Cuisine locale.. ou pas [Barry & Ghilian]

Cohabiter avec Ghilian? Moins pire que je ne l'aurait cru, même si le coté "loup solitaire" que j'ai développé ces derniers mois n'est pas franchement d'accord avec moi sur le sujet. Enfin, vu que j'bosse une bonne partie de la journée et que je passe le reste de la soirée à retaper ma caisse ou briquer ma bécane, je peux pas vraiment dire qu'elle envahisse mon espace vital.. ok, sauf quand elle décide de débarquer dans le garage et que j'peux plus m'en dépatouiller. Cela dit, c'est plus intéressant de cotoyer quelqu'un qui s'intéresse à la mécanique (même si je ne suis pas sur d'accepter le rendu de service après avoir révisé sa pauvre voiture) que quelqu'un qui vous fera juste remarquer que vous avez pourri une chemise de plus avec du cambouis. C'est le genre de pensée qui me fait regretter ma relation avec Serena tiens, parce qu'une fille comme elle, non, j'en ai jamais croisé d'autre. Ou mon inconscient a jamais voulu le faire, si ça vous chante. Pour ce que j'y crois à tout ça... d'accord, je suis un loup-garou, ça devrait m'ouvrir l'esprit un minimum. C'est ça l'autre super-pouvoir de Ghilian. Quand on écoute les séries TV, le jour où tu tombes dans le fantastique, tu croise plus que ça. Elle, elle est si ordinairement humaine, malgré qu'elle en sache surement plus que moi sur le sujet, que franchement, ça fait du bien. J'ai envie d'être un type normal 29 jours par mois quoi.

Cela étant, on a vite conclu que dans notre répartition des tâches de colocataires imprévus, valait mieux que ce soit elle qui gère le diner. Peut-être que le stock d'ailes de poulets que j'ai ramené de chez KFC la semaine dernière y a aidé. De quoi tenir quinze jours apparemment, mais la pleine lune a deux effets particuliers sur mon organisme, hormis l'histoire du loup. Avant, une humeur de chien, et après, une faim de loup. Sans jeu de mot. Bref, maintenant que je suis plus disposé à apprécier ce qu'il y a dans mon assiette, je me suis dit que j'allais lui rendre la pareille pour une fois. Du coup, ayant habité à la Nouvelle-Orléans pendant... 20ans, par là? c'était évident que j'allais me diriger vers une recette de "chez moi", et la première qui me vient à l'esprit n'est qu'à moitié la plus simple à réaliser, le gombo. Nan, le coté cuisson, c'pas sorcier, c'le coté "dosage des épices" qui pêche un peu plus. Cela dit, j'ai cru comprendre qu'elle avait l'estomac solide de ce coté là, j'imagine qu'elle ne m'en voudra pas si je suis généreux. On disait donc, les saucisses, le poulet, le riz, et tout ce qui va bien avec... Si j'sais à quelle heure elle va débarquer avec des emmerdes au derrière? Aucune idée. Au pire elle attendra... sinon ça se réchauffe.

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Le ciel est bleu. Bleu gris, si je veux être pinailleuse. La pollution sans doute. J'ai la fesse droite qui me lance mais j'ai une flemme monstrueuse de me la masser. C'est bien la quinzième fois que mon postérieur rencontre le sol de manière inopinée. Je ne suis plus à ça près. Je ne compte plus non plus les écorchures  qui m'ornent les coudes et les genoux. Bah ouais, je suis venue en short, c'était le seul truc que j'avais adapté à l'activité du moment.

- Ghilian avec un casque. Il faut le voir pour y croire.

Je bascule ma tête sur la gauche, ne sachant pas si je dois être heureuse ou non de voir débarquer John.

- Je suis une fille sérieuse.
- Tellement sérieuse que tu fais du roller en plein centre ville alors que tu dois faire profil bas ?

Je gonfle mes joues, boudeuse, avant de m'assoir sur mon séant meurtri.

- Qui aurait l'idée de venir me chercher ici ? A part toi, apparemment.

Il ne me répond pas et se contente d'un regard qui veut tout dire. Pff. Il est seulement jaloux de ne pas avoir le temps de pratiquer une nouvelle activité.

- Je veux encore profiter de mon après midi pour patiner, alors si tu pouvais avoir l'obligeance de me dire ce que tu me veux ?
- Juste te dire que ton problème est quasiment réglé.
- Ah.

Mon manque d'enthousiasme vient du fait que je comptais encore avoir du temps pour parfaire ma maitrise des rollers. Arrêter de rencontrer le sol régulièrement me paraissait être un bon objectif, d'autant plus que ma petite collocation forcée se révèle être plus agréable que prévu. Je vous l'avais dit, contrairement à se qu'on pourrait penser je ne suis pas si chiante que ça et Barry est pas pénible non plus. Bon en même temps, depuis que je crèche chez lui, il est nourri convenablement et sa piaule est régulièrement nettoyée et grossièrement rangée. Il a pas trop à se plaindre. Sauf quand je décide sciemment de faire ma sale gosse et qu'il a sans doute envie de m'offrir un tabouret et la corde qui va avec.

- Quasiment ça veut dire ?
- Que je vais profiter de ton appart quelques jours pour m'assurer que tout va bien et que tu pourras retourner chez toi.

J'hoche la tête puis balaye les environs du regard pour trouver mon pauvre sac, renfermant ma paire de godasse, abandonné dans un coin. Je me lève et grimace quand mon popotin se rappelle à moi. Ok, demain je reviens avec un coussin collé aux fesses. Je récupère mon bien et reviens vers John, finalement décidée à rentrer que rester ici et augmenter ma collection de bleus et écorchures.

- Si tu y vas, tu peux me jeter ? Je crèche sur la route.

Un bref signe de tête me répond et je le suis jusqu'à son véhicule où je m'assois avec précaution sur le siège passager. Le trajet se déroule ainsi : il m'a chambré les cinq premières minutes sur le fait que pour une fois je ne demande pas expressément à conduire, j'ai ensuite eu tous les détails de l'affaire me concernant, et le dernier tiers du trajet je n'ai eu le droit qu'à des regards suspicieux de sa part, vu que je ne demandais pas à descendre. Et lorsque je le lui demande littéralement à dix mètres de mon immeuble, il me lance un regard atterré :

- Tu étais planqué en bas de chez toi tout ce temps ?
- Ouais. C'est comme me retrouver dans un parc à faire du roller, fallait y penser.

Un soupir me répond et je referme la portière avant qu'il ne me balance par sa fenêtre :

- J'ai l'impression que tu n'es attirée que par les choses dangereuses.
- Voilà pourquoi on s'entend si bien !

Un clin d'œil accompagné d'un baiser soufflé plus tard et je débarque chez Barry, roulant à grande vitesse en direction de la cuisine.

- Je suis rentrééééééééeeeeeeee !

Je manque de louper mon virage et me manger un mur, mais l'honneur est sauf, j'arrive dans la pièce sans encombre.

- ça sent bon, tu fais quoi ?

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Une arrivée de Ghilian sur les chapeaux de roues, au sens littéral du terme? J'aurai du m'en douter. Et je retire tout ce que j'ai pu dire avant. Cette femme est un cauchemar éveillé.

"Whoaw whoaw whoaw doucement!"

Je la retiens par les épaules autant que je me retiens sur elle quand elle manque me rentrer dedans avec les engins de la mort qu'elle a en guise de chaussures, la relâchant quand je suis sur qu'elle ne va pas me tomber dessus.

"Du gombo. Enfin, une tentative de gombo. C'était ma mère la cuisinière à la maison, pas moi. Enfin, j'me suis dit que ça te dérangeait pas de manger épicé."

Je me contente d'un sourire triste alors que penser à elle me renvoie forcément à cette nuit maudite. Pourquoi, quand on a des années de souvenirs avec un être, la seule chose dont on peut se remémorer en y repensant, c'est les circonstances de son décès?

"Bon, vas donc enlever tes roulettes avant de te tuer, et moi je prépare les assiettes?"

Je vérifie que le plat est encore chaud en posant avec précaution la main sur le couvercle. Pas brûlant, mais j'la laisserai pas une heure. En gros, c'est assez chaud pour être consommable, pas assez pour se cramer la bouche à chaque coup de fourchette. Je remplis donc les assiettes restées sur le séchoir à vaisselle (parce que c'est quoi l'utilité de les ranger après midi pour les ressortir avant le diner, sérieusement?) pour les poser sur la table, y ajoutant bientôt les couverts, les verres et une carafe pleine. Disons que ça peut être utile. Ok, faudrait peut-être mieux du pain, mais j'en ai p... ok, j'oubliais qu'on était deux à remplir/vider les placards en ce moment. Donc en cherchant un peu, du pain, j'arrive à en trouver.

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Bon ok, je me serais cassée la figure si Barry ne m'avait pas rattrapé, mais hé !  J'estime que la chance est un talent à part entière.

Gombo gombo... Ça me parle vaguement. Sans doute un plat de Louisiane. La mention de sa mère le plonge quelques secondes dans un mauvais mood, alors je me contente de rebondir que sur la partie neutre :

- Pas le moins du monde, surtout que j'ai jamais mangé de gombo !

Mais mon excitation culinaire retombe, alors qu'il m'enjoins de quitter mes rollers. C'est avec une moue boudeuse que je pars de la cuisine pour obtempérer. Franchement, à part du mobilier je risque de tuer qui ? En plus c'est vachement moins rapide de marcher... j'ai l'horrible impression que la salle de bain est maintenant dans le quartier d'à côté.

Va falloir que je lui fasse découvrir ma nouvelle passion, je suis certaine qu'une fois qu'il aura essayé, il ne pourra plus s'en passer.

Alors que je me déshabille, j'imagine un loup sur des rollers et j'me tape une barre toute seule. L'hilarité s'éteint d'elle même lorsque eau chaude et savon rencontrent mes écorchures :  Ça brûle. Va falloir que j'investisse dans des protections supplémentaires.

Je finis mon décrassage en deux-deux, même pas cinq minutes ont dû s'écouler. Je me pointe dans la cuisine, tube de crème à la main. Faut que je m'en tartine, histoire de limiter la casse, mais je ferais ça après manger. Les assiettes étant déjà prêtes et mon ventre criant soudainement famine... Je pose mon royal séant en compote, scrutant avec intérêt mon assiette :

- ça m'a l'air pas mal du tout !

Mais histoire d'en être certaine, je plonge ma fourchette dans le riz recouvert de sauce et enfourne tout ça dans le bec. Ouais ouais, c'est même très bien en fait !

- Je valide totalement ! Je risque d'y prendre goût, tu sais ?

Malgré le fait que ma langue proteste un peu à cause du piment. Chochotte va ! A voir si Barry valide aussi... J'ai tendance à ne pas être un bon indicateur pour le piment.

- Tu peux cuisiner quand tu veux ! Mais je m'octroie un droit de véto sur les épices.

Ok, ça pique peut-être un peu beaucoup, quand même. Je jette un regard circulaire et tombe sur un vieux citron ratatiné. Ok, ça fera l'affaire pour moi !

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Si je devrais m'inquiéter qu'elle n'ait jamais mangé de gombo avant aujourd'hui? Franchement non, au contraire. Au moins elle n'aura pas de comparaison à faire avec une vraie bonne recette. Bon, je suis peut-être dur avec moi-même, mais d'une, c'est le propre de l'homme de jamais être satisfait de ce qu'il fait (hormis certains égocentriques mais c'est autre chose), de deux, la cuisine, c'est totalement pas mon truc. Oui je sais me faire des pates à la bolognaise, ou à la carbonara, ou ok, une bonne collection de recettes à base de pates, mais ça ne m'intéresse tout simplement pas. Pourquoi essayer alors? J'en sais rien, j'vous demande moi.

Le temps de tout ça, Ghilian ressort de la salle de bain, son tube de pommade bien en main témoignant des chutes qu'elle a du subir même si elle-même ne l'avouera surement pas. Cela dit, l'assiette l'appelle visiblement, et elle a un bon coup de fourchette. Bon signe, même si son commentaire suivant et sa recherche d'un citron tendent à montrer que j'ai été un peu généreux sur les épices.

"Y compte pas trop. Sans vouloir être mysogyne, mon truc c'est la clef à molette, pas la casserole. Mais bon j'sais pas, j'me suis dit que ça m'rappellerait le pays."

Dans le coup, moi aussi je déploie un bon coup de fourchette, même s'il n'a rien à voir avec celui de la semaine dernière, et même si mon palais pourtant habitué à cette cuisine se révolte un peu face à la quantité de piment que j'ai mis dans la recette. Au moins on pourra pas me dire que c'est fade.

Je finis par me couper une tranche de pain pour offrir une pause à mes papilles, observant l'assiette presque vide de Ghilian en face de moi.

"J'suis assez d'accord sur les épices. Parait que c'plus facile d'en rajouter que d'en enlever. J'devrais m'en rappeler la prochaine f... pas demain la veille, faut pas abuser des bonnes choses."

Non mais si elle pense me trouver en cuisine tous les soirs, elle peut courir. J'ai bien assez à faire dans le garage, surtout que j'en découvre chaque jour un peu plus sur cette voiture. J'ai pas fini de me demander ce qui m'a pris de l'acheter, alors que les bagnoles, de base, c'pas mon truc. J'sais pas, elle a une gueule qui m'a tapé dans l'œil, mais j'aurai peut-être du mieux regarder sous le capot avant de l'acheter. Cela dit, ça occupe mon temps libre, c'pas plus mal. C'nul quand l'affaire est bouclée en deux heures montre en main.
Si j'ai pourtant autre chose à faire de mon temps libre? Oui ben j'ai attendu le paternel pendant quinze ans, il peut bien m'attendre quinze jours... c'pas comme si il avait envie que j'le rejoigne de toute, sinon il aurait laissé un numéro de téléphone.

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- Non mais tu as de très bonnes idées tu sais ! Et ne pas être très doué n'empêche pas de faire, regarde, je bricole bien mon tas de ferraille.

J'étouffe un rire au vu du regard qu'il me lance et préfère grignoter une tranche de citron, avant de passer au point suivant :

- Rien d'irrécupérable sur le piment, un peu de sucre dans la sauce pour adoucir le tout et hop ! Problème réglé !

Enfin moi c'est comme ça que je fais. Je finis mon assiette, et me ressers une bonne louche de gombo. Définitivement, j'aime bien, et je suis affamée.

- Tu as fais un dessert pour terminer en beauté ce bon repas ?

Si je me fou de sa gueule ? Oui, totalement. Et mon immense sourire ne trompe personne.

- Genre j'ai envie de crêpe !

Hop là ! ça me prend comme une envie de pisser. Je me trémousse sur ma chaise, renchérissant :

- C'est bon les crêpes. Et il y a tout ce qu'il faut pour en faire, dis-je précipitamment en le voyant ouvrir la bouche pour, sans doute, trouver une excuse pour ne pas continuer dans sa lancée culinaire.

J'avale encore quelques bouchées de mon assiette, et devant son inaction, je me sens obligée d'ajouter un :

- S'il te plaît ?

Tout y est : air de chien battu, ton suppliant, moue tristoune... Ma maîtrise de la comédie à son point d'orgue ! Je pense mériter un oscar. Au moins.

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Le regard que je lui lance quand elle parle du bricolage qu'elle fait avec sa voiture et qu'elle ose appeler de la mécanique est équivoque. Tas de ferraille, c'est un nom qui finit par bien correspondre à sa voiture en effet. Pour tout dire, je suis à peu près certain que la mienne roulerait mieux que la sienne, et j'ai déposé le moteur il y a plus de deux mois de ça.

"Un peu de s... ok, à moi la mécanique, à toi la cuisine."

A dire ça, on dirait un vieux couple. Au bout de quoi, une semaine de colocation, ça fait froid dans le dos. Ouais nan, c'est décidé, ma garçonnière doit en rester une, de garçonnière. Le dépannage c'est bien, mais de là à songer à m'installer avec quelqu'un dans l'avenir, nope. Chacun chez soi c'bien aussi.

Résultat de ma perte temporaire d'attention, je ne l'entends parler de crêpes que la seconde, ou peut-être la troisième fois qu'elle en parle, du coup, mon refus ferait un peu un flop. Enfin, le problème des crêpes, c'pas de les manger, c'est de les faire. Ca prend trois plombes ces trucs.

"Si tu veux en faire fais toi plaiz."

Si je crois que ça va fonctionner? Pas l'ombre d'une seconde. J'ai douloureusement appris à la connaitre ces derniers temps. Même me voir me changer en loup n'a pas réussi à lui faire lâcher le morceau alors...

"Ok mais t'en es. Ca ira plus vite à deux."

Comment ça j'aime pas les crêpes? Je suis de la team "mangeurs de crêpes", pas de celle des "faiseurs de crêpes". En gros, ça m'est déjà arrivé d'en faire, mais la pile montait pas vite dans l'assiette. Et pas que parce que ça prend trois plombes à faire.

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Ce que je retiens, c'est que je vais avoir mes crêpes ! Le fait que je doive participer à leur création ne me dérange pas tant que ça au final. Parce que c'est décidé, je m'occupe de faire la pâte ! D'ailleurs je gicle de ma chaise, grimaçant du fait de mon popotin douloureux, et vais m'emparer d'un saladier.

- Je fais la pâte, mais je te laisse le plaisir de les faire sauter ! Si t'en reçois une sur la tête, je veux pas être tenue pour responsable.

Notez que je n'attends que ça, et que je me connais : je serais délibérément capable de le faire. Alors autant lui laisser cette partie. En plus ça me permettra de les gober au fur et à mesure ! Tout bénef !

Quelques secondes sont nécessaires pour trouver une recette qui m'a l'air potable et il ne me faut pas bien longtemps pour réunir les ingrédients, malgré que je continue à faire quelques sauts pour continuer à picorer mon assiette. Puit de farine, œufs, matière grasse, lait... Et quelques coups de fouet plus tard :

- Rhum ?

Je pose la question pour être polie, mais s'il décline, je me verrais dans l'obligation de refaire toute son éducation culinaire. Qui ose faire des crêpes sans rhum ? De toute manière je n'attends pas son assentiment pour "parfumer" la pâte.

- Voilà très cher, à vous de jouer pour la suite !

Je réintègre ma place et finit l'ultime bouchée de mon assiette, avant de pointer ma cuillère sur Barry :

- On a de quoi les garnir au moins ? Où je dois faire marcher la capitalisme et la technologie ?

Non parce que les crêpes sucre/citron, c'est bon, mais moi je rêve de crêpes dégoulinantes de chocolat fondu ! Ou de caramel au beurre salé. Je sais pas si Barry connait d'ailleurs.

- Tu sais quoi ? Je vais commander deux-trois trucs ! Je suis certaine qu'il y a des délices que tu ne connais pas ! ça va révolutionner ta conception de la vie !

Et j'exagère à peine ! Et s'il n'aime pas, ça repartira chez moi. D'ailleurs à ce sujet, va peut-être falloir que je lui dise que notre collocation va bientôt prendre fin... Mais je préfère plonger le nez sur mon téléphone plutôt que de lui annoncer la nouvelle. J'ai encore plusieurs jours devant moi. Mais toute absorbée que je parais, je garde discrètement un œil sur le cuisinier du moment. C'est pas un manque de confiance, c'est juste que je veux pas louper de potentielle crêpes au plafond ou de crêpes chapeau.

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Pour son malheur, je suis plus doué pour retourner les crêpes avec la spatule qu'en les faisant voler par dessus la crêpière, alors elle a assez peu de chances de me voir en coller une au plafond. Et si j'essayais, je ne dit pas que c'est pas sur sa tête à elle qu'elle atterrirait. A ceux qui se demandent, mon truc, c'était le football américain, pas le basket-ball. Le ballon, on l'envoyait en longueur, pas en hauteur.

"Moi qui pensais que tu étais la reine des crêpes."

Je la laisse s'occuper de la pâte, acquiesçant rapidement quand elle évoque l'idée d'y ajouter du rhum. N'ayant en vérité pas le temps de refuser si j'en avais décidé ainsi. Mais heureusement pour nous, je suis de ceux qui pensent que les crêpes sans rhum, c'est un sacrilège.

"Fais marcher ton portable, j'ai que du sucre à te proposer."

Je chope une dernière bouchée en passant avant de me lever pour aller faire chauffer les crêpes. Et j'avais raison sur un point, c'est long et c'est chiant. La prochaine fois, on inverse, je gère la pâte, et elle la cuisson.

"Commande au lieu de me faire peur. Parce que si c'pas arrivé quand j'ai fini, j'les mange nature. T'as déjà de al chance que j'les avale pas au fur et à mesure."

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- Ben ce soir je te lègue mon titre et c’toi la reine des crêpes.

Je suis certaine qu’il s’en fou royalement, mais voilà, c’est dit. Mais avec ses bêtises, je m’imagine un court instant vêtue d’une grande robe faite d’une crêpe géante et régner sur des petites crêpes mignonnes qui exécutent mes quatre volontés. C’est ridicule, mais un peu classe quand même.

Je ris lorsqu’il essaye de me faire croire que je lui fais peur avec mes promesses de découvertes culinaires. Comme si je l’avais pas habitué à pire.

- J’te propose pas non plus de te faire découvrir une position exotique… même si… vu que tu dois être un peu plus fort qu’un homme lambda, ça pourrait être intéressant !

La réponse est immédiate : je reçois l’éponge en pleine poitrine. Il vise bien le bougre. Mon air faussement courroucé ne tient pas, mon sourire s’étirant jusqu’à mes oreilles.

- C’est sûr que ça avance pas bien vite, si tu t’arrêtes à chaque connerie que je balance. On va les manger demain soir les crêpes !

Oui j’me fou de sa gueule, mais c’est parce que je l’aime bien. Je rejette la pauvre éponge dans son habitat naturel -l’évier-, réarmant Barry en toute connaissance de cause, et continue mes achats en chantonnant un vieux morceau que j’aime bien.

Entre le chocolat que je compte faire fondre, les pâtes à tartiner, la crème de marron, le caramel beurre salée, la crème d’érable, l’amlou et la crème glacée… Je pense qu’on est pas mal.

- Je pense qu’on sera livré avant que tu finisses… mais si vraiment tu ne supportes pas le poids de ton nouveau titre, je volerais à ton secours, moyennant finance, bien entendu. Genre la dernière crêpe s’il y en a un nombre impair.

En attendant son possible appel à l’aide, je débarrasse la table et fais la vaisselle des ustensiles qui traînent, grimaçant quand mon postérieur se rappelle à moi. Et après, on nous serine que le sport c’est bon pour la santé… Demandez ça à mes fesses ! Enfin… ouais non. Même moi je trouve ça étrange.

Je récure les gamelles tout en gardant un œil sur la pile de crêpes qui monte, doucement mais surement. Soyons honnête, j’aurais sans doute pris deux poêles pour aller plus vite, mais je vais pas la ramener parce que je sens que sinon les fourneaux vont m’être relégués sur le champ. Je finis tranquillement mon occupation, avant de contourner Barry et tenter de m’emparer d’une précieuse crêpe, mais une tape de spatule m’empêche de m’accaparer le butin tant convoité.

Je gonfle les joues, telle une gamine boudeuse et soupire ostensiblement.

- J’ai faaaiiimmm… Tu sais, j’ai fait du sport aujourd’hui !

Gageons qui mes suppliques ne servirons à rien… D’ailleurs, je boude quelques secondes de plus histoire d’être crédible avant de partir en quête de mon nouveau caprice du moment :

- Envie d’un cocktail ?

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