On a tous un moment dans la journée où on a une connerie à inventer. Ceux qui me connaissent diront volontiers que chez moi, c'est plus d'un moment par jour, même si je laisse passer la plupart d'entre eux parce que je trouve mieux à faire, que ce soit rapport au boulot, à mon couple, ou à la vie tout simplement. Ce soir j'ai décidé de profiter d'un de ces moments. Parce que je me rend compte que, autant je connais Illusk comme ma poche et bien plus encore, sans parler de la plupart des tunnels autour d'ailleurs, autant, de Chicago, je ne connais vraiment que le quartier où nous nous sommes installés, Les' et moi, et encore.
Donc, ce soir, j'ai décidé d'être un abruti complet et d'aller trainer du coté d'un vieux bâtiment en ruines qui me fait de l'œil à force de le survoler. Et si j'ai proposé à Les' de m'accompagner, comme quoi, je ne suis pas totalement stupide non plus, je ne l'attends pas vraiment avant de franchir la clôture d'un tour d'ailes avant de m'armer de ma lampe torche. J'ai confiance en lui, il saura me retrouver. En attendant, je traverse le terrain vague en ligne droite, sans faire de détour, avec le bâtiment en ligne de mire, me contentant simplement de relever un peu plus les ailes que d'habitude pour éviter de laisser trainer mes plumes dans les débris. Des ailes que je fais disparaitre en arrivant à la porte du bâtiment. Clairement, je passerai pas par le trou déjà probablement ouvert par d'autres aventuriers avant moi avec mes plumes dans le dos. Déjà que sans, j'y arrive pas sans me taper le pied dans une planche et lâcher un juron, alors.

Bref, une fois à l'intérieur, je fais confiance à ma lampe torche pour regarder où je met les pieds. Pas que l'obscurité me dérange plus que ça, on ne peut pas dire que la lumière soit vive à Illusk, même si les Drows ont su se débrouiller pour que l'éclairage soit juste assez fort pour y voir sans vision infrarouge, et juste assez tamisé pour que eux ne se brûlent pas les yeux à longueur de journée. J'ai grandi dans ce monde semi obscur, alors le faible rai de lumière de ma lampe me guide bien plus surement qu'il ne le ferait avec quelqu'un qui n'a connu que le jour toute sa vie durant. Même si ça m'empêche pas de manquer trébucher à plusieurs reprises. On n'est pas parfaits, que voulez-vous.

Un autre truc qui n'est pas parfait, c'est mon instinct, et pourtant, il me fait rapidement savoir que je ne suis pas aussi seul dans le bâtiment que je le pensais. Lesbus? Je l'appelle en cas où, mais sans y croire réellement. Il ferait à peu près autant de bruit que j'en ai fait pour venir jusque là où je suis arrivé. A savoir? Une immense pièce vide hormis un équipement à faire froid dans le dos encore accroché d'un bout à l'autre du plafond. En vrai, je suis sur qu'en y regardant de plus près, j'arriverai à trouver du sang sur les crochets. De quoi m'offrir un frisson non feint et me faire regretter de ne pas avoir attendu un peu d'être deux là-dedans.
Un regret qui me reprend quand je suis convaincu d'avoir vu une ombre bouger. Ou deux. Non, c'moi qui devient parano. Ou pas, celle-là j'en suis sur de l'avoir vue bouger! J'éteins ma lampe, pensant que ça peut être sa lumière qui me joue des tours, et laisse mes yeux s'adapter à l'absence de luminosité tout en retrouvant mes ailes. Quitte à devoir se barrer vite, j'dois pouvoir ne pas trop m'abimer en sortant par la fenêtre.

Un plan qui tombe à l'eau quand un poids m'atterrit soudain dans les plumes, me projetant à terre face la première. Une attaque qui n'est que la première, et si le barrage de mes plumes protège mon dos quelques instants, je sens assez rapidement la première griffure. Malgré ma position peu avantageuse, j'arrive à me débarrasser de mon agresseur et me relever, pour en prendre un second de face. A moins que ça ne soit le même. J'vais pas y poser la question. Reculant sous l'impact, je bat des ailes pour tenter de me dégager, les pointes de mes plumes brisées griffant tout ce qui passe à proximité. M'envoler? J'ai bien essayé, mais faut croire qu'ils ont réussi à m'arracher les bonnes plumes, j'ai aucune portance dans l'air. Je vais donc faire ce qu'il faut pour vendre chèrement ma peau en attendant le secours de mon démon préféré, et en priant pour qu'il mette pas trois heures à ramener son superbe petit cul... ok, focus Amaël, t'es comme qui dirait dans la merde.

Une merde qui me fait commencer à regarder au plafond pour chercher un échappatoire, que je trouve dans ces fameux crochets qui m'ont foutu les foies en arrivant. Je réussis à me dégager juste assez pour sauter dessus et les escalader, espérant me mettre hors de portée en m'installant au dessus de la poutre qui sert à supporter ces crochets. A bout de forces, je laisse mes ailes s'étendre de chaque coté de mon dos, le sang coulant en goutte à goutte de chacune de mes plumes cassées. Plumes dont j'ai du abandonner les morceaux au sol d'ailleurs, j'vais pas descendre pour vérifier.

Je sais que j'aurai du attendre Lesbus, surtout qu'il était pas bien loin derrière moi. Mais c'est plus fort que moi, j'aime être le premier à explorer un nouveau terrain de jeu. Pire qu'un nain qui découvrirait une veine de mythril, sérieux. Fin là pour le coup, la veine de mythril était plutôt l'épine dorsale d'un dragon, et je suis bien content d'avoir réussi à me mettre en relative sécurité en hauteur. J'ai plutôt l'impression d'être le chat coincé dans l'arbre avec le chien du voisin qui attends en bas prêt à le bouffer, mais passons. Mon fiancé débarque enfin, après ce qui me parait une éternité - sans doute uniquement pour lui le temps de se tordre trois fois la cheville -, et je jurerai voir l'un de ces cabots hurlants disparaitre dans l'ombre, peut-être vers la porte. L'ennui c'est qu'il y en avait au moins deux, de ça, j'en suis certain. Je profite du calme apparent pour laisser mon cerveau s'embrumer légèrement, me faisant perdre conscience quelques secondes avant que la voix de Les ne me ramène au présent. D'abord trop à la masse pour lui répondre, j'attends qu'il finisse par trouver ma planque, levant le regard vers moi, pour songer à en descendre, ce qui se résume pour tout dire à une chute de 2m50 sans parachute. Aie.

Je le sens plus que je ne le vois m'aider à me mettre en position assise, m'adossant contre le pilier le plus proche sans me préoccuper de mes ailes dans mon dos. De toute façon, vu le peu que j'en aperçois, c'est pas la longueur de mes plumes qui va représenter une gène pour s'installer. Je reprends mon souffle tranquillement, m'obstinant à garder mon regard ancré dans le sien pour ne pas me laisser plonger ( et pourtant, qu'est-ce que j'ai sommeil ), finissant par tourner le regard vers mes ailes, tour à tour, pour constater moi-même les dégâts. Une chose de certaine, je ne suis pas prêt de planer de sitôt.

"Ca va, ca va. Ca saigne un max mais c'pas pire que quand tu m'casses une plume." Pas la peine d'expliciter dans quelles circonstances il peut arriver qu'un geste maladroit conduise à l'arrachage d'une plume mal rangée au milieu de dizaines d'autres. "Sauf que c'pas une mais 40 quoi." En comptant que les plus imposantes, celles dont la tige est irriguée. C'celles là qui pissent le sang.

Je le laisse m'aider à me relever, m'appuyant totalement sur lui une fois debout. Pas que les griffures et autres égratignures en tous genres soient profondes, mais la perte de sang, ça, ça m'affecte déjà plus. Même si j'imagine que c'plus impressionnant visuellement qu'autre chose, j'reviendrais vous dire ça en plein jour. Parlant d'y voir clair, c'est le bruit du métal tombant sur la pierre qui me fait me rappeler qu'on était pas tous seuls ici.

"Dis Les, t'en a vu combien sortir?"

Au moins, j’ai réussi a traversé ce terrain sans me fouler la cheville, mais il est garanti que j’ai mal quelque part demain matin. En ce moment, ce n’est pas cela qui m'inquiète. C’est de ne pas le retrouver, ça me fout légèrement les jetons. Pas question que je quitte sans lui, hein? L’endroit, me donne froid dans le dos avec ses crochets qui dégoûtent… de sang? Mais de qui? Ma curiosité m'a amené à vérifier ce que je pensais avec une masse noire qui chute vers moi qui se révèle être celui que je cherchais. Je le reçois avec une certaine maladresse en me faisant tomber également, au moins j’ai amorti la chute. Je l’aide à s'asseoir du mieux que je peux en remarquant les dégâts surs… Okay, mais qu'est-ce qui a bien pu se passer par ici, bon sang! Je reste à sa hauteur, en l’obligeant à me regarder dans les yeux, ce n’est pas le moment de sombrer que je me dis. Je scrute les alentours avec mes sens qui ne perçoivent que la froideur de l’endroit. Je n’adhère pas a la plaisanterie, parce qu’il a une partoe de moi qui n’aime pas ce que je vois. En fait, je ne tolère en aucun cas qu’on lui fasse du mal.

-Cesse de faire l’idiot!

Je baisse les yeux sur les plumes qui pissent le sang au sol, je n’aime pas cela. Je ne pourrais pas les soigner seul à moins d'utiliser la manière forte qu’il n'apprécie sûrement pas, cela a un lien avec la marque que je porte sur la joue. Je l’aide à se relever, parce qu'il faut bien sortir d’ici, je me fige au bruit en le supportant et j’entends sa question, scrutant une fois de plus la pièce, il nous faut sortir d’ici. Nous ne sommes pas seuls et si je dois me battre, je me dois de le mettre en sécurité avant, je garde par précaution l’arme des damnés qui frétille à l’idée de combattre. J’ai ce petit sentiment que je dois rendre la pareille à celui qui lui a fait du mal. N'oublions pas que je suis un démon qui aime éperdument ce nephilim et qui a besoin de sa dose de violence, allez savoir pourquoi. Je ne verse pas dans la violence sauf circonstance oblige.

-Un je ne sais quoi… ? Ne restons pas ici…

Est-ce que ce téléporté à la maison et de salir le paquet est une bonne idée? Non, Illusk serait bien plus adapté et de toute manière j’ai besoin d’aide, si je ne veux pas qu’il se vide de son sang. Sa mère est la première idée qui me vient. Avant que je ne tombe sur les rascard qui lui ont fait ca, je ne serais pas doux avec eux, si l’un d’eux tombe entre les mains. Allez hop, on casse….

D'accord, peut-être que la comparaison n'était pas terrible. Mais je promet que je ne cherchais pas à minimiser. Disons qu'une plume cassée, c'est le drame de ma vie, parce qu'une aile percée, c'est sacrément moins élégant qu'une aile entière, même quand il ne manque qu'une seule demi-plume à la panoplie. Bref, une plume cassée, j'appelle pas ça un drame. Le problème, c'est que apparemment, multiplié par quarante, ça le devient. C'surtout que j'crois que mon corps ne sait pas par où commencer pour cicatriser, donc au lieu que ça s'arrête de saigner en deux minutes, j'me la joue hémophile là. C'top, j'avais besoin de ça tiens. Je glisse la main à la nuque de Lesbus tout en restant derrière lui, acceptant sans broncher même si pas volontiers de le laisser passer devant moi pour m'aider à sortir de là. Et en même temps je reste curieux, même si faudrait pas. Dans mon dos, mes ailes abimées se replient et se déplient en me laissant assez peu de contrôle sur leur position, les équis de plumes en vrac attaquant ma peau quand elles essayent de se remettre en place.

"J'fais pas l'idiot, je minimise légèrement la situation. Tu paniques pour deux, ça sert à rien que j'le fasse aussi."

Mes doigts sur sa nuque caressent légèrement sa peau pour le calmer alors que nous nous dirigeons vers la sortie, et que mes sens restent autant aux aguets que possible face à l'inconnu devant nous. De quoi réussir à me tenir éveillé, pendant qu'il nous guide l'un comme l'autre. Sa dernière phrase me fait tourner le regard vers lui, légèrement. Parce que je connais son pouvoir de téléportation, et quitte à sortir rapidement, je sais qu'il est capable de s'en servir. Pour aller où? C'est ça qui m'inquiète à vrai dire.

"Pas chez ma mère. Ca sert à rien de l'inquiéter pour rien. Y a c't'elfe, la véto, sur les docks. Y en a qui disent qu'elle joue les toubibs aux heures perdues... ou l'frère de Nathaniel, à la grande serre à Illusk. J'sais qu'il s'y connait en plantes, alors en médecine, ça doit aller avec non? Fin tu choisis. Mais pas ma mère, s'teuplait."

Il est vrai que je suis sur le bord de la panique, parce que je ne l’ais jamais vue autant blesser de ma putain de vie, la peur qu’il ne se vide de son sang et qu’il y reste m’effraie le plus vue tout le sang quil met sur le sol. La main qu’il passe a ma nuque me fait frissonner et ne calme aucunement mon anxiété grandissante. Je le soutiens du mieux que je le peux vers la sortie, même si techniquement je n’en avais pas besoin, je veux juste me situer, pour revenir s’il lui arrive autre chose.

-J’Panique pas pour rien…

J'ai peur, de le perdre, mais je ne le déclare pas a voix haute. Si je panique ou pas, je m’en soucierais plus tard c'est pas le moment, si je tombe sur celui qui lui a fait cela, je le tue sans sommation. Pour me calmer cela ne va pas être du gâteau.

-Tu sais qu’elle le saura tôt ou tard, les nouvelles courent plus vite la bas que sur terre…

Je croise du regard une pancarte qui montre une carte usé de la pièce, je lève les yeux un peu plus haut pour en voir le titre qu'elle porte. Au Diable, savoir où nous sommes, j’ai ma petite idée maintenant. Je resserre ma prise sur lui pour lui faire face en écoutant le reste. Pour moi sa mère reste le meilleur atout puisqu’elle l'a élevé et qu’elle a sûrement les ressources pour savoir à qui l’amener. Je l'appellerais plus tard, si je m’en sent capable.

-Reste avec moi et ne flanche pas Ok?… My Love..

Je ne laisse pas de place à la surprise de ma déclaration. Que je l’embrasse pour nous téléporter chez l’elfe qu’il a cité dans son monologue sur les docks, y’a plus de temps à perdre. Frappant rudement sur la porte en l’appelant. Je lui épargne son parquet de la salle d'attente, il verras pourquoi je n'entre pas maintenant..

-Fraust! C’est une urgence!

Ses fichues téléportations. J'en serai tombé par terre si j'étais pas totalement appuyé contre lui, dans ce baiser qu'il me vole dans le même temps. Je constate que je vois toujours le ciel étoilé au dessus de nos tête, donc, ce n'est pas l'option d'Illusk qu'il a choisit. Ca m'arrange. Parce qu'il a raison sur un point. Les rumeurs courent plus vite qu'un esprit follet dans la caverne. J'ai un peu plus de chances de pouvoir la mettre au courant moi-même en optant pour un plan à la surface.

"Merci."

Je m'appuie contre le mur tandis qu'il essaye d'attirer l'attention de quelqu'un à l'intérieur, évitant de trop exposer mes ailes fracassées à l'attention d'éventuels passants. Il fait nuit, oui, mais Chicago ne dort jamais vraiment. La porte finit par s'ouvrir sur une femme blonde, jeune d'apparence, mais je ne suis pas sans ignorer l'apparente jeunesse des elfes, même si les pointes de ses oreilles ne me sont pas visibles sous cet angle.

"Pas la peine de défoncer ma porte. C'est pourquoi ... démon?"

Je jette un regard à Les, ayant bien noté le léger temps laissé par l'elfe entre sa question et l'affirmation de la nature de mon fiancé. Faut croire que les démons viennent rarement frapper à sa porte. Le regard de la guérisseuse se tourne cependant vers moi, et très certainement sur mes ailes, et elle porte sa main à sa bouche, étouffant sa surprise, avant de nous inviter à entrer, se moquant apparemment peu de devoir nettoyer le carrelage derrière nous. Notons que je saigne quand même moins que tout à l'heure, et heureusement, sinon je pense que je serai déjà à bout de sang.

"J'imagines qu'il vaut mieux que je ne vous demande pas comment vous vous êtes mis dans un état pareil? Asseyez vous sur la table, que j'ai une bonne vue des dégâts."

Aidé de Lesbus, j'obtempère, m'installant au bord de sa table d'examen, qu'elle contourne pour braquer une espèce de projecteur au dessus de nous. Invitant bientôt, d'un signe de tête que je ne vois pas moi-même, mon compagnon à la rejoindre, alors que j'écarte instinctivement mes ailes alors que je sens qu'elle essaye d'y toucher. Pas que je sois mauvais patient, mais c'est jamais agréable de se faire triturer une plaie.

"La plupart des plumes semblent avoir fini de saigner, mais il va falloir que je nettoie tout ce sang séché pour en être sure. Si vous pouviez maintenir l'aile." Qu'elle y touche à nouveau déclenche un nouveau réflexe, heureusement retenu par une prise solide, sinon elle aurait très certainement pris une claque monumentale de ma part, et totalement involontaire qui plus est. "Il n'est pas prêt de voler de sitôt. Sauf si les anges ont un pouvoir de guérison qui surpasse mes capacités médicales. Comment fonctionnent-elles, vos ailes? Du point de vue "régénération" de la question, bien sur. J'ai déjà vu voler un pigeon, si c'était là la meilleure réponse que vous espériez m'apporter."

Légèrement cinglante sur les bords cette elfe non? En tout cas, elle n'a pas tord, au sujet de la réponse que je voulais lui sortir. J'imagine qu'elle a appris à supporter des caractères plus trempés que ceux de ses frères elfes en s'installant par ici. J'imagine un peu moins qu'on ai une connaissance commune, entre nous. Même si je l'ai peut-être aperçue une fois ou deux à Illusk, sans doute pour les besoins de sa médecine.

"Comme les oiseaux j'imagine. Quand je perds une plume, elle finit par repousser. Et quand le printemps touche à sa fin, j'me retrouve cloué au sol le temps de changer la panoplie. Pourquoi?"

"Et une plume cassée?"

"Elle le reste jusqu'à ce qu'elle tombe, mais pourqu..."

Dites moi qu'elle pense pas à ce à quoi je pense qu'elle pense. Une pensée qui me fait avoir un mouvement brusque de mes ailes vers l'arrière, échappant à la prise de Lesbus, et propageant en passant une odeur de sang qui me donne la nausée. C'est clair et net, je pourrais vraiment pas être un vampire. La vue j'm'en cogne, mais l'odeur, ça, c'est pas pour moi.

"Je peux me contenter de nettoyer et poser un cataclasme. Mais j'espère pour vous que votre prochaine mue interviendra avant six mois, si vous ne voulez pas rester "cloué au sol" plus que de raison. La décision est votre. Je serai à coté."

Et la voilà qui s'éloigne, certainement partant chercher de quoi s'occuper de mon cas, d'une manière ou d'une autre. Je tourne légèrement le regard vers Lesbus, que je sens dans mon dos, attrapant sa main sans la chercher, comme un automatisme.

"T'en penses quoi?"

Je sers sa main dans la mienne, ayant besoin de me raccrocher à lui comme une moule à son rocher par avis de tempête. J'suis pas toujours démonstratif avec lui, mais une chose est certaine, c'est lui mon rocher, mon ancre, la constante dans ma vie. Même si je sais qu'il doit le regretter souvent, et aujourd'hui ne risque pas de faire défaut à l'ordinaire. Parce que je suis mauvais dans la gestion de la douleur. Alors si on en arrive à voir une elfe arracher les plumes d'un néphilim à la pince à tisons, croyez-moi, vaudra mieux pour lui qu'il m'assomme avant.

"Ok, donc si je comprend bien, tu votes pour l'arrachage pur et simple? Tu me diras, j'pourrai en emprunter quelques unes à Kelean, en attendant..."

Si ma tentative d'humour fait mouche? Parait que faut croire soi-même que c'est drôle pour que les autres trouvent ça drôle eux aussi. Je soupire, vaincu par la réalité des faits.

"Quitte à être coincé au sol, ça sera sans doute pas plus mal si j'peux les remettre au placard. Dans cet état-là, j'essaye pas."

Je me penche vers lui pour poser ma tempe contre son épaule, lui offrant un vague sourire tout en levant les yeux pour essayer de regarder vers lui.

"J'ai été un sombre crétin de pas t'attendre, je sais. C'ma pénitence de t'avoir inquiété, je présume..."

Nous nous connaissons tellement, que la parole en devient presque futile par moment, comme un peu celui-là où il a cherché ma main que j'ai aussitôt la capture. Je sais que ce qui va suivre ne serait pas du gâteau tant pour lui que pour moi, mais je m'en fiche éperdument. Souvent dans ce genre de scène, je m'en sort avec peut être avec deux doigts enrubanner ensemble pour quelque jours tout au plus. Cette souffrance n'est rien à côté d'une arme bénite sur un démon tel que moi. La souffrance, j'ai appris à la gérer a la dure comme la torture ne me ferrais jamais avouer un secret bien gardé. Vous voyez le tableau? Sûrement. Je reste attentif à ce que l'elfe fabrique derrière lui pour la suite des choses tout en restant attentif à ce qu'il me dit. Attendez, il parvient encore à en rire?

-Convalescence rapide, ou lente? … Essais on ne sait jamais?

Je connais déjà la réponse à cette question. Si c’est vraiment la seule solution qui reste la plus efficace, la moins risquée et la plus rapide, pour qu'il puisse reprendre les airs le plus tôt possible. Mais je doute que les plumes de Kaelan fonctionnent par contre, mais je ne relève pas ce point.

-Oui et d’être coincé avec ma compagnie, tu va comprendre ma « souffrance » d'être un terrestre…

Je plaisante à demi, parce que ouais, je suis un peu jaloux de cette capacité que je n’est pas. J'étouffe un rire, sans dissimuler mon sourire lorsqu’il ce traître de sombre crétin en confirmant la chose d’un petit signe de tête avant de reprendre mon sérieux..

-Tu sauras que la prochaine fois, qu’il ne faut pas entrer sans moi dans ce genre d’endroit…

Je garde mon regard rivé vers lui parce que je sais ce qui va suivre, elle est plutôt silencieuse et rapide cette elfe finalement. Elle en est déjà rendu la…

-Tu sais, j’me fais un sang d’encre a chaque fois que je te perds de vue dans ce fichus ciel?

Bien que je sais qu’il se contrôle de mieux en mieux sans se faire remarquer. Pour dire que je l'ai tracé entre nos portables quand il le faut. Vivre le partage de position avec Google Maps, hein.

-Fais moi autant mal que tu le souhaite…

Ouais, bon je reste un démon de l’enfer et je suis un poil masochiste dans ce genre de situation. Si je peux partager sa souffrance tant mieux. On ne connaît  peut être pas l’accouchement, mais cela doit être assez similaire. Let’s begging…(Que cela commence)

"Coincé" en sa compagnie? Ca pourrait être pire, moi je dis. J'pourrai même prendre quelques vacances pour passer encore plus de temps avec lui, allez savoir. Un arrêt maladie? J'pense que faut pas pousser. J'ai jamais eu besoin de mes ailes pour diriger la restauration de l'hôtel. Si j'étais pilote de ligne encore... Une idée de carrière? Pas vraiment. Autant j'aime le vol, l'altitude et tout ce qui va avec, autant je suis malade à crever en avion. Cette impression de ne rien contrôler enfermé dans cette boite de conserve volante... Et j'ai un "parachute" intégré avec la paire d'ailes que j'ai dans le dos. Comment font les humains pour supporter ça, franchement?

"Ca sera surement moins dur en ta compagnie, pour être honnête."

Je lui souris, relevant finalement le regard vers lui pour glisser une main couverte de sang séché vers sa joue, la caressant tendrement quand il me dit qu'il s'inquiète quand je joue les filles de l'air. Autant que je m'inquiète quand il se téléporte pour "revenir d'ici deux minutes" et qu'il met une heure à réapparaitre, je dirai.

"Sans doute autant que moi quand j'te vois disparaitre sans savoir où et quand tu vas réapparaitre."

Je n'ai pas l'occasion de lui répondre concernant la douleur qu'il m'autorise à lui faire subir que je sens une piqure à la base de mon cou et je me retrouve brusquement happé par le sommeil, me retenant légèrement à sa main avant de sombrer pour de bon. La responsable? L'elfette dans mon dos.

"Je n'ai pas pour habitude d'opérer mes patients à vif. Qu'ils soient homme ou bête. Tu as plus de force que moi, tu m'aideras à déloger les plumes les plus résistantes. Rapidement. J'ignore combien de temps il va rester dans les vapes."

Dans ses mains? Rien de moins qu'une pince chirurgicale, et un plat en inox où placer les débris de plumes qu'elle réussira à retirer.

Oui, j'ai bien dit d'être coincé en ma compagnie. Avec l'interdiction formelle de reprendre le vol jusqu'à ce qu'elle l'autorise. Ce qui ne va pas être du gâteau.

-Interdiction formelle de vol jusqu'à ce qu'elle l'autorise..

Ça lui fera moins plaisir, je sais. Je dis ça avant même d'avoir vu les résultats. Mais, il est aussi tête brûlée que moi, autant qu'il le sache d'avance. Ma joue, ce cale d'instinct à sa main en l'écoutant.

-Tu connais la plupart de mes déplacements volontaires..

Et qu'il peut me retrouver quand il veut grâce à Google Maps, pareil pour lui. Le seul endroit où ça ne capte pas c'est dans Illusk et l'Enfer, ce dernier je n'y suis pas allé depuis que nous sommes à la "surface".. Mais je comprends où il veut en venir, on s'inquiète mutuellement de la disparition de l'un et l'autre.

-C'est la première fois que tu me le…

Dis?...  Qu'est ce qui ce passe?! Je ressens un reflux d'adrénaline qui remonte en moi. Je le rattrape de justesse en relevant les yeux vers elle lorsqu'elle s'adresse à moi et je comprends que, sous sa direction, je l'installe au mieux sur la table avant de la rejoindre. Je ne suis pas des plus enchantée, mais elle a raison, au moins je saurais ce qui se passe.

-Serait pas mieux de lui en administrer plus? Au cas où?

C'est elle l'expert, moi je ne suis que celui qui ne veut plus le voir souffrir. Mes premiers gestes se font hésitants ou tremblants avant de prendre de l'assurance tout en retirant le peut de t-shirt qui reste. Les dégâts l'empêchent sûrement de voler pendant un moment, pour ce qui est de les ranger, nous allons le savoir a son réveil.

Elle me laisse seul l'instant de le nettoyer un peu plus en allant voir d'autre partient. Je m'applique à nettoyer le plus de sang possible sur sa peau. Je le sais sauf, du moins je l'espère, le sang a fini par s'arrêter, il en a perdu beaucoup. C'est loin de me rassurer, mais le simple geste de le nettoyer doucement me calme suffisamment. Je m'apprête à me laver les bras quand j'entend du mouvement que j'abandonne mon geste pour me poster près de lui.

-Ne bouge pas … Doucement, je suis la..

En me voyant faire, elle s'apprête à dire quelque chose que je me retrouvais déjà à son chevet. Elle s'approche elle aussi en me jetant un regard sévère, juste avant que je ne le touche.

-Non! Reculer! Pas avec tout ce sang sur toi! Va te laver les bras, le visage et dans l'autre pièce!

-Mais..

-Pas de mais! Maintenant! Je dois l'examiner seul à seul!

Un soupir d'exaspération passe mes lèvres avant de reculer malgré moi. Elle a raison, ce ne serait pas sanitaire. De l'autre côté, j'essaye de prendre mon temps. J’ai même retiré mon t-shirt d’un mouvement rageur en le jetant dans le lavabo, je déteste ce sentiment d’impuissance qui me tombe dessus, je ferme les yeux un instant avant de réellement me laver. Quand elle me rejoint, je sursaute en posant mes mains sur le rebord du lavabo. Près à entendre ce qu’elle a à me dire. Qu’il a perdu beaucoup de sang qu’il devrait s’en sortir s’il ne bouge pas trop dans les 24-48 heures. Pour laisser au sang le temps de se régénérer, elle me demande si j’ai un endroit à Illusk pour qu’elle puisse lui rendre visite. Je lui fait savoir que nous logerons chez sa mère. Elle va faire une syncope en nous voyant c’est certain. J’essuie rageusement des larmes qui me sont venues à la suite de cette annonce. Je la suppliais d’aller à son chevet. Ce qu’elle m’autorise, je m’y jette corps et âme, c’est bien la première fois qu’il me verras en larmes.

Nous passons trois jours chez sa mère. Trois jours ou elle dois m'arrêter pour prendre du temps pour moi, donc de prendre une douche a chaque jours. Douche que je sors à l'instant, qu’elle n’est pas ma surprise de le voir attablé dans la cuisine pour le souper.

-Que…

Qu’elle m'arrête d’un regard en me faisant signe de les rejoindre. Je me mets à table en silence, tendant la main vers lui.

-Ça va?

M:.. Je vais vous laisser seul pour la soirée, Amaël, rassure ton fiancé, il frôle la crise d'anxiété à tout moment, je ne l'ai pas vue aussi inquiet et aussi nerveux de toute ma vie… Il doit dormir celui-là ce n’est pas raisonnable ce qu’il fait…

Je baisse les yeux coupables sur nos doigts enlacés, je mange parce qu’elle me l’impose, je dors a peine, me réveillant au moindre mouvement, ce sentiment s’impuissance qui ne me quitte toujours pas, je grogne intérieurement en tapant de la main sur la table, laissant une trace de suie ...

S’il continue, il va bruler quelque chose sans qu’il ne s’en aperçoive… Je n’arrive plus a le raisonné…

"Je ne m'y connais pas assez en anges pour présumer de sa physiologie. Et je pense qu'il vaut mieux qu'il se réveille trop tôt qu'il ne se réveille pas, non? C'est pour cela que je ne lui en administre pas plus."

A eux deux, ils parviennent à extraire les plumes brisées sans que le néphilim ne se réveille, et une fois la partie délicate achevée, l'elfe laisse Alistair s'occuper de lui pendant qu'elle va voir d'autres patients à quatre pattes.


Je me réveille avec un mélange d'affolement et de lassitude qui se trouvent réduits au silence par la main de Lesbus posée sur mon dos, aussitôt suivi par des éclats de voix que je peine à suivre. Sa voix à lui, c'est certain, je ne connais qu'elle. L'autre, je met un certain temps à l'identifier comme celle de l'elfe qui tient le cabinet vétérinaire où on peut se rendre plus facilement qu'à l'hôpital quand on a un pépin. Vrai que Les' a eu cette brillante idée... Il en vient à s'éloigner, me laissant seul avec elle, et je la remercie intérieurement quand une nouvelle injection de sa part calme la brûlure que je ressens dans chaque centimètre carré de mes ailes. Ailes que je fais battre lentement avant de les faire disparaitre, devant au moins apprécier de pouvoir le faire, malgré la tension que je peux ressentir dans l'ensemble de mon dos. Et non, j'ai pas envie de voir dans quel état elles sont, ni d'en avoir une description détaillée.

Une fois que l'elfe s'éloigne, je l'observe rejoindre mon fiancé, et poser sa main sur son bras comme un geste de réconfort. Je sais bien qu'elle est mariée à un elfe noir, mais je doute qu'elle aurait cru quelqu'un lui disant qu'elle pourrait approcher un démon d'aussi près un jour.

"Vous complotez quoi tous les deux?"

Ce qu'ils complotent? Je le comprend bien assez vite quand il se rapproche de moi, s'agenouillant à ma hauteur pour m'embrasser, et nous téléporter dans un endroit que je connais trop bien. Là où je ne voulais précisément pas aller. Chez ma mère. Je le laisse s'expliquer avec elle, moi, je retourne comater un peu, merci bien. Et si j'ai eu droit à un traitement de faveur pendant deux jours, j'ai surtout eu le droit à me faire déhucher du lit le soir du troisième, le seul signe de la présence de Les dans les parages étant le bruit de la douche qui coule à jets. Connaissant ma mère, elle l'a enfermé dedans pour pouvoir l'éloigner deux minutes. Je me retrouve donc à table avec elle devant un diner comme elle seule sait les faire, à avoir droit à quelques conseils sur l'art et la manière de rester en vie. C'est-à-dire? Arrêter de faire l'idiot, comprendre que je ne suis ni immortel (ça reste à voir) ni invincible, et que je devrais normalement avoir passé l'âge qu'elle s'inquiète pour moi dès que je met le nez dehors. Entre autres trucs que j'ai pas écouté.
Les' nous rejoint finalement, et je glisse ma main dans celle qu'il me tend, espérant bien ne pas avoir droit à la double leçon de leur part. Je crois que j'ai payé l'erreur assez cher pour éviter d'y retourner, merci. Ma mère finit par nous laisser seuls tous les deux sur une dernière recommandation de sa part, et je jette un regard à la fois coupable et reconnaissant à mon homme.

"On peut éviter d'en reparler? J'en ai déjà pour dix ans avec elle alors... j'ai juste envie que tu me prennes dans tes bras et basta. Et qu'on rentre. Parce qu'elle va me faire tenter la chute libre sans plumes si elle continue."

Pas que j'aime pas ma mère hein, bien au contraire, je suis même un vrai fils à sa mère, mais voilà, j'ai 30ans passés, j'ai largement compris ma leçon, pas la peine de ressasser pendant 115ans...