Je t'ai manqué ? [Anya & Ryan]

Ca fait quelque temps que je suis rentré et maintenant, je m'amuse à éviter de croiser Mina en essayant de changer de pièce lorsqu'elle arrive dans celle là où je suis par exemple. C'est soit ça ou je lui dis droit dans les yeux qu'elle ferrait mieux de se casser et ne plus remettre les pieds ici sinon je lui brise la nuque. Mais j'ai promis à Dim de pas mettre sans dessus dessous sa chambre d'hôtes. Au début, je trouvais que cette technique marchait plutôt bien, une façon de l'oublier quoi, mais quand mes narines me rappellent H24 qu'elle vit au même endroit que moi... Ca devient rapidement difficile à supporter... La seule chose que j'ai trouvé pour y remédier ce sont les sorties la nuit (bien sûr) où je peux respirer autre chose que son odeur nauséabonde.
J'ai donc demandé à Ryan si il voulait bien venir marcher avec moi ce soir. Il est le seul sur qui je peux m'appuyer en ce moment... Pas que je mets de côté Dim, mais j'ai l'impression de ne plus le comprendre après l'arrivée de Mina. Je ne comprends pas comment il peut tout lui pardonner comme ça.

Heureusement pour moi, il était dispo et m'emmène dans sa voiture au Lincoln Park. Voiture qui puait le sorcier d'ailleurs. C'est un message pour que j'aille buter un autre mec ? Je le fusille quelques secondes du regard sans rien dire pendant qu'il était au volant. Il s'attend sûrement à ce que je demande des explications mais je vais essayer de m'abstenir de tout commentaire de ce type pour ce soir.  Il sait que je sais. Ca suffit pour qu'il le prenne comme un avertissement. Mais, je promet rien pour demain... Qu'il profite donc que je dise rien pour l'instant. Ce genre de truc n'arrive que tous les dix mille ans.

On arrive à destination et on rentre dans le parc qui a cette heure-ci est beaucoup moins visité qu'en pleine après-midi. Pendant qu'on marchait, j'avais glissé ma main dans la sienne.
Mon regard se tourne vers lui qui se tenait donc à côté de moi.

- Merci de m'accompagner. J'avais vraiment besoin d'air.

Je connais bien assez Anya pour savoir qu'elle ronge son frein, et même qu'elle fait des efforts désespérés pour respecter la promesse qu'elle a fait à Dmitri concernant Mina. C'est peut-être mon coté humain qui parle, disons, ma méconnaissance de la société vampire et de ses règles, mais j'ai envie de penser que si ces dames posaient toutes leurs cartes sur la même table l'espace d'un instant, elles se rendraient compte que le problème qui les oppose n'en est pas un. Mais pour être honnête, je tiens juste assez à la vie pour ne pas m'en mêler pour le moment. C'est pas à moi de m'en mêler. Message subliminal en direction de Dmitri si jamais.

Alors quand Anya me propose une sortie pour la soirée, clairement que je ne refuse pas, et dès que la possibilité de sortir lui est offerte par le soleil descendant et les vitres teintées de la Mazda, je l'emmène en voiture où elle le souhaite. Lincoln Park, bon choix. Pour tout dire, il y a un moment que je suis allé me promener dans ce parc, pour ma part. Son regard noir ne m'échappe pas, mais je n'ai pas d'explication à donner sur l'odeur qui doit surement trainer dans la voiture et sur laquelle elle a surement tiqué. Enfin, si elle me la demande, je la lui donnerait, mais si elle ne demande pas, je vois mal pourquoi j'irai pourrir l'ambiance à insister sur le sujet.

Marchant dans le parc, je sens sa main se glisser dans la mienne et je glisse mes doigts entre les siens, raffermissant ma prise alors que je sens son regard sur moi.

"C'est normal. Pis ça nous fait du bien de sortir un peu, toi et moi. Sans avoir Dmitri sur le dos j'veux dire. Il sait qu'on a plus quinze ans tu crois?"

Je ris sincèrement à la pensée que vu la différence d'âge entre lui et nous, quelque part, je suis à peu près certain qu'on aura toujours quinze ans à ses yeux. Ou plutôt que Anya en aura quinze, et moi quelque chose comme cinq ou six. C'est une de ces réalités avec lesquelles j'ai accepté de vivre en intégrant cette famille, même si parfois, placer le mot "couple" plutôt que "famille" dans une conversation ne fait franchement pas de mal.

"Tu te rappelles nos premiers rancards? De l'autre coté de l'Atlantique? J'avais connu l'Enfer, j'attendais plus grand chose de beau de la vie... et j't'ai rencontré."

Mon regard accroche plus facilement les étoiles qui profitent du seul endroit à peu près non éclairé de la ville pour se montrer que le chemin devant nous, mais j'ai toute confiance en Anya et ses réflexes. Si j'me mange un lampadaire, c'est qu'elle l'aura souhaité.

Pendant notre promenade, je glisse ma main dans la sienne. J'ai besoin de sentir sa chaleur, de sentir qu'il est là. Dans ces moments là, il est ma source de réconfort.

- C'est foutu, tu sais bien. Faut croire que l'éternité fait perdre la notion du temps chez certains. Même si ça reste pas une raison pour foutre son nez dans nos affaires...

Je dis ça parce que j'en ai un peu marre que Dim se la ramène à chaque fois dans notre couple. Non seulement, il est à l'affût de tout mais en plus, il faut qu'il donne son avis sans rien demandé à personne. Certes, ses interventions m'ont parfois évité de faire des grosses conneries, notamment, quand nos engueulades avec Ryan allaient trop loin. Mais pour le reste... On peut s'en passer. Et tout ça pour qu'au final, ironie du sort, il me reproche de m'immiscer dans ses affaires avec Mina (ou je dirais plutôt "sa profiteuse"). Avec l'excuse bidon que je ne connais rien à ce qu'ils ont vraiment vécu ensemble... Avant qu'elle ne se casse du jour au lendemain, bien sûr.

Ryan me sort de mes pensées me rappelant que si je suis ici avec lui c'est pas pour repenser à ça. Mes doigts se resserrent dans la main de mon compagnon.  C'est aussi pour ça que je l'aime. Il sait se montrer présent lorsque j'en ai le plus besoin. Je le regarde lever la tête pour regarder le ciel étoilée. Quand il évoque notre rencontre en Angleterre, je plonge dans la nostalgie.

- Comment je pourrais oublier... Ils étaient tous super.

Toute façon, chaque première fois ne s'oublie pas, dont les rencards. Et il y en avait pas un qui était moins bien que l'autre. Je regrette juste d'avoir eu des pensées de prédateur pendant nos premiers rendez-vous. Car je n'ai pas pu en profité pleinement, du moins pas autant de ce que j'aurais pu.

L'Enfer dont il parle, il m'en avait déjà parlé. Pas au début et pas tout en une fois. Ce sont ses cauchemars répétitifs qui ont commencé à lui faire cracher le morceau. La guerre je l'ai connu, c'est vrai et à plusieurs reprises. Le meurtre et la mort aussi. Mais on m'a jamais passé une mitrailleuse pour tirer sur des gens et encore moins sur des enfants eux même armés. Je sais que je peux pas soigner son traumatisme mais si ça lui fait du bien d'avoir quelqu'un avec qui il peut en parler alors je continuerai de l'écouter car je déteste le voir en souffrir. D'ailleurs c'est pour ça que je vais tenter de pas m'avancer sur le sujet.

- Car pour toi c'est une belle chose d'avoir croisé une vampire qui réfléchissait juste à quel sauce elle allait te bouffer ? - Je tire un sourire à moitié amusé et à moitié gêné. - Fin... Au début hein...

Je le précise car même si j'en rigole et je sais qu'il est déjà au courant, j'en ai toujours un peu honte au fond...
ANAPHORE

Ah ça, Dmitri et l'art et la manière de s'occuper des affaires des autres... enfin, pour ma part, je ne lui en veut pas. D'une parce que sans lui, je ne serait peut-être plus là aujourd'hui pour en parler. De deux parce que, jusqu'il y a peu, il devait composer avec le fait de nous tenir la chandelle alors que son couple à lui avait pris l'eau, j'peux assez bien comprendre qu'il espérait bien qu'on prenne pas la même voie. De trois, Pas besoin d'être télépathe pour savoir que pour Dim, Anya est la fille qu'il a jamais eu, comme je le considère comme le père que j'ai jamais eu, alors qu'il veille sur nous, même à l'extrême, pour moi c'est qu'il tient à nous. Et de sa part, c'est énorme.

"Celle-là, j'suis pas sur de t'accompagner pour la lui dire en face. Pas tant que j'ai encore un peu de sang qui circule dans mes veines."

Même si (et je ne le dirai pas devant Anya) je trouve que Mina a une influence positive sur lui. J'le trouve moins réac, du moment que l'idée que Vladimir et Sylvana sont en ville ne lui traverse pas l'esprit. Mais c'est que mon avis personnel. Nous marchons en silence quelques instants, chacun dans des pensées qui n'appartiennent qu'à soi, avant que je n'évoque nos premiers rendez-vous sur une terre ou mon accent anglais n'attirait pas autant l'attention que son accent russe.

"J'suis tombé amoureux de toi avant de comprendre ce que t'étais. Avant que de comprendre que tu savais ce que j'étais. Même si je pensais bien, après coup, que c'est ça qui te ferait fuir avant tout. Mon contrôle sur le feu. J'voyais le danger pour toi. Pas pour moi."

Danger pour elle, ou plutôt une crainte je dirai. Je n'ai jamais eu de souci à contrôler ce pouvoir, contrairement à la téléportation qui m'a parfois donné des sueurs froides, et s'il n'y a pas de source de feu à proximité, de toute manière, je suis incapable de générer ma propre flamme. Je contrôle le feu, j'le crée pas.

"Et va savoir. Peut-être qu'une part de moi souhaitait que tu te décide sur la sauce à laquelle t'allais me bouffer.

Ce qui n'explique en rien l'opiniâtreté que j'ai pu mettre en œuvre pour lui faire la cour, à cette princesse. J'étais pris dans ses filets bien avant qu'elle ne le remarque, et dix ans après, je chante toujours la même sérénade, malgré mes écarts de conduite. Cette femme je l'aime, et je serai prêt à tout abandonner pour elle. Si j'ai déjà abandonné ma patrie pour elle? Mouais, disons que quand une patrie ne veut plus de vous ça sert à rien de s'y accrocher non plus. Je m'arrête sur le chemin pour lui faire face, prenant sa seconde main dans la mienne, plongeant mes yeux dans les siens.

"Toi qui craignais de me faire du mal, tu m'as sauvé, n'en doute jamais. Et pour répondre à la question qui te trotte dans le crâne depuis tout à l'heure, j'ai raccompagné un collègue chez lui avant hier. En tout bien tout honneur. Il tenait pas debout après une mauvaise rencontre avec une porte, j'allais pas le laisser conduire."

Je lâche ses mains pour glisser mes bras sur ses épaules, croisant mes mains derrière elle, non sans lâcher son regard du mien.

"J'suis pardonné?"

De quoi? De l'avoir laissée mariner sa rancœur depuis une demi-heure? De lui avoir imposé des films qui auraient pu être réels, si on se réfère à mes exploits passés? Je l'aime cette femme, comme un fou, mais j'ai jamais été hétéro avant elle. Parfois j'oublie de m'arrêter à simplement reluquer, et pour être honnête, une garde de 24h de trop, accompagnée d'un verre de trop, le tout associé à un mec pas dégueu qui me fait du rentre-dedans, et j'suis faible. Le pire c'est que j'le regrette aussitôt, et je suis convaincu qu'elle remarque que je suis incapable de croiser son regard avant l'odeur sur mes fringues quand je rentre à la maison le lendemain.