Un truc que je ne sais jamais rater? Les illuminations de Lincoln Park, of course. Cherchez pas, je suis un gosse. Ok, nope, pas tout à fait, vu que j'ai quarante balais, et croyez moi que je les sens quand j'me lève tout courbaturé le matin. Faut vraiment que j'trouve un coussin ou deux à mettre sur mon canapé pour sentir un peu moins les ressorts. Bref, on disait Lincoln Park, et le fait que chaque année, je suis au rendez-vous. Honnêtement, me demandez pas qui ou comment, j'en sais rien, mais tout ce que je sais dire, c'est que si ça c'est pas de la magie, moi, je suis un fichu loup-garou. Y en a qui accusent les fées, d'autres des lutins, d'autres encore qui disent qu'il y aurait deux ou trois sorciers bien avisés parmi les services publics de cette ville... entre nous, je réfute cette dernière théorie, si elle était vrai, les services d'éboueurs seraient plus compétents. Ok, avec tout ce qu'on peut récupérer dans les bennes à ordures, heureusement qu'ils ne le sont pas plus, faut dire... re bref.

Tout ça pour dire que ça fait cinq fichues années que j'ai pas pu assister au spectacle, et donc, je compte bien me rattraper. Et pourquoi pas en faire profiter quelqu'un dont je doute qu'il ai un jour trouvé du temps à y consacrer. Comment dire que moi qui voulait pas d'un mec qui soit sur mon dos H24 et passe sa vie à me rabâcher qu'on se voit pas assez parce que je suis un trainier fini, je suis servi. Entre son taf et mes activités, c'est presque moi qui trouve qu'on se rate à chaque marée. Donc ouais, vous avez touché dans le mile, c'est bien Matt que j'appelle pour y proposer de prendre une pause. Et après trois minutes d'explications sur ses obligations, le retard pris dans son travail et autres excuses qui ne tapent pas vraiment dans l'oreille d'un type qui n'a jamais su ce qu'était un boulot à temps plein, je finis par lui dire que c'est bon et le laisser raccrocher. Si j'suis un con à pas insister plus? Comme dit, un taf, j'sais pas ce que c'est alors, nope, j'sais pas non plus ce que c'est que d'être marié avec. Un de mes exs était flic, et dans le genre "je me tire en plein milieu d'un rencard parce que j'ai zappé que j'étais d'astreinte", j'ai donné. Si j'suis prêt à remettre ça? J'en sais rien. Autant c'est clairement pas moi qu'on verra rêver d'une vie bien rangée avec mari et gamins, autant desfois, j'me dit que j'dois adorer les emmerdes quand on voit où j'vais les chercher, sérieux.

Bon, dans le coup, me reste à trouver quelqu'un à trimballer avec moi. Tout seul c'est pas drôle. Et c'est là que je tombe sur deux têtes bien connues qui ont bien fait de se pointer à ce moment précis.
"Tiens, Ethan, Angel, vous tombez bien. Ca vous dit une virée au parc?"
Ok, c'est pas dit qu'ils vont pas s'offrir une récolte de porte-feuilles en passant, les chenapans, mais j'étais pas beaucoup plus fin à leur âge. J'dirai qu'un manque de talent évident et la rencontre avec un flic pas trop con m'ont appris à jouer dans d'autres cercles... et y a pas à dire, la reconversion paye bien plus! Si vous saviez le fric qu'on peut tirer à un touriste trop crédule avant qu'il ne comprenne qu'il s'est fait rouler... Bref, on avait parlé d'exemple à donner. C'est un peu l'idée du milieu. Les plus âgés protègent les plus jeunes, au moins le temps qu'ils ne décident si ils veulent rester ici ou se sortir de là. Pour être honnête, y en a pas beaucoup qui restent par vocation, alors... on joue un peu les familles d'accueil qu'ont pas voulu d'eux, de ces gosses.

Et une bonne demi-heure plus tard, je finis par arriver au parc, le plus grand des deux gamins déjà parti devant moi, attiré par les lumières comme un papillon devant un lampadaire, le plus petit accroché à mon dos après avoir raté le bord d'un trottoir sur la route. On se débrouillera pour y faire un bandage serré en rentrant, en attendant, je pense que l'endroit suffira largement à lui faire penser à autre chose.

 +Lincoln Park, hum?+

Que je demande par SMS près de quarante cinq minutes plus tard pendant un entretien avec le fantôme de mon frère qui se la joue psy, conseiller matrimonial et moralisateur. Je dois admettre que je ne suis jamais tombé aussi bas pour quelqu’un. Ma dépression hivernale a commencé bien tôt dans l’année et je ne sais pas pourquoi. Nous sommes le premier décembre et mon cerveau a décidé de me lâcher avant la fin de l’année. Mon frangin a bien choisi sa soirée pour jouer son rôle de grand frère, il a réussi à me botter le cul d’une certaine façon. Que je ne peux pas foutre en l’air ma relation avec Shawn a cause de mes stupide peur que je me fait. C’est vrai quoi qu'est ce qui pourrait lui arriver après tout? Oh la, le cerveau stop! Il ne lui arrivera rien! Tout va bien! C’est à cause de toi que je court à notre perte en continuant à l'éviter depuis une semaine à cause de tous les scénarios que tu me fais vivre pour rien depuis deux semaines et demi peut être plus, bref il a vu mon début de dépression hivernale, mais pas lorsque je suis en plein dedans comme maintenant. Bien que nous soyons un couple qui dépasse la normalité, cela nous convient à tous les deux.

Il y a cinq ans, jamais je n'aurais pensé ressentir ce que je croyais avoir perdu, ce petit papillotement dans l’estomac ou ce petit fourmillement d'excitation au bout des doigts. Pour un parfait plus ou moins étranger, puisque je l’avais déjà croisé dans un bar, lorsque je me faisais un peu plus libertin, pour cesser presque totalement au fils des cinq ans jusqu'à retomber dessus libre comme l’air. Bien que j’ai essayé de lui rendre visite lorsqu’il était en cage et qu’il ne voulait rien savoir, allez savoir pourquoi j’ai fait ça a quelque reprise pendant cinq ans, je lui ai même écrit des lettres, j’ignore s’il les a reçues, faudrait je lui demande. Était-ce un signe de pitié, non, je voulais simplement lui faire savoir qu’il y avait quelqu’un qui l'attendait de l’autre côté des clôtures pour apprendre à le connaître. Qu'est ce qui m'a poussé à le faire? Je ne pourrais pas le dire, je me suis battu pendant presque cinq, m’autorisant enfin a honoré ma promesse s’il voulait bien de moi et voilà maintenant que j'agis comme un con a cause d’un sentiment de peur, parce oui, grâce a mon frère, j’ai réalisé que je ne voulais pas le perdre, que je l’aime tout simplement et que je devais me rendre à l'évidence qu’il me rend simplement amoureux et heureux? Qu’avec lui tout s’envole? Que depuis notre premier baisé a l'aéroport que je ne peux pas me passer plus de 72 heures sans le toucher et l’embrasser ou minimum m’entretenir au téléphone comme ce soir. Parce que oui, je me suis senti léger en lui parlant, mais tout autant coupable de refuser son invitation. Parce que je ne voulais pas qu’il me voie dans cet état lamentable dans lequel je me suis mis? Parce que mon cerveau se l'est joué mode auto défense en refusant et prétextant de travailler mais qu'à vrai dire je n’ai rien à faire de la soirée puisque tous mes dossiers sont clos sauf un, mais que je n’entendais pas ce que me disais mon corps, mon cœur parce que ma tête criait trop fort. J’ai besoin d’entendre sa voix, j’ai besoin de le sentir près moi, j’ai besoin de le toucher, de dormir près de lui. De le savoir la quand ma tête décide de tout foutre en l’air par crainte de le perdre? J’ai besoin de l’entendre dire qu’il m’aime à sa façon et qu’il sera toujours là.

Assieds sur ma terrasse, je me suis permis a repenser a nos moment seul à seul, de nos moments des plus intimes que j’ai réalisé que j’avais plus que besoin de sa présence, parce qu’un fantôme ça donne froid dans le dos quand il essaye de t’en coller une derrière la tête. Que j’ai fini par lui envoyer un message texte avec un petit sous-entendu, aller savoir s’il a compris. A cause de ma divagation des plus ou moins perverse, j’ai finit par sauté dans une douche chaude que j’ai terminé froide pour calmer mes ardeurs, j’enfile de nouveau mon jeans foncé, un nouveau t-shirt noir et ma chemise bordeau, une veste chaude, mon manteau parce qu’il fait plus froid que ma terrasse chauffé, mes lunettes, passant mes mains dans mes cheveux pour un semblant de coiffure, parce que si vous avez suivi j’évite le miroir, avant de prendre mes clefs et de sortir par la sortie de secours du Pandemonium, prendre ma voiture la plus passe partout et je réussie a me stationner dans l’un des stationnements de coté, je ne l’ai pas prévenu de ma venue et j’espère bien le trouvé au pire je serrais sortie de mon loft que je me dit sinon je l’aurais appeler pour essayer de le retrouver quand meme. C’est mains dans les poches, le regard un peu perdu, puisque je ne reconnais pas le parc avec toutes les lumières que je commence ma lente recherche. Au bout de quelques minutes, je crois l’apercevoir qui vient vers moi avec un enfant sur le dos? J’ai raté un épisode, je crois… Je me suis arrêté presque au milieu du chemin parmi tous ses gens pour le regarder venir avec un petit sourire, c'est un fait j’entend presque mon frère me dire: Je te l’avais dit que tu te sens mieux avec lui dans les parages! Je sais que je suis plus ou moins présentable que d’habitude avec une barbe de quatre jours, sortie tout droit de la douche, les cheveux coiffés à même mes mains sans aucun produit coiffant qu’ils me chatouille le front, lunette sur le nez. Lorsqu’il se trouve être un peu plus près je souffle un…

-Surprise…?

Si Ethan se sauve rapidement dans la foule, oubliant totalement l'idée de me servir d'alibi pour justifier ma présence ici en solo ou presque, Angel est fermement cramponné dans mon dos, appréciant suffisamment de se faire porter pour profiter plus que largement de sa cheville peut-être ou peut-être pas foulée. Accessoirement, on ne peut pas dire qu'il pèse bien lourd, donc, si ça l'amuse.
Et, pris dans les visions féériques que nous offre le travail des fées, je manque le manquer, mon grand échalas préféré. Si ce n'est qu'il est difficile de rater un type qui dépasse la foule d'une tête et demi. Même quand on ne s'attend pas du tout à le voir venir. Parce que oui, je le sais si accroché à son boulot que quand il m'a offert un argumentaire en défaveur d'un rendez-vous à l'improviste ce soir, je n'ai pas cherché à le contrer.

"Surprise oui. Idiot va!"

Disant cela, je cale le gamin d'une seule main pour utiliser l'autre pour lui imposer un coup de poing dans le torse. Avant de glisser cette même main à son cou, observant la tête qu'il a ce soir. Parti comme il l'est, il va bientôt arborer une barbe plus épaisse que la mienne. Ca fait si longtemps qu'on s'est pas vus, sérieusement?

"J'veux pas pourrir l'ambiance, mais t'as une sale mine ce soir."

Je laisse ma main descendre le long de son bras jusqu'à ce que mes doigts puissent se mêler aux siens, et c'est le moment que choisit mon passager pour montrer des signes d'impatience. Je tenais aussi peu en place à son âge?

"Ca t'embête si on avance? Tu me raconteras tout en chemin? Et j'en profiterai pour te présenter Angel. J'en ai un autre qui se promène... quelque part. J'allais quand même pas venir ici tout seul comme un con, non?"

Celle-là, il ne l'a pas volée, même si je la lui offre avec le maximum d'humour possible. Non, j'y en veux pas de cette magouille. C'pas comme si j'en avais profité pour me pointer avec un autre, et ramer pour trouver une bonne excuse. Ok, j'aurai bien pensé à appeler Nath à la rescousse, si jamais, mais j'avais pas plus envie que ça qu'il invite son mec à le suivre. Pourquoi? Parce qu'une sortie entre copains, ça gère. Une sortie entre copains avec le mec de l'autre, ça s'appelle "un rendez-vous + la cinquième roue du carrosse". Et soyons honnêtes, autant j'me fous royalement d'être le super copain à qui on vient se plaindre quand ça va pas, avec qui on vient passer du bon temps quand on en a envie, et j'en passe, autant jouer les cinquièmes roues du carrosse, assez peu pour moi.

 +Lincoln Park, hum?+

Ouais bon parfois avoir une discussion avec un membre de la famille aide à s'éclaircir les idées quand une barre vous tombe en plein dessus. Il a réussi à me faire lever de ce satané fauteuil. Il a raison, je dois me confier a quelqu’un d'autre comme par exemple celui qui commence lentement à s'inséminer une place au côté de mon âme. J’aime bien la petite chaleur qu’il me procure quand il est tout près. J’ai sauté hors de ce fauteuil, pour prendre une douche, laissant mon frère devenir matériel, le temps que mon sort fonctionne et de filer vers le parc. Entrant par un autre accès, j'essaye de repérer celui qui occupe mes pensées depuis un bon moment. Je le repère avec un enfant sur le dos? Oui, je suis un idiot, un bel idiot. J’ai les mains dans les poches a son approche, au contact de sa main, mon corps cherche à avoir plus de contact.

-J'évite le miroir?

Cela ce vois surement avec ma dégaine et je m’en fiche un peu. Mes doigts trouvent automatiquement sa main. Je jette un regard vers l'enfant dans son dos pour le saluer et un regard autour. Il a deux enfants? J’ai vraiment raté un épisode, j’entame la petite marche.

-J’ai raté une saison, je crois. Tu as des enfants?

Je suis largué.. Mais j'aimerais bien comprendre ce qui se passe, en tout cas comprendre la saison que j’ai ratée. Je suis lent à la détente, je ne réalise pas que c'est un garçon des rues, disons qu’on ne remarque pas vraiment cela dans la semi obscurité. Je laisse passer quelques minutes pour marcher, une sculpture représentant la tour Eiffel, nous illumine.

-J’ai réalisé un peu trop tard que si je ratais cette chance qu’il en aurait plus..

Parce que, ouais je suis un imbécile qui réalise trop de choses avec beaucoup de décalage, je ne souhaite pas le perdre, sous cette pensé je resserre mes doigts autour des siens.

"Ca, ça se voit. T'es plus mal coiffé que Nath, et lui, il ne sait même pas à quoi ressemble un peigne."

Les gamins sont nuls pour cacher un rire quand ils en ont un à sortir sous cape. Et il a beau se cacher dans ma capuche, je l'entends, le Angel. J'ignore s'il rit plus de mon commentaire concernant Nath ou de l'hypothèse selon laquelle je pourrai être son père.

"Oh bah, cui-là depuis à peu près cinq ans...""et demi!!""...et demi, et l'autre depuis à peu près... dis Angel, il a quel âge Ethan? Ok, tu vas me faire mourir de rire si je continue. C'pas les miens. Ca, c'est ce qu'on appelle la solidarité de la rue, très cher."

Ce qui veut dire? Que, si j'm'occupais que de moi-même, j'pourrai être riche comme crésus avec mes combines. En vérité, je me contente de garder ce dont j'ai besoin pour vivre correctement, et le reste, j'm'en sers pour aider ces gamins quand ils en ont besoin. Du coup, quand c'est à mon tour d'avoir besoin d'un alibi correct pour trainer, ils sont partants. Du genre? Que j'en emmènerais deux ou trois au zoo la semaine prochaine, parait qu'ils vont faire sortir les bébés jaguars. Et si j'ai pas l'attrait des chats de Jack, faut dire ce qui est, ça reste un truc à aller voir.

"Disons que je pense monter un élevage de lapins à force que tu m'en poses, mais j'arrive encore à vivre avec."

Je presse un instant ses doigts entre les miens, histoire qu'il comprenne que derrière mes dires, je ne lui en veut pas vraiment. Vrai que j'apprécierai qu'on se croise un peu plus qu'une fois tous les 36 du mois, mais vu qu'on a des vies à peu près totalement différentes, j'peux pas en demander beaucoup plus non plus. Je relève un peu Angel de ma main libre pour lui éviter de glisser le long de mon dos avant d'entrainer Matt plus avant. Si on avance pas avant de causer, on est pas prêts d'avancer.

"Semaine de merde?"

 Lorsqu'il me compare à son ex, je passe une main dans mes cheveux plus ou moins discipliné sans produit coiffant, terminant par passé ma main sur ma barbe.

-Le barbier ira lundi ou pas… Tu me préfères plus soigné?

Ou bien je passerais le rasoir électrique histoire de l'égalisé un peu. C'est ce que j'aurais dû faire avant de sortir mais bon, c'était ça où je m'ouvrais les jointures avec un miroir. Autant continuer à l'éviter celui-là. Je passe un peu plus pour un humain lambda ici ce soir qu'avec un rasage des plus complet  et en habits. La correction de l'enfant me soutire un petit sourire en coin. J'aime bien les enfants, il en sont plus spontané que les adultes, ils n'ont vraiment peur de rien. Ils sont à leur façon fascinante quand ils se tiennent tranquilles. La lumière au bout du tunnel ce fait quand je comprend enfin, ah oui la solidarité de la rue, mais qu'elle idiot.

-Il n'est pas trop lourd?

Quand je le vois se replacer, je cherche le deuxième gamins des yeux que je ne trouve pas, disons qu'il y a foule dans le parc et difficile de remarquer un enfant seules parmi les autres. Faut vraiment que je me ressaisisse, je comprend à retardement de plus en plus. A sa remarque je me sens légèrement coupable.

-Et je me sens coupable à chaque fois, tu sais… Une fin de mois affreuse plutôt…

Je marche quelque pas vers une autre illumination, je devine l'impatience du petit.

-De vieux démons, ont décidé de revenir me hanter…

"Pour être honnête, le mode "tombé du lit" te va plutôt pas mal. Non pas que j'aime pas ton look "gravure de mode", mais j'sais pas, t'es plus naturel comme ça."

Malgré son air névrosé, j'entends. Mais franchement, je n'avais encore jamais eu l'occasion de le voir perdre le contrôle sur lui-même comme il semble le faire aujourd'hui. J'aime pas voir les gens mal, mais j'apprécie qu'il soit là, face à moi, plutôt que de rester à ruminer tout seul dans son coin comme il avait certainement prévu de le faire au départ.

"Si tu m'aide à le remonter un poil, ça ira. J'ai déjà porté bien plus lourd, mais pas aussi longtemps."

Un coup de main plus tard, j'ai repris une bonne prise sur Angel pour l'empêcher de glisser, et nous avançons dans le parc pour jeter un œil aux illuminations et autres décorations installées par les fées du parc.

"Tu veux m'en parler? Et t'occupes pas du petit, il connait les limites des oreilles indiscrètes."

D'ailleurs, son camarade ne tarde pas à nous rejoindre, pilant devant nous en s'écartant prudemment de Matt. On va dire qu'il est aventureux, mais jusqu'à un certain point.

"Matt, j'te présente Ethan. Ethan, dis bonjour à Matt. Et fais pas ton frileux, il mord pas."

Ça fait chaud au cœur de savoir que peu importe mon apparence qu'il m’aime bien. Je baisse les yeux sur mon accoutrement pris a la volé, faut dire que ma garde robe a peu de vêtement urbain, je vais devoir magasiner un peu plus.

-Je prends note, tu connais de bons magasins?

Parce que ouais, elle est composée à quatre vingt dix pour cent de complets. Je passe la main dans mes cheveux encore mouillé, la température n'aide pas vraiment à les sécher. Être venue ce soir me remonte un peu le moral, je me sens mieux. Je relâche sa main pour l'aider tranquillement a remonté le gamin dans son dos. Je remarque que l'enfant est léger mais fait quand même son poids. Reprenant tranquillement ma place a ses côtés en glissant une nouvelle fois ma main dans la sienne en suivant le chemin des Illuminations. Jusqu'à où puis-je aller avec de jeunes oreilles dans son dos.

-Je ne sais pas trop par ou commencer…. Mais, tu as sûrement aperçu une photo sur l'une de mes commodes? Cela a beau faire dix ans, que ca m'affecte encore...

Jeune femme blonde sur fond noir format carte postale déposé a coté d’un ecrin qui prend malheureusement la poussiere fermé. Parce que tout ce qui m’arrive depuis quelque jours y est relié.

-Enchanté…

Mes poches sont malheureusement vides, mon porte monnaie se trouve dans une poche intérieure de mon manteau avec pas grand chose à l'intérieur.

Si je connais de bons magasins? Bons pour moi, certainement moins pour lui. Mais je dois avouer que la réponse me fait rire avant même que je ne la lui donne.

"Ouep. Ca s'appelle une friperie. T'y trouveras pas de costume Azzaro c'est sur, mais y a souvent des trucs que t'aurai pas pensé à chercher. Et entre nous, mon porte-monnaie apprécie leurs tarots."

Pingre avec le fric que je peux me faire avec mes arnaques? Nope. J'trouve juste qu'acheter un jean 100$ s'apparente à balancer l'argent par les fenêtres, et je préfère les mettre dans quelque chose de plus utile, les 100 balles.
Si j'ai vu cette photo dont il parle? J'suis pas du genre à fouiner, mais ouais, j'l'ai remarquée. J'ai pas cherché plus loin, comme dit, j'suis pas fouineur. Je fronce les sourcils devant son expression et son choix de mots, cependant, remarquant que le retour du second gamin n'a pas l'air de l'aider à parler.

"Tu sais quoi Ethan? Aide Angel à descendre, et allez vous acheter un truc à manger. J'suis sur que ça remettra sa cheville d'aplomb."

Je pose le gamin par terre avant de sortir un billet de ma poche, que je glisse dans la main du plus grand. J'leur apprendrais la valeur de l'argent un autre jour hein, on dira que c'est ma trêve de Noël. Une fois les gamins partis, le plus petit boitant quand même un peu, je tourne le regard vers Matthew avant de lui indiquer de me suivre d'un signe de tête.

"J'connais un coin peinard, si tu veux causer."

Je l'emmène à l'écart de la foule, dans un coin moins populaire du parc, où des arbres ayant du voir naitre le plus vieux vampire de la ville cachent de vieilles balançoires au bois vermoulu et aux cordes usées par les intempéries, sur l'une desquelles je m'installe, bien sur. Et non, je finirai pas le cul par terre, n'en déplaise à ceux qui l'ont espéré en lisant ma description des lieux.

Le côté civil de ma garde-robe n'a pas vraiment grandi depuis quelques années, mais je suis quand même fier de l’effet que je lui fait, cela me fait sourire malgré moi, cet homme exerce une certaine magie sur moi qui me fait du bien. Je l’écoute en silence en le suivant dans l’allé illuminé.

-Je crois y être déjà allé... Il y a longtemps, je crois…

S’est assez loin dans ma tête. Ais-je lu de la surprise sur son visage? Peut être. Cela ne parait peut-être pas, mais j’use mes vêtements le plus possible avant de les changer, d'où l'effet que je porte toujours la même chose. J’utilise peu de magie pour ce genre de chose. Mon regard se perd dans l’une des illuminations devant moi quelque secondes, un enfant venait de se poster près de nous, je devine que ses le frère d’Angel ou quelque chose du genre. Je l’aide tranquillement pour le remettre sur ses pieds.

-Tu sais, tu n’étais pas obligé..

Mais cela semble ravir les enfants tout de même. Je capte son regard et je le suis quand même. Je suis surpris de l’endroit qu’il a déniché. Une fois assis sur la balançoire, je passe les mains dans mes cheveux en finissant par mon visage, en soupirant, je suis exténué, je me redresse un peu trop rapidement, je me rattrape sur les cordes. En me disant qu’il a le droit de le savoir.

-Cela va paraître fou… Mais… Mon regard se perd devant moi quelque seconde, ce qui suit est dit dans un souffle... Jesuisveufdepuis10ansetcelamepèsechaqueannée.. (Je suis veuf depuis 10 ans et cela me pèse chaque année)...

Ma nervosité me revient au grand galop, je sens mes mains qui tremblaient si je ne me tenais pas à elles. Je glisse un regard vers lui. Ouais bon, je suis nul en surprise, je comprendrais s’il quitte l’endroit en courant et en me laissant seul. Je m’incite au calme pour continuer d’une voix blanche en regardant devant moi.

-...Elle est décédée à la suite d'un accident, emportant avec elle un bébé, sur la table d'opération et je l’ignorait, un 23 décembre… J’ai tout perdu, tout s'est effondré autour de moi, je ne me croyais plus capable de ressentir de l’amour à nouveau jusqu'à ce que je te croise, il y a cinq ans, voilà…

J’ai perdu celle que j’aimais, je venais d'apprendre que j’aurais pu devenir père, tout en devenant veuf par le fait même. J’ai sombré dans une longue dépression, j’y ai aussi perdu mon petit boulot du moment, j’y ai presque perdu mon petit appartement. Je me suis fait interner sous conseil, cela sert à cela d’avoir un frère par moment. Du moins, c'est ce que je me laisse croire. J’ai fait taire ou passé a autre chose après un an de «rehabilitation», je ne sais plus, ce plan de ma vie m'a été brouillé et ses mieux ainsi. A cette époque, impossible de faire tourner le pandemonium de moi-même, même si je tirait les ficelles de l'extérieur. Je suis devenue le bourreau de travail, qui ne s'autorise plus grand plaisir jusqu'à ce que je le croise. Je revis enfin en quelque sorte.

-Je comprendrais, si tu me fuyais…

J'ose un regard vers lui, j'ai mal à sa place. Les mois de décembre qui ont suivi le drame, me sont un véritable enfer et je souhaite changer les notes de cette partition qui se répète depuis bientôt 11 ans, s'il veut bien de moi rendue a ce stade.

Je savais bien qu'il y avait un truc sur lequel j'arrivais pas à mettre le doigt avec lui. Et pas uniquement parce que j'ai le don de finir avec des mecs brisés. Mais je dois avouer que ça, ça faisait pas vraiment partie de mes suppositions. En bien ou en mal? Pour lui en mal, j'imagine, totalement, même si parmi les nombreux "chers disparus" que j'ai pu compter dans ma vie, je n'ai encore eu aucun compagnon à ajouter à la liste. Quand à perdre un enfant? Je dirai bien qu'au vu de ma situation personnelle, je dois être l'un des rares de ma connaissance à ne pas courir le risque de se découvrir des gosses oubliés, ,mais en même temps, ces gamins des rues, ils sont un peu mes gosses, et oui, il est déjà arrivé que certains rencontrent la faucheuse bien avant l'heure. Tout ça pour dire que, même si c'est pas les nôtres, et même si c'est pas la première fois (mais j'espère bien ne jamais considérer cela comme une habitude), c'est une douleur. Alors je comprends totalement que ça l'ai détruit.

"Et moi qui te propose d'aller voir les illuminations de Noël... Je comprends mieux que t'étais pas chaud à l'idée de venir."

Le voilà qui me suggère de fuir tout en tournant un regard maladroit vers moi. Fuir? Pourquoi? Parce qu'il a un passé compliqué avec lequel il n'a apparemment pas tout réglé au jour d'aujourd'hui? Et bah il y a bien des gens que je devrais fuir, dans ce cas. Et non, je ne ferai pas de liste. Alors, plutôt que de fuir, je relâche la corde de la balançoire sur laquelle je suis installé pour glisser ma main sur son épaule, me contentant de la lui serrer en un geste de réconfort.

"Je ne prétendrais pas connaitre la douleur que ça peut être. Et je serai probablement aussi nul que beaucoup d'autres pour trouver quoi te répondre. Mais si t'as besoin d'en causer, j'suis là. Aujourd'hui, demain, dans six mois, quand tu veux. Juste... arrête de croire que j'vais te lâcher pour autant. T'as ton passé, j'ai le mien. C'est pas comme si tu les avait tué toi-même. Et j'te préviens tout de suite, je connais un as de l'auto-flagellation, là-dessus, je saurai quoi te répondre, crois-moi!"

De qui je parle? Pour ceux qui ont raté le dernier épisode, j'ai perdu mon neveu, il y a quinze ans aujourd'hui. Et ça fait quinze ans que Nathan ressasse cette soirée en boucle pour essayer de trouver ce qu'il aurait pu faire pour éviter ce qui est arrivé, alors même que tout le monde est unanime (sauf peut-être sa tarentule, mais bon, faut admettre qu'elle a perdu son fils dans l'histoire, ça peut faire prendre parti...), il aurait rien pu y faire même si le gamin avait été calé dans ses bras et pas dans son berceau de l'autre coté d'une porte.

"T'as parlé d'un accident... y s'est passé quoi? Sauf si tu préfères pas en causer."

Il n’y a jamais de bon moment pour parler de ce genre de choses. Mais, il doit savoir ce qui me met dans un état pareil. Disons que le soutien d’un fantôme de frère m’aide moyennement et que je n’en peux plus. J’ai besoin de plus et j’ai besoin de voir le jour et de m’en sortir et pour m’en sortir je dois en parler à quelqu'un et lui est la meilleure option, peut savent ma situation et je préfère cela. Lorsqu’il parle d’Illumination, je lui glisse un petit regard avec l’ombre d’un sourire, je me balance légèrement.

-Tu ne pouvais pas savoir, mais t’imagine pas le bien que ca me fait…. J’dois avouer que les voir de proche fait son effet. Apparemment, ils changent chaque année, non? J’pourrais en faire une sortie annuelle, ça vaut le coup…

Tant que j'ai quelqu'un avec qui y aller pour les admirer. Je me sent un peu plus léger après lui avoir dit. Je relève la tête lorsqu'il place une main sur mon épaule.  

-Je ne souhaite à personne ce genre de douleurs dans lequel on ne se relève pas complètement…  Cela ne m'empêche pas de me sentir un poil coupable dans l'histoire… J'arrive à croire les scénario que j'me fait? Quand je devrais pas.

Me faire des film en pensé et venir a y croire, cela m'arrive encore et encore. Un psychologue deviendrait fou, quoi qu'Abraxas ou Jonathan en savent sans doute plus sur moi que moi-même! Mon regard se perd entre deux branches des lumières scintillant au loin, j'entend la question et j'y répond à retardement en arrêtant le mouvement de la balançoire.

-...Un banal accident.. de voiture de ce qu’on m'a dit, elle traversait la rue et une voiture la renverser… En sens contraire à pleine vitesse…  Le genre qui ne pardonne pas…

Comme quoi on pouvait mourir de n’importe quoi. En me passant la main dans les cheveux j’ai remarqué un faible tremblement. Redonnant lentement du mouvement dans la balançoire, il y avait quelque chose de rassurant dans le faible mouvement. Si  je ne parlais pas maintenant, jamais je ne le ferais que je me dis.

-Le type a été retrouvé et a écopé de la prison… Stupéfiant, homicide involontaire, alcool…

L’avoir retrouvé moi même, il serait mort de mes mains a la place d’aller en prison, mais bon justice est faite…

Apparemment, j'ai pas eu une si mauvaise idée que ça de l'inviter à venir faire un tour au parc avec moi ce soir. D'après ce qu'il en dit, en tout cas. Mais il a l'air sincère sur ce coup, presque soulagé d'avoir apprécié le moment.

"C'est le pouvoir des fées, à ce qu'il parait. J'y crois en tout cas. T'sais, quand tu te r'trouves seul dans la rue après que ta propre mère ai proféré que t'étais le fils de Satan, crois-moi, t'es pas bien. Ces lumières, ça a été la première fois que j'me suis senti chez moi dans cette ville. Mais on s'en fout de moi."

Pas dans le sens où c'est pas intéressant. Ca l'est pas pour moi, j'connais l'histoire par cœur, mais peut-être que pour d'autres ça l'est, j'en sais rien. Dans le sens où on a déjà un sujet brulant sur la table, pas besoin de deux.

"Crois-moi, ça on le fait tous. De repenser à un moment où on pense avoir merdé, et nous le repasser en boucle de 50 façons différentes pour voir ce qu'on aurait pu faire de plus... ou s'imaginer un moment où on aurait du être là, et de la pire des façons c'est encore mieux. J'vais pas te dire que c'est sain, ça l'est pas, clairement. Mais t'es pas dingue. Ou alors on l'est tous, peut-être."

Je garde le silence le temps qu'il réponde à ma question, peu certain qu'il y répondra tout court, jusqu'à ce qu'il finisse contre toute attente par y répondre quand même. Je ferme les yeux quand il le fait, laissant un souffle s'échapper lentement alors que je prends un peu de ce qu'il accepte de me donner. On parle de démons, de magie noire, vampires et autres loups-garous, mais on oublie facilement que l'homme est un loup pour l'homme. Les bagnoles, c'est l'une de leurs armes préférées, surtout contre eux-mêmes...

"J'suis désolé pour toi. Et depuis dix ans... dis-moi que t'as au moins eu quelqu'un à qui en parler pendant tout ce temps?"

Parce que soyons honnêtes, j'ai pas franchement su regarder vers lui durant ce temps. Même en omettant mes cinq années à l'ombre, j'veux dire. Accessoirement, j'y aurais peut-être pas fini si j'avais su éviter certains lots de la loterie pour regarder vers d'autres. Mais si on savait de quoi demain sera fait, ça ne serait plus aussi drôle de vivre.

"Tu dis ça sur le ton du mec qui aurait préféré le dépecer toi-même. J'juges pas, j'en penserais sans doute autant dans la même situation." J'arrêtes le mouvement de mon siège, et du sien par la même occasion, pour croiser son regard. "Et on sait aussi bien toi que moi que les illusions de ton hôtel ne te seraient d'aucun secours... Ce pouvoir est une plaie parfois. On a besoin d'illusions pour passer outre la réalité. Sans elles, reste plus qu'un veuf qui a peur de s'attacher à autrui et un orphelin qui s'attache à tout ce qui bouge. On fait une belle paire d'idiots, tu crois pas?"

Les illuminations ont été en quelque sorte une nouvelle révélation ou redécouverte, j'en ai entendu parler mais je ne suis jamais vraiment venue. Ce n'est pas déplaisant, elles sont arrivées à me faire rêver sur quelques structures. Je réfléchis quelque seconde à son hypothèse sur les fées. J'écoute la suite en silence.

-Continue d'y croire, elles y sont peut-être pour quelque chose… La prochaine fois, je porterais attention, si j'en vois une, quand je serais dans un meilleur état que maintenant.. Alors, tu te sens dans ta ville qu'un mois dans l'année? C'est triste…

En fait j'ignore si elle s'illumine avant le premier décembre, je suis le touriste ici à côté de lui.

-On est tous fous à quelque exception près. Mais de façon différente, notre cerveau a cette sorte de manie de nous ramener au pire de toute quand c'est pour des trucs imaginatif.

Croyez-moi! Humain, démon, ange, vampire, en fait tout ceux qui ont un cerveau et digne d'une conscience capable de réfléchir n'y passe pas à côté. Il est capable de nous faire croire plein de trucs. Tant bien que mal, j'arrive à lui raconter ce que je sais. Avec les années j'ai l'impression d'en oublier de plus en plus. Est-ce une bonne chose? Lorsque je l'entend soupirer, cela m'intrigue, il s'était imaginé quoi? A qui ai-je déjà eu l'occasion d'en parler déjà?

-A très peu.. Mon frère entre autres c'est lui qui m'envoie ici ce soir au lieu de faire une connerie..

Comme de m'ouvrir les veines sous la douche ou de me noyer dans de l'alcool a en perdre connaissance et de le regretter plus tard? Ou autre truc qui vous vient en tête lorsqu'on parle de faire une connerie. Je grimace légèrement quand il fait allusion que j'aurais dépecé le type. Oh si tu savais Shawn, faut pas qu'il me tombe sous la main, j'ignore ce que je pourrais lui faire, même après dix ans. Ma balançoire s'arrête doucement toute seule, en fait ses lui qui l'arrete, je lève les yeux vers lui.

-Le problème avec les illusions, il faut sans cesse s'améliorer et les convoquer de nouveau pour qu'elle tienne la route.. mais on ne peut vivre dedans éternellement.

Du côté opposé à lui, je relâche la corde de la balançoire. Claquant des doigts, pour recréer une des illuminations vues un peu plus tôt dans le creux de ma main avant de la faire disparaître quelques secondes plus tard.. Je le regarde de nouveau avec un petit sourire en coin.

-...On  dit que les contraire s'attire, non? Dire qu'utiliser le Pandemonium ne m'a jamais traversé l'esprit et je doute qu'il fonctionne contre moi pour ce genre de chose.

Pour le faire fonctionner, je dois utiliser mes pouvoirs biologiques mêlés à la sorcellerie pour les faire cohabiter ensemble. Cela demande énormément de mana, d'esprit, de connaissance et de résistance. C'est peut être grâce au Pandemonium que mes dons du désir se déclenche plus sans prévenir.

"Nan, du tout. Cette ville, je l'ai dans la peau. J'en connais chaque rue et chaque recoin, chaque squat intéressant et chaque gourbis où vaut mieux pas aller trainer. Mais à l'époque où j'm'y suis retrouvé, j'voulais juste rentrer chez moi. Et en même temps, j'suis jamais resté assez longtemps dans les foyers pour en tester l'hospitalité. Mais quand toutes ces lumières se sont allumées, ça a été une révélation."

Ca me ramène un paquet d'années en arrière, tout ça. En même temps, y repenser, ça ne fait pas de mal. Ca me rappelle pourquoi j'aime tant ce moment de l'année. Et pourquoi j'avais envie de le partager avec lui, peut-être encore davantage maintenant que je sais qu'il en a besoin.

"Tu m'avais pas dit que t'avais un frère. Un mec bien j'imagine, si il a su te donner ce genre de conseil avisé."

Lui suggérer de me le présenter? Je crois qu'il n'a pas besoin de sous-entendu douteux pour la soirée, même si j'avoue être curieux de savoir à quoi ressemble son frangin. Juste pour savoir à quel point j'ai tiré le gros lot. Sa grimace quand je parle de dépecer un type? Je la prend pour ce qu'elle semble être. Il serait pas contre l'idée. Et qui pourrait lui en vouloir?

"J'en suis incapable. De les voir plus de quelques secondes. Juste le temps de savoir si elles ressemblent bien à ce à quoi je voulais qu'elles ressemblent. On peut dire que me bercer d'illusions m'est impossible."

Je le prend à la rigolade, mais en vérité, il est des fois où ma bonne humeur n'est que façade et où je ne refuserait pas de m'offrir l'illusion d'autre chose? Quoi? J'en sais rien. Sans doute que j'aurai aimé marcher sur l'étendue sableuse d'une plage quand mon monde se limitait aux 4m² partagés de ma cellule. Ou que j'apprécierai d'avoir ma mère en face de moi pour lui offrir les quatre vérités que j'ai parfois envie de lui offrir quand je pense à elle, ou plus exactement, quand il m'arrive de la croiser sans qu'elle n'ait la moindre idée de qui je peux être. J'dois l'avouer, j'ai jamais eu le cran de la confronter, sans doute parce que j'ignore ce que j'aurais à lui dire, et en prime, quelque part, ça me va bien qu'elle me remette pas.

"T'y vis à l'année, au Pandemonium, c'normal que t'y penses pas quand tu cherches une solution à tes problèmes. Entre nous, je crois que c'est même une partie du problème, ton hôtel. Se noyer dans le boulot, ça marche qu'un temps tu sais."

Je l'écoute tranquillement, j’ai du comprendre de travers. Je ne me souviens pas de m'être senti à ma place dans mon existence. Sauf peut-être à quelque endroit, laquelle je ne sais pas.

-Je ne me souviens pas de m'être sentie à ma place quelque part….

Ce que je dis en soupirant doucement. J’ai 250 ans, voyager à travers le monde et le Temps. Sans réellement me poser de questions. Où est ma place? J’aime bien Chicago, je me suis installé il y a quelques années. Une ville place sur plusieurs points énergétique que j’ai su utiliser sans trop de mal..

-Ah non? J’aurais cru que si… J’pourrais l’appeler la prochaine fois…

Plutôt l’invoquer ce serait plus approprié, impossible de joindre un fantôme de la façon conventionnelle, faudrait aussi que je le rende consistant quelque heure. Cela est tout à fait faisable, je lui demanderais à sa prochaine visite. Il va être déçue s’il se rend compte qu’il est devenu fantôme, oh wait, il saura puisqu’il voit au travers des charmes avec ce qu’il me dit.

-Tu crois au fantôme? Sinon, j'ai un pépin pour te le faire rencontrer celui la…

J'ai une famille des plus étrange et aucunement traditionnelle. Le Pandemonium recèle diverses options auxquelles je n'ai même pas pensé. Il dit vrai j’y suis fourré continuellement.

-Avoue que je me suis un peu amélioré, non?

Du moins j'espère bien, c’est ce que je crois.

"Parce que c'est impossible de se sentir à sa place dans les hautes sphères dans lesquelles tu gravites?"  Je me rend compte un peu tard que j'ai parlé avant de réfléchir, une fois n'est pas coutume. "Sans vouloir critiquer. C'est pas mon monde. Et je me demande si c'est vraiment le tien."

Je croise son regard un instant tout en posant ma main sur son genou, alors qu'il semble pris en faute de ne pas m'avoir parlé de son frère plus tôt. J'avoue, je le laisse mariner une minute avant de l'interrompre, sentant qu'il va s'enfoncer davantage encore si il continue à creuser tout seul sa propre tombe à force d'explications.

"Eh, respire. J'suis sur que y a plein de trucs sur moi dont j'ai jamais pensé à te parler non plus. J'vais attendre un peu plus que quelques semaines avant de t'en vouloir d'avoir oublié de mentionner que t'as un frère."

Si je crois aux fantômes? Je suis un sorcier dont le frère sort avec un vampire et bosse pour des loups-garous... et accessoirement on a un métamorphe dans la team "piliers de bar". Donc je crois que je peux imaginer que les fantômes existent.

"Je crois à beaucoup de choses. Sauf au fait que les chats domineront le monde un jour. Ca serait vraiment trop bizarre. T'es en train d'essayer de me dire que ton frère est un fantôme? Et t'arrives à le voir? J'suis jaloux."

Pas tout à fait sur d'être honnête sur ce dernier point. Pour une raison simple. J'ai déjà bien assez à gérer avec les vivants pour ne pas avoir en plus à m'inquiéter des problèmes des défunts. Je les laisse volontiers aux nécromanciens, si ils veulent s'amuser avec ça. A sa question, je me relève de ma balançoire pour me planter devant la sienne, arrêtant son balancement et me penchant vers lui pour l'embrasser.

"Y a du mieux. Mais j'veux pas que tu changes pour me convenir. J'veux que tu sois toi. Et même si j'suis convaincu que le vrai toi, c'pas ce type coincé dans un costard trop ajusté, j'me rend compte que j'te demande de venir vers moi alors que de mon coté, j'bouge pas. Prochain date, j'te laisse choisir ce qu'on fait? "

J'hausse un sourcil en entendant parler de ma tour d'Ivoire. Je viens a me questionner sur le sujet, merci Shawn. Une psychanalyse s'impose j'imagine.

-Humm.. C'est questionnable en effet..

Que je dit vaguement songeur. Où est donc ma place? Me suis-je déjà posé la question? Me suis-je déjà établi quelque part pour y rester pendant plus qu'une vie dite humaine? Le Pandemonium y est pour quelque chose cette fois, je suis actif depuis quelque année dans le monde mortel et surnaturel. Ahhh, pourquoi cette remise en question maintenant!

-Il y aura sans doute d'autres sujets a mon propos sur lesquels tu m'en voudras..

Mon origine démoniaque? Que je suis le fils d'Asmodee, démon du désir? Sans le Pandemonium, j’utiliserais sans m’en rendre compte de mon pouvoir inné? Que je tire la toile Arcanique de mes ancêtres sorciers du côté de ma mère? Bien d'autres choses qui se bousculent dans ma tête. Urg!  [/i]

-Ouaip, je ne sais pas s'il a retenu sa leçon… Je m'arrangerais pour que tu le vois, t'inquiète… Il me remerciera de le rendre tangible pour une cigarette qui lui manque tant….  

J'ignore quelle magie j'arrive à faire pour le rendre tangible, ne serait-ce quelques heures. Quand il se lève, je le suis du coin de l'œil jusqu'à ce qu'il se trouve devant moi et qu'il m'embrasse. J'le regarde sans rien dire pendant un court instant avant de le rapprocher par la ceinture et de l'enlacer quelques secondes avant de le relâcher.

-Parfois, j'me demande qui je suis vraiment..

Finissant par me relever, les enfants doivent bien se demander où nous sommes rendus ou peut être pas. Qui étais-je avant de devenir le type accroc a son travail, cela semble si loin dans ma tête.

-J'vais sans doute trouver quelque chose… Des choses que tu détestes pour que je les écarte?

A mon tour de rester silencieux le temps de réfléchir à ses paroles. Ce qu'il pourrait avoir à me dire sur lequel je lui en voudrais? Je doute qu'il ai une autre femme, un autre homme ou un marmot planqué dans un coin, alors non, je ne vois pas ce sur quoi je pourrai lui en vouloir vu que, même si on se connait depuis... plusieurs années, ça fait beaucoup moins longtemps qu'on se parle vraiment l'un de l'autre. On peut pas penser à tout.

"On verra le moment venu va. J'ai pas plus envie que ça de jouer au jeu des sept vérités ce soir."

Donc, son frangin est un fantôme. J'avoue être curieux de savoir comment ça a pu arriver. A moins que tout le monde finisse en mode fantôme une fois mort, mais la question de "l'après" ne m'a jamais vraiment effleuré l'esprit. Après, on verra bien, profiter du présent est déjà bien assez pour l'instant.

"Ok, donc ton frère est un fantôme, est porté sur la clope, et tu sais comment le rendre tangible.. tu n'as de cesse de m'étonner."

Après l'avoir embrassé, je m'écarte légèrement, au moins jusqu'à ce qu'il me retienne par la ceinture pour me ramener vers lui, m'enlaçant un instant avant de me libérer, semblant plus perdu à mesure que le temps passe.

"C'est rassurant tu sais. Tu crois que j'sais qui je suis moi? Hormis un mec canon à qui tu peux pas résister, bien sur."

Je croise son regard tout en me rapprochant de lui, m'amusant à le voir chercher la réponse adéquate à me renvoyer. Avant qu'il me demande ce que je déteste, de manière à pas se retrouver dans la situation gênante dans laquelle je me suis retrouvé précédemment, j'imagine.

"Les espaces clos. J'suis pas clostro, mais j'aime avoir une porte ouverte. J'aurai au moins appris ça de la taule." Je laisse un blanc pour dramatiser la situation avant de lui sourire pour continuer. "Tu veux que j'te dise? Quand j'vois ces gens qui ferment leur porte avec trois verrous et deux clefs quand ils rentrent chez eux, j'me dit que si j'avais un appart, j'me servirai si peu de la clé que j'saurai probablement pas où elle est."

Je vois bien qu'il semble se questionner sur ce que je pourrais lui dire à l'avenir. Bien que je sois de sang démoniaque, je ne suis pas ceux qui trempent dans la violence gratuite, faut bien me chercher pour que j'agisse ainsi et cela fait un bon moment que je n'ai pas été hors de moi à ce point.

-Hmm, moi non plus à vrai dire..

Je le laisse méditer sur le fait que Jonathan soit un fantôme et qu'il soit resté sur terre depuis tout ce temps.

-B'ah était déjà porté sur la clope et l'alcool, mais ses pas cela qui l'a amené à son état actuel…

Je souris, je peux sans doute le surprendre d'une autre façon avec la magie. Mais être doublé de la double vue n'est pas chose aisée, je me demande s'il arrivera à le voir sans que j'en fasse usage. A voir ce que je me dit. Le serrer dans mes bras m'aide un peu à reprendre contenance, je serais sans doute dans un état de léthargie pendant quelque jours, jusqu'à ce que je récupère mon sommeil. Je réussis à me relever pour me tenir près de lui. S'il croit que je n'ai pas mon mot à dire sur cela, il se trompe, je m'approche en agrippant sa ceinture, l'autre trouve un endroit sur lui en murmurant avant de l'embrasser franchement. Parce que, ouais, je ne résiste pas devant lui.

-Parce que personne ne nous résiste?..

J'écoute tranquillement les recommandations en m'ecartant doucement. Aucun endroit clos sans porte de sortie, check. Sur le blanc, je lui lance un regard pendant que je reprend place a ses cotes en glissant ma main dans la sienne. Oui, j'ai besoin de ce mince contact. J'le laisserais volontier abuser de ma personne, mais la situation ne s'y prête pas que je me dis.

-Parce que tu crois que j'ai une clefs pour entrer chez moi?

Okay, j'ai une carte magnétique mais il y a moyen d'entrer dedans et je vous garanti que cette porte n'est pas fermée à clef pour qu'il puisse monter sans passer par le hall de l'hôtel et il sait comment l'utiliser.

-Dire que j'avais un tout petit loft  avant de me cloîtrer dans le pandemonium, il ont dû le revendre depuis… ou pas… tiens, s'il existe toujours, on pourrais le retrouvé..

Oui, un loft, beaucoup plus simple et plus petit que mon penthouse à l'hôtel. Que je viens de me rappeller, je n'ai pas toujours vécu dans le grand luxe, vous savez. Ce que je ne veux pas c'est d'y entrer seul. Je vais essayer de reprendre contact avec celle qui faisait le ménage à l'époque voir s'il existe toujours et si j'y ai toujours accès. J'ai juste une crainte sur ce que je pourrais y retrouver après dix ans, peut être une piste sur qui j'étais avant de devenir ce workholic?

Matt me précise que si son frère était déjà bien porté sur l'alcool et la cigarette de son vivant, ce n'est pas ce qui l'a conduit à l'état de fantôme. J'ai beau ne pas refuser une bonne bière de temps à autres, je reste tout de même convaincu qu'à trop forte dose, ça n'aide pas vraiment. Notez que j'ai vu Nathan se détruire à petit feu après la perte de son fils et tout ce qui est allé avec, j'ai pas besoin qu'on m'explique l'art et la manière d'en faire autant...

"Si je comprend bien, j'ai opté pour le haut du panier, entre vous deux. Ou tu m'as caché quelques trucs sur tes habitudes."

Je hausse un sourcil quand il suggère qu'il n'a pas de clef non plus pour entrer chez lui, et je le tacle gentiment, lui décochant une pichenette dans l'épaule.

"T'habite un immeuble entier, si t'avais une clef pour chaque pièce ça te ferai un sacré trousseau. J'partage un sous-sol actuellement. Un peu humide, mais pas si mal isolé."

On se refait pas. J'ai passé ma vie à me démerder par moi-même et à veiller sur les autres. C'pas pour me faire entretenir arrivé à 40 balais, même si faut avouer que son chef cuistot sait cuisiner et son lit est confortable, surtout quand il est pas barré dans ses pensées devant la fenêtre, à regarder la ville en contrebas sans la voir. Si il pensait que j'avais pas remarqué. Je ne dors que d'un œil depuis l'âge de six ans, même Dante arrivait à me réveiller quand je créchais chez Nath, et pourtant dans le genre discret, il se pose là.

"Une expédition dans cette ville que je connais mieux que ma poche? Tu te rappelles l'adresse ou faut que j'ramène un plan la prochaine fois?"

Quelles sont mes habitudes? Bonne question, je dois y réfléchir quelques secondes avant de répondre, parce ouais, j’ai cherché. Je regarde autour de nous, dans cette petite cachette que j'espère pouvoir retrouver un de ces jours. Je me mord la lèvre inférieure quelques secondes.

-Je ne sais pas trop… Je fais un tas de trucs sans me rendre compte que c'est une habitude… Mais je ne me considère pas comme un alcoolo, avec mon verre par jour… Il me permet de faire un arrêt pour y avoir une pensé ou plusieurs vers toi.. C'est dans ce moment la que je t’envoie le plus gros de mes texto..

Sans ou avec sous entendu, je ne suis pas des plus chaste non plus, il m’est déjà arrivé d'envoyer quelque doux Sexto sans être deplacé, comme quoi je rêve de le déshabiller et de poser mes lèvres ailleurs! Si je continue sur cette lancée je suis cuit, je vais avoir besoin d’une douche froide. C’est moi qui vous le dit.

-Vive les cartes magnétiques! Ca en fait beaucoup moins sur un trousseau.. Si j’te dit que je te colle pour la nuit, parce que j’ai pas envie de retourné sur ma déprime, partant pour me faire découvrir ton monde?

Parce que si je retourne chez moi, je vais me noyer dans l’alcool et fumer le restant des cigarettes que j’ai laissé a mon frère en partant. Mauvaise idée, je suis presque rendu au plus bas, il faut que je remonte et pour remonter, je ne dois pas être seul pour cette nuit. Quitte à le suivre dans un squat, je n'ai rien à faire. Il doit bien se marrer à me voir chercher l’adresse dudit loft, j’hausse les épaules.

-Eh, tu parles au mec qui n’y a peut-être pas mis les pieds depuis dix ans, hein? Laissez moi retrouvé la trace a quelque pars à l'hôtel, j’dois bien y avoir des clefs ou des preuves quelque part… J’ai piqué ta curiosité, nah? Qui ai-je été dans le passé avant de devenir le Workaholic? Quoi que je me questionne aussi…

Aille, mais qu'est ce qui m’est arrivé pour avoir oublié qui j'étais à ce point… Faire face à cette réalité me fait presque peur. Je me suis oublié pendant plus de dix ans avant d’essayer de me retrouver, Jonathan a bien raison en disant que je ne suis que l’ombre de moi même. Je me tiens à côté de lui, légèrement anxieux sur la suite des choses.

-Alors, tu me fais découvrir le monde dans lequel j’ai déjà appartenu?

Ne m'emmène surtout pas sur un terrain glissant de ce genre Matt... et ben si, il l'a fait. Ne viens surtout pas te plaindre de la réponse, c'est moi qui te le dit!

"Donc ce que tu essayes de me dire, c'est que t'as besoin d'avoir un verre dans le nez pour penser à moi? Je sais pas franchement comment je dois le prendre."

Avec un air faussement vexé, apparemment. Quand à cette discussion sur les clefs, sa réponse sur les cartes magnétiques me laisse dubitatif. Si faut en avoir autant ou presque qu'il aurait fallu de clef (parce qu'on est d'accord, dans un hotel, une carte correspond à une porte non? J'espère en tout cas), je vois assez mal l'intérêt. Mais faut dire que même si j'essaye, je ne suis pas tout à fait à jour des dernières inventions de la modernité. Ca va beaucoup trop vite, et vous parlez au type qui a appris à Nath à se servir de son lecteur DVD... d'un coté y a trois boutons dessus, je cherche encore la complication du bazar.. bref.

"Tu veux dire te caser avec moi sur mon clic-clac défoncé ? Fais toi plaiz. Mais j'te préviens, j'suis pas le seul à avoir le sommeil léger là-bas."

J'dirai même que c'est un gage de survie dans les parages. Autant pour se tirer avant les descentes de flics que pour éviter les emmerdes avec les gangs et autres trafiquants en tous genres. J'ai jamais dit que tout le monde était tout beau tout rose dans mon monde, juste qu'on a une certaine entraide qu'on ne saurait trouver nulle part ailleurs. Si j'en connais qui n'ont jamais su ne dormir que d'un œil? Ceux-là, on sait veiller pour eux.

"T'es en train de me dire que tu te rappelle pas de l'adresse d'un appart où t'as habité? T'as déménagé si souvent? Non parce que j'suis encore capable de te donner l'adresse où vivait ma mère y a 35 ans hein..."

Mauvais sujet? Aucun souci. J'ai fait l'impasse là-dessus depuis assez longtemps pour que ça me touche plus. Si on omet le fait que je sais pas ne pas changer de trottoir quand je la croise, mais vu qu'elle me reconnait certainement pas, à quelle fin? Osef.

"Toi à la rue, j'veux des preuves. Pis on est sensiblement du même age, j'veux bien que Chicago c'est pas un patelin de campagne, mais on aurait réussi à jamais se croiser plus tôt? Tu me charrie là?"

A voir sa tête, j'ai gaffé encore, j'adopte un air innocent.

-Toi en revanche, j'ai pas besoin de l'alcool pour ça et avant aujourd'hui je n'y avais pas touché depuis deux jours voir plus. Je ne sais même pas si je calculerais cela pour une habitude… Mais c'est fou à quel point mes pensées dérivent souvent vers toi. La douche froide j'en ai eus… Tu viens de me poser une de ses questions….

Non, je n'ai pas besoin d'alcool pour que mes pensées dérivent vers lui. Il est du genre obsédant par moment que je dois prendre une douche froide pour me calmer et ça ne marche pas à tous les coups. Je crois que je l'ai un peu perdu avec l'histoire des cartes magnétiques, je lui fait savoir que j'ai accès à l'hôtel entier qu'aucune porte ne me résiste sauf celle des chambres occupées. Je respecte la vie privée, hein. Je l'écoute et j'approuve ce qu'il dit.

-Qu'est ce qu'il y a de pire? Parce que chez moi, tu vas te faire la malle avant le lever du soleil.. Au pire, je peux faire nuit blanche..

Non, il n'a pas halluciné ce que je lui ai dit et je suis sérieux. Qu'il saute sur l'occasion, bon sang. J'ai beau chercher, je ne la retrouve pas immédiatement, cela prend un petit moment.

-Pas que j'ai déménagé souvent, mais voyager si… Place Delaware près du chemin de fer, tout juste au coin de la rue, cela te dit quelque chose?

Bien sûr que ça lui dit quelque chose, que je suis con. C'est dans le même quartier Streeterville, un peu plus loin. J'entame la marche pour nous sortir de ce petit coin de paradis.

-J'ai pour ainsi dire, sorti que très peu de l'hôtel? Je me rendais du point A à B, sans y passer des heures. Je n'y ai pas traîné depuis des lustres.. On s'est peut-être croisé plein de fois sans vraiment se voir? J'me souviens avoir fait l'Université ya plus ou moins 15 ans. Je ne portais pas vraiment de la haute couture a se moment.

Je laisse un sourire naitre sur mes lèvres quand il me sort qu'il multiplie les douches froides à penser à moi. J'm'en sentirai presque flatté. Cela dit, c'est ni le lieu ni le moment pour ce genre de conversation, sinon, ça pourrait très vite déraper. J'dis ça j'dis rien. Sur le fait que j'ai cette manie de foutre le camp avant le lever du soleil quand je passe chez lui? Je suis un lève-tôt, que voulez-vous.

"Pour m'empêcher de filer ou par crainte de pas te réveiller demain matin? Je veillerai pour deux, t'en fais pas pour ça."

Je lui tend une main pour l'aider à se remettre debout, la faisant passer par dessus mon épaule pour l'entrainer derrière moi.

"Place Delaware, bien sur que ça me parle. Si ça te dit que j't'accompagne par là un de ces quatre matins, tu sais où me trouver."

Faut être honnête, je connais si bien ce quartier, et par extension, cette ville, que plutôt que de jouer de mes arnaques, je pourrai utiliser mon temps utilement à jouer les guides touristiques. Mais faut dire ce qui est, l'option que j'ai choisi est quand même la plus sympa, même s'il est vrai que je pourrai me recycler une fois de temps en temps. Histoire de sortir du champ de vision des flics pendant un temps, par exemple. Même si ils ne sont pas particulièrement plus sur mon dos depuis que je suis sorti de cabane, contrairement à ce que j'aurai pu penser. Ceux du coin, j'les connais tous, et on peut pas dire qu'on soit du genre "anti-flics" dans le quartier. On dinerait pas avec eux, bien sur, y a quand même une certaine logique à garder (on parlera pas de mon histoire avec l'un d'entre eux...), mais si ont besoin d'un tuyau, on sait leur filer. Pas que ça m'ait des mas aidé quand j'en ai eu besoin, cela dit... d'accord, j'ai peut-être grillé plusieurs jokers face à eux, aussi.

"Oui alors j'te le confirme, l'Université, tu risquais pas de m'y trouver. Parait qu'aurait fallu que j'fasse le collège déjà. Ou que j'finisse l'école élémentaire. T'sais, j'sais lire, écrire et compter, le reste, c'est que des conneries. Bref, on voit si on croise les gosses en passant et on remballe?"