Quand tu te crois seul et que tu parles à voix haute ... - ft Elaine & Dante

Casque sur les oreilles, la musique entraînante hurle ses décibels sans risquer de me perforer les tympans. Oh yeah ! Encore un avantage à n’être qu’un cadavre ambulant et je danse en passant le pas de la porte, jetant les clés en rythme dans le vide-poche de l’entrée. Un pas de côté, je tourne sur moi-même et me déchaîne en chantant. Si mes calculs sont bons, Elaine est en cours et Nath ne va pas rentrer avant au moins deux bonnes heures.

« You make me feel invincible ! Earth quake powerful …”

Cette chanson, c’est Axel qui me l’a fait écouter et je n’arrive pas à me l’enlever de la tête. Faut dire qu’elle me rappelle tellement Nath. Je branche mon téléphone sur la chaîne hifi du salon et poursuis mon instant détente alors que ce sont maintenant les baffles qui font vibrer mon corps. Je suis d’humeur à courir le monde, partager mon entrain et si Nath était dans les parages, je lui réciterais des poèmes d’amour. J’en ris aux éclats. Je m’agenouille devant une photo de Nath et moi et mon regard se rive sur les yeux de mon homme.

« Oh Nath ! je t’offre mon cœur et ce poème pour te prouver mon amour
Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,
Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :
Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.
Je laisserai le vent baigner ma tête nue.
Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la Nature, – heureux comme avec une femme. »

Je me relève et tique à la suite de mes paroles. J’ai soudain un doute sur mon choix de poème.

« Oui, bon Rimbaud était gay, mais à l’époque il le savait pas encore … erreur de jeunesse je suppose. »

Je hausse les épaules, l’anecdote vaut bien d’être révélée. Je prends la photo entre mes mains et continue de la détailler. Si j’aime autant cette photo, c’est parce que c’est Elaine qui l’a prise pour ses 17 ans. Je lui ai offert un appareil photo polaroid. Un grand pour qu’elle garde toujours les meilleurs souvenirs de sa vie et la belle a répondu en prenant ce premier cliché, plus adorable, tu meurs. Un sourire se dessine sur mon visage et je caresse l’image du bout du doigt retraçant les contours de Nath. Un sourire éclatant illumine son visage et son regard posé sur moi est d’une douceur sans nom. J’ai insisté pour qu’on puisse l’afficher dans le salon et il a fini par me l’accorder. Mon regard se porte sur un détail, un petit, tout petit détail. Une chaîne au cou de mon homme qui se perd sous son t-shirt. Une chaîne que je ne connais que trop bien.

« Ah la la … on est pas rendu toi et moi. Je suis sûr que tu portes l’anneau à ton cou sans même avoir expliquer à ta fille que c’est parce que t’as refusé de m’épouser gros nigaud … »

Un soupire franchit mes lèvres et je repose le cadre sur le meuble en bois et frotte mes mains l’une contre l’autre.

« Bien … si tu veux jouer à ce jeu-là, j’en suis mon amour ! Mais ma vengeance sera terrible et ça commence … »

Je jette un regard à ma montre, bracelet de cuir marron ouvragé et chaînette en métal en doublure. Le cadran est quant à lui fortement complexe couleur cuivre. J’adore cette montre et un peu moins l’heure qu’elle affiche.

« Merde ! »

Je reprends le cadre contenant la photo de mon bien aimé et dépose un baiser sur le visage de Nath avant de le reposer à la hâte.

« J’ai prévu des crêpes pour ce soir et on a plus de farine, alors tu me pardonnes, mais j’ai ton cœur à séduire et ça va passer par tes papilles gustatives … »

Je reprends ma veste me sentant con d’avoir oublié de passer plus tôt à l’épicerie. Cela explique sans doute aussi que je n’ai pas remarqué la présence d’Elaine à l’étage …