L'art de l'incruste - ft Barry

Je sais pas vous, mais moi, s’il y a bien un moment que je trouve sacré, c’est celui où on est sous une douche à la température parfaite et qu'on se dandine sur des musiques de circonstances. En l’occurrence, Poker Face. Je vous fais pas l’affront de vous nommer la chanteuse qui me fait bouger le croupion. Même que j’me fais le kif de dégainer mon pommeau de douche dans l’idée de massacrer le refrain, mais je m’étouffe à moitié à cause du flot d’eau qui m’envahit la bouche. Idée à la con tient. Ce qui ne m’empêche pas de continuer de me remuer en rythme.

Mon portable vibre, s’approchant dangereusement du rebord de l’évier. Heureusement, ce n’est que message texte. Je finis de me rincer la tête –je gaspille pas de l’eau juste pour danser, je vous rassure- et coupe enfin la douche, juste à temps pour voir mon pauvre petit portable tomber sur le sol. Ok. Je trucide le crétin qui m’appelle.

Cela ne me fait guère aller plus vite, je prends le temps de m’enrouler dans une serviette toute chaude avant de décrocher.

« Bouge »

Et ça raccroche. J’ai reconnu la voix, j'irais pas trucider le responsable de la chute de mon cellulaire, et l’urgence de la situation éclate dans ma petite cervelle, ce qui ne m’arrête pas dans un soupir théâtral et une moue boudeuse.

Voilà. Je peux même plus prendre de douche tranquillement qu’il faut que je courre m’habiller, prendre mes affaires et quitter mon petit nid douillet pour quelques temps. Des fois, je regrette de pas faire un travail de bureau...

Nan j’déconne. Je m’ennuierais trop.

J’attrape les premières fringues qui me tombe sous la main, une veste, mon sac d’urgence qui contient tout ce qui ne doit pas tomber dans de mauvaises mains –toutes sauf les miennes, donc- une paire de basket pour ranger mes petons et je m’approche de ma porte d’entrée en faisant le moins de bruit possible.

Je l’ouvre, remerciant silencieusement le voisin d’avoir huilé les gonds -une terrible histoire comme quoi mes sorties intempestives à des heures indues et le grincement de ma porte embêtaient le palier-. Je me penche par-dessus la rambarde pour capter des voix masculines qui proviennent des étages du dessous.

Ah. Plan B.

Je referme ma porte, mais pas à clé, je tiens à ma serrure ! Un coup d’œil par la fenêtre m’apprend que l’escalier de secours semble un plan B acceptable. Bon je vais être franche, vu l’état du machin, ça ne m’étonne même pas que mes futurs invités ne surveillent pas le coin. Je suis pratiquement certaine que je vais passer à travers. Mais soyons fou !

Je passe par la fenêtre pour rejoindre le vétuste équipement de ferraille et m’engage sur les marches, descendant aussi rapidement que possible en invoquant toute ma chance de ne pas mourir bêtement. Et ça marche, mais arrivée a la fin, un autre problème se dresse : l'échelle finale est aux abonnées absents.

Ben voyons... Je souffle, jette mon sac en contrebas, avant de sauter à mon tour. C’est fou tout ce qu’on est capable de faire pour s’enfuir "discrètement" de chez soi...

Après m’être fait insulter par mes chevilles qui ont adoré ma sublime réception, je ne réfléchis pas bien longtemps pour trouver mon échappatoire : la maison qui me fait face. Plus sûr que de se retrouver face à un guetteur.
Oh puis ça fait bien longtemps que Barry n’a pas été honoré de ma présence, je dois lui manquer. Un rapide coup d’œil sur les alentours et je saute l’espèce de pauvre barrière. Je me rapproche de l’ouverture la plus proche : une fenêtre.

Une vieille fenêtre. Le genre facile à ouvrir de l’extérieur. Je vous apprendrais un jour. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, me voilà de nouveau au chaud et relativement tranquille. Je referme derrière moi et vérifie à nouveau que tout est calme dehors. Avant de fermer les rideaux, je constate que la lumière jaillit de mon salon.

Goujats. J’espère qu’ils vont pas tout casser, j’l’aime bien mon appart.

Je me glisse dans le couloir, mon sac à dos glissant à moitié de mon épaule, tandis que mes cheveux trempés me dégoulinent froidement dans le dos. Bon. Je sais pas trop c’que je vais lui raconter à Barry. Ça serait même parfais s’il était pas là cet aprèm...

C’est sur cette pensée que je manque de me prendre une porte dans la tronche. Evidemment...

- Salut ! T’aurais pas une serviette à me filer pour mes cheveux ?

Je lui adresse un sourire désarmant, avant de continuer dans ma lancée :

- Un café, ça te dit ?

Si je fais comme chez moi ? Oui. En même temps je compte bien y rester quelques jours, alors autant prendre mes aises maintenant...

Ce soir, c'est la pleine lune. Je l'ai senti venir depuis plusieurs jours sans avoir besoin de me renseigner sur le calendrier. Et si je tente de faire au mieux à chaque fois pour éviter un drame, je sais que je suis encore loin d'avoir perfectionné les choses. Ce soir, je m'attache à la vérification du verrouillage de chaque porte et chaque fenêtre, tout en avalant une banane histoire d'avoir un truc dans le ventre, même si c'est plutôt le steak en train de décongelé dans le frigo qui me fait de l'œil. Allez savoir, y penser arrivera peut-être à me faire rentrer à la maison si je parviens à m'en échapper.

Je fais tourner mon trousseau de clefs dans ma main tout en poussant la porte du couloir, la retenant à la dernière seconde quand je vois une ombre se profiler derrière. C'est quoi ce bordel?!

"Ghilian?! Non et non. J'ai vraiment pas de temps à te consacrer là. Repasses demain si ça te chante."

Si je me pose la question de savoir ce qu'elle fiche ici et comment elle est entrée? Oui, mais j'ai pas le temps maintenant, pas quand je sens déjà les effets de la pleine lune sur mon humeur. Je passe derrière elle pour aller vérifier la fenêtre de la dernière pièce, la trouvant effectivement déverrouillée. Elle s'emmerde quand même pas celle-là des fois!
Voyant qu'elle n'a pas l'air décidée à fiche le camp, je l'attrape par le bras avant de retirer ma main aussi sec, craignant d'y trouver plus de griffes que d'ongles, espérant avoir réussi à la faire réagir par ce geste.

"Fous le camp." Je lui balance le trousseau de clefs dans les mains. "Et verrouille la porte derrière toi."

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Olala, mais quel rabat joie j'vous jure ! J'viens lui tenir compagnie et il essaye de me mettre à la porte parce qu'il a pas de temps pour moi. Je lui demande pas du temps, seulement un coin où dormir ! Et l'accès a son frigo.

J'ai même pas le temps de rétorquer quoi que ce soit qu'il m'attrape le bras pour le relâcher aussitôt, et me jette son trousseau de clefs, que je rattrape in extremis. Mais qu'est ce que... Je lui agite les clefs sous le nez, étonné :

- C'est une demande informelle ?

Non parce que bon, les gens se filent les clefs de leur chez eux respectifs que dans certaines situations... puis c'est pas comme si j'avais besoin de clé pour rentrer chez la plupart des gens, en fait.

- Puis détends toi ! On dirait un acarien au salon de la moquette !

Sérieux, on dirait qu'il va se mettre à sauter dans tous les sens d'un instant à l'autre. Punaise, j'aurais peut-être du prendre un joint sur moi avant de partir !

Je ne cherche pas à comprendre la question qu'elle me pose après que je lui ai envoyé mes clefs dans les mains, désirant juste qu'elle se barre sans chercher à en savoir plus. Sauf qu'elle a prévu de me casser les pieds jusqu'au bout, il semblerait. Et si en temps normal je prendrais sur moi pour rester courtois, là, l'urgence de ma situation me conseille fortement de la foutre dehors et refermer la porte derrière elle. En même temps, je ne suis pas certain que m'énerver contre elle soit une brillante idée. Le loup s'énerve déjà bien assez tout seul sans lui offrir le nerfs de l'homme en prime.

"J'ai mes raisons pour être remonté. Tu te pointes pas au bon moment. On en reparle demain. S'il-te-plait."

Je traverse le couloir pour me rendre dans la salle de bain, poussant la porte derrière moi sans la bloquer non plus, avant d'être pris d'une douleur cuisante au ventre et m'effondrer sur le carrelage, mon regard s'arrêtant une demi-seconde sur les griffes pointant au bout de mes doigts. Et merde.

"Dégage!!"

Ma voix est sans doute plus sèche que je ne l'aurai voulu, mais essayez de parler avec les crocs d'un loup à la place des dents. La douleur va me rendre dingue, et je me rend à peine compte de percuter pourtant violemment un placard au milieu de mon agitation. D'ailleurs, je ne me rend pas compte de beaucoup plus de détails avant que je ne perde conscience, laissant finalement la place au loup, qui se relève doucement, comme ankylosé, se secouant le poil et se léchant les babines avant d'étudier son environnement, cherchant l'ombre d'une seconde où sa part humaine a tenté de l'enfermer cette fois-ci.

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Il est mignon. « On en reparle demain » ... Déjà, il y a pas grand-chose à discuter j’ai juste besoin d’un coin chauffé, et c’est maintenant que j’ai en ai besoin. Pas demain ou quand il sera dans de meilleures dispositions.

Je lui emboîte le pas, cherchant à comprendre le problème. C’est vrai quoi, c’est pas comme si j’avais rameuté le quartier pour faire une soirée chez lui ! Je prends pas beaucoup de place ! C’est à peu près ce que j’allais lui dire tout en rouvrant la porte qu’il a poussé juste avant que j’arrive à sa hauteur. Sauf qu’il choisi ce moment là pour s’effondrer, me coupant la chique.

Etrangement, j’ai pas besoin qu’il me hurle de dégager pour être déjà sagement à l’autre bout du couloir. J’ai vu pas mal de gens faire des crises bizarres sous l’emprise de diverses substances, mais là, il y a quelque chose de différent. Me demandez pas comment je le sais, je le sais, c’est tout. Un bref éclat d’instinct de survie qui c’était planqué je ne sais où.

J’ai déjà quitté le couloir à reculons lorsque j’entends mon charmant voisin se prendre violement un meuble. Ok, qu’est ce qu’il m’avait demandé déjà ? De partir et fermer derrière moi ? L’idée me semble soudainement des plus séduisantes et je prends conscience du trousseau de clé que je sers violemment entre mes doigts.

Bien, on va faire ça alors.

Notez que c’est forcement à ce moment là que pour la première fois de ma vie, je suis assez stressée pour ne pas réussir à ouvrir une putain de porte alors que j’ai les clés en main. Je rate deux fois le trou de la serrure avant d’essayer de tourner en vain la clé.

- C’est une blague ?

Voilà, faut toujours que j’ouvre mon bec, mais se faisant j’arrive enfin à sortir mon croupion de la baraque. Je crois que je tournais pas dans le bon sens. Je suis un génie quand je m’y mets.

Maintenant que je suis sur le palier, la situation ne me semble plus aussi inquiétante, mais ça c’était avant que je me retourne, que je zieute dans la baraque et que je devine plus que je ne vois une silhouette massive et définitivement pas humaine..

Vous avez déjà eu cette sensation qu’une seconde durait des heures ? Moi oui, à l’instant : mon cerveau me propose à une vitesse fulgurante deux options : fermer effectivement cette foutue porte à clé pour enfermer la chose à l’intérieur et prier pour qu’elle y reste gentiment et que personne ne me cueille au coin de la rue ou alors je laisse la porte ouverte et Barry –ou quoique ce soit à présent- sort et m’oublie pendant que je profite du confort de sa maison.

Ok. Je suis pas une héroïne et mon cul passe avant tout. Option deux sélectionnée, même si pour ça je dois trouver un coin où me cacher. Genre la vieille bagnole a deux pas de la barrière.

Je sais même pas comment j’ai réussi à me glisser sur les sièges arrière et à me rendre encore plus petite que je ne le suis déjà, la tête dépassant tout juste assez pour essayer de voir ce qu’il se passe dehors. C’est le rétroviseur central qui me donne un aperçu de la situation : il y a un putain de loup qui passe dans la rue.

Tout. Va. Bien.

Je reste encore bien dix minutes dans la voiture, avant d’estimer que le coin est sûr, avant de galoper jusqu’à la maison toujours ouverte.

Une fois la porte refermée derrière moi je me laisse glisser contre, aspirant violemment une goulée d’air. Depuis combien de temps avais-je oublié de respirer ?! Je reste un long moment à fixer le plafond sans pouvoir le voir à cause de l’obscurité. Trop de choses défilent dans mon esprit et je n’ai aucune envie de fixer mes pensées sur un point en particulier. J'ai pas envie de réfléchir à ce qui vient de se passer, j'aurais mes réponses plus tard sans doute. Demain par exemple. Alors je me contente de rester là, l'esprit vide.

C’est une sensation bassement humaine qui me ramène sur terre, mon estomac réclamant de la nourriture. Je me relève difficilement, les jambes engourdies, et mets enfin mon nez dans la cuisine et le frigo.

Ok, a part un steak qui semble avoir fini de décongeler, il y a pas grand-chose... Va pour un morceau de barbaque à la poêle.

Alors que je retourne ma pitance sur le téflon brûlant, une idée éclot dans mon esprit : meilleur moyen de ne penser à pas grand-chose autre que de fumer un joint ou boire de l’alcool : cuisiner. Alors c’est sûr, avec les deux yaourts et les trois bananes qui trainent, je vais pas aller bien loin, mais c’est le 21ème siècle et ça, ça veut dire que je peux avoir ce que je veux quand je veux où je veux, même si c’est le milieu de la nuit.

C’est donc vers 1h du matin que je me retrouve au dessus de la cuisinière, à faire de la nourriture pour dix personnes alors que je suis seule.

Le soleil n’a pas encore pointé le bout de ses rayons que je vais m’effondrer avec la grâce d’un lamantin dans le canapé du salon, enroulée dans un plaid salvateur qui trainait dans le coin. C’est des coups portés à cette innocente porte de maison qui me tirent de mon sommeil. J’ouvre sans même vérifier qui frappe, encore à moitié endormie.

- T’as piqué des fringues au clochard du coin ? est la première chose qui me vient aux lèvres devant la nouvelle dégaine de Barry.

Même si vu l’odeur, je pense plutôt qu’elles étaient dans une poubelle mais passons. Je le laisse rentrer –c’est chez lui à la base je vous rappelle- avant de sautiller derrière lui, bien éveillée d’un coup :

- J’ai fais du chili, des boulettes de viandes au piment, des sopapillas et un gâteau au chocolat si tu as faim !

Perso, je vais taper de ce pas dans les sopapillas. Ça va faire une éternité que j’en ai pas mangée. Depuis que j’ai quitté mon Texas natal en fait, alors la discussion peut bien attendre quelques minutes.

La porte qui se referme quand je tente de passer à travers est un défi à peu près deux secondes avant qu'une poussée supplémentaire, plus énergique, la renvoie vers moi, me laissant me ménager un passage entre le mur et elle avant qu'elle ne se referme de nouveau. Et me voilà dans le couloir, ce que mon loup assimile plutôt à un traquenard sil faut être honnête. Un chemin trop droit bardé de murs, qu'est-ce que cela pourrait-il être d'autre? Une réflexion sur laquelle je le laisse trainer un maximum, conscient que sitôt qu'il reprendra assez confiance pour explorer, il risque de tomber sur un diner plus savoureux que le lapin victime d'un accident de la route trois jours auparavant qu'il s'est offert à la dernière pleine lune.
Je finis par me coincer le museau entre les pattes, toutes griffes dehors, alors que l'homme et l'animal se chamaillent une dernière fois, avant que le souffle du vent émanant de la porte restée ouverte me fasse courir dans sa direction, négociant les marches du perron d'un bond avant de me retrouver dans la rue devant la maison, grognant à la lumière du lampadaire qui agresse mes yeux plus habitués à l'obscurité baignée de la pale lueur de la lune. Une lumière dérangeante qui finit par me faire traverser le jardin de la maison en courant pour sauter la clôture délabrée du fond et m'enfoncer dans le terrain vague adjacent.

Le reste de la nuit? Je laisse le loup vous la raconter si l'envie lui en dit. Pour ma part, je me réveille dans un cabanon de jardin à demi éventré au lever du soleil, cabanon dont je fuis avant le réveil des propriétaires. Le morceau de bâche en lambeaux dont je me suis couvert dans ma fuite se trouve remplacé par les premières frusques que je peux piquer sur mon chemin. Un demi hamburger trouvé dans une poubelle tente de me convaincre que j'ai calmé ma faim sans y parvenir vraiment, et je rabat sur mon crâne la capuche de mon sweat avant de prendre la direction de chez moi. Et si j'ai omis de trouver des chaussures? J'éviterai de marcher sur des tessons de bouteille.

Après ce qui me parait deux heures de marche - mais qui sont peut être une heure quand même -, je finis par arriver chez moi, tentant sans succès d'ouvrir la porte en me disant que je devrais vraiment laisser une clef quelque part pour les soirs où, par le plus grand des hasards, je n'arrive pas à péter une porte ou une fenêtre pour en sortir. Pourquoi je finis par frapper à ma propre porte? Parce que je me rappelle vaguement avoir filé mes clefs à Ghilian, et que je la sais assez culottée pour la retrouver vautrée dans mon plumard.
Et bingo, c'est une Ghilian encore totalement ensommeillée qui vient m'ouvrir la porte, et je m'engouffre à l'intérieur, la bousculant presque en passant alors qu'elle critique mon choix vestimentaire. Choix vestimentaire dont je retire la partie supérieure sitôt arrivé dans le couloir, pour mieux le balancer dans le corbeille à linge une fois arrivé dans la salle de bain.

"Et toi t'as apparemment piqué une baraque, mais j't'envoie pas de fions pour autant."

Je me retourne vers elle, retenant la porte de la salle de bain d'une main pour lui répondre malgré mon élan apparent d'aller voir ailleurs.

"Je crève la dalle. Mais j'ai encore plus envie d'une douche. Laisse moi cinq minutes et t'aura tout le loisir de m'expliquer qu'est-ce que tu fous chez moi alors que t'habites juste en face. Deal?"

Je referme la porte derrière moi, vérifiant deux fois l'avoir verrouillée, avant de finir de me désaper et m'offrir le luxe d'une douche chaude plus que méritée, surtout quand j'observe les griffures et autres éraflures dont je suis couvert. Parfois je suis curieux de ce que le loup peut bien foutre de sa nuit. Souvent je préfère pas savoir. Et toujours je suis inquiet de ce qui va me remonter aux oreilles. Cela étant, je suis pas couvert de sang cette fois, ça doit pas trop sentir mauvais.

Et d'accord, peut-être que je fais attendre la dame un peu plus de cinq minutes, mais cette douche, elle valait le coup d'être savourée. Je passe une serviette autour de ma taille avant de  sortir de la salle de bain pour aller dans ma chambre pour m'habiller, en ressortant rapidement avec des vêtements propres. Bon, maintenant, mon estomac, et ma visiteuse impromptue.

"Et surtout, qu'est-ce que tu fous encore là alors que je doutes que t'ai raté le spectacle hier soir." Oui parce qu'on peut aussi ne pas évoquer ce léger détail mais autant foutre les deux pieds dedans. "Tu croises des loups-garous tous les quatre matins ou t'as réussi à trouver pire fléau à te mettre au cul?"

Disant cela, je vais pas cracher sur la cuisine. Même si, à ma connaissance, restait rien dans les placards, donc j'vois pas trop d'où elle a sorti ça. Mais pas grave, une nuit de pérégrinations inconnues, ça donne l'appétit!

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- Deal. Mais je te ferais remarquer que je t'ai pas piqué ta baraque, j'te l'ai gardé. D'habitude les gens sont payés pour ça !

J'ignore s'il m'a entendu, vu qu'il referme la porte sur ma réponse au ton très sérieux et je finis de gober ma sopapillas en haussant les épaules. Sans grande surprise, la douche ne dure pas 5 minutes mais au moins le triple. La base. Ce qui me permet de remettre a chauffer le chili et les boulettes de viande.

J'en suis à mon quatrième beignet lorsque mon charmant voisin pose son derrière en face de moi et détourne ainsi mon attention du gateau au chocolat qui me fait violement de l'œil.

- Pour autant que je sache, t'es le premier loup-garou que je croise. Mais sans vouloir te vexer, j'ai déjà fait du shopping avec un vampire alors je ne suis plus à ça près.

Je lui adresse un petit sourire en coin avant de me lever et sortir les boulettes épicées du four et jeter deux assiettes sur la table, accompagnées de couverts.

- Avoue quand même que je ne suis pas si terrible que ça comme squatteuse !

Je pique un morceau de viande que je grignote au bout de ma fourchette, appréciant la chaleur pimentée qui me picote les papilles. Je devrais cuisiner plus souvent.

J'ai réfléchi ce que j'allais pouvoir lui dire pendant qu'il se décrassait, et j'ai opté pour le non mensonge. De toute manière, je vois pas trop ce qu'il va en foutre, de la vérité, mais je ne me fais pas spécialement de souci : je pense pas que ce soit le genre de type qui aille me balancer.

- J'te la fais courte, histoire que tu comprennes correctement ma situation : je suis une criminelle et les types qui surveillent mon appart, ils sont pas là pour boire le thé en ma compagnie.

Je lève un doigt pour l'empêcher de parler pendant que je finis ma boulette puis termine mon diatribe :

- Alors oui, je suis carrément mieux ici, avec mon sexy voisin loup-garou que chez moi. D'autres questions ?

Je pourrais bouder et refuser net toute forme de nourriture qu'elle compte me faire avaler, mais pour être honnête, j'ai bien trop la dalle pour ça. Et ça sent trop bon pour ça. J'ai quand même la correction d'attendre qu'elle se réinstalle après avoir posé la vaisselle sur la table (elle a vraiment fouiné dans tous les placards en fait!) avant de me servir dans le plat de boulettes de viande fumantes placé devant moi. Je savoure littéralement mon repas avant de réagir, enfin, à sa déclaration selon laquelle elle est déjà allée faire du shopping avec un vampire. D'accord, donc ceux-là aussi, ils existent.

"Ok, merci d'en profiter pour m'apprendre qu'ils existent. J'suis pas encore bien versé dans les créatures surnaturelles pour tout dire."

J'ai bien trouvé des trucs dans les affaires de mon père, mais c'est pas parce que j'ai lu le mot "gobelins" dans ses papiers que j'vais me mettre à croire en leur existence ailleurs que dans Donjons & Dragons. Elle parvient sans peine à me tirer un rire quand elle me dit qu'elle n'est pas si mauvaise squatteuse après avoir changé ma cuisine en buffet à volonté.

"Faut admettre que t'as marqué des points."

Quand à son histoire de criminelle? Pas moins crédible que mon histoire de loup-garou, alors si elle le dit, c'est que ça doit être vrai.

"Ok, donc t'es coincée chez moi jusqu'à ce qu'ils décident que t'es pas dans les parages j'imagine? Ils sont tenaces comment tes copains? Et du coup, t'es sortie acheter de quoi nous préparer tout ça à manger... avec un loup-garou et des types louchent qui t'en veulent dans le coin?"

Je me ressers dans les différents plats tout en gardant mon attention centrée sur elle, tâchant de ne pas perdre la sienne, d'attention. Cette femme a tendance à me taper sur le système par sa ténacité à venir briser ma solitude avec tous les prétextes du monde, mais faut avouer une chose, elle est tenace en affaires. Et sans doute que si les circonstances étaient différentes, je la laisserais s'approcher davantage. Mais pas maintenant, tant que je n'en sais pas plus sur ce que je suis et sur le danger que je représente réellement pour mes proches et pas tant que je ne suis pas plus serein dans mon esprit. Et accessoirement, on n'aurait pas l'air fins tous les deux, moi et mes démons intérieurs, elle et ses démons extérieurs apparemment. Sacré duo de choc.

"Ghilian. J'suis sérieux quand j'te dis que c'est dangereux. Quand je suis... dans cet état là, je contrôle rien. Je suis même pas vraiment là. J'ai aucun bon sang d'idée de ce que je peux bien foutre de ma nuit quand j'me réveille au matin. Et si j'ai pas envie d'apprendre dans le journal local que j'ai bouffé un parfait inconnu, c'pas pour y lire que j'ai bouffé quelqu'un que j'connais."

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Je manque de m'étouffer lorsqu'il émet l'idée que j'ai sorti ma frimousse pour faire les courses... Sérieusement... Je me relève pour aller touiller le chili et gouter si c'est chaud et reviens avec le plat avant de reprend place.

- J'me suis faite livrer... je suis juste sortie pour cacher mon cul quand tu as pointé le museau dans le couloir.

Quant au reste de sa question j'hausse seulement les épaules. Ce ne sont pas mes copains, et ça dépend de pourquoi on me cherche. J'me sers une bonne portion de chili, rajoutant un peu de piment dans mon assiette. Ouais, je savais pas à quel point je pouvais pimenter le plat, alors j'ai été sympa avec les papilles de mon hôte.

- Au final, t'es dangereux une fois par mois ? Formidable. Si j'étais le tonton beauf du réveillon, je ferais bien une blague misogyne à ce sujet, mais je vais te faire grâce de cette plaisanterie douteuse.


Oui, je mets délibérément de côté la dangerosité réelle de la situation, mais Barry ne peut pas être tenu responsable de mon irresponsabilité -le danger et moi, c'est une longue histoire d'amour- et je suis pas certaine qu'il ait besoin qu'on s'appesantisse sur le fait qu'il soit un danger public... ou pas.

- Puis je suis pas certaine qu'on me pleurerait, va. Tu ferais même des heureux.

Faut bien se rendre à l'évidence, il y aura pas un cortège que quarante personnes derrière mon cercueil.

Je repique une boulette de viande avec la pointe de mon couteau et reste silencieuse un instant, avant de me lever une énième fois pour ramener mon sac. J'en extirpe mon ordi portable, qui exhibe une magnifique fêlure sur l'écran lorsque je l'ouvre. Oh. Zut. C'est vrai que je l'ai balancé du haut de l'escalier de secours. Tant pis. Max n'est pas là pour défaillir devant tant de négligence.

- Je suis pas la mieux calée pour te répondre, mais si t'as des questions sur les trucs qui existent ou non...

Tout en continuant de grignoter ce qui se trouve à ma portée, je pianote tranquillement sur le clavier, à la recherche de quelques informations sur ma personne. Histoire de savoir combien de temps je vais devoir m'établir ici... J'espère que je pourrai continuer mon nouveau job de gardienne de maison, sinon je suis dans la mouise.

Etben oui, se faire livrer c'est si simple! C'est pas un repas complet qu'il me faut pour commencer la journée, c'est un double café. Je me frotte d'ailleurs la tempe du bout des doigts comme si ça pouvait vraiment réveiller les neurones qui s'y cachent. A ma décharge, à avoir pensé comme un loup toute la nuit, ils doivent être perturbés là-haut.

"Comme t'as pu le constater j'suis pas encore au point question gestion de la pleine lune. J'imagine que c'est plus simple quand t'en connais d'autres. Des loups-garous. Doivent bien avoir une astuce ou deux à refiler, genre une marque de chaines assez solides pour éviter les balades nocturnes... j'en sais rien."

Je reprends une bouchée de ce qui est dans le plat devant moi (notez que je ne reconnais pas tout, mais c'est l'occasion de tester), manquant m'étouffer en toussant la bouche pleine quand elle me sort une connerie sur ma dangerosité mensuelle. Qu'elle se plaigne pas, j'ai au moins la correction de manger et tousser la bouche fermée, c'pas toujours le cas de tout le monde.

"C'est moi ou t'es le genre de fille qui s'obstine à caresser un chien quand on te dit qu'il va te bouffer?"

Je me sers un verre d'eau au robinet histoire de faire passer les dernières traces de toux (je sais, on boit pas quand on s'étouffe, mais j'en ai fini de m'étouffer) avant de revenir à table, prenant le temps de réfléchir à sa déclaration sur le nombre de personnes qui viendraient à son enterrement, avant d'y répondre.

"T'sais, j'suis fils unique. Ma mère a été tuée par le loup qui m'a contaminé, et mon père est aux abonnés absents depuis si longtemps qu'il peut être mort que j'en saurai rien. Rajoute qu'hormis toi, j'connais personne dans le coin... disons que j'irai à ton enterrement et t'iras au mien, on se sentira moins seuls."

Je l'observe sortir son ordinateur de son sac avant de l'allumer et me proposer des renseignements sur tout ce que j'ignore du surnaturel. C'est à dire beaucoup de choses, soyons honnêtes. En cherchant sur internet?

"J'te préviens, si tu me dis de lire Twilight et regarder Teen Wolf pour me faire une idée de la réalité, je vais chercher un coussin dans le salon exprès pour te le balancer en pleine poire."

J'ai des coussins dans le salon? Sans doute. Qui a pas de coussins dans son salon? Faut dire que c'est pas la pièce où je traine le plus, et la bonne idée de louer un meublé, c'est de pas se casser la tête avec le choix des meubles.

"Bon, plus sérieusement, dis-moi, hormis les vampires et les loups-garous, y a quoi de magique qui traine en ville? Ou qu'existe tout simplement? Et toi, t'es quoi? Fin, si la question se pose."

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Ma connerie manque de l'étouffer. Je savais bien que cette blague était à proscrire. Je ne fais aucun commentaire et préfère sagement passer l'incident sous silence. J'aurais l'air fine s'il meurt dans sa cuisine, étouffé par mes bons petits plats.

- Je suis le genre de fille à te prouver que tes murs sont noirs et à faire l'exact inverse de ce qu'on attend d'elle. Et au risque de te décevoir, c'est ce qui fait que je suis toujours en vie.

Je lui souris, pendant qu'il va se servir un verre d'eau, écarlate et les yeux larmoyants, en gardant pour moi que j'ai pas tenté d'aller le caresser non plus. J'ai un instinct de survie. Faible certes, mais pas entièrement défaillant.

- Donc le premier qui meurt s'engage à revenir sous forme de fantôme pour aller voir l'enterrement de l'autre ? Deal. A condition qu'aucun d'entre nous de calenche dans une ruelle et qu'on nous jette dans le lac.

Et je ne suis pas qu'à moitié sérieuse. Quant au reste... quasiment certaine qu'il se passe de mes condoléances ou autres mondanités.

Twilight ? Connais pas. Teen Wolf de nom, Axel m'ayant déjà attrapé pour me mettre devant, mais je n'ai quasiment rien suivi.

- Oh et bien, tu peux lire ou regarder les Harry Potter et tu auras un perçu de ce que la magie n'est pas.

Je roule des yeux en me souvenant de la mini attaque cardiaque quand j'ai osé faire le parallèle à Max.

- Mais fais attention, je ne suis pas contre une bataille d'oreiller et polochon. J'en ai jamais fait.

On aurait l'air vachement fin à se taper dessus avec des coussins... L'idée me fait toutefois rire et je profite pour attraper un morceau de chocolat. Oui je mange les desserts au milieu de mon repas et alors ?

- Et pour ce qui traîne en ville... Et bien la liste est longue. Vampire et loup-garou donc, mais tu as aussi des mages, des nécromanciens, des sirènes, des banshees...

Je laisse mes doigts en suspens pour picorer quelques grains de maïs de mon chili et rajoute encore un peu de piment.

- Hum... quoi d'autres... des fées ! Des gens qui se changent en animaux... quant à ce qui existe... j'hausse les épaules : à peu près certaine que tous les mythes et légendes sont vrais. Et moi je suis un aimant a surnaturel apparemment.

Je ris de ma bêtise mais d'un geste de la main je lui coupe le sifflet :

- Nan, seulement humaine. Cela dit je suis sérieuse quand je te dis que je suis un aimant. Viens avec moi une semaine et tu vas te trouver des petits copains hurlant à la lune. Vu ma chance, j'ai déjà dû me retrouver face à des loups sans le savoir.

En fait ça se trouve je suis même la seule humaine de toute la ville... Nan. J'aurais croisé des vampires beaucoup plus tôt. Parenthèse close dans ma tête, je reprends :

- Après je peux toujours demander où ils se planquent mais je doute que ce soit une bonne idée.

Je recommence à pianoter sur mon ordi, avant de frapper du plat de ma main la table.

- Oh mon... j'ai failli oublier les démons ! alors que c'est quand même mon premier cas de surnaturel avéré.

Regard de poisson mort en face de moi. Ok oui... C'est pas le truc le plus rassurant de la liste.

- Nan mais détends-toi, Abraxas est un démon convenable, il m'a offert un tour de grande roue. Tout ça pour me sauver la vie. Sinon je serais morte en me mangeant une camionnette. Des questions ?

Quand à moi, je vais retaper des les sopapillas, en ignorant le fait que quand même, dans les contes, c'est des licornes que rencontrent les jeunes dames, pas des démons.

Je jette un rapide coup d'œil à Barry, qui semble avoir du mal à tout intégrer. C'est vrai que ça fait quelques informations à digérer.

- Si je peux me permettre pendant que tu assimiles tout ça... pourquoi tu es venu à Chicago ?

Toujours attentive à ce qui défile sur mon ordi, mon sourire se fane un peu. Oh zut. Je vais vraiment devoir être la plus adorable des Ghilian pour pas qu'il me foute dehors. Je lui annoncerai l'incroyable nouvelle un peu plus tard. Genre quand je lui aurais appris qu'il y a des types spécialisés dans la chasse des non-humains, ça fera tampon entre une bonne et une mauvaise nouvelle.

Les promesses, c'est le truc qui s'annule quand on calenche non? Non parce que pour promettre de revenir sous forme de fantôme, faudrait déjà accepter l'idée qu'ils existent, eux aussi. D'accord, qu'est-ce qui n'existe pas? Les Pokémons?

"Ca serait dommage. Tu permet que j'm'en tire une?"

Et je ne lui laisse pas franchement l'occasion de me le refuser avant de sortir un paquet de clopes d'un tiroir et aller ouvrir la fenêtre pour faire sortir la fumée. Paquet que je laisse sur la table d'ailleurs, si elle veut prendre ça pour une invitation. Ok, ne pas lire Harry Potter, c'est noté. Un peu tard vu que comme tous les gosses de mon âge j'ai dévoré ces bouquins, mais merci pour l'info quand même. En vérité, je suis presque déçu qu'il n'existe pas d'école de magie du genre de Poudlard, ça serait pas inutile pour les idiots dans mon genre qui tombe le nez dedans sans avoir lu le mode d'emploi au préalable. Ah, concernant les batailles de polochon...

"C'est amusant deux minutes. Jusqu'à ce que t'ai crevé les coussins et que tu doive sortir l'aspirateur pour tout nettoyer."

Si sa liste est longue? Très, et apparemment pas exhaustive. Oui donc je confirme, la clope est pas de trop. Je crois que j'aurai du m'abstenir de poser la question en vérité. Soyons sincères, le fait qu'elle me confirme être humaine me fait du bien au milieu de tout ce bazar surnaturel. Une pointe de normalité ça ne fait pas de mal, même si elle avoue elle-même être un aimant à surnaturel. Un aimant à problèmes ça ne serait pas non plus loin de la réalité.

"Des questions, alors... je ne sais même pas par où commencer. Comment ça se fait qu'un tel foutoir n'arrive pas à finir en flash info sur Foxnews? Et, un démon convenable? Des fées, des sirènes...ça se planque où tout ça?"

D'accord, je sors assez peu de chez moi, hormis pour le boulot, les courses ou ce genre de truc commun à tout le monde, pour ne pas trop risquer de tomber dessus si je ne le cherche pas. Bien sur que mon instinct, ou plus certainement le loup qui sommeille en moi 29jours par mois, a déjà tiqué sur telle ou telle personne que j'ai pu croiser, , mais j'ai jamais cherché plus loin.

"Pourquoi Chicago? J'voulais me barrer le plus loin possible de la Nouvelle-Orléans, alors j'ai tracé la route. Chicago devait être qu'une étape avant de partir vers l'état de New York ou j'sais pas, redescendre vers le Texas peut-être. Et j'sais pas, une fois arrivé là, j'ai eu comme l'impression que ma place était ici. Enfin, au moins jusqu'au jour où j'reprendrais la route avec ma moto et mon sac à dos. "

Accessoirement, aux dernières nouvelles, un vieil ami de mon père habitait en ville, et j'ose penser que si quelqu'un peut me dire si oui ou non mon père est encore de ce monde et peut m'aider avec mon petit problème de lycanthropie (oui, j'ai rapidement survolé ses carnets, mais avec ce que Ghilian me dit, je pense que je devrais retourner faire un tour dans le garde-meuble où j'ai tout posé), c'est lui. Mais j'vais garder ça pour moi un peu, d'autant plus que j'ai pas encore osé me diriger vers cette adresse trouvée dans les affaires de mon père depuis que je suis arrivé.

"T'as vu quoi?"

C'est presque écrit sur son visage que son ordinateur lui a dit quelque chose qu'elle ne s'attendait pas à y trouver. Et j'ignore si je dois m'en inquiéter ou pas.

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Je ne peux m'empêche de rire à sa question. Où se planque tout ce monde ? Bah...

- Et toi, tu vis où ? Blague à part, honnêtement il y a un an, t'aurais cru au récit d'un clochard du coin qui dit avoir vu un type se transformer en loup ? Et puis je pense que le cerveau aime bien ignorer les choses dérangeantes qu'il ne peut pas expliquer logiquement. D'ailleurs à ce sujet, fais comme moi. T'étonnes plus de rien, la vie est beaucoup plus facile après ça.

Bon ok. Des sirènes vivent dans le lac, mais pour autant que je sache, ça n'exclue pas la possibilité que certaines vivent parmi nous.

Je lorgne sur le paquet de clope pendant qu'il m'explique comment il a atterri ici. C'est fou, j'ai l'impression que tout le monde arrive dans cette ville par hasard ou s'en intention d'y rester et pourtant... Je mettrais ma main à couper qu'il y restera plus longtemps que ce qu'il imagine. Mais je vais m'abstenir de lui dire : si rien que pour me faire mentir il se barre, j'me retrouve à la rue.

Bon c'est totalement faux. Il me reste mon bureau -enfin celui de Max et moi- qui en plus est protégé magiquement. Le problème c'est que les livreurs ne trouvent pas l'appart et je dois les attendre sur le trottoir. Ça c'est pénible. Alors que dans le mien, je propose 10 dollars de pourboire et paf, mon bol de céréales est livré sur le pas de ma porte.

Je me pince l'arête du nez lorsqu'il me demande ce qu'il se passe :

- Je t'inviterais bien à venir voir mais c'est assez nébuleux les premières fois.

Je pointe du menton mon écran et décide d'aller me fumer un bout de cancer. Une clope peut pas me faire de mal. Enfin, j'me comprends. Le temps de l'allumer puis je reprends :

- Je regardais les nouvelles primes et ma frimousse est mise à prix. Et pour te fournir une version courte, il y a un type en ville que j'apprécie. il m'a déjà sauvé les miches quelques fois et j'ai pas envie que la prochaine fois que je le vois ce soit pour qu'il vienne récupérer juste un paquet de fric. Point positif je suis recherchée uniquement vivante. Mais quand même !

Je passe sous silence que du coup je vais pas bouger d'ici tout de suite ? Ah non. J'ai dis que je devais lui parler des chasseurs avant de lui annoncer la bonne nouvelle.

- D'ailleurs vu qu'on est sur le sujet épineux des gens qui se permettent de proposer de l'argent pour un museau particulier, sache que tu n'es pas à l'abri. Et pas parce que je suis planquée chez toi !

Je lève les mains en signe d'apaisement vu le regard que je viens de me prendre.

- De ce que j'ai retenu -enfin ce qu'on a bien voulu m'expliquer- tu as des gens qui se font un plaisir de buter tout ce qui n'est pas humain. Pour le sport et les trophées. Et tu as ceux qui chassent les véritables danger public.

Je vais pas lui faire l'affront de lui détailler ce que j'entends par là.

- Sur cette merveilleuse nouvelle, je peux squatter ton canapé jusqu'à ce que je règle mon problème ? Tu verras, je suis pas si pénible que ça.

Je lui envoie un sourire radieux avant d'écraser ma cigarette et de revenir à mon repas, histoire de finir mon assiette avant qu'elle ne soit gelée. Et après, je laisse la bouffe de côté, j'ai le ventre plein pour au moins 2h.

"Un point pour toi."

Donc tout existe et c'est partout autour de nous. Au moins le résumé est rapide et efficace.  Et si j'écoute les quelques livres ou séries sf que j'ai pu regarder jusque là, j'dirai que maintenant que j'suis plongé dedans, j'crains plus grand chose de ce monde. Une presque certitude qu'elle étouffe dans l'œuf en me faisant remarquer que si sa tête à elle est mise à prix pour ce qu'elle a pu faire à la mauvaise personne, ma fourrure de loup vaut sans doute pas beaucoup moins pour d'autres mauvaises personnes.

Je jette un regard à son écran quand elle me fait signe d'y regarder tandis qu'elle se sert d'une clope de mon paquet.

"Ok, j'ai l'impression que si on se racontait nos vies, tu trouverais la mienne si rangée que tu t'endormirais sur la table."

Disons que si on oublie mon coté loup, personne n'a mis ma tête à prix aux dernières nouvelles, et j'vois pas trop qui le ferait, même si j'ai bien failli pas revoir le jour se lever quand cet animal a fait irruption chez nous ce soir de pleine lune...

"Mon canapé? J'suis peut-être un sac à puces mais un sac à puces à peu près civilisé. J'prendrais le canapé, y a des draps propres dans un placard. Et me semble que t'as déjà les clefs."

J'ouvre le robinet pour noyer mon mégot avant de le balancer par la fenêtre, en profitant pour la refermer maintenant qu'on a fini d'enfumer la pièce.

"T'es juste priée de trouver autre chose à la prochaine pleine lune. T'as eu du bol. J'prendrais pas les paris sur le fait que t'en auras deux fois."

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- Je suis polie quand je veux. Je ronflerai pas trop fort !

J'me marre comme une dinde deux secondes et demie avant de répondre un peu plus sérieusement :

- Il y a des gens qui ont une vie rangée mais pas soporifique. Puis bon, maintenant que t'es à Chicago, je pense que ta vie va bien vite prendre un tournant que tu n'avais peut-être pas anticipé.

Ou alors c'est que je suis vraiment un aimant à emmerdes. Mais du coup... s'il m'a dans les pattes... est ce que sa vie à déjà amorcé un tournant ? Peut-être bien hein. Enfin il verra ça comme un grand, moi j'ai d'autres soucis.

- C'est à dire que sur le canapé au moins j'ai juste à m'enrouler dans une couette quoi... Mais bon, si t'es pas maniaque et qu'un lit en bordel de dérange pas, je vais pas cracher sur ta proposition.

Puis si ça le dérange, rien ne l'empêche de me virer au salon. Tant que je peux dormir sur un truc confortable, j'me fiche un peu du type de "lit".

- Donc les clés... C'était quoi alors, une invitation officieuse ?

Quoi ? C'est lui qui revient sur cette histoire ! Puis il faut tout de même noté que je l'ai pas trop embêté encore. Je ne compte pas perdre mes mauvaises habitudes.

- Et la prochaine pleine lune est dans 29 jours, je pense que le problème sera réglé d'ici là. Mais ne parie pas trop contre ma chance, tu risquerais de perdre.

Sourire en coin de ma part, consciente d'avoir une bonne étoile qui veille foutrement bien sur moi, je jette un dernier coup d'œil sur mon ordi puis l'éteint. Je vais laisser l'affaire se tasser gentiment et je commencerai à passer des coups de fils dans quelques jours. D'ailleurs à ce propos...

- Je vais avoir besoin de toi pour quelques courses... Du genre 3 téléphones avec une carte prépayée, mais ça presse pas. Je pense que tu as le temps d'aller t'effondrer dans ton lit.

Parce que bon, on parle et on mange, mais de ce que je sais, il a pas vraiment dormi de la nuit lui. Sauf si c'est encore un truc magique qui fait qu'il peut se payer le luxe d'une nuit blanche et être frais comme un gardon le lendemain... Moi aussi je veux ! Mais sans les désagréments qui vont avec !

"C'est pas faux. Après tout, ma route a croisé celle d'un loup-garou, si c'est pas du rebondissement ça."

J'le tourne à l'humour, même si pour être honnête, va falloir encore quelques pleines lunes avant que je ne puisse penser que ce qui m'est arrivé ce soir là est une bonne chose. Si je le pense un jour, et c'est pas gagné.

"C'toi qui voit. Comme tu peux le remarquer j'vis seul ici, les garçonnières c'pas connu pour être bien rangé."

Sauf quand on passe plus de temps dans le garage que dans la baraque surement. Ce qui m'empêche pas de jamais manger à l'heure, pas être certain qu'il y ait rien de périmé dans le frigo quand il y reste quelque chose, avoir abandonné de me battre avec la machine à laver et opté pour la laverie du quartier... bref, y a des trucs que j'peux apprendre, et d'autres que j'essaye même pas.

"Espérons le alors. Pour ta sécurité... et ma santé mentale."

Peut-être la sienne aussi. Je suis pas convaincu d'être le colocataire idéal, pour la simple et bonne raison que j'ai jamais testé la colocation. D'ailleurs, idée en passant, quitte à lui prêter ma chambre, virer la caisse à outils restée dedans serait pas du luxe. Que j'puisse m'en servir à pas d'heure sans avoir à la déranger si jamais. Les insomnies c'est toujours utile.

"Ok je prends. Deux ou trois heures de sommeil me feront pas de mal."

Pas plus si j'veux pas inverser le jour et la nuit et pas dormir cette nuit. Mais ça sera toujours ça de rattrapé de cette nuit blanche improvisée.

"J'te laisserai t'installer après, j'ai quelques trucs à virer de la piaule avant, et pas le courage maintenant."

Je me prends un verre d'eau tiré au robinet avant d'abandonner le verre dans le lavabo et me diriger vers la chambre, dont je referme la porte et les stores avant de m'installer, non sans avoir mis le réveil à sonner. Sinon j'vais pas tenir ma bonne résolution. Et sans oublier d'allumer la musique. Certains dorment pas sans veilleuse, moi, je dors plus sans un fond sonore. Pas à m'exploser les tympans, mais juste assez fort pour l'entendre.

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