See for yourself ... - ft Barabas, Inaya & Rampa

C’est dans une ruelle sombre que son corps brisé repose, il est inconscient pour l’instant, mais ses sens sont déjà au travail. Autour de lui, ce n’est que tristesse et désolation. Les murs gris et froids des immeubles alentour laissent ruisseler une pluie qui martèle Chicago depuis des jours. Une odeur pestilentielle règne, celle de la mort, celle des cadavres qu’il a semés derrière lui et surtout, celle du sang encore frais qui se dilue progressivement dans une flaque proche pour rejoindre l’entrée des égouts. Est-ce le sien ? Celui du mort trois mètres plus loin ? Ou plutôt un mélange des deux. Et le voilà qui se relève. D’abord à quatre pattes, son torse nu engourdi par l’humidité et ses genoux trempant dans ce qui semble être des cendres mélangées à de l’eau. Les restes fumant de son adversaire partiellement calciné sur une bonne moitié de sa superficie. Il crache l’excédent d’hémoglobine qui l’écœure et s’essuie la bouche d’un revers de la main relevant son regard vers son ennemi. Un regard sévère où une flamme redoutable brûle depuis une éternité s’attarde sur l’amas informe. Le cadavre fumant d’un démon serpent est étendu. Rampa arrache d’une main le crochet encore planté dans son avant-bras, avant de le balancer au loin, il fait craquer les os de son dos et se redresse, toujours sur les genoux. Il le sait qu’il va lui falloir un peu plus de temps pour se remettre de ce combat et son corps humain ne saura pas tenir le choc. Il va devoir revêtir l’enveloppe démoniaque qui la vue naître et permettre à ses os de se ressouder, sa chair de cicatriser et le poison du serpent sera purifier par l’essence même de son être infernal. Un grognement lui échappe alors qu’il se lève, son fémur gauche est en miette, quelques une de ses côtes sont grandement délogées et une de ses omoplates n’est plus du tout alignée avec la seconde. Un autre os fragilisé émet un bruit sinistre en se rompant une fois sur ses deux pieds, cette fois, c’est le tibia droit. Il ferme les yeux et prend une grande inspiration. C’est trop bête. Il a rendez-vous le lendemain avec la femme de sa vie, mais il ne pourra pas la voir … peut-être pas avant une ou deux semaines au moins. Reprenant ses esprits, il se met à chercher autour de lui le reste de ses affaires. Ce n’est pas tout, mais il faut qu’il dégage et le retentissement des pas qui s’approchent le conforte dans l’idée que, maintenant, ça serait bien. Il repère contre le mur, le reste de son t-shirt et de sa veste. Un juron franchit ses lèvres et il se contente de se baisser pour ramasser dans la poche de cette dernière son cellulaire et son porte-monnaie. Rien ne doit trahir sa présence.

Alors que le murmure des voix arrive à ses oreilles, Rampa rassemble ses dernières forces pour sauter jusqu’à la plateforme la plus proche d’un escalier de secours. Il grimpe le long des marches de métal jusqu’à rejoindre les toits. Epuisé par cet ultime acte, il s’adosse quelques minutes à la rambarde et se laisse glisse jusqu’à ce qu’il se retrouve en position fœtale. Son corps lui fait horriblement mal et il aimerait pouvoir reprendre son apparence de suite, mais cela n’est pas possible. Une seule autre chose l’obsède, une femme, sa femme. Il porte la main à sa poche et tente de rallumer son téléphone afin de lui envoyer un message … l’écran est brisé en mille morceaux et cela ne fait aucun doute que l’appareil ne sera plus d’aucune utilité à l’avenir. Un second juron et il se maudit de s’être laissé surprendre de la sorte par un des sbires de son confrère. Il craint même que le démon ne finisse par se douter qu’il est responsable de la mort de son sous-fifre. Cela veut dire, beaucoup d’emmerdes à venir et quoi d’autre ? Il l’ignore. Passant une main sur son visage comme pour y arracher sa frustration apparente, il se remet en marche jusqu’à s’effondrer dans le salon de son appart. Il prévoit toujours de laisser une fenêtre entrouverte au cas-où et aujourd’hui, cela paye.

Incapable de plus, il perd connaissance sur le tapis. S’abandonnant totalement à son besoin de retrouver sa forme primaire, il autorise son corps à se changer. Si le tapis prend feu immédiatement, une arcane magique tracée au sol se révèle et se met à briller faiblement, signe qu’elle fonctionne. Cela empêche tout simplement que le feu démoniaque ne se répande et ne réduise le quartier en cendres. Bientôt, Rampa, toujours assoupi, retrouve un calme et déjà il sent les effets bénéfiques d’avoir levé l’illusion.

Dans sa chambre, Inaya se réveille en sursaut. Elle ne comprend pas ce qu’elle vient de voir, tout semblait si réel, elle savait tout ce que pensait le jeune homme de ses rêves … Rampa, son Rampa.
A la fenêtre, invisible pour la jeune femme, Barabas sourit. Il lui a tout montré.