So, what's your problem? [ft Shawn]

Une journée de congés volontaire me trouve non pas au volant de ma voiture, profitant d'une bonne révision au garage, mais à vélo sur les trottoirs de la ville. Le vélo c'est censé être sur la route? Dites ça aux cons qui ouvrent leurs portières sans regarder d'abord. Sur la route, je suis en danger. Sur le trottoir, je suis le danger. Le choix est propre et rapide. Bon zut, je veux bien que Chicago est un embouteillage constant, mais ils n'avancent pas vite quand même. Les feux du carrefour sont en panne? Deux camions de pompiers ont réussi à se caramboler? Sérieux, je suis curieux. Alors je donne un coup de pédale pour accélérer, descendant un trottoir pour sauter cui d'en face sans m'occuper des feux verts ou rouges du passage piéton à coté duquel je suis passé. Et même si un flic avait un truc à me redire, il ferait quoi? Me taperait sur les griffes? J'en gronderai presque de rire.

Parlant de grondement, j'ai pas besoin d'arriver sur les lieux pour entendre les grondements furieux que je ne reconnais que trop bien, accompagnés de gueulements d'humains trop stupides pour comprendre que c'est pas en hurlant sur un fauve qu'on le calme. J'arrête à peine mon vélo avant d'en descendre, la roue avant continuant de tourner dans le vide alors que j'ai déjà filé. Et derrière les voitures et la foule en délire? Mon vieil ami Sahar prix en tenaille entre une demi-douzaine d'humains pensant le calmer en criant. Oui je me répète, fait exprès.

"Dégage."

Cui-là était sur ma route. Dépassant les voitures, je pénètre dans le cercle privé en me souciant peu de ces hommes me conseillant rudement de reculer. Si j'ai envie de mourir? Pas prévu au programme, pourquoi? Le félin gronde à mon approche et je lui gronde dessus en retour, laissant mon coté lion exhiber fièrement griffes, crocs et crinière. Ca c'est le vrai moi!

"Eh ben alors, qu'est-ce que tu fous par là toi? Elles vont pas te chercher tes copines?"

Je me rapproche de quelques pas, sans frayeur aucune, jusqu'à ce qu'après un nouveau grondement, l'animal se couche au sol à mes pieds. Bien, y en a un ici qui sait qui est le roi de la savane. D'accord, si c'est aussi simple, c'est surtout que je le connais depuis mon arrivée ici, le gamin. Je viens jusqu'à lui, glissant une main dans sa crinière, entre ses oreilles.

"Ils t'ont collé un stagiaire qui a cru que tu verrai pas la porte ouverte, et t'as filé à l'anglaise pas vrai? Bon viens, on rentre."

Si j'ai envie de le ramener dans sa cage? Pas vraiment, mais ai-je vraiment le choix? Il est bien plus en sécurité dans son minuscule royaume que dans le mien, cela va sans dire. C'est déjà un miracle qu'il soit arrivé ici sans se bouffer une voiture. Le bruit d'un projectile me rappelle soudain la présence d'autres êtres autour de nous, et je n'ai que le temps d'apercevoir la fléchette plantée dans le flanc de l'animal et d'entendre un feulement de sa part qu'il s'effondre, frappé par le tranquillisant.

"D'où cela vous était utile? Stupide crétin."

Si je suis énervé? A peine. Toujours est-il que je me relève en direction du tireur, bien en peine de recharger un fusil que je lui prend des mains avant qu'il n'ai réussi. Une piqure vive dans mon omoplate change la donne comme mes jambes me lâchent quasi aussitôt, et je ne vois pas le sol finir de m'engouffrer. Toujours veiller sur ses arrières, qu'on m'avait appris.


Reprenant mes esprits, je me réveille brusquement, pour constater un changement drastique de décor. Une cage, telle que j'en ai connue lors de mon séjour temporaire dans la collection personnelle d'un cirque. De quoi me faire paniquer un instant, mes mains s'armant de griffes attrapant les barreaux de ma prison, mes crocs à deux doigts de poindre lorsque je comprendre ne pas être seul dans la place. Je reprend le contrôle de ma métamorphose avant de jeter un œil dans la cage suivante, où se trouve un homme à demi avachi sur ses propres grilles. Génial, j'avais besoin d'un poivrot avec lequel finir ma soirée. Je retire mes mains de mes barreaux en soupirant. Si j'avais la force d'un vampire, ça se saurait. Mais avoir été enfermé une fois dans ma vie m'a largement suffit.

M'avouant finalement vaincu, je relève la tête en direction de la cellule voisine quand son occupant semble reprendre vie. J'espère qu'il a décuvé un peu, au moins, bien que mon flair de fauve m'indique qu'il pue l'alcool à 5m.

"Qu'est-ce tu fous là toi? T'as cru pouvoir la boire, cette bouteille de plus?"

M'étonnerait qu'il ai tenté de défendre un lion contre une bande de crétins en uniforme de la brigade de contention des animaux sauvages... il aurait plutôt tenté de vider un seau complet d'un alcool trop fort pour lui.

Génial, j'v'la qu'il a envie de gerber. J'compte pas passer la nuit à coté d'un alcoolique qui gerbe tout ce qu'il s'est engouffré dans l'estomac... et après il va avoir envie de pisser... non mais j'suis pas à ma première cuite, je sais à peu près comment ça fonctionne.

"T'es gentil, tu te retiens. Ou t'appelle la flicaille pour qu'ils t'indiquent les chiottes. C'que j'sais c'est que si tu gerbe là j'te le fait r'bouffer, c'clair?"

Putain j'ai mieux à faire que trainer ici, c'est tout ce que je sais. Je jette un nouveau regard aux barreaux qui m'entourent, tentant de voir si il y en a de plus espacés que d'autres. Vous savez ce qu'on dit des chats, si la tête passe, tout passe. Le problème étant que je ne suis plus un chaton depuis longtemps, et là, je ne passe pas, y a pas à tergiverser. Je m'asseois sur la banquette, frappant mon crane sur les barreaux avant de décider que coincé pour coincé, me changer les idées pourrait être une bonne idée.

"On est coincés là pour un bout de temps, alors si t'as fini de te vider par les deux cotés, on peut causer. Jack."

Ok, comme première impression on a déjà fait mieux. Alors je finis par glisser la main entre les barreaux, du moins jusqu'à ce que je puisse plus avancer le bras, utilisant des manières pus civilisées.

" 'Scuse, j'suis claustro. Et quand j'suis enfermé, j'suis con."

Shawn hein? Et bah Shawn, mon ami, t'as pas le compas dans l’œil. Ou alors tu me vois trois mains et tu sais pas laquelle est la bonne. Ah quand même, il finit par viser juste! J'y croyais plus!

"Et t'y étais tellement bien que t'as prévu d'y retourner? Fallait faire une connerie sur place pour pas en sortir, plutôt."

Pour ma part, une heure là-dedans et je tourne déjà en rond. Comme un lion en cage, dirait-on. C'est exactement ce que je suis. Un lion blanc en cage, surpassé par les mauvais souvenirs d'une expérience du même genre ayant mal fini. La dernière fois, j'en suis venu à enfoncer mes crocs dans la gorge de mon geôlier. Espérons que je ne doive pas en arriver à de telles extrémités aujourd'hui. Je fais encore des cauchemars de ce meurtre qui m'a laissé les mains tâchées de sang, et ce même si c'est avec une bonne raison et sous ma forme de lion qu'il a eu lieu.

"Bon, un conseil, apprend à tenir l'alcool. Marche droit, ne parle pas au flic de droite, c'est toujours cui que seul ton alcoolisme voit. Et si t'es convaincant, dans deux heures t'es dehors. Sinon... bah tu vas dormir là. Bon d'ailleurs c'est pas l'tout."

Je me relève de la banquette pour me planter face aux barreaux, passant les bras à travers, en mode presque décontracté. Le fait que je gueule plutôt que parle étant le seul indice de mon impatience.

"Sinon, vu que y a pas mort d'homme, j'sors en quelle année?!"

Si y a quelqu'un derrière la porte blindée? J'y compte bien. J'passe pas la nuit là moi!

Fêté la sortie... J'en connais un qui est pas au courant qu'après la taule, une goutte d'alcool te renvoie en cabane. Comment que j'suis au courant de ça moi? Y a de très bonnes émissions documentaires sur ABC, il devrait essayer. Je siffle, autant pour marquer mon ahurissement que sa connerie, quand il me parle de dix verres. Putain, au cinquième j'suis par terre moi. Ok, il a pas dit verre de quoi. Si c'est du cidre, ça risque pas d'y faire grand effet non plus.

"Sinon y en a qui se payent une catin pour fêter ça. Si tu veux des adresses..."

Un spécialiste? Je dirai que ça m'est arrivé, à l'occasion. Au moins jusqu'à l'apparition de Meetic. Y a même plus besoin de payer maintenant.
Je jette un coup d’œil désespéré en direction de mon voisin quand il me demande une nouvelle fois d'arrêter de gueuler, le bruit d'une porte s'ouvrant me retenant dans ma prochaine réplique.

"Garde-a-vue. C'est trois mots que tu ferais mieux d'apprendre à connaitre, Crawford. Tu sortira demain. Si tu trouve comment fermer ta grande gueule. J'peux prolonger de 72heures si tu m'emmerdes."

La porte se referme aussitôt, et je m'énerve une seconde sur les barreaux avant que la question de l'homme me prenne assez par surprise pour calmer ma prochaine connerie.

"Jack. De nouveau." L'alcool ça joue sur la mémoire on dirait. "Un pote à moi s'est fait la belle. Ils ont rien trouvé de mieux que lui coller leur saloperie de seringue hypodermique. Un vrai poison ce truc. J'me suis mis entre deux, j'me suis r'trouvé là après une bonne sieste."

Un pote à moi? Oui, un lion de 200kilos qui n'avait rien demandé à personne. Parlant de lion... C'est bien à 20km à la ronde qu'on nous entend rugir? Attends que je m'énerve vraiment, monsieur le flic, ça se pourrait que tu ne dorme pas tranquille ce soir. De toute, l'autre est trop bourré pour remarquer un fauve d'un quart de tonne, alors...