseille de rester prudente, c'est tout."

Sans doute que la paix qui règne sur l'ile, au milieu des elfes, m'aide à juger cet endroit plus sombre qu'il ne l'est en réalité. A y réfléchir, si ma route n'avait pas croisé celle de Darkhan et de sa cité, sans doute n'aurais-je pas la vie que j'ai aujourd'hui. C'est ici que le Drow perdu que j'étais a su se trouver. Ce sont les parois de cette grotte jamais totalement obscure qui ont été le cadre d'un travail personnel suffisant pour me permettre aujourd'hui d'évoluer parmi mes cousins à la peau blanche... D'accord, Saleen a fait le plus gros du boulot, et croyez-moi que pour changer un guerrier Drow en elfe correct, mon elfette a eu de la patience, de la détermination, et une bonne dose de folie.

"Disons que nous avons des désaccords. Et que le meilleur moyen de les régler, c'est de passer par le fil de l'épée. Venez."

Je glisse une main dans son dos pour la guider dans l'ombre d'un bâtiment proche du lieu de la "fête", nous permettant d'avoir un aperçu de ce qui se passe sans pour autant nous retrouver à y participer, même si je reste à l'affut de ce qui pourrait arriver dans notre dos.

"Pour ce qui est de leur fonctionnement, la règle qui prévaut est la victoire au premier sang versé. Après, tout dépend de la nature du désaccord. Rares sont ceux d'entre nous à être nés ici, et, dans nos cités natales, il est plus courant de laisser son adversaire agoniser dans un caniveau jusqu'à ce qu'un passant ou un autre ai la pitié de l'achever."

Notez que la mort trouve souvent son chemin jusqu'au malheureux condamné avant la pitié de l'un de ses frères. Une constatation que je garde pour moi. Concernant le duel qui se joue devant nous? Je dirai qu'il est affaire d'honneur, rien de grave à prévoir. Nous sommes de ceux qui aiment se battre, et trouvent souvent l'occasion de le faire. Loin de la placidité des elfes, nos cousins les plus directs, pourtant.

"Pour aujourd'hui, je vous laisse être témoin de la technique de combat imparable des miens. Je parie soit sur une joue balafrée pour l'homme de droite, soit une pointe à l'arrière du genou pour celui de gauche. Le premier a la garde trop basse. Le second, trop haute. Enfin, ce n'est que mon humble avis."

Mon attention se détourne du combat en cours pour revenir vers la sirène quand elle parle des questions d'honneur de mes congénères. J'avoue avoir des doutes sur le fait qu'un grand nombre d'entre nous aient un quelconque sens de l'honneur.

"Nous sommes doués pour survivre. Tuer ou être tuer, c'est la première leçon qu'un Drow apprend à la naissance." Après la supériorité des femmes de sa race et des araignées, bien entendu. "Cette existence est trop paisible pour la race de guerriers que nous sommes. Tout peut être prétexte à dégainer l'épée. Mais comme dit, les Drows d'ici ont choisi de renoncer à la société traitresse qui nous a vu naitre, alors je réitère. La règle du premier sang prévaut sur les autres."

Si je les connais? J'avoue ne pas connaitre tous les Drows de la ville, pour la simple et bonne raison que je passe plus de temps au milieu des elfes qu'au milieu de mes frères de race. Mais également que je trouve que le nombre de renégats réfugiés ici a augmenté ces dernières années, et si je connais bien ceux de ma génération, les nouveaux me sont plus étrangers.

"Jaezred de la maison Tenett, à droite. Très bon tireur, et épéiste suffisamment convaincant pour avoir survécu jusqu'ici. Mais il semble présentement privilégier la défense de ses pieds à celle de son visage. J'ignore l'identité du second."

Les passes d'armes s'enchainent à une vitesse dont seul mon peuple est capable jusqu'à s'arrêter soudainement, à en croire mes oreilles en tout cas, et je tourne la tête vers la scène qui se joue pour voir qu'elle semble terminée, laissant l'ainé des deux combattants avec une arcade sourcilière en sang. J'avais visé trop bas, apparemment. Enfin, joue, arcade, c'est dans la même zone.

"Je pense qu'il est assez clair que je ne suis pas devin. Mais j'imagine que vous n'êtes pas venue ici pour voir deux drows régler leurs comptes. Alors, que voulez vous voir de cet endroit?"

Mauvais guide touristique? Mauvais guide touristique. Cela dit, en général, je suis plutôt du genre à dissuader les gens de venir, surtout sur l'ile, alors on ne peut pas dire que j'ai coché l'option tourisme dans mon CV. Faites que les garçons n'en entendent pas parler, je suis bon pour que ce soit ressassé pendant cinquante ans. Minimum. Et croyez-moi, autant leurs caractères sont aussi différents que le contraste entre ma peau et celle de mon épouse, autant ils s'entendent à merveille pour faire tourner leur père en bourrique.

Je réfléchis à sa demande un bon moment, en profitant pour saluer une connaissance à la peau aussi sombre que la mienne en agrippant son avant-bras alors qu'il agrippe le mien, l'espace d'un instant, avant de le laisser vaquer à ses occupations. Je reporte mon attention sur la sirène, tout en replaçant ma main sur la garde de mon épée et décidant de lancer le mouvement en reprenant la marche dans la rue où nous nous trouvons. Mon objectif? Rejoindre l'artère principale de la cité, pour commencer, et avoir la meilleure vue qui soit sur la Demeure du Conseil régnant, la plus grande batisse de la cité.

"On ne peut pas dire que Illusk ait été inspirée pour les touristes, et je pense que sa particularité est davantage dans sa globalité que dans des détails tels qu'une maison particulière ou un site historique. C'est de l'architecture drow. C'est délicat, c'est majestueux, d'aucuns prendraient des risques en disant "elfique", mais c'est surtout fonctionnel. Parvenir à héberger un maximum de monde dans l'espace réduit d'une grotte, tout en évitant un maximum la présence de coupes-gorges."

Le tout avec juste ce qu'il faut de lumière pourpre pour permettre aux créatures diurnes d'y voir assez clair sans que les créatures nocturnes, les plus nombreuses ici-bas, ne s'y brulent les yeux. J'attends d'être certain qu'elle me suive avant de reprendre ma route, évoluant plus librement ici que nul part ailleurs, exception faite de chez moi. Chicago a deux problèmes majeurs pour moi. La lumière constante, soit du soleil soit artificielle, et l'ignorance des humains. L'ile conserve la lumière du soleil, même si, sous les arbres, on est à peu près tranquilles. J'ai beau faire partie de ces renégats qui feraient mieux de ne pas croiser la route de leur déesse, une part de moi ne peut nier que j'appartiendrais toujours à ces profondeurs que j'ai quitté il y a de cela plusieurs décennies.

"Pour le reste... le marché, la taverne, les tunnels, le terrain d'entrainement... pour les habitants d'ici, faire du tourisme, c'est aller au lac ou à Chicago, rien de très exaltant pour vous j'imagine."

Je croise son regard un instant avant de le détourner, l'air amusé. Un air dont je m'explique rapidement cependant. Le cynisme des miens est trop célèbre.

"Les miens ont un autre mot que "découverte" quand ils explorent une nouvelle terre. "Conquête". Je vis ici depuis un siècle, mais les termes utilisés par les autres peuples me surprennent toujours."

Quoique j'ai eu l'occasion d'en apprendre un peu sur l'histoire des humains, à les côtoyer dans cette ville si étendue qu'elle en est parfaitement indéfendable qu'est Chicago, et j'en retiens une chose. Dans un siècle ou deux, ce peuple saura aussi bien que le mien trouver une légende pour expliquer avoir été repoussé par les autres, alors même qu'il est celui qui menace l'existence même de tout ce qui l'entoure. J'ai grandi avec ces légendes, selon lesquelles les pauvres Drows rejetés par les méchants elfes se sont réfugiés dans les bras compatissants de Lloth. La version des elfes diffère un peu. Les Drows avides de conquêtes et de pouvoir, ont fait un massacre, et les elfes survivants sont parvenus à les repousser dans les entrailles du monde. J'ai écouté les deux sons de cloches et offert à mes fils une version qui ne plait ni aux uns, ni aux autres. Qui dit que tous les Drows ne méritaient sans doute pas ce traitement, aux origines, mais que les elfes, dans leur douleur, n'ont pas vraiment pris le loisir de faire le tri. On le pardonnerait à d'autres. Mais je m'égare, et nous avons parcouru plusieurs mètres dans l'allée principale quand je l'entends à nouveau, me demander de la raccompagner à l'entrée de la ville. Dans notre dos donc.

"Rien de plus simple. Cette artère où nous sommes, c'est le moyen le plus rapide de traverser la ville. Droit devant nous, la Demeure du Conseil régnant. L'équivalant de votre "mairie", si vous voulez. Et donc droit derrière nous, l'entrée principale de la ville. Depuis Chicago en tout cas. Cela dit, le chemin entre la porte menant à Chicago et l'entrée de la ville est un peu plus sinueux, mais il serait bien difficile de s'y perdre."

De là, elle décide si elle souhaite aller vers la sortie ou vers le centre. Saleen dirait que ça ne fera pas de mal à ma sociabilité.

J'ignore quelle est l'origine des humains, mais si on me demande, je répondrais qu'ils sont certainement plus proches de mon peuple que nos cousins à la peau blanche. Si on omet les points communs physiques évidents entre elfes et drows, nous n'avons rien en commun, contrairement aux humains. Il est de notoriété publique parmi les nôtres que les sorciers les plus imprévisibles, et donc dangereux, sont les humains, même si la raison en est moins prestigieuse qu'ils ne le penseraient. La patience et la minutie ne font pas partie de leurs attributs, et ils ont donc un talent rare pour traduire de travers des formules qui leur exploseront tôt ou tard à la figure. L'idée, c'est donc de ne pas être à coté à ce moment là.

"Jusqu'à récemment..."

Je laisse ma phrase en suspens, pas certain que cela ait réellement pris fin. Il suffit d'écouter un peu les chaines d'infos pour s'en rendre compte. Mais je ne viens pas à Illusk, cité presque indemne de présence humaine, pour polémiquer sur les humains. Un brin raciste dans l'âme? Je reste Drow, n'en déplaise aux autres.

"Pas de souci. Un dernier conseil. Evitez de vous engager seule dans les tunnels qui descendent dans les souterrains. Il n'y a pas toujours quelqu'un pour retrouver ceux qui s'y égarent."

Je la salue d'un hochement de tête avant de rabattre ma capuche sur mes cheveux et repartir en direction des hauteurs de la cité. Si les elfes sont d'excellents forgerons, les créatures des profondeurs restent les plus à même de composer avec la magie drow qui circule dans l'acier de mon épée. Quitte à être en ville, autant en profiter.