Voyage entre deux eaux [LIBRE, groupe possible]

Je me rend le moins possible sur le continent. Déjà parce que, après m'être habitué au calme de la vie elfique - et ce fut compliqué pour moi -, l'effervescence de la ville telle que la conçoivent les humains m'est devenue trop compliqué à suivre. Ensuite, parce que les navettes sont loin d'être quotidiennes, et donc, traverser signifie être coincé quinze jours de l'autre coté du lac. Enfin, j'avais à faire à Illusk, et je n'ai pas encore trouvé d'accès pour m'y rendre sur l'ile. Je n'en cherche pas, à vrai dire. Darkhan a beau gérer sa cité d'une main de maitre, elle abrite suffisamment de parias et autres individus peu recommandables - et ça vient d'un Drow, je sais, ironique à souhait - pour que j'évite de permettre un accès facile entre là-bas et chez moi. En passant, j'en ai profité pour faire achat de quelques articles qu'on ne trouve pas sur l'ile, et si vous voulez vous faire bien voir des gamins du coin, misez sur le chocolat. De toute façon, je crois que même chez les elfes, plus c'est industriel, plus ça plait aux gosses.

A présent, j'ai juste envie de rentrer chez moi, prendre une bonne nuit de sommeil avant de reprendre mon rythme de vie habituel. A savoir? Patrouilles, promenades en forêt et services rendus au village, avec quelques instants de calme passés avec mon épouse. Les enfants? Les deux sont en ville pour le moment, alors je prend des vacances de ce coté là.
C'est pourquoi je me permet d'interrompre le petit speech connu archi connu de la banshee, capitaine du navire sur lequel je compte bien faire une traversée rapide. Mais au rythme où on démarre, le lac va geler avant qu'on ai levé l'ancre.

"Capitaine? Je crois qu'on a compris. Tu pourrai pas nous l'offrir en cours de route, ton sermon?"

Dans ma voix, aucune envie de lui manquer de respect. Juste une trace de lassitude due au fait que je poserai bien ma tête sur l'oreiller avant le lever du soleil après quinze jours à me contenter de la rêverie qu'utilise mon peuple en guise de sieste. Entendez que je pourrai m'en servir quinze jours de plus sans difficulté, mais ça ne vaut pas une bonne nuit de sommeil.

Il est de la pensée commune qu'une créature aquatique préfère traverser un lac par le fond que sur une coque de noix appelée à sombrer un jour ou l'autre, sans vouloir causer d'offense à son capitaine. Seulement, il vous suffira de jeter un œil au ciel au dessus de nos têtes pour remarquer la pleine lune, ronde et brillante, telle un projecteur changeant les écailles des poissons en autant de miroirs. Et là est mon drame. Mes écailles étant d'une surface légèrement supérieure que celle de la myriade de poissons qui peuplent ces eaux, l'éclat de la Lune me rend bien trop perceptible à la vue des humains au milieu de l'obscurité de la nuit. Alors, pour profiter des flots que j'affectionne tant, c'est de l'Ile qu'il me faut plonger. Cette Ile que sa magie protectrice rend inexistante à ceux qui n'ont rien à y faire. Pour être honnête, la créature magique que je suis arrive parfois à la rater en nageant à coté. Je crois que seul le Hollandais a la faculté d'y accoster à tous les coups.

A peine à bord, je m'appuies sur le bastingage, observant le remous de vagues que je connais aussi bien que de vieilles amies, devant contenir mon impatience de les rejoindre, un léger reflet d'écaille sur ma peau, que je capte du coin de l’œil sur l'une de mes mains, devant en être témoignage. Contrairement aux métamorphes, la créature en laquelle je me transforme n'est pas ma seconde nature. C'est mon vrai moi. Celui qui ne demande qu'à retrouver son élément à défaut de sa terre natale. Et je dois avouer que l'interruption de l'elfe noir face au discours de la capitaine du navire me tire un léger sourire. Pour une fois que ce n'est pas sa fée domestique qui trouve une façon de se faire remarquer...

"Je pensais les Drows plus patients encore que les elfes."

Un commentaire lâché à la volée, une fois les amarres larguées, alors que l'homme passe à ma hauteur. Y répondra s'il le veut.