What if... you stayed? [Nath, Dante & Elaine]

J'aime pas les décisions compliquées, ou celles qui apportent fatalement des conséquences auxquelles faut forcément réfléchir. Du genre le mariage, le divorce, un nouvel appart, un nouveau job, est-ce que je prend un chien à Elaine pour Noel pour me le coltiner pour vingt ans? Les décisions coup de tête, ouais, no souci, je suis votre homme. Et celle là je la case où? Aucune idée. De toute, Dante crèche plus chez moi que chez lui en ce moment, alors j'me dit que lui filer une clef pour qu'il ai plus à escalader la gouttière jusqu'à la baie vitrée - ah bon c'est jamais arrivé? J'ai du rêver - et lui laisser un peu de place pour amener quelques affaires, c'pas encore tout à fait dans la catégorie des décisions prise de tête. Et si j'étais pas sur que c'était une brillante idée, ce que je vois entre Elaine et lui finirait de me convaincre. Ok, soyons honnêtes, il est pas doué du tout, du genre à pas savoir si il a le droit de se poser sur le canapé quand elle y est, mais ça se passe bien entre eux donc, c'est le principal. Et ce même si, entre le temps qu'elle passe chez sa mère, celui qu'elle passe au bahu, et celui qu'il passe à son bureau, difficile de dire que ce soient plusieurs heures par jour qu'ils passent l'un avec l'autre. Ça va s'faire hein. Ok, soyons honnêtes, c'bien le premier mec que je présente à ma fille (pas que j'y ai un jour présenté d'autre fille que sa mère d'ailleurs), et j'suis un peu beaucoup à la ramasse complète. Rajoutez à ça que j'ai pas eu de relation assez sérieuse pour envisager de s'installer ensemble depuis... quinze ans, et c'la galère.

C’est pas une nuit… affamé, je me suis éclipsé au milieu de celle-ci pour satisfaire ma faim qui me tiraille depuis des heures. Ne souhaitant pas faire de mauvaises rencontres (comme une certaine vampirette aux cheveux blonds) je prends le chemin de mon appart' évitant soigneusement la confrontation avec des humains. Loin de moi d'infliger un retour tardif au milieu de la nuit qui risquerait de réveiller mon beau brun, j'y resterai. Je m’avance dans les ruelles sombres, les lumières des rares lampadaires allongeant mon ombre de manière effroyable. Je presse le pas jusqu'à ne plus devenir qu'une silhouette floue se déplaçant trop rapidement pour l'œil humain. Pour une raison qui m'échappe, je m’aventure a escalader la façade pour arriver à la fenêtre der mon appartement. Pièce sombre et froide, sans vie. Je soupire de dépit. J'étais bien aux creux de ses bras … d'un pas las, je prends la direction de la cuisine. La porte du congélateur grince sinistrement tandis que la poche de sang gagne l’antre du micro onde. Fameux. Un nouveau soupire rejoint son prédécesseur dans l'air ambiante. A peine le son caractéristique de la machine retentit que je me jette sur mon repas. Pas par envie. Par nécessité. L'odeur m'enivre et je savoure cette infâme mixture qui s'éloigne tellement du véritable goût de l'hémoglobine fraîche. Une fois mon repas englouti, je prends le temps de défaire mon charme et le refaire proprement, ça serait bête qu'il se défasse en pleine journée. Assis dans la cuisine le sol glacé sous mes fesses, je blottis ma tête dans mes bras croisés et attend. L'avantage d'être un vampire, c'est que le temps devient de plus en plus abstrait. Aux premières lueurs de l'Aube, je redresse la tête et finis par me lever. Un sourire se dessine aux coins de mes lèvres et je descends quatre à quatre les marches pour rejoindre la ruelle. Un passage éclair dans une super boulangerie et je repars dare-dare en direction de l'appartement du brun. Toujours plus vite, peu importe que les passants soit surpris. Enfin j'arrive. Il est assez tôt pour que mon retour par la fenêtre puisse passer inaperçu et j’entre dans le salon. Nath m'y attend, il a l'air terriblement dans ses pensées ce qui n'est jamais très bon signe. Il a même une adorable petite ride entre les deux yeux qui vient poindre et ponctuer son air circonspect. Je fais volontairement un peu de bruit pour lui signifier ma présence en posant le sac de petits pains au chocolat et croissant sur la table.

« Le petit déjeuner est là ! »

C'est compliqué de réfléchir? Quand on n'a pas l'habitude d'user ses neurones, ouais, plutôt. Nan mais j'suis honnête avec moi-même au moins, j'suis pas un génie, ok, mais j'me débrouille très bien avec ce que j'ai. Une réflexion interrompue par du bruit dans le salon qui me fait tourner la tête en même temps que glisser dans ma poche le trousseau de clefs que j'avais posé sur le cageot qui me sert d'étagère.

"Tiens, salut."

Je le rejoins en quelques pas, glissant la main sur son bras pour poser un baiser léger sur ses lèvres, tout en attrapant le paquet de viennoiseries de ma main libre. Chacun ses priorités, et de bon matin, mon estomac est prioritaire. Le tout pensé avec the sourire ironique qui convient à la situation.

"J'vais t'encourager très fortement à passer toutes tes nuits là si c'est pour que tu ramène le petit déjeuner tous les matins. Café?"

Je met le nez dans le sachet, l'odeur des viennoiseries encore chaudes tirant un gargouillis à mon estomac. Aucune tenue, pas à c'te heure si matinale alors que mon emploi à horaires décalés (pour ne pas dire "nocturne") m'a depuis longtemps habitué à me coucher tard pour me lever aussi tard. Je m'écarte de lui et de ses viles tentations pour me diriger vers la cuisine, mettre la cafetière en route et récupérer deux tasses dans le placard.

Un baiser et hop, je pars tout sourire. Je ne participerais peut-être pas au festin, mais je ne peux pas refuser le café qu’il me propose. Par contre, j’aimerais bien qu’il se rattrape après. Ça va les croissants deux secondes, mais moi aussi je veux de l’attention. Je saisis le café et la perche qu’il me tend.

« Ben je demande que ça ! Tu verrais la tête de mon appart’, c’était triste à mourir d’y retourner cette nuit. »

Triste à mourir ? Je suis sûr de moi en employant ce genre de métaphore. Bah, Nath comprendra que je ne parle pas d’une nouvelle mort, manquerait plus que ça. Un vampire suicidaire. Pas vraiment mon genre quand on y pense, surtout avec une raison de vivre aussi sexy qui m’attend le matin. Je dois être le premier vampire heureux d’affronter le soleil. Une journée avec lui, le taf la nuit avec Silas, je n’ai pas à me plaindre, je suis comblé autant professionnellement que personnellement.

Je ne résiste pas à laisser s’échapper un rire en le voyant fourrer son museau au milieu des viennoiseries et une miette se coller sur le bout de nez. Sérieux, plus craquant c’est possible ? Je l’attrape par le bras et l’attire à moi en ayant la ferme intention de faire vivre un mauvais quart d’heure à cette excroissance ininvitée. Je m’approche de son visage et de mes lèvres la chope non sans déposer un nouveau baiser sur l’extrémité. Forcément c’est à ce moment-là que je remarque que la porte d’entrée est ouverte et que Elaine me regarde. Mes yeux se plantent dans les siens et je m’éloigne maladroitement de Nath manquant de me vautrer contre la poubelle de la cuisine. Je tousse pour signaler à mon brun de jeter un œil du côté de l’entrée, même s’il semble avoir bien saisi la raison de ma perturbation. Je me ratrappe de justesse sur le plan de travail non sans renverser un verre qui vient se briser sur le sol.

« Euh, salut Elaine … »

Franchement dur, je me sens tellement stupide, un ado pris en flagrant délit avec son copain. Evitant de continuer la confrontation je me penche pour ramasser les bris de verre et forcément, me couper à l’index. Rien de grave, c’est pas comme si j’allais saigner.

Voilà quelques semaines maintenant que mon père avait évoqué avec moi sa nouvelle relation amoureuse. J'avais rencontré le monsieur aux obsèques de tante Axel. Il s'appelait Dante et pour que mon père m'en parle et l'invite à emménager c'est que ça devait être la perle rare le gars. Il emménageait aujourd'hui et j'avais prévu de venir aider. Je mettais donc levée de bonne heure et j'avais prit le tram. Il m'avait fallu quasiment une demie-heure pour aller de chez ma mère à chez lui. J'ai prit trois pains au chocolat en passant à la boulangerie. Oui bin j'ai pas des milles et des cents en argents de poche et c'est la fin du mois pour moi aussi. J'étais pas du genre acheteuse compulsive, mais y avait eu l'anniversaire de ma mère et là j'étais entrain de prévoir la fête de ma filleule, donc bon autant vous dire que j'avais prévue de la gâter.

J'arrive enfin devant la porte de l'appartement de mon père, après avoir monté tous les étages à pieds, puisqu'une fois de plus l'ascenseur était en panne. Heureusement qu'il avait déménagé de son appart, si c'était pour se retrouver dans un meilleure quartier, avec un bien meilleur appart, mais avec un ascenseur tout pourrit. Bref ! J'ouvre la porte sans même avoir sonné. Une mauvaise habitude ? J'suis à moitié chez moi ici, non ?
J'ouvre la porte, sans fracas, mais pas non plus le plus délicatement du monde. La première chose que j'aperçois ? Mon père et son chéri, dans les bras l'un de l'autre, s'embrassant. Ils sont devant une belle tablée, mais ça n'a pas l'air de les emballer des masses contrairement à leur bouche respective.
Alors j'adore mon père, mais ça fait admettre que je ne m'y attendais pas. Je reste stoïque devant la scène. Le premier lâche quelque chose en me voyant, qui se brise au sol, le second, mon père, réalise ensuite que je suis là. J'ai la bouche pâteuse, je suis incapable de parler sur le coup. Je les regarde avec des yeux comme des soucoupes. Oui, bin c'est une chose de les savoir ensemble, s'en ai une autre de les voir.

- B'jour !

Pas besoin de m'offrir le guide de "comment traumatiser sa fille pour les nuls", apparemment, j'ai parfaitement trouvé comment faire tout seul comme un grand. Enfin, avec l'aide de Dante, bien sur. Dante qui s'éloigne précipitamment, se bouffant une chaise, puis le plan de travail, pour finir par faire tomber un verre et se couper avec... J'ai quand même chopé le vampire le moins vampirique de toute l'histoire des vampires, si on y réfléchit deux petites minutes. Si ça me pose un problème? Alors là... si j'accepte volontiers sa part d'ombre, c'est pas pour ça que j'me suis casé avec lui. Il l'ignore lui-même, mais des qualités qui font oublier ce "léger détail", il en a des dizaines.

"C'est drôle, me semble que dans Twilight, c'est le vampire qui a de supers réflexes et l'humaine qui est gauche comme pas deux. Même si Robert Pattinson est loin de t'arriver à la cheville."

Si j'ai suivi le truc de ces séries/films à histoires de vampires où l'humain (humaine d'ailleurs, dans 95% des trucs) se fait toute la filmographie possible sur les vampires après avoir compris que son mec est un dangereux suceur de sang? Nope. On se l'est juste zieuté un soir avec Elaine, et j'avoue m'être demandé une seconde si Dante risquait pas de finir changé en boule à facettes à force de trainer au soleil comme il le fait...
Sinon, je glisse quand même un bras dans sa direction pour m'assurer qu'il a retrouvé son équilibre - à défaut de sa dignité - avant de rejoindre ma fille, la serrant contre moi autant pour lui dire bonjour que pour qu'elle se remette de ses émotions.

"Salut ma grande. C'est gentil d'avoir apporté le p'tit dej'!"

Dante l'a déjà fait? Ça en fait plus à manger, c'tout. Parce que non, j'compte pas manger tout seul. Entre cui-là qui mange rien et la miss qui a surement déjà déjeuné avant de partir... Bref, je relâche ma fille pour retourner à ce que je comptais faire avant que Dante ne m'attrape sur le chemin, c'est-à-dire, préparer de quoi accompagner les viennoiseries.

"Chocolat? J'comptais faire chauffer  le café avant que...  fin bref... avant que t'arrives."

Mon regard mode "sauve-moi!!!" lancé à Dante? Nope, vous avez totalement imaginé... ou p't'êt pas en vrai... Fin là je sens une autre galère arriver, devant le regard que Elaine lance à Dante. J'ai dit quoi comme connerie encore?

Je grimace. Non, je n’ai pas mal, enfin si, à l’égo, mais ce n’est pas ça le plus important. Non, si revenons quand même sur mon égo quelques secondes. Je ne le ramène pas à toutes les sauces, mais je viens de me faire comparer à un vampire en papier brillant qui peut se promener au soleil sans galérer, enfanter une adolescente et qui a la carrure d’un bébé ? Définitivement, je vais avoir la conversation la plus sérieuse de toute ma vie avec cet homme parce que s’il souhaite continuer de pouvoir profiter de CE corps, va falloir qu’il l’encense un peu mieux que cela. Et je compte même le forcer à re-regarder ces films et écrire une longue dissertation sur 100 pages de toutes les différences qu’il constate entre moi et le vampire à l’écran.

Sinon, rien de grave … Nom d’une pipe ! T’avais prévenu ta fille que son beau-père pouvait lui sucer le sang comme un moustique géant ? Alors je me freeze et je regarde Elaine d’un air « Si on réagit pas, c’est comme si rien ne s’était passé » Sauf que ça marche pas comme cela.

Dois-je faire remarquer le beau brun qui continu son monologue comme de rien tout ça parce qu’à la fiche de personnage il a tiré en malus « appel du ventre » et qu’il arrive pas à résister à la moindre odeur de pains au chocolat ? D’ailleurs, sa main qu’il pose sur moi avant de partir rejoindre sa fille, j’hésite une fraction de seconde de trop pour lui retourner le geste et saisir son regard histoire qu’il capte la bourde qu’il vient de faire.

De mon côté ? Je deviens blanc. Je dirais bien cadavérique mais j’ai peur que l’allusion à mon statut de macchabée ambulant ne fasse mauvaise impression alors réponse intermédiaire. Je saisi la perle dans mes cheveux qui me sert de charme et la fait tournoyer en riant nerveusement.

Je vais quoi ? J’opte pour un « Nan, mais ton père a beaucoup d’humour » ou « T’inquiète, je viens de manger. ». Non, aucune de ses deux réponses ne me satisfait et c’est à mon tour de répondre au regard désespéré de Nath par un autre, genre « Mec ! t’abuses !! »

Prochaine étape, apprendre la télépathie entre lui et moi, on a bien trop de chose à se dire qui nécessiterait de ne pas parler à haute voix.

Et là, c’est le drame ! Face à sa mine hébétée, je sens ma main partir d’elle-même et ma paume s’aplatir contre mon front d’un air tellement désolé. Pour Elaine. Pour Nath. Pour moi …

Si je suis bouche bée devant mon père et mon "beau-père", ouais on peut dire ça. D'ailleurs avant que je puisse l'appeler beau-père va falloir qu'on cause un peu plus de cinq minutes lui et moi. Je tends le sachet de viennoiseries à mon père lorsqu'il dit que j'ai bien fait d'apporter le petit déjeuner. Je ne peux pas quitter Dante des yeux. Enfin ça c'est jusqu'à ce que mon père me prenne dans ses bras. Je lui rends son câlin. Nous nous séparons finalement et il me propose un chocolat.

- Oui je veux bien un chocolat chaud. Je meurs de faim. Je voulais qu'on mange ensemble, donc j'ai attendu exprès.

Bon j'avais piqué un bout de croissant sur la route, mais ni vu ni connu, enfin jusqu'à ce qu'on ouvre le sachet en tout cas, vu que j'avais retourné le dit croissant pour pas que ça se voit, mais je savais où il était, donc j'aurais juste à être stratégique pour que ce soit moi qui tombe dessus.
Je regarde de nouveau Dante. Je n'ai pas vu son geste et du coup je ne peux pas en tenir compte. Je tente un pas vers lui, ne sachant pas trop comment m'y prendre. J'étais petite quand Paul est arrivé dans nos vies, dans ma vie et je ne m'en souviens pas, je ne sais plus ce qu'il s'est passé, comment j'ai réagis, alors c'est un peu comme une première fois là.

- Contente de vous revoir !

Je pose mes fesses sur la chaise la plus proche. Je prends la bouteille de jus et un verre pour me servir.

- Alors comme ça eu ... vous êtes ensemble ?

Oui parce qu'on ne sait pas vu depuis que mon père m'a annoncé qu'il était avec le vampire. Même pas peur, j'en ai vu d'autre^^.

J'embrasse ma fille dans les cheveux quand elle me répond qu'elle a attendu pour pouvoir déjeuner avec nous, avant de relever le regard vers Dante, que je trouve encore plus blanc que d'ordinaire. Qu'est-ce que j... attends, sérieux?

"Dante? Tu crois pas que j'ai omis de préciser à ma fille de pas se tailler les veines devant toi, quand même? "

Enfin, en vrai, evant lui ou pas devant lui, le fais pas ma puce, tu m'arrangeras... parce qu'à la limite vaut mieux encore devant lui, y a t'être une chance qu'il arrive à appeler les secours plutôt que d'être submergé par la faim... bref. Je met l'eau et le lait à chauffer avant de le rejoindre en quelques pas, glissant ma main sur son avant-bras pour attirer son attention.

"Assieds-toi, tu me fais peur là. Sérieux, je gère."

Je récupère deux tasses et un bol, dont je vérifie la propreté avant de les poser sur la table, glissant une main dans les cheveux de ma fille en passant. C'moi ou elle a encore grandi? Je suis rappelé à l'ordre par une casserole qui déborde, et je trouve le moyen de me bruler en me rappelant pas que sur celle-ci, la queue est en métal. Une injure dont je m'excuserai pas, une main passée sous l'eau froide et on en parle plus. Ok, ça pique, mais connu pire. Juste que ça titille. Je recommence en prenant un torchon, cette fois-ci, réussissant à servir Elaine sans la bruler au passage. Nous concernant, Dante et moi? La bouilloire a fini de chauffer toute seule dans son coin. Et il se pourrait que je l'ai légèrement oubliée.

Je lui souris timidement et un peu honteux, mais je ne me démonte pas. Faut dire que j’ai un peu toujours eu la répartie trop facile pour me défendre.

« Ça t’étonne que j’ai eu ce doute ? Ce n’est quand même pas commun ! »

Bon d’accord, j’aurais aussi juste pu lui faire confiance et savoir mieux que n’importe qui que Nath aurait pas omis ce léger détail à sa propre fille. Je soupire, exaspérer par ma stupidité. C’est juste que je me sens encore moins légitime dans cette famille. Je suis gay et un vampire ! manquerait plus que je sois roux et j’aurais le trio gagnant pour me faire brûler sur la place publique. Un beau bûcher avec festivité et ballons multicolores !

Je pose mon regard sur la jeune fille qui ne se laisse pas perturber par toutes ces informations. Fichtre. En fait, il n’y a que moi qui me sentent comme un con à rencontrer la famille de mon mec ? Je dois être trop vieux jeux, pour moi, présenter la famille c’est encore plus important que la demande en mariage finalement, enfin … non … si … bon c’est un tout et là, tout de suite, ça me paraît être la chose la plus importante au monde. Faire bonne impression devant la demoiselle et qu’elle m’accepte auprès de son père. L’enjeu ? Si elle m’aime pas, je sais très bien qui Nath choisira et je pense pas que je vivrai bien de me faire lâcher par l’homme que j’aime. Enfin, que sais-je, mais personnellement, j’aimerais bien qu’on s’entende.

« Du coup, oui, on est ensemble. »

Je ris nerveusement et essuie le lait renverser suite à la maladresse du brun. Sa brûlure, il gère et j’écoute son conseil aviser, m’installe à table non loin d’Elaine, non sans avoir récupérer la bouilloire et verser l’eau chaude sur le café. Loin d’être fan du café instantané, j’ai ramené de mon appart ma cafetière à piston, faut dire que je n’ai pas grand-chose qui résiste à mon estomac vampirique et une des rares choses que j’adore encore déguster, c’est le café. Fraîchement moulu. Je hume le parfum délicat qui embaume la pièce. Je suis trop vieux pour changer mes habitudes de toute façon. Satisfait, je reporte mon attention sur la jeune fille.

« Désolé Elaine, je suis pas très doué avec les mots, enfin, si tu as des questions vas y … Je suppose que c’est pas tous les jours qu’on voit débarquer le copain de son père qui plus est un vampire. »

Je tente un sourire en coin alors que Nath nous rejoint enfin. C’est mon courage qui revient avec lui et je reprends un peu de semblant. Je finis de préparer le café et nous en sers à chacun. La tasse à mes lèvres, j’avale une gorgée. Pour l’instant, je suis embarrassé et malhabile, mais avec le temps, je sais que je saurais apprécier passer tous mes matins de la sorte, un sourire niais vient poindre sur mon visage et je me prends à rougir en imaginant Nath m’inviter à vivre chez lui. Calme toi Dante ! une chose à la fois et pour l’instant concentre toi sur … est ce qu’il a des tiroirs vides ? J’ai jamais fait attention à comment il s’organise. Enfin bref, je divague.

« Et sinon, on se tutoie ! »

Mon accent des pays de l’est me trahi amplement sur mes origines et même si j’ai eu plusieurs décennies pour apprendre la langue, je ne suis pas à l’aise avec le vouvoiement et il m’arrive encore fréquemment d’oublier de vouvoyer les autres, alors que la jeune fille s’adresse à moi en ces termes me met quelque peu la pression.

Je regarde les deux autres piocher dans les sacs et un pseudo haut le cœur me vient à l’odeur de beurre. Le problème, c’est que je viens de boire du sang et je suspecte mon organisme de ne vouloir s’occuper que de cela lorsqu’il digère quitte à m’écœurer de mets humains. C’est d’ailleurs pour cette raison que je ne cuisine jamais après avoir mangé. Pour me distraire de ce malaise, je reporte ma tasse de café à mes lèvres.

Je me suis servie un verre de jus d'orange. Les choses s'enchainent entre ces deux-là. Je me lève de ma chaise lorsque mon père se brule, mais Dante est déjà sur le coup : il doit ça à sa rapidité hors du commun, j'imagine. Après s'être auto-soigner, mon père me sert un chocolat chaud et tout le monde finit assis autour de la table. Je prends le sachet de viennoiseries et le temps vers mon père et Dante pour qu'ils se servent. J'ai placé le croissant du crime au fond du sachet il ne devrait pas le voir en théorie ...
Je me tourne ensuite vers Dante qui me dit de ne pas hésité à lui poser des questions si j'en ai et de le tutoyer.

- Oui je crois qu'on peut faire ça. J'en ai bien une, mais ...

Mais quoi ? Avoir peur ? Après avoir rencontré Silas, je ne crois pas que je puisse avoir peur de Dante. Ils n'ont rien en commun, mais ce que je veux dire c'est que si je devais avoir peur de l'un des deux ça ne serait pas de Dante, physiquement parlant il a l'air beaucoup trop gentil. Mais je fais peut-être erreur. Après tout, je ne connais pas vraiment l'un ou l'autre et le premier m'a aidé avec mon côté sorcière alors que je n'ai fait que croisé le second.

- T'as quel âge ?

Si c'était la question que j'avais eu en tête quelques instants plus tôt ? Non vraiment pas, mais je devais commencé quelques part et je ne me voyais pas demandé au petit ami de mon père s'il comptait nous bouffer en pleine nuit.

Entre ma fille et mon mec, c'est officiel, je vais prendre du poids. D'un coté, fut une époque où je peinais à manger une fois par jour avec le salaire de misère (et le loyer de taré) que je me faisais, donc on va pas se plaindre de profiter un peu. Je me plaindrais quand faudra que je les regarde manger pendant que j'me fais un régime. Ok, avec Dante, c'est au moins quelque chose que je m'épargnerai. D'ailleurs, parlant de la chauve-souris, il s'est occupé de l'eau chaude que j'avais totalement oublié. Sérieusement, si ce mec n'était pas là, faudrait l'inventer. Et me le mettre de coté. Et me faire un sacré prix d'ami dessus parce que claro, j'aurai pas assez de toute une vie de salaire pour me le payer. Ok j'arrête, j'peux voir ses chevilles enfler.

Si je suis curieux de ce que Elaine pourrait avoir à lui poser comme questions? Bien sur. Surtout que je connais assez ma fille pour savoir qu'elle posera les bonnes questions, de celles que je ne me suis jamais posé. Et si je ne m'attendais pas à celle là, comme dit, elle a mis dans le mile, je me la suis jamais posée. Je sais juste qu'il est plus vieux que moi, du moins si j'en crois le peu qu'il peut dire sur son passé.

J'vais être honnête, j'attends sa réponse autant qu'Elaine, maintenant. Malgré ça, je glisse une main sous la table pour attraper ses doigts. J'ai jamais été assez longtemps avec quelqu'un qui avait soi-même des gosses (ai-je un jour été avec quelqu'un ayant soi-même des gosses?) pour me les faire présenter, mais j'imagine que son niveau de stress doit être au plus haut. Surtout connaissant le devoir qu'il s'impose à lui-même à faire en sorte que tout soit parfaitement parfait. Mais si j'peux me permettre un avis, j'la sens bien, cette "rencontre officielle". Assez pour décider de tenir la chandelle et les laisser se connaitre tous les deux. Tout en restant dispo pour du secours hein.

Je ris doucement à la première question de la jeune fille. C’est légitime. Il faut bien se l’avouer, je pourrais avoir 2000 ans ou réellement 27 que la différence ne se verrait pas. Tout l’avantage d’être un vampire, je suis éternellement jeune et beau. Oui, bon, si quand même, je n’y peux rien, ce n’est pas me vanter après tout, je suis diablement beau et je le sais.

« Pas si vieux que cela, j’ai 64 ans … juste l’âge d’être quasi ton grand père. »

Je ris une fois encore, mais vraiment c’est cela ! Je pourrais être le père de Nath, aucun doute que celui-ci ne voit pas ma connerie d’un même œil et c’est limite si je ne devine pas son regard qui se lève au ciel en m’écoutant. Je respire et son parfum me vient au nez. Encore un avantage d’être un vampire, mon odorat … j’adore pouvoir me dire que de loin, je reconnais son odeur entre mille.

Sa main se glisse vers la mienne et j’entrelace mes doigts avec les siens. Oh mon dieu. Si mon cœur pouvait encore battre, il aurait fait un bond tellement ce mec me fait chavirer. Je baisse les yeux et un sourire plus timide se dessine sur mes lèvres. Je ne crois même pas que Nath connaissait mon âge avant ce soir. Je suis trop protecteur, j’aimerais tout savoir de lui, mais je n’arrive jamais à lui parler de ma vie … toute ma vie, ma mort et ma résurrection. Il faut dire que l’ombre de Luka n’est jamais bien loin et je redoute de ce que cela pourrait apporter à notre relation. Je suis sans doute inquiet pour rien, mais j’ai besoin que tout soit parfait, surtout si le brun est dans les parages, ne jamais me montrer faible … ma plus grande faiblesse.

« Mais je suis mort à 27 ans … et toi tu as quel âge ? Parce que sinon c’est pas drôle si j’suis le seul à parler ! »

Je me redresse, me force à reprendre de l’entrain et mets de côté mes regrets d’une autre vie pour profiter du bonheur que m’offre celle-ci. La jeune fille est adorable et lui, j’en parle même pas. Si je n’étais pas aussi raisonnable, je le croquerai sur place. Figurativement bien sûr … quoi que ? Un baiser, un mordillement … rien de bien méchant juste de quoi … hum hum pardon, il faut que je me recentre, pas de pensées indécentes en présence d’Elaine, même cela ne se fait pas.

J'essaie d'assimiler cette nouvelle information. Il a l'âge d'être mon grand-père : soixante quatre ans. Je me demande quel âge à Silas ? Tout ça est si étrange quand on y pense. Un de ces quatre je vais croiser une gamine de genre douze ou treize ans qui aurait plusieurs siècles ? Nan mais c'est vrai quoi; tout est remis en question juste avec son âge. Et me pire dans tout ça c'est qu'on est pas les seuls : il n'y a pas que vampires et sorciers. J'ai croisé une métamorphe qui a été ma meilleure amie pendant des années et aujourd'hui j'ai un crush pour un yokai, enfin un renard un peu particulier quoi. Tout ça je l'ai jamais dit à mon père. Je voudrais pas qu'il balise encore plus à l'idée de me laisser sortir de cet appart'.

- Donc il y a plus de trente ans que t'es comme ça ? Wouah!!

Je ne peux retenir cette dernière expression qui montre toute ma surprise.

- Moi j'en ai dix-sept. Enfin presque !

Oui bin dans quelques semaines, on va pas chipoter. J'ai le cerveau en ébullition. Y a trop de choses qui me passent par la tête, trop de questions sans réponses, tout simplement parce que je n'ai pas osé les poser auparavant.

- Papa m'a dit que t'étais détective. Tu connaitrais pas un certain Silas ? Vous feriez la paire tous les deux j'crois!

J'en oublierais presque mon père dans tout ça. Mais bon après tout si je suis là pour faire sa connaissance, autant taper directe dans le vif du sujet, non. Je lui souris, pour le rassurer sur ce que je peux ressentir.

J'peux le baffer? J'vais le baffer. Parce que soyons honnêtes, si il me faisait penser à mon père d'un quelconque manière que ce soit, j'me serai pas approché à moins de dix kilomètres. Minimum. Suffit de voir la distance que je laisse volontiers avec Abraxas, malgré ses tentatives de rapprochement. Lui il me fait totalement penser à mon père, le coté "j'te frappe pour un oui ou un non" en moins. Alors je le laisse volontiers à Max, même si j'avoue garder un œil sur mon petit frère quand même, parce que je suis pas sur d'aimer le peu qu'il en raconte avec des étoiles dans les yeux. Bref.
En tout cas, je ne suis pas déçu de la réaction de Elaine. Dante avait beau se stresser de la vie à l'idée d'avoir cette discussion avec Elaine (ce qui a résulté à ce que Elaine et moi le coincions pour l'avoir, d'ailleurs...), je savais que ça se passerait bien perso. Parce que je connais ma fille, et même si elle peut se montrer maladroite, il n'y aura aucune mauvaise pensée de sa part.

Je lâche la main de Dante pour attraper son bras à la fois doucement et fermement, de quoi attirer son attention et lui signifier mon désaccord, quand il dit texto être "mort à 27ans". Les morts, ils sont dans une boite six pieds sous terre, j'ai eu mon compte d'enterrements dans ma vie pour le savoir, alors non, il est pas mort. Il est juste un peu moins humain que moi, c'tout. Mais je me contente d'un regard dans sa direction, sachant que c'est une conversation qu'on a déjà eu, qu'on aura encore, et que je compte pas avoir devant Elaine aujourd'hui. Pas prévu de casser l'ambiance pour un mauvais choix de mots non plus.

Le changement de sujet de Elaine tombe à pic. Et si je me lève un instant pour aller me chercher un verre d'eau dans la cuisine, je ne compte pas rater une miette de la discussion. Pas parce que Dante est plutôt du genre discret sur son travail (comme sur le reste, et c'pas une critique, mais une observation), et que je pense que comme beaucoup de gens, il veut pas ramener le travail à la maison. Mais parce que je suis content que son métier semble intéresser Elaine au delà de l'aspect "vampire de série tv" qui aurait pu être THE point qu'elle aurait gardé en tête. Elle m'a fait regarder Twilight hein. Pis faut bien l'admettre, son taf est plus intéressant que le mien. Même si je pourrai clairement pas m'y essayer. J'ai pas la patience déjà, et je crois que je saurai pas accepter l'échec quand il faut l'accepter pour se concentrer sur autre chose... ou m'occuper de dix cas en même temps sans me mélanger les pinceaux... Ok, j'accorde ce point à Dante, je suis un bordélique fini, et je crois que son taf, ça mérite quelqu'un d'ordonné comme lui. On a quoi en commun déjà lui et moi?

Revenant vers eux, je me glisse dans le dos de Dante, posant mon verre sur la table avant de laisser glisser mes mains le long de ses bras jusqu'à passer mes bras autour de son cou, me calant contre son dos, malgré le dossier de la chaise entre nous. Ouais, j'suis bien là, et ça me va très bien d'avoir attendu aussi longtemps pour présenter quelqu'un à ma fille si c'est pour avoir trouvé le bon à lui présenter. Je finis par le relâcher après quelques instants, déposant un baiser sur sa tempe avant de changer de place pour aller m'asseoir à coté d'Elaine pour lui glisser quelques mots à l'oreille.

"Alors verdict? Tu crois qu'il l'a mérité ou pas?"

Parce que oui, c'est Elaine qui a totalement le destin de Dante entre les mains concernant cette idée de lui filer une clef de l'appart, et t'être même d'avoir fait l'effort de vider un peu de place dans un rangement ou deux de ma chambre. Mais quelque soit sa réponse, ça n'empêche en rien la suite de leur conversation, j'ai un truc à bouiner à coté de toute façon.

J’adore la spontanéité de la jeune fille et je ne peux que me laisser entrainer par sa bonne humeur. Ce petit brin de femme est véritablement le rayon de soleil que Nath décrit. Et oui, je suis éternellement jeune et beau … j’acquiesce, non sans remarquer la réaction de Nath à mon petit défaut de langage. Le brun a beaucoup de mal a encaissé que je parle de moi en terme post-mortem et il m’intime sans cesse de reformuler. Je sais que cela l’irrite et je me promets toujours d’arrêter jusqu’à ce que le naturel revienne au galop … j’aime le côté ironique de la chose, l’autodérision est ma meilleure amie après tout. Je lui lance un regard discret et une petite moue boudeuse de chien battu pour qu’il me pardonne. Juste de quoi le faire fondre. Il le sait que j’ai cette mauvaise habitude et qu’il me faudra plus que deux ans pour l’évincer … 30 ans à parler de moi comme cela doivent rivaliser avec mon amour pour lui.

Mon homme s’enfuit, mais je le sens curieux à l’évocation de Silas. Un nouveau sourire se dessine sur mon faciès et je devine qu’Elaine ne sera pas la seule à prêter une oreille attentive.

« Tes perspicace ! On est collègue effectivement et j’ignore comment tu l’as connu, mais je suppose que tu as aussi tes sources. »

J’adresse un sourire complice avec la jeune fille. Silas ne m’a jamais rien dit comme quoi il aurait eu affaire a une jeune sorcière ? Je ne sais plus exactement, mais mon ami est discret au point que même certaines affaires bénéficient du secret professionnel même entre nous.

« On a pas exactement la même manière de travailler, mais on se complète plutôt bien. »

Pas besoin de le préciser, mais jamais, ô grand jamais je ne laisserai traîner le moindre dossier devant les yeux de la demoiselle. Autant pour elle, cela sera une obligation, mais je ne peux pas promettre la même chose pour la chambre de Nath où il m’arrive parfois de lire en l’attendant et de les y laisser traîner jusqu’au matin. Maintenant c’est à mon tour et je n’ai qu’une envie c’est de lui demander comment se passe les cours et si elle a une idée de ce qu’elle souhaite faire après le lycée, mais la présence de Nath freeze mon cerveau et je me contente de savourer ce bref instant de proximité. Même à travers le dossier de la chaise, je peux vaguement sentir la chaleur de son corps et mes yeux se pose sur le verre du barman plutôt que de penser que j’aimerais l’avoir pour moi tout seul à cette seconde. Le vil tentateur m’assène le coup de grâce avec son baiser et je le regarde comme une princesse regarderait son prince s’éloigner alors qu’il se dirige vers sa fille. Ah oui … il faut vraiment que j’arrête de me prendre pour une princesse ou Nath va finir par m’offrir des peluches licornes. Concentrons-nous sur …

Pas le temps de suivre le flot de mes pensées que la phrase murmurée par le brun à l’oreille de sa fille me fait froncer les sourcils. Ok, c’est peut-être le côté chasseur en moi, mais qu’est-ce qu’ils complotent ces deux-là ! Je lui adresse un clin d’œil pour le faire capter que l’oreille d’un vampire n’a pas trop de mal à entendre … c’est sans doute pas pour rien qu’on a affilié le vampire à la chauve-souris, enfin, ce n’est que ma théorie bullshit, mais bon.

Il me plaît bien.
Je relève pas quand il dit qu'il est mort. Après tout c'est la vérité, il a fallu qu'il meurt pour revenir après avec ses capacités de vampires. Croyez moi j'ai regardé et lu tout ce qu'il les concerne comme la bonne ado que je suis. Et comme toute ado, je crois en avoir tout saisi, la chute risque de faire mal.
Il connait donc Silas et ils travaillent ensemble. Alors ça si je m'attendais.

- Disons qu'il m'a aidé à parler à papa quand j'en ai eu besoin.

Je souris à ce dernier lorsqu'il se tourne vers nous. Mon père revient vers la table. J'aperçois son petit manège avec Dante et je souris. Il est heureux, ça se voit. Il vient ensuite vers moi et me demande alors à l'oreille ce que je pense de ce monsieur assis face à moi. J'aime bien faire mariner les gens en ce moment, cherchez pas une histoire d'ado qui essaye de savoir qui elle est, mais là tout de suite, je dois pas avoir encore assez mangé, parce que là seule chose qui me vient, c'est :

- Ouais, je crois que ouais !

Ok va falloir trouver mieux, ma p'tite. Je reprends à morceau de la viennoiserie que j'ai entre les mains, que dis-je, je la dévore littéralement. C'est pas des masses polie, mais faut que je me remette les idées en place : grand-mère serait outrée par ma réponse, je ris à cette idée. C'est sur il va me prendre pour une folle maintenant.

- T'es de Chicago ? En soixante ans t'as du voir du pays, non ?

Dis-celle qui a des rêves de voyage en tête depuis un certain temps.

Elaine répond positivement à ma question, et je lui offre mon sourire le plus sincère avant d'embrasser sa joue et littéralement sauter de ma chaise pour me diriger vers la commode où j'ai planqué le double de clefs que j'ai préparé pour Dante. Les laissant discuter entre eux, même si je sais bien que j'ai attiré l'attention de Dante de mon coté. Je finis donc par revenir vers eux, vers lui, pour lui glisser le trousseau dans la main, l'embrassant sur la tempe avant de revenir vers Elaine. Parce que je ne suis pas sur à 100% que ma fille ait envie de nous voir nous embrasser... encore une fois. On l'a assez traumatisée pour aujourd'hui.

"Bienv'nue à la maison. J'ai même fait de la place dans les tiroirs."

Ce qui relève du miracle me concernant, mais ça, il le sait déjà. Alors en attendant qu'il réalise ce qu'il a précisément dans la main, moi, je finis mon café avant qu'il ne refroidisse. Tout en abandonnant un dernier morceau de croissant à Elaine, qui a l'air particulièrement affamée ce matin. J'imagine qu'elle va récupérer un morceau de cui de Dante en passant, si elle la joue assez maline. Et ma fille est maline. Elle a de qui tenir dans le genre.

Bon au moins, la jeune fille à l’air d’être raccord avec son père et je ne peux empêcher un sourire de naître sur son visage face à une telle complicité. Ils sont trop mignons, ils le savent ça ? J’en viendrais presque à les couvrir de bisous, mais ma timidité/bon sens me l’interdit royalement. On ne dépose pas des bisous sur les gens même quand on en a très envie ! En attendant que Nath revienne puisqu’il semble avoir mieux à faire plus loin, je continue de converser tranquillement avec la jeune fille.

« Pas exactement, je suis de l’ex Yougoslavie à la base, j’ai appris l’anglais en arrivant ici il y’a une trentaine d’années, mais je n’ai pas tant voyagé que cela, j’ai surtout étudié, beaucoup, beaucoup étudié et c’est tout. »

Enfin, c’est déjà pas mal plutôt. J’ai pris un malin plaisir à assister à autant de cours que possible, m’inscrire dans un milliard de matière, valider des licences, master et doctorat juste pour le plaisir en bougeant d’une classe à l’autre, personne ne remarquait que je ne vieillissais pas puisqu’à chaque fin de cursus je reprenais du début avec de nouvelles têtes et des nouveaux profs … la bonne planque entre ça et mon travail pour la police a posteriori, l’avantage de ne pas avoir besoin de sommeil entre autre ! J’ai pu enchaîner l’un et l’autre sans jamais manquer de temps non plus pour lire, réviser ou encore enquêter. Mon parcours m’a conduit en sciences sociales, psychologie, histoire, biologie, biochimie, criminalistique pour la plus récente et j’en passe. D’ailleurs, aucun doute que l’envie d’apprendre ne va finir par me chatouiller à nouveau et je sais que je retournerais sur les bancs d’école sans problème … mais en même temps, la question d’Elaine me laisse également une grande envie de voyage et de découvrir le monde … en présence de mon homme ? Définitivement. Si les études sont une expérience solitaire, devenir un globe-trotteur peut immanquablement se faire en couple et je n’y manquerais pas. J’adresse donc un sourire dantesque à mon homme alors qu’il revient vers moi et tend bêtement la main pour réceptionner son cadeau et son bisou sans même comprendre. Mes deux neurones se connectent et j’ouvre la bouche en cœur de surprise tout en écarquillant les yeux.

« Mais non ! »

Si un sourire barrait déjà mon visage, là il me le fend en deux et je suis à deux doigts d’avoir une crampe aux joues. Ok, je me retiens, mais j’ai envie de crier et de sautiller, mais mon corps se paralysent et je cache mon émotion derrière mes mains, dissimulant la moitié de mon visage. Il va me faire pleurer ce con à me faire des surprises pareilles avec sa fille ! Je les aime tellement !

- Moi aussi j'adore apprendre de nouveau truc. J'ai plus de mal avec les langues, c'est dommage. Peut-être qu'un jour je voyagerais aussi. Paraît qu'il y a rien de mieux pour apprendre une langue que d'aller dans le dit-pays où on l'a parle, c'est vrai ? L'ex-yougoslavie ? C'était avec la guerre ça, non, à l'est ?

Après que je lui ai répondu, mon père me tend un morceau de son croissant. Même lui l'a vu. Une histoire de croissance ? Moi je mettrais ça sur le compte de l'excitation de rencontrer le copain de mon père, parce que la croissance à seize ans, j'espère bien ne pas avoir attendu aujourd'hui pour la faire.
Un regard vers Dante pour voir sa réaction et j'en suis toute chamboulée. Il a l'air tellement surpris et heureux à la fois que mon père lui offre une clé, de chez lui et en plus avec de la place dans ses placards pour que lui mette ses affaires, ok celle là je l'avais pas vu venir je dois le reconnaître. Mais c'est cool. j'apprécie le monsieur face à moi, avec ce qu'il me dit et ce qui ressort de lui, alors pourquoi pas emménager carrément, moi ça me va. Et puis c'est pas moi qui décide de toute. Je reste pas bien longtemps la dessus, après tout j'ai un estomac qui crie famine :

-Ton morceau là, t'en veux plus ? Nan parce que un vampire ça mange pas comme nous de toute, si ?

J'attends même pas sa réponse à vrai dire, je sais que j'ai raison, je n'ai aucun doute sur la véracité des films et séries que j'ai pu voir, alors que je sais très bien que ce n'est pas réel, enfin si c'est réel du coup, donc après tout, pourquoi ça ça ne le serrais pas.
Me rendant compte un peu tard de ce que je viens de dire et de faire, j'en ai plein la bouche, lorsque je jette un coup d’œil vers mon père, beaucoup moins sur que moi une seconde après l'avoir fait. Ça pour le coup c'était vraiment très mal polie, je peine à avaler.

- Désolée.

Dis-je la bouche à moitié pleine. C'était vraiment pas dans mes habitudes d'agir comme ça, mais j'avais si faim et j'étais un peu stressée aussi faut dire, même si ça avait rien à avoir avec le fait de rencontrer le='enfant de son copain, mais rencontrer le copain de son père c'est particulier aussi et mon père m'avait pas habitué à ça loin de là. j'étais censé faire bonne impression, non ? Bon bin là pour le coup j'imagine que c'était raté.

Hormis sa capacité surhumaine à manier la canne comme personne, faut avouer que j'ai pas tant de souvenirs que ça de mon paternel. Disons que j'en ai éclipsé pas mal surtout. Et pourtant oui, je suis capable d'affirmer que Abraxas lui ressemble trop, ou qu'il ressemblait trop à son grand-père, au choix, parce que cet abruti de démon arrive à me donner des impressions de déjà-vu par sa simple présence, ses façons d'agir, je sais pas, mais y a un truc. Ca doit être une des raisons qui me font l'éviter à ce point. Il me rappelle mon père, et pire même, il me fait me rappeler de trucs que j'avais enfoui tellement profond que j'm'en rendrait même pas compte si on me lavait cette partie de la mémoire à l'eau de javel. Pourquoi j'en parle? Parce qu'avant de connaitre Max, j'aurai juré que ma fille tenait son manque de tact de sa mère. J'ai des souvenirs assez frappants du "tact" de mon ex-belle-mère, faut dire. Même si le sien était bien plus blessant que les inattentions de ma fille. Maintenant que j'ai eu droit à voir le père, le fils et l'arrière grand-père, je peux dire que c'moi qui suit pas normal dans cette famille. Et pourtant, je suis pas vraiment le cérébral de l'arbre généalogique, j'ai pas honte de l'affirmer. Donc, se dire que je suis le seul à réfléchir avant de parler... ça fait vraiment peur.

Mais faut être honnête, loin de me vexer, ou d'avoir une remarque à lui répondre, je me contente de cacher mon rire derrière ma main, admirant la facilité avec laquelle elle se permet d'être aussi naturelle avec Dante. J'avoue, j'ai presque autant eu la trouille de lui dire que je sortais avec un vampire que de lui dire que j'sortais avec un mec. Parce que j'ai beau avoir subi la crise "Twilight", je crois que Elaine sait qu'il faut regarder la taille des crocs d'un animal avant de lui caresser le museau. Sans vouloir comparer Dante à un animal, mais j'm'embrouille tout seul, donc merde, je résume. Mon mec s'est pas barré en courant en pigeant que j'l'invitais à squatter plus souvent, ma fille s'est pas barrée en courant face à mon mec, j'appelle ça une bonne journée qui commence moi!

"Bon beh ça c'est fait, on peut dire que la glace est rompue!"

Elle est futée !

« Oui, c’était la guerre civile. Pas vraiment fun si tu veux tout savoir. J’en suis partie, j’avais à peu près ton âge, avec mon petit ami on a fui. »

Je continue de sourire, mais mon cœur se serre à l’évocation de Luka. Heureusement pour moi, Nath me rappelle à l’ordre et son cadeau me fait oublier instantanément le chagrin présent quelques secondes avant. Si mon cœur battait, il aurait explosé de bonheur. Je l’aime, je l’aime, je l’aime ! La demoiselle quant à elle, laisse parler son estomac. Elle rebondi sur un tout autre sujet bien moins attristant que la guerre et Luka, même s’il me rappel ma condition de macchabé ambulant. Je ris gentiment avant de lui répondre.

« Encore une fois, tu tapes dans le mille. J’ai pas une grosse appétence pour la nourriture. »

De toute manière, la jeune fille vient d’enfourner le morceau de croissant et je la regarde déglutir avec difficulté avant qu’elle ne s’excuse. Vraiment trop mignonne ! Ce qui a le mérite de faire rire Nath en prime et je fonds totalement à le voir aussi heureux. Ça tombe bien, Nath et son histoire de glace me mette dans l’ambiance.

« J’confirme, vous me faite fondre tellement vous êtes tous mignons ! »

Je les regarde avec un air attendri et choppe la main de Nath sur laquelle je dépose un baiser. Ce mec à la capacité de me faire sentir normal et accepté. Et si je ne m’abuse, sa fille a le même don que lui.

« Bon, va falloir que je trouve un porte clé pour ce nouveau jeu ! »

Je sais bien que ça veut pas non plus dire qu’on emménage ensemble, mais c’est un premier pas et ce pas là, je ne l’avais jamais franchi avec personne. Il est mon premier et je veux qu’il soit le seul.

Un p'tit copain ? Il avait un petit copain à mon âge ? Ok, ça me rappelle que moi je le suis pas et que c'est pas près de changer au train où vont les choses. Mais après tout, qui peut dire de quoi demain sera fait ? Surement pas moi. Pas dans ma famille, pas dans ma famille. Je crois que je ne dirais plus jamais "jamais". Bref je m’emballe pour pas grand chose.

J'enfourne son croissant avant de m'en excuser. Je suis pas comme ça d'habitude, cette impolitesse c'est pas moi, à part pour emmerder mes grands-parents maternelles, mais ce n'était pas le cas aujourd'hui, donc bon ... C'est le stress je crois. Je dois tenir ça de mon père, pas pour la bouffe, mais pour m'en faire pour pas grand chose des fois.
Il semble ne pas m'en vouloir du tout pour ce que je viens de faire et au contraire il sourit et mon père aussi d'ailleurs, mais il a bien caché son sourire, je ne l'ai pas vu. Je ne l'entends pas me réprimander c'est déjà pas si mal à mes yeux. On est mignons ? On est pas des lapins, on est pas mignons ! Un bébé s'est mignon, mon père et moi on est juste au top, voilà tout. Ok là c'est moi qui sourit de ma propre bêtise.

Le nouveau jeu ? Ah le nouveau jeu de clé j'suis con. J'ai mit du temps à intégrer cette dernière phrase.

- Ouais fais gaffe c'est ta seule possibilité ! Enfin je devrais plutôt dire ta seule chance, y a pas de double possible !

Ce que j'entends par là ? Qu'il à l'air cool, mais qu'on fait pas de mal à mon papa, alors gare à ses fesses de vampires, je saurais ou trouver un pieu aiguiser, j'ai des contacts dans le quartier. Oui c'est partie d'une histoire de clef et je sais pas pourquoi je dis ça, pourquoi maintenant, j'en sais rien, c'est venu tout seul.
Et dire que j'étais censée partir sur une histoire de clé toute simple et j'ai dévié sur ses chances avec mon père, s'il lui fais du mal à mes yeux ... bref faut que j'arrête de réfléchir moi.

Dante, s'il te plait, n'explique pas à ma fille qu'à son âge, on avait l'un comme l'autre une vie sexuelle bien active, ça m'arrangerait. Et ça éviterait quelques meurtres à venir. Non pas que je ne fasse pas confiance à Elaine pour savoir être intelligente et attendre le bon moment, juste que le "bon moment" et le "bon garçon" (ou la bonne fille) ne seront jamais assez bons pour moi. Pour ne pas dire "on my dead body", parce qu'avec le mort-vivant contagieux dans la pièce, ça me ferait suer que cette expression m'empêche pas de voir ce jour arriver.
Bref, trêve de plaisanterie.

"Mignons, fait gaffe, ce chaton a de bonnes griffes quand on embête son paternel. Autant que j'en ai quand on l'embête, d'ailleurs."

Je me lève pour débarrasser une fois le petit dej fini, glissant une main dans les cheveux de ma fille avant de faire le tour de la table et prendre le bol de Dante, ma main glissant sur son épaule, luttant contre mon envie de l'embrasser. Je crois que choquer ma fille une fois par jour suffit largement. La vaisselle dans le lavabo, attendant d'être nettoyée un autre jour, je reviens vers eux, pas vraiment sur de la suite.

"Bon, ça vous dit une promenade sur le front du lac? Ou c'trop tôt encore?"

Vous qui voyez, si vous préférez vous taper les redifs de Mars Attack, faites vous plaiz.

Je souris à les voir si complice et au jour d’aujourd’hui, je ne vois aucune raison d’avoir peur des griffes de mes deux chatons préférés ! Je les regarde attendrie par leur manège et résiste tout autant sans le savoir à l’envie de Nath de m’embrasser. Je ne m’imagine juste pas le faire devant Elaine comme si de rien n’était et qu’elle vient de découvrir quand même que j’allais en plus vivre sous le même toit.

« Où tu veux ! Promenade et je dirais même resto si ça vous dit pour fêter ça ! »

Ouch, la vieille habitude de proposer à manger quand on est humain est encore tenace et va falloir sérieusement que je m’entraîne à manger comme eux si je veux pas trop les dépayser et pouvoir participer aux repas de familles le soir …. Oui oui je sais, je me projette déjà bien trop, mais j’aime l’idée d’une vraie famille, qui mange ensemble, converse autour d’un bon repas, rit et finit même par un petit jeu de société ou un bon film … j’suis vieux jeu, je vous l’avez dit !