Direction les Origines ! ft Nathan & Dante

On se l’était dit, mais à l’époque, mon cher et tendre avait encore un palpitant fonctionnel. Visiter mon pays d’origine, organiser le voyage est devenu un poil plus compliqué depuis que lui et moi partagions la vie de noctambule, mais je ne me suis pas démonté et j’ai trouvé des solutions qui me semblent viables. Les vols en avion n’étant pas assez fiables, difficile aussi de se dire qu’on puisse partir de nuit et arriver de nuit alors qu’on traverse la moitié du globe, j’ai opté pour la croisière. Certes, bien plus lente et nous n’arrivons pas du tout en ex-Yougoslavie, mais en Grèce. C’est pas grave, on s’adapte. Nous pourrons passer la journée dans la cabine, éventuellement nous partager la perle, surtout si Nath ne supporte pas le trajet dans un petit appartement, sans possibilité de respirer le grand air. Au moins, nous avons toujours cette option. Je sais qu’il se renseigne pour en créer une seconde, mais plus le temps passe et plus on arrive à s’organiser pour que la perle se passe entre lui et moi de manière fluide, sans gêner nos emplois du temps. De mon côté, je la déteste, donc forcément, moins je la prends mieux je me porte et pour l’instant, mon homme à l’air de très bien endurer son pouvoir.

Le trajet sera long, mais nous avons pris de l’avance sur notre voyage de Noce, sauf si c’est nul, on en refera un autre ! Dans tous les cas, on s’est prévu entre trois semaines et un mois d’absence auprès de nos collègues et j’ai enchaîné les enquêtes qui rapportent mais pas forcément intéressantes pour qu’on ne manque de rien niveau confort. Rien que la cabine actuelle ouù nous nous trouvons donne un avant-goût. C’est spacieux, luxueux et je veux qu’on nous foute la paix. Le mot d’ordre est de ne pas venir nous chercher pour toutes les fêtes débiles qu’ils organisent en temps normal durant les croisières. D’autre part, le mini frigo a été chargé en paque dissimulant nos réserves de sang, de quoi éviter de faire un carnage sur le navire en milieu de croisière. J’ai prévu large, mais je préfère comme on ne peut jamais être sûr qu’aucun imprévu ne nous tombera sur le coin du nez.

Aujourd’hui est un de ces jours où Nath n’a pas supporté d’être enfermé toute la journée. Je sais bien que ce n’est pas ma présence qui l’incommode, mais plutôt les quatre murs qui le font sentir comme un lion en cage. De mon côté, j’avoue avoir pris de quoi potasser mes dossiers et notamment certains biens corsés qui nécessitent de pouvoir m’y concentrer plusieurs heures sans la moindre interruption. J’en profite donc pour les éplucher minutieusement durant ces phases où mon homme a besoin d’air. La nuit, c’est autre chose, nous pouvons sans réserve parcourir le paquebot, sans trop d’autres voyageurs pour nous importuner. Je suis un solitaire, ce n’est pas nouveau et il m’est toujours aussi difficile de me mêler à la foule si ce n’est pas pour le travail. Certes, en apparence, je donne le change et on ne se douterait pas qu’intérieurement, je déteste cela.

Ainsi se déroule le périple jusqu’en Grèce. Depuis Athènes, je nous réserve deux places en train couchette et nous voyageons jusque Split en Croatie où j’ai pu retrouver la trace de plusieurs de mes frères et sœurs. Les deux derniers sont restés à la ferme de mes parents qu’ils ont reprise avec leur descendance … il semblerait que l’exploitation ait changé, mais j’avoue n’en avoir que faire. Ensuite, sachant que la ferme en elle-même raviverait des souvenirs douloureux, j’ai préféré commencer par Split que je n’ai vu qu’une fois, lors de ma fugue avec Luka. Nathan est au courant, je me suis présenté à ma famille comme le fils de leur frère décédé. Je sais que j’aurais déjà le droit à des commentaires sur le fait que mon « père » aura retrouver sa raison en ayant un fils, mais bon … admettons, je pense que j’arriverais à y survivre et sinon Nath me retiendra.

« Je te préviens, je suis partie, on parlait le Serbo-croate … ici, ils parlent Croate, donc si tu me vois bégayer, c’est normal. »

En fait, cela se passe plutôt bien, autant pour trouver notre chemin qu’autre chose, entre ceux qui comprennent mon entre deux langagier et les autres qui parlent aussi anglais, nous arrivons sans peine à la demeure de ma plus jeune sœur, Olga. Elle devait avoir tout juste 8 ans lorsque je suis partie. Nous entrons pour nous retrouver face à une ribambelle de gens au visage étrangement familiers bien qu’il soit impossible que nous nous soyons déjà croisé. Au moins, les gênes des Val’Tayik sont évidents. Entre les yeux clairs et les crinières de cheveux qu’arborent la plupart des gens présents. Je salue tout le monde dans notre langue d’origine, mais rapidement, la plupart des jeunes nous abordent en anglais et incluent Nath à la discussion. Bien sûr, y’en a au moins deux qui traduisent les paroles des plus anciens (mes frères et sœurs en question puis qu’Olga a invité aussi Nikola, Mila et Ana) qui font totalement l’allusion sur la sexualité de mon « père » et je grogne à la troisième fois … Je m’invente une mort sereine pour justifier ma propre absence et explique aussi que mon « paternel » avait pour envie de revenir un jour au pays. Et j’ignore totalement Nikola qui tente de savoir vaguement ce qu’il est advenu de Luka. Lui est assez vieux pour s’en souvenir puisqu’il avait un poil plus de vingt ans lorsque je l’ai abandonné et je ne doute pas que c’est ainsi qu’il le voit … je ne pourrais pas l’en blâmer et cela me fait un sacré coup au moral de le découvrir si âgé.

La soirée se déroule simplement, nous mangeons tous ensemble (je réprime mon envie intense de vomir au moins dix fois, pauvre Nath doit pas savoir quoi faire avec un copain pareil) et nous quittons la maison peu après minuit.

La nuit nous appartient et je préfère de loin me retrouver enfin seul avec mon homme. Un soupire franchit mes lèvres, soulagé que cela soit finit.

« On peut se promener si tu veux. »

De mon côté, j’ai grandement besoin de me défouler et je sais que Nath sera pas mécontent que je retrouve mon calme.

Split est devenue une magnifique ville portuaire, c’était déjà somptueux avant, mais de la revoir de nuit lui donne une magie nouvelle.

« J’suis désolé, j’suis un peu brassé. Entre les remarques désobligeantes et le repas, j’ai eu assez pour ce soir. »

Je shoot dans une pierre qui roule longuement avant de heurter un mur.

« J’ai appris que ma mère aussi était toujours en vie, elle est restée avec un de mes frères et une de mes sœurs à la ferme. On pourra s’y rendre sans trop de difficulté, ce n’est pas trop loin dans les terres, je louerai une voiture pour qu’on soit autonome pour y aller. »

Je m’arrête et retiens le brun d’avancer plus loin, ses doigts entrelacés avec les miens. Je ne pensais pas que cela serait aussi épuisant.

Made by Neon Demon

On peut dire qu'il s'en est passé des choses depuis le début de l'année. Mais passons tout ce bordel, pour dire que Dante a réussi son pari de me faire quitter le pays, et si il n'a pas poussé le vice jusqu'à tenter de me mettre le cul dans un avion, on s'est offert une croisière jusqu'en Europe. Ce qui signifie que je me retrouve enfermé 12 heures de temps dans une cabine à peu près quatre fois moins grande que l'appartement où je tournais déjà en rond, avec bien assez de sang humain à proximité pour me faire ronger mon frein toute la sainte journée jusqu'à ce que le soleil baisse assez pour me permettre de sortir. Autant dire que quelques accidents de parcours ont fini par dessus bord. Et que j'ai éviter de trop penser à la disponibilité de la perle de Dante pour ne pas lâcher trop souvent le prédateur sur le troupeau. Si l'évolution n'est pas terrible? J'arrive à passer à coté d'un humain sans penser à son sang avant de lui dire bonjour, au moins quand j'ai l'estomac plein et qu'il n'a pas la bonne idée de s'égratigner au passage. Donc, Dante a gagné le pire pot de colle de tous les temps, mais au moins je sais qu'avec lui, si je part en vrille, il me retiendra. Raison principale pour laquelle j'ai accepté ce voyage alors que c'est le bordel en ville. Elaine est plus en sécurité sans m'avoir à proximité. Non, je fuis pas, je prend le temps qu'il faut pour être prudent.

Enfin, on a réussi à descendre du bateau sans avoir liquidé tous les passagers, c'est plutôt un bon point. Et après le bateau, le train. Question espace, c'est pas beaucoup mieux, mais au moins, en une nuit c'est réglé. Quand à son commentaire sur la langue parlée sur place?

"Et moi j'me limite à l'anglais et à juste assez de français et d'espagnol pour que ça fonctionne avec les touristes qui viennent commander au bar, alors bégaye autant que tu veux, j'm'en rendrais même pas compte."

Non parce que c'est vrai que dans une ville comme Chicago on entend pas mal de langues différentes, mais avec l'anglais pour les locaux, l'espagnol pour les hispaniques et le français pour les canadiens, on se démerde. Et ma mère avait beau être française, elle n'a guère eu le temps de m'apprendre tout le dico, même si ça m'a servi plus d'une fois en matière de drague... c'est fou ce que c'est surfait, le romantisme à la française. Dites trois mots dans cette langue et ça vous tombe dans les bras. Bref.

Sa famille? Si les plus jeunes sont à peu près cools, j'ai des envies de meurtre assez préoccupantes concernant ceux de sa génération. De quoi lui broyer la main sous la table et même sortir prendre l'air à quelques occasions. D'accord, mes sorties avaient également pour but d'échapper au repas, parce que sincèrement, y faire honneur, c'est mission impossible à l'heure actuelle. Et d'éviter d'en bouffer un juste parce qu'à vouloir me déconcentrer de la conversation, j'me suis concentré sur leur circulation sanguine, comme un abruti.

Autant dire que je ne boude pas mon plaisir de savoir que c'est enfin terminé, et j'ignore lequel de nous deux est dehors en premier, mais je dirai que le plaisir est partagé.

"Se promener, chasser, s'isoler... tout ce que tu veux tant qu'on a plus à subir ça. Je sais que t'avais envie de les revoir, mais sérieusement, ils t'ont pas raté."

Il s'arrête pour me faire face, et je décroche mes doigts des siens pour attirer sa tête contre moi, lui offrant le câlin sont il a besoin.

"Tu sais que j'suis passé à ça de t'embrasser devant eux pour les faire taire? Entre deux envies de meurtres bien sur. C'est toi qui était attaqué. Mais je ressentais ta détresse comme si c'était la mienne. Et rien que pour ça, j'suis pas fana de l'idée de réitérer l'exploit avec les derniers qui ont pas encore réussi à t'expliquer quelle plaie tu étais pour la famille."  

Mais c'est pas à moi de prendre la décision pour lui. Moi ce que j'en sais, c'est que si faut réitérer l'exploit, y a intérêt à ce que je mange avant, sinon je risque vraiment de pas réussir à me contenir à la prochaine remarque.

"Cela dit, tu te sens vraiment de tenter d'entourlouper ta mère? J'ai tendance à croire qu'une mère sait reconnaitre son enfant, même quand c'est pas logique. Y a déjà qu'à voir Silas. Il a peut-être eu du mal à y croire, mais il savait que c'était sa fille qu'il avait devant lui quand elle lui est revenu." Je recule légèrement, de façon à pouvoir accrocher son regard. " Si c'est un tant soit peu une mère, tu la blousera pas. "

Je soupire. Je sais, je sais, ils ne m’ont pas raté. Je suis désolé d’avoir fait subir cela à mon homme, mais, comme il dit, j’avais envie de les revoir. Je culpabilise juste assez de ne pas avoir su retenir plus que cela mes émotions puisque Nath a encore une fois réussi à me lire comme un livre ouvert. C’est terrible et rassurant tout à la fois de me sentir constamment à nu avec lui. Ce soir, sans que mes frères et sœurs ne soient au courant, c’est un adieu réel que je leur ai fait. Je ne pense pas qu’il me sera donner l’occasion ou l’envie de revenir les voir. J’esquisse un sourire en l’entendant me dire qu’il était à deux doigts de m’embrasser. Ça leur aurait fait une belle jambe de voir que le soit disant « fils » a suivi le même chemin que le « père ». J’m’en serais pris pleins la gueule sur les deux fronts, mais l’image me ramène à une réalité plus douce, c’est fini et on va pouvoir en rire. Pour couronner le tout, le câlin est plus que bienvenu et je me détends à son contact avant de lui répondre.

« C’est pas pareil, Nikola était assez vieux pour se souvenir quand je suis parti et on avait « que » 7 ans d’écart, il me suivait partout sauf quand j’faisais mes conneries avec le partie. Il a super mal vécu mon départ et j’peux pas lui en vouloir. Là y’aura juste Vlad et Marija … »

J’suis moyennement convaincu encore, mais l’effet plus petit groupe devrait être à notre faveur et concernant ma mère …

« On verra aussi pour ma mère … je sais pas du tout dans quel état elle va être, elle est très âgée, toute une vie à la ferme. J’aviserai … Merci de les avoir supporté. »

Il a pas tort cela dit. Même moi je le ressens que j’pourrais très bien réagir différemment devant elle. On n’a pas eu la relation les plus affectueuses les dernières années avant mon départ, mais j’avais 27 ans j’étais déjà un adulte et pourtant, j’ai été 7 ans enfant unique, son seul fils et ça, c’est important aussi. Je passe une main dans mes cheveux et lève mon regard vers le ciel.

« Bon allez … nourriture. J’sens que je vais finir par me digérer moi-même si j’avale pas un truc. »

Et quand je dis un truc, on va pas avoir quinze mille choix aussi loin de nos repères de Chicago. Le plus simple, c’est encore les bandes de jeunes un peu imbibés qui sentent même pas passer nos crocs sur leur carotide. Je sais juste qu’il faut encore que je retienne mon cher et tendre pour qu’il n’en laisse pas un pour mort sur le parvis. Je glisse mes doigts une fois encore entre les siens et nous avançons tranquillement dans les rues de Split. En faisant confiance autant à notre ouïe, que notre odorat, nous ne tardons pas à tomber sur quelques casse-croûtes potentiels. Il ne faut d’ailleurs pas longtemps pour que l’un d’eux s’isole des copains et nous le suivons discrètement jusqu’à être sûr que personne ne nous verra. D’un geste de la main, j’invite mon homme à se servir en premier. Je sais pertinemment que si je le saigne d’abord, rien que l’odeur sans avoir la texture va le rendre fou. Moi, je résiste forcément mieux que lui. C’est d’ailleurs depuis que Nath est jeune vampire que je me rends compte de tous les progrès que j’ai fait depuis mes débuts. Les habitudes insidieuses qui font que je deviens plus posé, plus serein à l’approche d’une victime et une plus grande acceptabilité à la faim qui pourtant était ma plus grande source de frayeur. Avant que le cœur de notre jeune homme ne cède, je pose une main sur l’épaule du brun. Plus docile qu’à ses débuts, il finit par lâcher l’homme.

« On va retourner vers le groupe, y’en aura un second t’inquiète. »

Pas besoin d’être devin pour sentir qu’il a encore besoin. Forcément, lorsqu’on laisse notre proie vivante, on ne prélève qu’une infime partie de son sang contrairement à lorsque nous la vidons complètement.

Comme prévu, ce petit ballet continu jusqu’à ce que nous soyons rassasié l’un et l’autre. Pour le reste, j’ai une idée. C’est pas exactement cela auquel je pensais, mais il s’avère que l’un des gars avait les clés de sa voiture sur lui et quand je les ai vu tombé au sol, je les ai machinalement prise. Un petit tour dans le quartier et il ne m’en faut pas plus pour trouver la machine répondant à l’appel.

« Parfait ! »

C’est pas exactement sur le trajet, mais il nous faut moins d’une heure pour atteindre l’endroit que je visais. Le parc National de Skradinski Buk abrite une des plus belles cascades du pays et j’ai besoin de me détendre. Clair de lune et ambiance chute d’eau sont les éléments parfaits à combiner pour que j’oublie un tant soit peu les échanges de la soirée. Je remonte le bas de mon pantalon et me pose sur un rocher, les pieds dans l’eau. Nath me rejoint et nous nous plantons devant ce décor surnaturel.

« Tu t’en sors de mieux en mieux. Tu crois qu’il y en a beaucoup sur le bateau qui ont pas survécu ? »

J’avais pas trop osé posé la question de peur de le mettre mal à l’aise, mais en même temps, je vais pas être celui qui va le blâmer d’avoir accidentellement rater le coche et bu un litre de trop sur les 500 – 700 ml max qu’on peut théoriquement prélever si on veut pas se retrouver avec un cadavre sur les bras. En tout cas, j’espère que le ton de ma voix le rassure et prouve que je ne juge pas si c’est le cas. Je tourne mon visage vers lui, son profil se découpant dans la nuit. Il pourrait presque me dire qu’il s’en fiche de devenir un tueur sanguinaire et m’annoncer qu’il veut assouvir l’humanité tout entière que je le suivrais en cet instant … Il est magnifique et l’amour me rend bien docile et je sais que jamais il n’irait dans ces extrêmes.

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Je finis par le libérer de mon étreinte en comprenant que Dante restera toujours Dante et trouvera toujours le moyen d'excuser quiconque se montre aussi infernal avec lui, et que, par conséquent, ça ne sert pas à grand chose de s'énerver de la situation davantage que lui. Et pourtant, certains ont de la chance que je sais qu'il ne me le pardonnerais probablement pas de m'aiguiser les crocs sur quelques carotides, c'est moi qui vous le dit. Je pose tout de même mon menton sur son épaule tout en glissant ma main au passant de sa ceinture.

"T'es un bon frère. Trop sans doute." Je lâche un soupir amusé. "J'sais pas c'que ça aurait donné si Max et moi on avait grandi ensemble...faut sans doute pas le savoir."

Au choix, ou il aurait vrillé sous mon influence bien plus tôt, soit on aurait été les pires ennemis du monde. Je me contente de frotter mon nez contre sa joue quand il me remercie d'avoir supporté ceux que la bonne âme qu'il est considère comme une partie de sa famille. J'ai envie de dire qu'il y a la famille choisie et celle qu'on subit.
Enfin, je saute totalement sur l'occasion quand il parle d'aller se nourrir, enfin, et le laisse glisser ses doigts entre les miens, autant ma laisse que ma bouée de sauvetage, avant que nous ne nous dirigions vers des quartiers plus animés de la ville. Et bientôt, je m'offre la satisfaction de plonger mes crocs dans le cou d'un jeune homme qui ne doit pas être assez lucide pour s'en rendre vraiment compte. On peut prendre une cuite avec du sang alcoolisé vous croyez? Satisfaction qui se change une fois encore en frustration quand Dante m'empêche de finir mon assiette. Sérieusement, ça va être ça à chaque fois? Ca craint d'être un vampire... Un deuxième et même un troisième subiront mes crocs avant que je ne parvienne à regarder Dante se nourrir sans avoir envie de lui voler sa proie. Lui est plus mesuré, quoi qu'il en dise. Assez mesuré en tout cas pour observer les petits détails, comme ces clefs que je retrouve dans sa main sans les avoir seulement vu tomber. Lequel de nous deux est le pickpocket réformé au juste?

Une heure de voiture et un peu de marche à pied plus tard, on se retrouve au bord d'une cascade, dans un paysage qui est, faut le dire, à couper le souffle. Même si on craint pas grand chose de ce coté là, lui et moi. Contrairement à lui, je me contente de me débarrasser de mes chaussures en me fichant totalement de tremper mon jean, qui finira bien par sécher plus tard, pour aller m'installer à coté de lui, le regard fixé sur la cascade qui nous fait face. Jusqu'à ce qu'il pose la question qui tue. Au sens presque littéral du terme soit dit en passant. Je prends le temps de la réflexion (et du calcul) sans détacher mon regard du paysage, sentant le sien de regard me détailler et guetter ma réaction.

"Cinq. J'm'en sors quand t'es là. Beaucoup moins quand j'me crois capable de me démerder sans toi. Dès que les émotions s'en mêlent... "

C'est quand même le comble de toujours pas être foutu de composer avec alors que j'suis le prince des émotifs sérieux... 40ans que ça dure, juste pour dire. Avec la magie, c'étaient déjà les émotions fortes - bonnes comme mauvaises - qui prenaient le dessus sur tout éventuel contrôle de ma magie que j'pouvais prétendre avoir. Là, j'ose penser que les émotions fortes positives se sont mises en sommeil, mais un brin de frustration et ça y est... et oui, tourner en rond dans une cabine de bateau toute la journée, je compte ça pour de la frustration. Pourquoi j'y arrive en sa présence? J'en sais rien, parce que je sais qu'il peut m'en remettre une si j'déborde? Pas sur que l'idée de prendre une raclée m'ait un jour calmé, j'en ai trop pris dans ma vie pour ça. Parce que j'veux pas qu'il s'en veuille de me voir en chier un max? Ouais, c'est surement ça.

J’aurais rougi si j’avais pu lorsqu’il me dit être un bon frère. De sa part, je veux presque le croire, mais la réalité a été tout autre. J’ai joué avec le feu, j’ai agi à ma guise, j’ai batifolé avec Luka … Je ne sais pas si l’on peut dire que j’ai réellement était si présent que cela pour eux, encore moins un modèle. Mon père en aurait sans doute fait des tartines dessus s’il avait été présent. Ce soir, je l’ai payé par les mots de mes frères et sœurs. Quant à Max, j’ai envie de dire que j’aurais plus eu peur de l’influence qu’aurait pu avoir le petit frère sur le grand … On peut dire ce que l’on veut, il a toujours un côté que je retrouve dans le peu que m’a décrit Nath de son père. Certes, il commence enfin à se dérider, profiter de la vie et l’effet inverse a l’air de se faire magistralement, mais ça reste un homme très compliqué et heureusement que Nath ne lui ressemble pas. D’un côté, je pense même que c’est une chance qu’ils se soient rencontrés plus tard car chacun a su apporter à l’autre du positif sans non plus s’envahir.



Le repas et notre trajet jusqu’à la cascade finissent par me faire prendre du recul sur notre soirée tout en continuant de m’inquiéter pour la prochaine à venir. Je préfère parler de mon homme et même si le sujet est un peu fragile, s’il y a bien une personne avec qui il peut en parler librement, j’espère qu’il sait que je suis là. Je me tourne vers lui et lui adresse un sourire.



« Alors je te lâche pas pour la suite si ça t’embête pas. J’ai toujours peur d’être trop envahissant en même temps, je me dis que tu as besoin aussi de te découvrir par toi-même. Mais c’est jamais très drôle de se retrouver avec un cadavre sur les bras … »



J’en sais quelque chose et je ne sais pas ce qui est le pire : quand on se souvient de chacun des visages ou lorsqu’on commence à en oublier tellement il y en a ? Je suis depuis longtemps dans la seconde catégorie et ma culpabilité n’a fait que croître. Je ne peux pas me pardonner malgré tous les efforts que je fais à côté. Je replonge mon regard dans la contemplation de l’écoulement incessant de l’eau.



« Je suis désolé, j’espère que ce n’est pas trop dur pour toi. »



Une chose qui n’a pas changé avec mon cher et tendre, c’est que si les émotions peuvent prendre le dessus, le reste du temps, il les garde bien trop pour lui. Je sors mes pieds de l’eau et m’allonge, la tête posée sur sa cuisse. Bientôt sa main vient me caresser le cuir chevelu et je ferme les yeux.



« Si ça peut te rassurer, de te voir, ça m’a fait relativiser sur moi. Et même si Silas me l’avait déjà dit, c’est de me confronter à un jeune vampire qui me fait me rendre compte des progrès que j’ai fait. Et ça c’est en même pas 40 ans, dont au moins 15 tout seul. »



Ça peut sembler long pour un humain, après tout, c’est l’âge de Nath, toute son existence. Lui sortait du ventre de sa mère que j’en étais là où il est aujourd’hui. Déchaîné, bain de sang en veux-tu en voilà et incapacité à me contrôler. Émotionnellement aussi une catastrophe car la perte de Luka juste avant m’avait anéanti. Au final, je me dis presque que je m’en suis bien tiré pour un mec tout seul, sans mentor. Y’a plus qu’à espérer que ma présence soit salutaire pour le brun et que sa période de difficultés s’amenuise. Pour ma part, c’est d’avoir squatté les bancs des universités qui m’a aidé à m’apaiser. Me refaire une fausse carte d’identité et y retourner serait d’ailleurs totalement faisable. En revanche, je ne sais pas ce que Nath voudrait. Il pourrait tout aussi bien ouvrir son bar …

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J'vais pas épiloguer sur son histoire de "cadavre sur les bras". Pour le moment j'le vis bien, trop peut-être, et c'est sans doute ça qui va le faire flipper quand il va s'en apercevoir. Non seulement j'ai les nerfs à fleur de peau, et l'impression d'être toujours prêt à régler la moindre frustration, le moindre désaccord, avec mes crocs, mais en plus, quand j'me foire, ça me fait à peu près ni chaud ni froid. Sans doute parce que jusqu'à présent, ça n'a touché que des gens que je ne connaissais ni d'Eve ni d'Adam, mais quand même. Une infime part de moi se rend bien compte que c'est pas moi ça. Mais elle se trouve étouffée si vite que ça me passe au dessus rapidement.

"C'est toi qui va en avoir marre de me baby-sitter avant que j'en ai marre que tu le fasses, si tu veux mon avis."

Si c'est pas trop dur? J'ai presque envoyé balader Shawn qui insistait pour venir en personne à l'appartement et j'suis à cours d'excuses pour Elaine, qui n'a pour exemple de vampires que les "super héros parfaitement contrôlés et avides d'aider leur prochain" que sont Silas et Dante, et ce ne sont là que les deux principales personnes que je rêve de serrer dans mes bras sans que mes crocs se retrouvent instantanément plantés dans leur jugulaire. Mais ça va, pas trop dur. Cela dit, j'peux pas lui en vouloir, il m'a jamais vendu de rêve à ce sujet. C't'être moi qui me suis voilé la face sur la galère qu'il traversait. Je me contente d'un soupir soutenu pour toute réponse, avant de glisser ma main dans ses cheveux, à présent plus courts que les miens.

"C'est bien la première fois que tu me dit que j'suis jeune. D'ordinaire j'ai l'droit à des commentaires sur la quarantaine qui arrive à grands pas, mon manque d'endurance à monter les quatre foutus étages d'un seul coup quand le fichu ascenseur est en panne, ou encore ma date de péremption pré-établie."

Et voilà,  trop retenir les commentaires désagréables toute la journée durant, c'est lui qui prend. C'était pas prémédité, mais à un moment, fallait que j'sorte une connerie. Je me relève, ne lui laissant qu'à peine le temps de ne pas se fracasser le crâne sur le rocher que j'ai quitté, avant de marcher dans l'eau, tâchant de trouver un certain réconfort dans le ciel étoilé au dessus de nous. pas sur que ça fonctionne. Je le sens arriver dans mon dos et me laisse reposer légèrement contre lui, pas spécialement calmé, mais acceptant que c'est pas à lui de prendre.

"La patience c'est pas mon fort. Ca l'a jamais été. Et j'en ai marre de pas réussir à faire mieux, plus vite. J'ai jamais su me débrouiller de ma magie parce que j'ai jamais su me concentrer assez longtemps pour lui laisser une chance de faire un truc bien, et parce que je voulais arriver au bout du tutoriel avant d'en avoir lu les étapes. Et c'était tellement plus simple de foutre ça sur le dos de mon foutu paternel. Et là je... j'veux pas. J'veux pas me féliciter dans 40 ans d'avoir réussi à ne mordre personne pendant l'enterrement de ma fille, sans avoir peut-être été foutu de la revoir avant. Tu comprends ça?"

Je hausse les épaules, il a une bien piètre estime de ma patience, mais je compte bien lui montrer que je suis capable de supporter bien des choses ... et lui définitivement, j'appelle pas ça supporter. Passer du temps avec Nath, c'est devenu gentiment, mais sûrement ma drogue avec le temps. J'ai peur de devenir étouffant et pire encore, de perdre le contrôle s'il lui arrive quoi que ce soit. Je sais que j'étais amoureux de Luka, mais cela n'a rien à voir avec ce que je ressens pour le brun et à part essayer d'afficher un calme le plus total, mais feint, je me sens constamment bouilloner à l'intérieur en sa présence.

"J'en ai jamais marre de toi ..."

Je ne m'étalerai pas plus sur ça, je crains encore une fois à trop m'épancher sur mes sentiments.

Tendu comme pas deux, il me paraît se braquer et je pense que son ton volontairement sec et là pour me faire réagir. Si je le sens plus en  colère depuis sa transformation ? C'est normal, allez gérer tout un tas de nouvelles frustrations alors que vous avez passé l'âge d'en avoir. C'est come revivre son adolescence, fois mille. Je soupire et le laisse se relever pour se défouler. On vient de manger, je sais que ce n'est pas un besoin de sang qui le pousse à ce comportement. Il faut comprendre que lorsqu'on devient vampire, ce n'est pas que le régime alimentaire qui se modifie, mais tout le corps. Plus de puissance, d'agilité, des sens aiguisés comme jamais. Cela vient avec une envie de tout le temps les expérimenter et c'est bien souvent ce qui arrive lorsqu'un bain de sang survient. On ne se contrôle plus, on donne tout ce qu'on a et le résultat est d'une rare violence. Je me redresse et serre mes genoux contre mon torse avant de me décider à me mouiller. Littéralement. Je le rejoins dans l'eau, n'ayant que faire de la fraîcheur qui n'arrive pas à égaler celle de ma peau. Mes bras s'enroule atour de son torse une fois qu'il accepte ma présence et se cale contre moi. Je vais être incroyablement bateau et j'ai peur que cela ne l'offusque.

"ça va te parler dans l'immédiat, mais le temps va vite te sembler différent ... Quand je dis vite, je sais que tu vas continuer à vivre ta vie et j'en sais quelque chose. J'en suis seulement à me dire que c'est maintenant que je dois faire mes adieux à mes frères et soeurs, je suis officiellement mort pour eux et quelque part, c'est sans doute l'âge auquel j'allais mourir, si j'avais vécu aussi vieux déjà."

Je le retiens un peu plus contre moi, l'empêchant de pouvoir se retourner, me donnant la chance aussi de ne pas à avoir à affronter son regard.

"Je pense que j'arrive au stade où je sais que je ne suis plus humain. J'ai sans doute était plus lent que d'autres à y arriver, quand je vois Silas, j'ai l'impression que lui a atteint plus rapidement cette quiétude."

Quant enfin, il a assez insisté pour planter son regard dans le mien, je rajoute sur un ton plus léger.

"Et dans 40 ans, notre fille elle aura que 57 ans, donc j'espère qu'elle sera pas dans la tombe."

Certes, c'est pas plus léger dans le sens où moi-même je ne veux même pas imaginer le jour où je perds Elaine, sans imaginer ce que cela lui ferait à lui et c'est pour cela que j'insiste sur le "notre fille", mais il est tellement à gratter le négatif que je ne vois pas comment lui faire comprendre autrement qu'il va trop loin dans son pessimisme.

"Je suis désolé ... je ne peux pas faire accélerer le temps et cette période est dure et oui, à l'échelle humaine, ça te paraît long et ça me fait tellement mal quand tu me parle d'Elaine comme ça. J'ai pas été a ta place, j'avais personne à qui je tenais quand ça m'est arrivé, j'étais seul et je n'avais pas ce poids que je ressens sur tes épaules."

J'en ai eu bien d'autres, mais pas celui-ci et je ne peux pas comparer son expréience à la mienne, cela n'aurait aucun sens. Si j'ai froid, c'est en moi et de croiser dans la nuit le reflet de ses iris m'impressionne plus que de raison et je détourne le regard. C'est trop. je culpabilise déjà tellement de le sentir mal, c'est de ma faute s'il en est là ...

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Il s'évertue à me bloquer, me retenant contre lui tout en m'empêchant de me retourner vers lui, alors qu'il s'obstine à contrer chacun des arguments peut-être pas bien tous valables que je lui donne à réfléchir. Au moins jusqu'à ce que je parvienne à me retourner suffisamment pour croiser ces yeux dans lesquels, avec moins d'émotions en vrac dans mon cerveau, je me perdrais sans l'ombre d'un doute.

"Tu sais ce que je veux dire. Joue pas sur mon niveau en maths."

Je me pose d'abord contre son épaule avant de faire mine de l'y mordre à travers le tissu de sa chemise, sans toutefois sortir les crocs. Appelez ça une avancée si vous le voulez.

"Mon coté irresponsable a envie de te suivre sans regarder en arrière. D'accepter c'que j'suis aujourd'hui et d'accepter la casse annexe. Comme Silas. En se foutant de tous les autres ça semble facile. Mais j'peux pas. J'ai pas renoué avec ma fille pour la perdre une nouvelle fois. J'ai pas laissé Max entrer dans ma vie pour qu'il ait peur de me laisser approcher les jumeaux. Et en toute sincérité, j'pense que si je vire encore une fois Shawn du palier, il va soit défoncer la porte, soit te défoncer toi."

En toute honnêteté, j'ai eu beau désespérer plus d'une fois devant l'art et la manière avec lesquels Silas crée un no-man's land autour de lui, autant maintenant je comprends. C'est plus simple de refouler les gens que de craindre pour leur sécurité. Un peu calmé, c'est d'un ton presque plus léger que je reprends.

"En passant, je hais ta perle. Sentir sa magie autour de moi, c'est nul quand j'sais pas c'que j'ai foutu de la mienne."

Non, je parle pas de celle que j'aurai hypothétiquement contrôlé. Je parle de celle que j'ai toujours senti au fond de moi sans jamais m'en servir ou presque, et qui me donne aujourd'hui l'impression d'un membre fantôme. J'ai des doutes sur le fait qu'elle se soit simplement "envolée", et j'ai pas franchement trouvé l'occasion d'en causer avec l'un ou l'autre des rares sorciers sans doute pas plus au courant de la question que moi que je connais, mais ce que je sais, c'est que ressentir une magie extérieure, c'est nul.

Je ne peux réprimer un sourire alors qu’il évoque ses capacités mathématiques. Et pourtant, je ne suis pas sûr qu’il soit celui qui se trompe le plus à la caisse lorsqu’il taf. Si je l’écoutais, il serait nul en tout, bon à rien … Il mérite bien souvent des claques et j’ai bien plus d’un exemple en matière d’excellence pour lui. Bien sûr, il ne me croit jamais, mais ça ; c’est notre leitmotiv. Je soupire toutefois lorsque mon homme étale tous les liens sociaux qu’il craint de perdre dû à sa transformation. Le problème, c’est le fait que tout cela soit bien trop récent pour avoir une vision plus globale de la chose. Même moi je ne peux rien certifier, je veux juste croire en lui, en sa capacité à s’adapter, en l’amour qu’il porte à tous ses gens. Je grimace.

« Il risque de pas gagner le combat … »

Je me perds dans le vague. Pas que j’aime pas Shawn, mais des fois, je me crois assez dangereux pour penser que je pourrais détruire aussi ceux qu’il aime accidentellement. Je me réprime, je trouve des exutoires et je comprends la peur du jeune vampire dans mes bras.

Je soupire une fois encore et attire son visage vers le mien pour l’embrasser tendrement avant de lui répondre.

« C’est déjà assez surprenant que tu la ressentes autant. Peut-être que c’est à cause de ton côté sorcier justement. Je ne crois pas que je la sentais trop au début et Silas qui la supporte plus ou moins dès qu’il bosse avec moi a pas l’air de dire que ça le dérange trop … Un jour on résoudra la question de savoir ce qu’il est advenu de cette magie. »

Je dessine d’un doigt le contour de sa joue puis remonte dans sa tignasse. Il est beau et me fait zapper que notre conversation est pas si jouasse que ça. Le pire c’est que demain va pas être bien plus reposant quand on sera arrivé pour notre seconde partie de rencontre avec ma famille. Un sourire revient illuminer mon visage. Je dépose un baiser sur le bout de son nez cette fois-ci.

« On arrête le prédictif, j’ai pas pris ma boule de cristal de toute façon. »

C’est à force de jouer les Madame Irma que je me bloque tout seul, je ne lui souhaite pas de prendre le même chemin que moi. Je me décolle à contrecœur de son corps pour finir de me dessaper et poser mes fringues à un endroit un poil plus sec histoire que je n’arrive pas tremper pour louer la voiture. Puis je saute pleinement dans l’eau. Cette dernière incontestablement plus chaude que la température de mon corps me procure un bien fou et je traverse en quelques brasses une grande partie du bassin naturel dans lequel nous avons établi notre halte.

Le temps passe tranquillement et il est déjà l’heure de retourner plus à l’ombre. J’ai pris ma perle, mais le brun n’a pas vraiment de quoi se protéger. Il faut donc rapidement que je nous loue cette fameuse camionnette.

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Je manque lui répondre, concernant Shawn, avant de me dire qu'il verra bien par lui-même au besoin. C'est-à-dire que je fais confiance à mon frangin pour ne pas massacrer mon mec, mais en même temps, si il peut le laisser sur le cul, il va pas se gêner de le faire.

Il m'embrasse. Pas assez longtemps, ni aussi intensément que je le souhaiterai, mais le sujet de la perle et de sa magie l'intrigue et je ne peux pas lui en vouloir de s'y intéresser. Je sens le tracé de ses doigts sur mon visage puis dans mes cheveux, avant qu'il ne s'éloigne après un fugace contact de ses lèvres sur mon nez. J'le déteste. Je le laisse s'éloigner pour aller se jeter à l'eau tandis que je me réinstalle sur la berge, posant mon menton sur mon genou alors que je regarde dans sa direction sans vraiment y regarder.

Le temps passe plus rapidement que je ne l'ai vu passer et je l'entends me rejoindre avant de le voir vraiment, perdu dans mes pensées que j'étais. Je m'accroche à sa main pour me relever avant de l'arrêter d'une main sur son bras.

"J'vais quand même t'en offrir une de prédiction. Si Shawn décide de t'botter le cul, il t'bottera le cul. Sa magie sait être utile à aut'chose que changer des billets d' 10$ en billets d' 100 même s'il en donne pas l'air."

Il m'a plus d'une fois répété qu'une illusion peut devenir réelle pour celui qui y croit. Non, il ne fait pas apparaitre un mur du néant s'il le désire, mais en faire disparaitre un de la vue jusqu'à ce que bam, le mur invisible, ça il sait faire. Bref, on évite pas les bagarres indéfiniment quand on vit dans les rues de Chicago, même si on les cherche pas, donc ouais, entre eux deux, j'suis pas certain de miser sur le vampire.

Malgré moi, mon regard se porte vers l'est, où le ciel ne me parait plus tout à fait aussi sombre qu'il y a deux minutes. Pour être honnête, je suis incapable de dire combien de temps il faut entre "y a un brin de luminosité" et "ça crame sa mère", et pourtant, c'est pas le manque d'avoir guetté l'aube de bon matin en remarquant l'appartement vide au réveil. Oui, je sais qu'il craint rien avec sa perle, mais ça a toujours été plus fort que moi.

"Pour la perle et la magie, j'me dis qu'c'est comme un bruit." Ok, me regarde pas comme ça, je sais que j'ai tendance à suivre mon idée et tant pis si ça suit pas en face, mais quand même. "Imagine qu't'ai un bruit dans les oreilles, tout le temps, depuis toujours. Tu l'entends plus à force, mais tu sais qu'il est là quand même, et en prime il couvre tous les bruits plus faibles que tu pourrais entendre. Et imagine ensuite qu'un beau matin, on te le coupe net, ce bruit. Non seulement t'as tendance à le chercher, alors même que t'en avais rien à foutre jusqu'à présent, mais en plus, tu t'mets à entendre tous ces petits bruits dont tout le monde se fout... répète pas ça à Max, il s'foutrait de ma gueule. Fin, tout ça pour dire que Silas et toi, vous êtes pas tombés dedans quand vous étiez gosses. J'imagine que la perle émane pas assez de magie pour vous vriller les oreilles. Moi j'entends que ça, surtout quand j'l'ai sur moi."

Et mon regard de se porter de nouveau vers l'est, où on peut difficilement ignorer les nuances de rose qui commencent à se dessiner dans le ciel.

"Bref, j'ai pas prévu atelier bronzage aujourd'hui, ça t'dit qu'on se tire de là?"