Drive it like you stole it | feat Ghilian

Les pieds en compote, je m'étale comme un phoque en surpoids sur le siège d'une terrasse de café. Courir dans toutes les boutiques de fringues, c'est sympa mais ô combien éreintant. Une activité que je n'avais plus pratiqué depuis des mois, à cause de mon bidon tout rond. Je me souviens encore de cette époque où je portais deux grosses crevettes à l'intérieur de mon corps. Machinalement, je passe une main sur mon ventre. Pour le reste du monde, c'était il y'a un an et demi. Pour moi, ça ne fait que quelques semaines. Je soupirs. Sur le siège d'en face s'installe Raegan. Grande brune aux yeux noisettes et à la bouille angélique. Une de mes rares amies en dehors du cercle familiale des Abraxas.

- Je me demandais, tu l'as trouvé où tout cet argent?

Tout en me questionnant, elle montre d'un geste vague les différents sac qui s'étalent à mes pieds.

- J'ai pris la carte de Maxwell, il a mis de l'argent de côté.
- Pour acheter une maison, pas pour remplir ton dressing.

Ah! Je vois où elle veut en venir. Je lève les yeux au ciel avant d'habiller mon nez d'une jolie paire de lunette solaire. Tant pis si le soleil commence à décliner, je préfère ça plutôt que de supporter le regard inquisiteur de la brunette.

- Tu comptes le punir longtemps?
- Le punir? Mais n'importe quoi, ce n'est pas ce que je fais! Je te rappelle qu'on s'est expliqué et depuis, ça va mieux.

Raegan secoue la tête, tout en s'empparant de la carte des glaces. Une séance shopping qui se transforme en thérapie? J'aurais dû m'en douter avec une étudiante en psychologie.

- Le déni, Axel... Ce n'est ni bon pour toi, ni pour ton couple, ni pour tes enfants.

Je me renfrogne et consulte la carte des cocktails. En attendant ce que je dis est vrai. Depuis ma petite crise de nerfs, nous avons discuté et entre nous, ça va mieux. J'ai besoin d'un temps d'adaptation, lui aussi, rien d'anormal. Je ne comprends pourquoi Raegan insiste autant. Me voilà agacée et même la perspective d'un mojito n'aide pas à me calmer. Je lâche un nouveau soupir et observe les alentours. Tout plutôt que de supporter les regards en biais de Raegan.

- Oh putain, que je lâche soudainement.
- Quoi?

Raegan tente de comprendre pourquoi je me cramponne à mon siège, avec l'envie folle de bondir sur quelque chose... ou quelqu'un. Là, sur le parking d'une station service... j'ai pas rêvé!

- La bonasse à Maxwell, elle vient de se garer à la station service.
- Oh...

Oui. Oh! Je l'entends à sa voix qu'elle se dit "ça pue la merde". Et elle a raison. Je me lève de ma chaise.

- Axel... tu vas où, là? Tu comptes faire quoi?
- Je tente ma chance!
- Pour faire quoi?
- Apprendre à connaître la collègue de mon époux, voyons!

Alors que je m'éloigne de la terrasse pour traverser, j'entends Raegan pester et protester. Une fois la rue traversée et sur le parking, je ne l'entends plus. Par contre je la vois, avec ses gestes de la main, à m'inciter à revenir du bon côté de la barrière. C'est mort ma poule! J'ai enfin une chance d'en découvrir plus sur cette bonne femme, je compte bien la saisir! Comment procéder, par contre? La voleuse de pop-corn étant dans la station service, je pourrais... j'en sais rien. Lui parler? Non! Oh et si elle rejoignait Maxwell pour des galipettes? Non! Faut que je me sorte ça de la tête. J'ai confiance en Maxwell. Pas en elle, par contre. Elle est louche. Genre super louche! Si ça se trouve c'est une dealeuse, une tueuse, ou peu importe! Je dois en avoir le cœur net! Si je montre à mon troll que cette ténébreuse sexy est dangereuse, c'est évident, il va cesser de la voir. Pour ça... je n'ai qu'une solution.

Je me donne un air nonchalant. Je regarde autour de moi. Bon... à part Raegan qui me fixe avec de gros yeux, de l'autre bout de la rue, y'a franchement pas grand monde. Un petit regard à droite, un petit regard à gauche, et je tente d'ouvrir le coffre de sa voiture. Miracle. Elle s'ouvre. Je regarde à l'intérieur, rien. Rien de compromettant. A ce stade là, je suis désolée, mais moi, il ne me reste qu'une solution! Je me glisse à l'intérieur du coffre et ferme derrière moi. Au moins, je pourrais peut-être savoir où elle vit. Qui elle fréquente! Bref! Je mène mon enquête, les gars!

Grosse aprèm aujourd’hui. Je dois rencontrer un client et... Bah juste ça en fait. Mais le type, j’ai déjà bossé avec lui et je l’ai peut-être –un chouia- roulé dans la farine. En même temps, c’est pas un spécimen humain très futé, alors on m’excuse, mais j’essayais seulement de lui apprendre les bases. Et quoi de mieux que de se faire enfler pour retenir des règles simples ? Surtout que c’est lui qui avait essayé de rouler ses propres patrons de base. Mais moi, je sais où sont mes intérêts : rester dans les bonnes grâces des gros bonnets. Leurs hommes de main, je m’en tamponne allègrement la coquillard avec une babouche.

Je kiffe cette expression.

Je me mets à ricaner comme une baleine, attendant que le feu passe au vert. Ah oui. Du coup, vu que j’me méfie du type comme de la peste, j’ai pris une bagnole pour la journée. Je sais pas, une intuition comme ça...

Une belle bagnole. Petite Ford Mustang, rouge sombre, deux bandes noires sur le dessus... C’est de la faute de Maxwell si je me retrouve au volant de cet engin. Avec sa foutue Camaro que j’ai pas le droit de conduire, il me donne des envies. Des envies de conduire des voitures sport hein... Quoique. Il y a pas que sa foutue bagnole qui me donne des envies, mais avec la résurrection de sa jolie blonde...

Au moins, il semble aller mieux. Moins à la ramasse, mais peut-être un peu plus sur les nerfs. Enfin bref.

Le feu passe enfin au vert et je peux reprendre tranquillement ma route, avec dans l’idée de me rendre directement sur le lieu de rendez-vous... Avant que mon estomac ne proteste.

- Tu me gonfles, le ventre. Tu réclames toujours de la bouffe quand c’est pas le moment !

Ouais, je parle à mon estomac et je vous zut. Mais je décide de l’écouter et de me garer dans une station service. Je sors de la voiture sans la fermer et revient deux minutes plus tard, un sac rempli de cochonneries sucrées. Je le vide sur le siège passager et chope un Mars que je m’empresse d’engloutir, puis je zieute le gps intégré :

- Oh merde. Je suis à la bourre !

Temps de route estimé : 15 minutes, le rendez-vous est dans 5... Boarf. Toujours moins pire que les deux heures de retard avec Max. Faut que j’arrête de tout ramener à sa petite –grande- personne. Je démarre et force mon insertion dans la circulation déclenchant quelques klaxons à mon égard :

- Mais oui mes canetons, moi aussi j’vous kiffe !

Dans un élan mélomane, j’allume la radio et peste contre la station qui balance de la techno à un niveau sonore beaucoup trop élevé. Il me faut pas loin d’une minute pour trouver une station qui diffuse du bon son, puis me reconcentre sur la route en tapotant en rythme mon volant. Ecoutant sagement mon gps –sauf pour prendre un raccourci sens interdit et gagner 2 minutes- j’arrive à bon port. Je me gare comme une merde –au moins je le reconnais- verrouille ma voiture du jour et me pointe au rendez-vous.

A peine quelques minutes, je déboule comme une furie sur la rue, me disant intérieurement que j’aurais du prendre une décapotable pour filer encore plus vite. C’est dingue comment les gens sont rancuniers de nos jours !

Encore une fois, mon insertion agressive au milieu des véhicules en circulation ne plaît pas à grand monde, mais tant pis, je tiens à mon croupion. Histoire de mettre de la distance, je grille le premier feu. Un coup d’œil dans le rétro m’apprend qu’apparemment, je ne risque plus grand-chose. J’attrape un truc à grignoter et baisse la radio, juste le temps d’envoyer un message vocal à mon cher associé.

- T’es sûr que t’es pas voyant en plus de balancer des éclairs ? Parce que c’était bien un piège. Débile au passage. Et je vais bien si ça t’intéresse, mais pas d’argent pour nous à la clé. Sauf si je le balance à son patron. Je sais pas. J’hésite. C’est toi monsieur morale, tiens moi au jus.

Oh punaise. Elle est bonne celle-là. Je glousse comme une pintade. Vous l’avez ? Jus, éclair... Oh quoi... J’me rends compte que j’ai pas coupé le message. Bah, tant pis. Max m’entendra pouffer bêtement. Peut-être même qu’il comprendra ce qui m’a fait rire. Je remonte la radio.

- Bon... Je soupire. Qu’est ce que je vais foutre du reste de ma journée maintenant moi...

Une jeep aux vitres teintées s’arrête à ma hauteur, sur ma gauche. Rien d’étrange, mais j’ai un mauvais pressentiment. Le genre qui vous pousse à vous déconcentrer de votre occupation actuelle pour scruter autre chose que votre putain de feu rouge. Le genre qui vous pousse aussi à démarrer et griller le dit feu rouge parce que vraiment, cette bagnole est louche. C’est peut-être moi qui ait un sixième sens en fait, parce que le coup de feu, je l’ai pas rêvé !

- Pas la voiture bande de connard ! Je l’ai emprunté !

Je donne un brusque coup de volant pour éviter un piéton –c’est quoi ces cons qui traversent sans regarder ?- et entend par la même occasion un bruit sourd venant de derrière. Je jette un rapide coup d’œil derrière moi et je ne sais pas si je dois être amusée, atterrée, ou énervée par la tête blonde que je reconnais quasi instantanément. On va choisir l’option D : faire comme si tout était normal :

- Yo, ça roule ?

Mon dieu, je les enchaîne les jeux de mots débiles aujourd’hui !

- Tu devrais t’attacher, ça risque de secouer un peu.

Je prends le temps de choper un Twix et d’ouvrir le paquet avec mes dents, continuant de rouler comme une tarée sur l’axe principal de Chicago.

- Oh et pour information : j’ai pas le permis.

Le croque dans le gâteau puis tourne brusquement dans l’artère de droite, faisant piler net une camionnette. Le conducteur me fait des grands gestes, auxquels j’ai pas vraiment le temps de répondre. J’ai toujours des mecs armés au cul dans l’histoire. Et en plus, il y a Axel qui se rajoute dans l’équation. Si elle crève une deuxième fois, je suis pas certaine que Max s’en remette.

Je note sa réponse ironique à mon jeu de mot involontaire. Bien, au moins elle a de l’humour. Ça serait pénible de voyager avec quelqu’un de coincé.

- Emprunté, volé...

Et hop ! Encore un beau virage négocié à contre-sens ! Je suis trop géniale ! J’me demande bien pourquoi j’ai jamais eu mon permis.

- C’est jouer sur les mots ! Mais celle-là, je l’ai emprunté.

Bah ouais, j’ai laissé un mot au propriétaire et j’ai l’intention de lui ramener sa caisse. Qu’est ce que j’en ferais à long terme ?! Je l’entends ouvrir la boîte à gant et me permet un rapide coup d’œil lorsqu’elle m’interpelle.

- Ouais. Mais je suis pas fan. Et c’est pas à moi.

Mon rétroviseur m’apprend que la jeep n’est plus derrière moi, ce qui me laisse un étrange goût de fausse sécurité. C’était trop simple. Je ralentis un peu l’allure et en profite pour m’attacher. J’ai pas spécialement envie de faire un trou dans le pare-brise si jamais j’me chie. Je me permets un léger soupir de soulagement et m’arrête même au feu. Juste pouvoir respirer quelques secondes, c’est cool.

Un truc attire mon attention : c’est quoi ces boutons avec le petit mustang dessus ? Ouais je sais, c’est pas forcement le bon moment pour ça mais... Je m’amuse quelques secondes à faire défiler les options sur le tableau de bord, avant de laisser échapper un « oh » jouissif. Mode circuit. Ça a l’air trop cool ! Je sélectionne l’option, juste avant de voir la bagnole surgir sur l’avenue à quelques centaines de mètres.

- Et c’est reparti pour un tour !

Démarrage sportif, check ! On se retrouve plaquée sur nos sièges, alors que le moteur se fait entendre pour la première fois, couvrant la musique :

- Rho, c’est trop coooooooooool ! Je sais pas si je vais la rendre cette bagnole !

Quelle idée d’avoir activé le mode silence sur une voiture pareille, je vous jure ! D’ailleurs j’entends à peine un de mes portables sonner. La poisse. Au pire moment. Et impossible de le choper sans lâcher le volant... Heureusement, on est deux !

- Tu sais, le permis, c’est juste un mec qui décide si t’es capable de rouler. Je balance ça assez fort pour qu’Axel m’entende. Pas besoin d’un papier pour me dire ce que je suis apte à faire ou pas. Et tu devrais faire pareil. D’ailleurs, tient le volant pendant que je bricole deux-trois trucs !

Je regarde pas vraiment si elle m’obéit, de toute manière, si elle veut pas qu’on se plante, faut qu’elle y mette du sien ! Je tâte mes poches et attrape enfin celui qui demande de l’attention. Numéro inconnu. Courant. Ils laisseront un message, j’ai pas vraiment le temps. Je reprends le volant, tout sourire, ignorant son regard assassin :

- Tu vois, toi aussi tu sais conduire !

Ouais, j’ai pas des exigences très élevées. Un coup d’œil au compteur m’indique que je commence à vraiment rouler vite pour du centre ville. Mais en même temps... le compteur va jusqu’à 260km/h... Tentation, quand tu nous tiens...

- Fais nous sortir de la ville !

Je pointe le gps du doigt, alors que je me reconcentre sur la route. Cette journée est peut-être pas si pourrie que ça, au final. Je commence même à m’amuser !

- Emprunté, volé...

Hum... Je fronce le nez à sa réponse avant de me retrouver projetée sur le côté. La bombasse a prit un putain de virage et si elle n'avait pas couché avec mon homme, je l'en aurais sûrement félicité. Parce que ouais, c'était un sacré bon moove.

- C’est jouer sur les mots ! Mais celle-là, je l’ai emprunté.

Ouais... ça me rassure pas des masses. Quand est-il de Maxwell alors? Elle espère me l'emprunter? Putain Axel! Je me désespère! Je suis dans la voiture de la mort et je ne pense vraiment qu'à ça? Je secoue la tête, exaspérée par moi-même. J'ai dit que je faisais confiance en mon troll. Donc... je dois ranger cette jalousie mal placée à quelque part. L'urgence est de se sortir de cette situation. En fouinant dans la boîte à gant, je trouve un flingue et forcément, je questionne la ténébreuse à ce sujet.

- Ouais. Mais je suis pas fan. Et c’est pas à moi.
- Moi non plus, je ne suis pas très fan, admis-je en remettant l'objet à sa place.

Dans l'immédiat, nous n'en avons pas besoin et j'espère que ça n'arrivera pas. Cependant, je garde dans un coin de ma tête qu'une arme à feu est à notre disposition.Tout comme je note qu'il s'agit d'un pistolet SIG SAUER. Pas un modèle d'entrée de gamme qu'on retrouve à 400 dollars. Non. C'est une arme de luxe, à plus de 2 000 dollars. En même temps, rien d'étonnant quand on voit la bagnole. Putain... mais à qui elle a "emprunté" cette voiture? A la mafia Italienne? Un truc du genre? Ghilian ralentit. Est-ce que ça signifie la fin de cette course poursuite digne d'un film d'action? A tout hasard, je me risque un regard vers le rétroviseur. Je tique pendant qu'elle met la ceinture.

- C'est trop simple, que je soupirs.

L'un dans l'autre, ça ne semble pas l'intéresser plus que ça. Je la vois jouer avec les boutons du tableau de bord. Je me pince les lèvres et me retiens de faire le moindre commentaire. Parce que là, ce n'est pas trop le moment de faire mu-muse. Un nouveau soupir et je tend mon bras vers l'arrière pour chopper une barre chocolatée. Si je dois mourir une nouvelle fois, hein, autant que je m'accorde un dernier plaisir. Pile quand je déballe ma gourmandise, Ghilian démarre au quart du tour. Surprise et plaquée contre mon siège grâce à la force gravité, j'en lâche ma sucrerie.

- Et c’est reparti pour un tour !
- J'ai fait tomber mon Mars.

Ouais! J'ai que ça à dire de toute façon. Je préfère, et de loin, me concentrer sur cet aspect insignifiant. Parce que si je commence à réfléchir à tout le reste, nos chances de survies, etc... je risquerais de péter une vraie durite. Donc... je reste calme et je tente de récupérer ma barre de chocolat. Sauf que comme je l'ai dit, avec la vitesse, je reste clouée à mon siège et finalement, je préfère me cramponner à mon siège.

- Rho, c’est trop coooooooooool ! Je sais pas si je vais la rendre cette bagnole !
- Moi non plus j'sais pas si tu vas la rendre...

Nuance. Je ne sais pas si elle sera en mesure de la rendre! Elle et moi, aplatit comme des crêpes ou criblées de balles, ça va lui être difficile de rendre les clés à son propriétaire. Et encore une fois, je préfère ne pas relever le fait qu'elle compte bel et bien "voler" cette voiture. Le moteur de la bagnole, avec la musique, ça fout un boucan d'enfer. Je m'entends à peine penser et pourtant, croyez-moi que c'est difficile de couvrir le fil de mes pensées. Je pense fort, je pense vite, je pense beaucoup... même quand je ne pense à rien. Une sonnerie de téléphone retentit et parvient malgré tout jusqu'à mes esgourdes. Un regard en biais vers Ghilian et je ne peux m'empêcher de me demander si, l'appel qu'elle reçoit, c'est celui de Maxwell.

- Tu sais, le permis, c’est juste un mec qui décide si t’es capable de rouler.
- Ouais...

Mes claires prunelles sont entièrement rivées sur elle, sur ses lèvres. Je me concentre sur ce qu'elle dit pour combler le fait que je l'entende mal.

-  Pas besoin d’un papier pour me dire ce que je suis apte à faire ou pas. Et tu devrais faire pareil. D’ailleurs, tient le volant pendant que je bricole deux-trois trucs !
- Quoi?!

Pas le temps de réfléchir, ni de protester, je me saisi du volant. A ce moment précis, mon coeur bat sûrement aussi vite que cette foutu bagnole et malgré-moi, je lance un regard noir à Ghilian. Si on fonce droit dans le décors, à cause de moi, et bien ça sera de sa faute! Je vous le dis tout de suite! Cette situation ne dure qu'une toute petite poignée de secondes mais je vous jure, je nous ai vu mourir plus de milles fois. Lorsqu'elle reprend enfin le contrôle, je me vautre sur mon siège, en lâchant un soupir.

- Tu vois, toi aussi tu sais conduire !

Nouveau regard assassin. C'est trop tôt pour blaguer à ce sujet. Mon palpitant est toujours sur le point de transpercer ma cage thoracique pour fuir cette situation le plus loin possible. Même si... j'avoue que cette montée d'adrénaline n'est pas désagréable. Je ne me suis jamais sentie aussi vivante depuis mon retour d'entre les morts.

- Fais nous sortir de la ville !

Elle me montre le GPS mais moi je regarde derrière nous. Je pense que pour le coup, nous avons vraiment semé la jeep. Entre les embardées et le compteur qui plafonne à 200 km/h, cette jeep n'avait aucune chance. Toutefois, je ne proteste pas et cherche rapidement une adresse sur l'appareil. D'ailleurs, tout en tapant des coordonnées, je remarque un détail qui n'est pas négligeable.

- Ghilian, t'as fait la réserve de sucreries mais tu n'as pas pensé à faire le plein?

C'est une vraie question, pas un reproche. Moi la première je pense à nourrir mon estomac. Ce genre d'oublie rendrait dingue Maxwell, si il me laissait conduire sa camaro. Des fois je me dis qu'il aime plus sa bagnole que sa femme 2.0. Bon! En attendant, la jauge d'essence a pas mal chuté. Quoi qu'elle ai envie de faire, qu'elle en profite bien car ça ne va pas durer ad vitam.

Bref! Je ne m'attarde pas sur ce détail et la guide à l'aide du GPS. Vu l'allure à laquelle elle roule, je préfère qu'elle garde ses deux yeux fixés sur la route pendant que moi, je lui donne les instructions. Nous ne mettons pas beaucoup de temps à quitter la ville et une fois en dehors de Chicago... les routes sont à nous. Elle accélère encore et je comprends pourquoi elle voulait quitter le centre-ville. La bombasse veut profiter à fond de ce que cette voiture peut offrir et lorsqu'elle nous fait un dérapage contrôlé... j'éclate de rire. Maintenant qu'un malfrat n'est plus à nos trousses, je me relâche un peu.

- Vas-y Ghighi! Met-la gomme!

Je peux, l'espace d'une minute, oublier qu'elle ai couché avec mon troll. Parce que franchement... c'est trop l'éclate! Parce que sérieusement, c'est grisant! Parce que putain... c'est kiffant! L'espace d'un instant, j'ai l'impression de revivre mes jeunes années. Par contre, je rigole un peu moins quand je vois des gyrophares clignoter dans la nuit.  Je déglutis. Je regarde derrière moi.

- Et pour ça... t'as une solution?

Dire que j’me sens conne lorsqu’Axel me fait remarquer que j’ai pas fait le plein est un euphémisme... Mais en même temps, l’arrêt à la station service, c’était pour mon ventre, pas pour la bagnole ! ça consomme ce petit bolide quand même... Je m’abstiens de répondre, mon silence étant assez éloquent : bah nan, j’ai pas fais le plein. La loose totale.

Mais ce détail me sort de la tête dès que la sortie de la ville se fait sentir ! Plus de jeep à l’horizon... Enfin la liberté !Enfin... Bon ouais... La limitation, je lui ai un peu chié à la gueule, mais c’était pour la bonne cause ! Je voulais pas mourir criblée de balle dans une si belle voiture ! Puis je pense que Axel voulait pas re mourir si tôt non plus. Mais au pire, ça lui aurait servi de leçon ! C’est pas très poli de monter en scred dans la bagnole des gens.

J’accélère à fond, regardant avec extase l’aiguille du compteur se rapprocher de sa limite. Ça rappelle de vieux souvenir tout ça. Faudra vraiment que je me fasse une virée un de ces quatre mais seule, c’est moins fun. Oh. La route se sépare... Hum... le temps de prendre une décision –je vais tourner- que c’est un chouia trop tard pour prendre le virage correctement... Tant pis ! dérapaaaaaaaaaaaaaaage !

Je sursaute presque quand j’entends Axel éclater de rire à côté de moi ! C’est que je l’avais oublié l’espace d’un instant. J’allais pour faire une remarque sans doute très spirituelle, qu’elle me coup dans mon élan en m’enjoignant d’aller plus vite. Et en m’appelant « Ghighi » au passage. Une première.

... Notre relation a évolué très vite je trouve... Pas que j’aille m’en plaindre, mais... Bon après tout, je suis certaine que Max apprécierait de nous voir comme ça qu’en train de nous jeter des trucs à la gueule.

- Je suis désolée, mais je peux pas vraiment aller plus vite... Je suis au max !

En vrai, je crois que j’ai trouvé qui embarquer dans mes prochains road trip. Maxwell serait beaucoup trop rabat joie et critiquerait sans doute mon style de conduite. Sauf s’il décède avant. Ça serait con, je l’aime bien, cet asocial. Puis forcement, alors qu’on commence à peine à s’amuser, il y a les poulets qui débarquent. Putain. Bandes de trouble-fête !

- Ouais j’ai une solution... Tu pries pour qu’ils soient corruptibles. Sinon, on perd notre temps on commissariat.

Je freine –un chouia trop brusquement- et me range sur le côté, sortant déjà ma pièce d’identité et les papiers du véhicule. Bah ouais, j’emprunte bien correctement les choses, moi.

- J’aurais vraiment dû le faire, ce plein...

Je soupire, jetant un regard désolé à Axel.

- Nan mais à l’occasion, faudra se remettre ça, mais pas besoin de te ranger dans le coffre.

J’ouvre la fenêtre et m’allume une cigarette. Nan mais ils roulent à 2 à l’heure les flics où comment ça se passe là ? j’ai pas leur temps ! Enfin ils se garent derrière nous, sortent... Les mains en évidence –je connais la chanson avec ces gens- je tends les papiers avant même qu’ils me les demandent.

- Vous savez à combien vous rouliez ?

- A une vitesse autorisée par le constructeur.

Oups. C’est sorti tout seul. Bon au moins c’est clair, il a pas le sens du l’humour. Oh, ça va être long. Je sors du véhicule sans entrain lorsqu’il l’ordonne et aggrave vraisemblablement mon cas lorsque je lui demande s’il y a pas moyen de s’arranger.

- Soirée au poste !

Vu les regards qu’on me lance, j’ai encore parlé à voix haute. J’explose de rire, qui se fane un peu lorsque je sens l’acier glacial des menottes sur mes mignons petits poignets. Mais ! J’ai rien fais qui les justifie ! Enfin j’ai juste tenté de le soudoyer... J’ai rien dis d’outrageant encore... Pas encore... Z’êtes prêts ? Vu qu’il à l’air aussi aimable qu’une porte de prison –riez !- ça va pas être difficile :

- Des menottes ? Je les aurais espérées dans un autre cadre m’sieur l’agent !

Je suis sûre que c’est suffisant pour rallonger la liste des délits qui vont m’être reprochés. Je ne peux pas m’empêcher d’arborer un petit sourire en coin quand on me pousse dans la bagnole noire et blanche. Axel a l’air moins sereine que moi, alors je lui adresse un clin d’œil quand elle a l’insigne honneur de se retrouver à côté de moi.

- Et surtout pas de rayure sur la bagnole ! ça coûte au moins six fois vos pauvres salaires de lui refaire une beauté !

Je braille à l’adresse de l’agent qui va poser ses sales patte sur ma mustang. Enfin, la mustang que j’ai emprunté.

- Hé psst, Axel !

Soudainement discrète, je lui lance un grand sourire, avant de continuer tout bas :

- Tu veux voir un tour de magie sans effets clinquants ? Regarde !

Je lève les mains, tenant mes menottes du bout de mon index.

- Pas mal hein ?

Ouais, je frime ! Et alors ? J’me repasse les menottes, ni vu ni connu, puis m’étire :

- Tu me réveilles quand on arrive ? C’est le bon moment pour dormir. Les cellules sont pas confortables dans les postes de police...

Quand j’y pense... La situation est surréaliste. J’me retrouve embarquée avec la femme ressuscitée de mon ex-amant, après une course poursuite dans Chicago. C’est beau. Encore un truc délirant à rajouter à la liste de choses improbables qui me sont arrivées depuis que j’ai débarqué dans cette ville...

Les flics sont à nos trousses! Putain bordel de merde! On peut me rappeler pourquoi j'ai eu l'idée géniale de grimper à l'intérieur du coffre? Non parce que là, j'ai du mal à comprendre! Je ne veux pas contribuer au cliché de la blonde idiote mais là... franchement... j'y contribue énormément!

- Ouais j’ai une solution... Tu pries pour qu’ils soient corruptibles. Sinon, on perd notre temps on commissariat.
- Quoi? que je m'étrangle.

Spoiler alerte! Je suis morte! Officiellement, je le suis encore. Mon certificat de décès n'a pas sauté comme par magie. Franchement, Abraxas aurait pu y penser! J'en sais rien, moi, c'est la base. LA BASE! Je pense que ça devrait être vendu avec le kit du "bonjour belle au bois dormant, tu as dormi pendant un an et demi et pendant ce temps ton mec se tapait une autre". Oups. Voilà que je recommence. Focus, Axel! Le freinage violent de Ghilian m'aide à me recentrer. Malgré ma ceinture de sécurité, je me sens partir. Putain c'est... okay. C'est fun. Le poste de police, ça, ça le sera moins.

- J’aurais vraiment dû le faire, ce plein...

Je tourne mes yeux vers elle et soupir également. Ouais, elle aurait dû... mais est-ce que je peux lui en vouloir? On va dire que non. En fait non, ce n'est pas de sa faute. Enfin si... peut-être? J'en sais rien. Bon bref! Je ne vais pas la tuer parce qu'elle a oublié le plein. Si je devais la tuer, j'aimerais autant que ce soit pour quelque chose de plus important. Genre elle qui me repique encore une fois mes pop-corn préféré. Vous voyez le genre?

- Tu pouvais pas savoir.

Moi non plus, je ne pouvais pas savoir en m'engouffrant dans ce coffre. Est-ce que Maxwell connaît les tendances cléptomane de Ghilian? Je commence à me dire que c'est son kiff, les délinquantes. Je me rappelle qu'à notre première rencontre, il m'avait surpris en train de hacker les fichiers de la police.

- Nan mais à l’occasion, faudra se remettre ça, mais pas besoin de te ranger dans le coffre.

Je lui lâche un petit sourire. Non, en effet. On va éviter, le coffre. Pour le reste, on verra comment cette histoire se termine. J'inspire, je gonfle mes joues d'air et j'expire lentement. Je ne dois surtout pas céder à la panique. Ghilian est super détendue, à fumer sa cigarette. C'est peut-être que notre cas n'est pas si désespéré que ça. Ouais... j'espère. Vraiment. Mon coeur tambourine contre ma cage thoracique, j'ai l'impression qu'il va me claquer entre les doigts.

- Vous savez à combien vous rouliez ?
- A une vitesse autorisée par le constructeur.

J'ai envie de rire et de pleurer en même temps. C'était drôle, bien lancé mais putain, Ghi! Ce n'est pas le moment! Je déglutis et me cramponne à mon siège. Ce qui ne changera rien à la situation. La brunette quitte le véhicule comme l'officier le lui a demandé. C'est quoi, la suite? L'alcoolo-test?

- Soirée au poste !

Quoi?! Oh putain, non! Vous pensez que si je ne bouge pas, on va m'oublier? Dans le doute, je me fige. C'est loupé quand on me demande de sortir également pendant qu'on menotte la brunette. Et merde, putain! Moi aussi, en plus, on m'entrave. Sérieux... la dernière fois qu'on m'a passé les menottes, c'était pour quelque chose de plus fun... et j'aurais aimé que ça reste ainsi.

- Des menottes ? Je les aurais espérées dans un autre cadre m’sieur l’agent !
- Faites pas attention à elle, messieurs l'agent, elle est attardée mentale.


Excuse de merde. Je serais une bien horrible personne si je laissais en effet une personne déficient mentalement conduire une voiture à cette allure. Elle est juste inadaptée socialement... et ça beh je ne peux pas le lui reprocher. Je vis avec un homme inadapté socialement, mais d'une autre manière. L'angoisse monte d'un cran lorsqu'on me fourre dans la voiture de police. Merde. Merde. C'est que ça devient réel. Ghilian me lance un clin d'oeil et franchement, ça me laisse un espoir bien naïf qu'elle a peut-être une issue de secours à me proposer. Alors je lui adresse un sourire. On ne va pas contrarier ma carte libération de prison.

- Et surtout pas de rayure sur la bagnole ! ça coûte au moins six fois vos pauvres salaires de lui refaire une beauté !

Mais pourquoi?! On est déjà pas assez dans la merde! Elle comprend pas la notion de "tout ce que vous direz sera et pourra être retenu contre vous?". Il y'a moi qui comprend l'intérêt de fermer notre gueule?! Nah là je panique, ça devient grave. Puis si il fouille la voiture, ils vont retrouver l'arme. Avec mes empreintes! Celles d'une putain de morte! Fais chier. J'inspire. J'expire. Oh putain. Je vois des points danser devant mes yeux. C'est normal que ça tourne? Je crois que je frôle la crise d'angoisse. S'pas le moment. Non. Pas du tout. Je déglutis.

- Hé psst, Axel !

Je me concentre sur la voix de Ghilian, sur ses grands yeux bleus magnifiques. Ouais... c'est vrai qu'elle est super belle. Surtout quand elle sourit comme ça. Putain que je la déteste!

- Tu veux voir un tour de magie sans effets clinquants ? Regarde !

Okay... Finalement je ne la déteste pas tant que ça! Je regarde, émerveillée, son tour de passe-passe! C'est merveilleux, elle va nous sortir de là! On s'échappe et problème réglé! Non?

- Pas mal hein ?
- Carrément!

Attendez... pourquoi elle remet ses menottes? Le sourire qui venait tout juste de naître se meurt aussitôt. C'est quoi l'arnaque. Je la fixe sans comprendre. Beh... il est où l'intérêt de me montrer ça si derrière ça ne suit pas?

- Tu me réveilles quand on arrive ? C’est le bon moment pour dormir. Les cellules sont pas confortables dans les postes de police...
- Tu... attends... quoi?!

Non mais j'hallucine! Mes yeux grand comme des soucoupes, je ne peux m'empêcher de la fixer. Elle se fout de ma gueule. Non mais sérieusement, elle se fout de ma gueule? Elle va sortir un chapeau magique de sa superbe chevelure, hein? Elle va nous sortir de là, n'est-ce pas? Pourquoi je sens que non? Putain de merde! Je me penche un peu plus vers Ghilian pour être certaine que personne d'autre nous entends.

- Ghilian... on a... enfin, j'ai un gros soucis. Je suis toujours officiellement morte. Comment tu veux que j'explique qu'en fait je suis toujours vivante? C'est la merde, la grosse merde. Genre comme dans... bah de la merde qui ressemblerait à de la bouse de vache radioactif. Donc si t'as un super plan d'évasion, ma belle pelleteuse de crotte, c'est maintenant.

C'était peut-être pas le moment de l'assimiler à une pelleteuse de crotte mais c'était pour aller de paire avec ma comparaison. Puis j'ai précisé qu'elle était belle, pour une pelleteuse. Je suis pas vache, non plus.


Bah vous savez c'est quoi le plus beau? Aucun plan d'évasion. Zéro. Niet. Nada! La voiture arrive à destination et toutes les deux, nous finissons dans une cellule. Putain... c'est la méga chiasse de taureau. Je sais pas... qu'est-ce qui pourrait être pire, franchement? Croiser Dante? La bonne blague. Finir dans la même cellule que Nathan? Ah ah. Ouais non, il s'est rangé le p'tit gars. Je soupirs. Maxwell va me tuer.