Comment retrouver goût à la vie ? ft Dmitri

Voilà deux mois que je faisais des allers et retours entre mon appartement et l'hôpital. J'en ai vu des choses depuis que je suis dans cette ville, mais après l'attaque des loups (même si je ne leur donnais pas encore ce nom), je pensais être passer entre les mailles, je pensais avoir vu le pire, mais non. Il avait fallu que j'ai ce fichu accident de voiture. On m'avait proposé de la rééducation, mais je n'arrivais à rien et cela m'agaçais fortement. Je n'étais plus bonne à rien. Mes jambes qui faisais partit intégrante de mon travail, était barrées de cicatrices et ne me portaient plus. Comment pouvais-je faire ? A quoi serait vouée ma vie sans elles, sans ce travail ? Je ne sais faire que ça, je suis douée pour ça, mais on me l'a sauvagement arraché. J'ai mal aux mains à force de devoir tourner les roues de mon fauteuil. On m'en a promis un électrique, mais il n'est pas encore près; au niveau taille il y a encore quelques ajustement à faire, alors je prends mon mal en patience et autant dire que ce n'est pas mon truc la patience.

Je n'en peux plus de cette vie. Moi qui n'avait jamais mit la moindre dose de drogue dans mon organisme, malgré que ce soit monnaie courante dans le milieu, avec tout ça, j'avais réussit à me trouvé un p'tit dealer et la cocaïne était la seule chose qui m’apaisée. Il était à quelques rues seulement de l'hôpital, alors après un énième examen pour savoir où j'en étais et si j'allais aller mieux, j'étais sortie plus fatiguée qu'à l'accoutumée et je m'étais dirigée vers la ruelle où se trouvait ce dealer.

Une fois le sachet acheté, j'avais reprit la route de mon appart'. J'avais prit un taxi. Je l'avais fait s'arrêter quelques minutes avant. J'étais au niveau de l'embarcadère ouest. Je descends du taxi. Je m'avance vers l'eau. Je suis attirée comme par magie vers cette étendue grisée par la pollution de la ville de Chicago, qu'est le lac Michigan. Je m'avance de plus en plus. Je ne suis plus qu'à quelques centimètres du bord...

La nuit est à peine tombée que je suis déjà dehors. Bien que les nuits soient plus longues en hiver, j'aime à profiter de chaque instant que je peux mettre à contribution avant le prochain lever de soleil. Raison pour laquelle ma chasse a été rapide ce soir, et j'ai même pris soin de ne pas avoir besoin d'enterrer un corps exsangue en laissant mon diner repartir sur ses deux jambes... ok, peut-être légèrement vaseux, cela dit. C'est l'effet que ça fait de se faire pomper deux bons litres de sang. Assez pour me nourrir pour plusieurs jours.

Au retour, je longe le front de mer, profitant de l'odeur iodé du littoral pour me vider la tête des quelques contrariétés que j'y trouve. La première en lice? Dracula. Toujours et encore lui. Non content d'essayer de me ravir mon épouse, il s'intéresse de trop près à ma nièce pour me convenir. Et j'attends presque la prochaine erreur de parcours de Ryan pour voir Anya reconsidérer la proposition de notre ainé. Non pas que le gamin ne l'aime pas, Anya, mais c'est plus fort que lui, il a ce don pour me la mettre en rogne par la plus stupide des conneries. Et quand vous pensez qu'il a atteint le fond, il trouve pire à faire. Bref, j'ai besoin de me vider l'esprit. Seul.

C'est après plusieurs dizaines de minutes de marche, alors que je m'approche de l'embarcadère ouest, que je remarque cette jeune femme qui ferait bien mieux d'être rentrée chez elle à cette heure plutôt que de désirer s'offrir un bain de minuit. Surtout avec une chaise roulante. Pour couler à pic, je dirai que le poids du métal est une bonne option. Quitte à vouloir se tuer, je ne refuse pas un dessert. Ma main arrête le mouvement de son engin au dernier moment, mes crocs prêts à se servir un autre repas. Jusqu'à ce qu'elle ne tourne le regard vers moi, m'arrêtant instantanément dans mon geste.

"Olga?"

Mes sens me trahissent pourtant. Mon odorat et mon instinct me certifient qu'elle est humaine. Ma vue que je suis en présence de la grande-duchesse Olga Nikolaievna Romanov, rien de moins que la sœur ainée de Anastasia. Qui aurait quelque chose comme 127ans aujourd'hui. Vous comprenez mon dilemme. Si je ne pense pas une seconde à l'idée d'une descendante? A ma décharge, hormis de nombreux cousins éloignés, pour moi, la lignée directe des Romanovs a pris fin en 1918, exception faite d'Anya, qui ne risque pas de sitôt de la prolonger.

Je suis retenue et repoussais en arrière par une force que je ne comprends pas. Dans la lancée, je me retrouve face à face avec un inconnu, enfin ça je le découvre lorsque nos regards se croisent. Le sien est des plus hypnotisant. Seul bémol, il vient de m'appeler Olga. Je ne connais personne qui s'appelle ainsi, surtout pas moi... Enfin si, il y a bien mon aïeule : Olga Nikolaïevna, mais elle est morte en 1918, à des centaines, que dis-je des milliers de kilomètres d'ici. Alors rien à voir avec cet homme. Même moi je n'ai rien à voir avec cette femme. Je m'y suis intéressée petite, je savais qu'elle avait eu une drôle de vie, qu'elle était une princesse, mais j'avais aussi bien vite comprit que je ne serait jamais son héritière, alors à quoi bon.

- Vous faites erreur monsieur, je ne m'appelle pas du tout Olga. Vous m'excuserez, j'ai un avion à prendre !

Je n'avais rien sortit d'aussi ridicule depuis un long moment. J'avais voulu me flinguer et lui venait de me sauver la vie. S'il pensait que j'allais rester ici, à le regarder me regarder, ou me mettre à pleurer comme une pauvre petite fille perdue, il pouvait toujours courir. Je m'éloignais de lui, n'ayant aucune intention de m'attarder ici. Je venais de perdre une occasion d'en finir, je devais songer à ma prochaine tentative. Oui je ne m'arrêterais pas en si bon chemin... la vie n'a rien à m'offrir qui vaille le coup, alors pourquoi pas ...
Je n'avance pas bien vite avec ce fichu fauteuil et il commence à faire froid, mes doigts sont gelés, car bien sur je n'ai pas pensé à prendre de gant. Avant il m'aurait suffit de les mettre dans mes poches, mais avance sur un fauteuil avec les mains dans les poches toi et on en reparle.
Je me retourne vivement vers l'homme. Ne cherchez pas, je change d'avis comme de chemise.

- Pourquoi m'avoir "sauvé" ? Vous pensiez que j'étais cette femme n'est-ce pas, cette Olga ?

Si je ne peux que la croire quand elle m'affirme ne pas être Olga? Oui. On invente pas un accent américain pareil, parole de russe. Et pourtant, elle pourrait aisément passer pour sa jumelle. Une poupée brisée, si j'en crois la chaise roulante qui lui sert de véhicule, mais quand même.
Son excuse pour s'éloigner est tellement inattendue que je ne remarque avoir lâché ma prise sur son siège qu'une fois qu'elle s'est éloignée. Un avion à prendre? Je la pensais plutôt prête à faire un plongeon dans une eau à la limite de geler. Pourquoi je m'en préoccupe, d'abord? Je glisse mes mains dans mes poches, malgré que ma peau soit parfaitement imperméable à la fraicheur de l'air ambiant, me préparant à faire demi-tour pour reprendre ma route, quand elle s'arrête sur sa trajectoire, retournant son engin face à moi pour me poser la question à laquelle je n'ai pas de réponse.

"De toute évidence, c'était une méprise. Olga n'aurait certainement pas voulu savoir si votre chaise roulante flotte ou non."

Cassant? Je n'ai jamais prétendu être aimable. Mais je ne peux pas nier autre chose. C'est que Anya et moi nous côtoyons depuis bien assez longtemps pour que la voir ne fasse plus grand effet à mes souvenirs. Là, c'est différent. Parce que ce regard, il y a plus d'un siècle que je ne l'avais pas croisé. Donc forcément, j'ai beau être doué avec l'absence de sentiments, là, ça réveille deux ou trois trucs auxquels j'avais pas pensé depuis une paire d'années.

"Pardon. Je vous dépanne? Ca me chagrinerai de vous avoir empêché de "glisser" pour que vous remettiez ça dix mètres plus loin."

Je me glisse derrière elle pour venir me saisir des poignées de sa chaise et l'aider à avancer. Ca lui évitera de se prendre les doigts dans les rayons des roues, en prime. Allez pas croire, je ne suis pas bon seigneur (quoique tout dépend de l'orthographe du mot), mais ça me permettra de la garder à l'œil le temps d'élucider ce mystère.

"Et si ce n'est Olga, c'est quoi votre nom?"

Froid ? Intransigeant ? Oui à n'en pas douter ! Et le pire c'est que je l'ai mérité cette réaction. Je n'arrive même pas à lui en vouloir pour ça. Pourquoi m'aider ? Pourquoi vouloir m'empêcher de glisser comme il dit, alors qu'il ne me connait pas ? C'est bien ma veine d'être tombé sur LA seule personne de Chicago qui se préoccupe un temps soit peu des autres. Si c'est pas son but ? Je n'en ai pas la moindre idée, mais en tout cas c'est l'impression qu'il donne. De ce que je sais de cette ville, c'est qu'elle est comme toutes les grandes villes, les gens qui y habitent sont toujours si pressés qu'ils ne voient plus, ne prennent plus le temps de voir ce qui les entourent. Mais lui il a prit le temps de s'arrêter, de me prêter attention. Bon il pensait que j'étais quelqu'un d'autre mais ça compte quand même non ? Après tout il m'a appelé comme ça uniquement après m'avoir vu de face. Alors que si il avait été sur de lui dès le début, appelé cette femme ainsi dès le début, si j'avais été elle, l'aurait probablement arrêté sans qu'il n'est à intervenir... Donc peut-être qu'il a vraiment agit pour la bonne cause et qu'il n'a su qu'après que je n'étais pas elle, ou au contraire qu'il ne m'a prise pour elle qu'après m'avoir sauvé. Mon cerveau carbure à mille à l'heure là. Il va bientôt être en surchauffe.
Mon nom ? Après tout, je ne risque pas grand chose à le lui donner.

- Amélia. Amélia Denver. Et vous, c'est comment ?

Je prends un instant pour trouver autre chose à dire... Et la connerie suivante ne fais pas long feu.

- Que je sache quel nom donner si je me fais agresser ...

Je peux ne peux m'empêcher de rire à ma propre bêtise. Je sais bien que ce n'est pas impossible, surtout ici, dans le noir, sur un embarcadère vide à cette heure, la prochaine ronde de sécurité n'est pas pour tout de suite. Mais honnêtement je crois que ce serait la cadet de mes soucis. Enfin je dis ça, je ne me sens pas en danger donc c'est facile à , peut-être que si ça m'arrivais, je n'aurais plus du tout envie de mourir, mais là tout de suite, ça ne me dérangerais pas. C'était mon but avant que je ne croise la route de cet homme.
Il m'aide à avancer pour que je ne "glisse" pas et j'en profite pour me frictionner les mains, afin de les réchauffer.

- Je vous paie un café ? Ça gèle ici ! Ça va nous réchauffer !

Et je continue à insister dans la connerie. Il m'a certes sauvé la vie, mais je ne sais rien de cet homme et je l'invite à boire un verre ? Vaut mieux ça que finir dans un endroit glauque ou je serais bien incapable de lui échapper non ?
Je suis perdue, complètement à la masse et mon cerveau fait des va et vient insensé. Tout ça n'a rien de logique. J'agis à l'inverse du bon sens, à l'inverse même de ce que je ressens. J'étais prête à en finir, je lui en ai même voulu de m'avoir sauvé, alors pourquoi l'invité ? Pas la moindre idée !

Je n'avais pas vraiment prévu de faire la discussion à quelqu'un ce soir. Surtout pas à quelqu'un qui aurait pu potentiellement finir sous mes crocs. Mais il parait qu'on choisit rarement en avance ce qui nous tombera dessus alors, allons-y pour la parlotte inutile. Elle finit par me donner son nom après une seconde de flottement où les battements de son cœur m'indiquent sans peine qu'elle a pesé le pour et le contre, ce qu'elle me confirme d'ailleurs en évoquant la possibilité de se faire agresser. Si j'avais prévu de la tuer, elle serait déjà morte, entre nous. Si il m'arrive encore, à l'occasion, de prendre le temps de traquer ma proie, je suis devenu plus efficace au fil des années. La chambre d'hôtes est d'ailleurs un excellent moyen de laisser le sang venir directement à domicile.. le plus dur étant de se retenir suffisamment pour ne pas assécher totalement le diner. Ce qui explique que je continue à me servir à l'extérieur. J'ai appris la discrétion, et trop de disparitions au même endroit, ce n'est pas discret. Malgré que je doive ça à Ryan... j'ai pas encore eu vent de découvertes de cadavres dont il s'est lui-même chargé.

"Dmitri. Romanov."

J'ai volontairement attendu une demi-seconde avant de lui donner mon nom complet, restant aux aguets de sa réaction. Parce que je ne suis pas né de la dernière pluie. Des coïncidences pareilles, ça n'existe pas. Et même si ses yeux n'ont clairement pas le bleu des miens, ou de ceux d'Anya, je n'aime pas rester avec des théories peut-être ou peut-être pas fondées.

"Si j'avais du vous agresser, je n'aurai pas perdu mon temps à vous dépanner plus tôt. Et puis, j'ai cru entendre que ce n'était pas amusant quand la victime ne peux pas courir pour s'échapper."

Humour noir bonsoir. D'un coté, c'est une vérité vraie que je fais passer sous couvert d'humour noir. A moins de tenter de faire la course avec elle dans les rues de San Francisco en espérant pour elle que les descentes lui donnent assez d'élan pour tenter les montées, l'amusement serait en effet extrêmement limité... Dans le coup, je me court-circuite moi-même, ne sachant plus si le soubresaut de son coeur vient de nos présentations ou de mon commentaire. Bravo Dmitri, t'as perdu deux siècles en dix minutes, sur ce coup.

"Va pour un café."

A mon avis, il fait légèrement plus froid à Moscou ou Vladivostok qu'ici à Chicago, même si ce ne sont pas les températures de Miami, bien sur, mais je retiens tout commentaire à ce sujet, me contentant d'orienter le siège roulant dans la direction du café le plus proche. Admirant que malgré qu'elle ne soit sans doute pas aussi tranquille face à moi (ou m'ayant dans le dos, en tout cas) qu'elle le serait face à un autre, elle propose encore une option de conversation. En public, je note. Un bon compromis, sans doute.

Romanov ? C'est une blague n'est-ce pas ? Les Romanov, je crois que ça court pas la campagne. J'en aurais presque un haut le cœur, mais je me ressaisis.

- Romanov ? Je croyais, enfin je veux dire, vous n'êtes pas de cette grande famille royale n'est-ce pas ? Les derniers sont morts, genre, pendant la guerre !

Je fait mine de ne pas savoir, mais je sais très bien. On m'a apprit l'histoire de ma famille sur le bout des doigts, en tant que digne héritière, même si ma vie est à des milliers de kilomètres de ça et que je me suis fait une raison sur mon avenir. Ça se voit d'ailleurs, non ? Mon cœur bat néanmoins la chamade. Je sais bien, rationnellement, que je me fais des illusions, mais c'est plus fort que moi...
Et puis cet accent ! Je n'y avais pas vraiment prêté attention jusque là, mais il a un accent des pays de l'est à n'en pas douter. Tout ça colle un peu trop bien...

Il revient sur cette histoire d'agression. C'était de l'humour, étrange certes, mais de l'humour. Histoire de détendre l'atmosphère, surtout pour moi il faut bien l'admettre, qui serait bien embêter pour me défendre dans un fauteuil. Et sa réflexion sur le fait que je ne pourrais pas m'enfuir et que ce n'est pas drôle, me glacerait presque le sang, si son ton était plus dur.

Il prend les reines de mon fauteuil et nous conduit vers un café. Mon cœur bat toujours vite, trop vite. Pas pour avoir un potentiel agresseur derrière le dos, mais bien pour la réponse qu'il pourrait m'apporter. Je crois que la réponse à ma question, dans les deux cas sera des plus étranges à entendre.

Je reste un instant incertain face à sa question. Pas parce que je tente d'inventer une réponse rapide. Il y a des années, des décennies, que mon excuse est toute rodée, et partant d'un fond de vérité parfaitement vérifiable sur Wikipédia. Non, c'est plutôt sa formulation qui m'a destabilisé, l'espace d'un instant.

"La famille impériale. La branche principale. Le nom perdure encore par le jeu des cousinages. Les révolutionnaires n'avaient certainement pas de temps à perdre à abattre chaque représentant de la lignée qui n'avait aucun droit légitime sur le trône."

Les "révolutionnaires"? La version officielle. Comme celle qui dit que mon père, ce grand homme, est mort d'un empoisonnement du sang, alors que du sang, il en avait plus vraiment assez dans les veines pour s'empoisonner avec une fois que j'en ai eu fini avec lui. Je guide son fauteuil jusqu'au café le plus proche, veillant à mesurer ma force plus que d'ordinaire pour ne pas renverser chariot et passagère. Ce genre de transport ne fait pas partie de mes habitudes, je dirai. Arrivés à destination, je la laisse se débrouiller avec sa chariote du diable, pensant qu'elle sait surement mieux que moi s'installer à une table avec, avant de m'installer en face d'elle, commandant un café au serveur quand il vient vers nous. Non pas que j'apprécie le gout du café, mais j'ai appris à fuir la vodka des bars américains. Y a la bonne vodka, de celle qui s'apprécie et il y a celle qui sert à se mettre la tête à l'envers et n'a de vodka que le nom. Je vous laisse deviner laquelle je préfère fuir.

"Alors... ai-je une chance de savoir pourquoi vous ressemblez autant à ma défunte nièce?"

Il nous approche d'une table et me laisse m'installer. Comme si je savais mieux que lui comment faire fonctionner ce machin. Ça fait quelques semaines maintenant que je gère ce truc et ça me sort par les trous de nez pour être polie. Mais il paraît qu'il faut pas trop que je me plaigne parce que c'est pire dans d'autres pays, genre la France qui me semble pourtant être un pays avancé et bin non à l'hôpital je discutais avec une fille qui y était allée et qui me disait que c'était la merde chez eux. Donc il paraît qu'il faut pas trop que je râle, que je me plaigne parce qu'il y a plus malheureux ailleurs. Oui bin si on va par là faudrait jamais se plaindre de rien, parce qu'il y a toujours pire que nous ailleurs, quelques soit le sujet. Hors les gens passent leur temps à râler pour tout, je ne vois pas pourquoi moi je me priverais. Mais je m'égare le sujet de notre discussion n'était pas là, n'est-ce pas ?
Je m'installe donc face à la table après quelques secondes, au vu du peu de place que j'ai pour manœuvrer.

La famille impériale de Russie. Il en fait donc partie. Il me faut un moment (soit le temps de notre trajet) pour l'assimiler. C'est une sensation très étrange de savoir qu'il reste des membres de ma famille éparpillés par delà le monde, que je ne connais pas et ne connaîtrais probablement jamais, puisqu'on se rappelle que je m'en fiche, je me fiche de tout. Si seulement c'était aussi vrai que ce que je prétends. Bien sur que non je ne m'en fiche pas, bien sur que je suis aussi excitée qu'une gamine à l'idée de rencontrer un nouveau membre de ma famille. Ça fait quoi de lui au juste ? Un cousin éloigné?

- J'ai l'impression que vous parlez d'Olga comme si vous la connaissiez mais c'est impossible, c'était mon arrière-arrière grand-mère. Vous évoquez évidemment une autre Olga...

Si j'ai oublié de jouer le rôle de celle qui s'en fiche et de celle qui ne connait rien à rien ... oui clairement. Je suis vraiment intéressé par la suite de cette discussion. Alors non il est pas si vieux, puis même sa nièce, donc une génération au dessus de mon arrière-arrière grand-mère, non assurément non, mon cerveau me joue des tours. Ce n'est pas humain de vivre si longtemps. Je sais que j'ai prit un sacré coup avec mon accident, mais pas au point de perdre la tête; mon cerveau tourne toujours bien d'après les médecins, donc ce gars se paye ma tête, ou alors on parle pas du tout de la même personne.
Je suis perdue, j'espère qu'il va m'apporter plus de réponse.
Je bois quelques gorgées de ma boisson, moi aussi j'ai opté pour le café.

Son arrière arrière grand-mère?! Je me perds un instant dans mes réflexions, tâchant de faire le calcul des années, de trouver une autre "cousine éloignée" dont elle pourrait parler, même si la ressemblance entre les deux femmes est indéniable, au point de m'avoir dupé, moi qui ai côtoyé Olga de près, même si il faut avouer que Anastasia était celle de ses sœurs qui s'intéressait le plus aux histoires de ce "cousin" sorti de nulle part que j'ai pu prétendre être à l'époque.

"Vous seriez donc une descendante directe du tsar Nikolaï? J'ignorai qu'il en restait... ou même que Olga avait eu un enfant."

Une autre chose que j'ignore, c'est à quel point elle est versée dans les histoires de famille, et je parle également du coté magie de l'histoire. Le dernier couple royal de Russie connaissait aussi bien ma nature que celle de leur proche conseiller, même s'ils n'ont jamais su écouter mes mises en garde à son sujet, et d'aucuns prétendrait que l'hémophilie du jeune tsarévitch tenait d'un hypothétique coté lycanthrope du coté de son arrière grand-mère maternelle, ni plus ni moins qu'une reine d'Angleterre dont le nom m'échappe. D'accord, disons que Mina est probablement plus intéressée que moi par la monarchie anglaise. Peut-être. Ca ne rentre pas vraiment dans nos sujets de discussion.

"Qu'est-ce que vous savez de notre famille exactement? Et qu'est-ce que vous voudriez savoir de plus, j'imagine. Bien que je ne promette pas de posséder toutes les réponses."

Du genre? Que je ne lui parlerai pas d'Anya à moins que cette dernière ne m'en donne son accord explicite. Je crois que ma nièce a eu plus de facilités que moi à oublier d'où elle vient, même si elle n'oubliera jamais totalement bien sur. Je ne la replongerai pas là-dedans contre son gré.

- Si vous faites vraiment partie de cette famille, c'est plutôt à vous de vous expliquer ?

Je bois une nouvelle gorgée de café, me demandant ce que je peux bien lui révéler ou non, si tôt dans la conversation. On m'a toujours dit de ne pas parler de ça, de ma famille. Il me semble familier, il me trouve une ressemblance avec mon arrière-arrière grand-mère; il dit l'avoir connue, ce qui est impossible. Il est russe c'est évident, de par son accent, mais peut-être cherche-t-il à me duper ? Peut-être n'est-il qu'un ennemi de ma famille, un descendant des révolutionnaires ou de ce fichu Rasputin, sans qui tout ça ne serait jamais arrivé ? Pour la famille impériale, il était tel un Dieu, mais leur descendants générations après générations ont ouvert les yeux. Je crois plutôt que le tsarévitch, mon grand oncle, a eu de la chance pendant toutes ses années. Je ne crois pas à la magie, ni à tout ce qu'il a pu se dire sur cet homme ou notre famille.

- Comment avez vous pu connaître Olga, et être encore de ce monde aujourd'hui ? Qui était-elle pour vous ? Avez vous connu le tsar Nikolaï ou la grande duchesse ? Et comment pouvez vous être encore là et eux non ?

Si cet homme avait surmonté ce dernier siècle, en étant toujours aussi jeune, si la magie existait vraiment, si il était de notre famille, pourquoi ne pas en avoir fait profiter les autres ?

Futée. Elle pourrait finir par me plaire. Pour faire partie de la famille, j'entends.

"A vous de me dire si vous avez l'esprit ouvert ou pas."

Je jette un regard à mon café, finissant par en boire une gorgée en esquissant une légère grimace à demi dissimulée. Le café, c'est pas vraiment la saveur qui me reste le plus de mon humanité. Pour ne pas dire que je n'y trouve aucune saveur, presque un gout de terre.

"Olga était ma nièce. A six générations près, pour être exact. Si on veut creuser dans les secrets de famille, mon père était celui qu'on appelait Pierre le Grand. Mais pas la peine de chercher sur Wikipédia, mon nom n'y figurera pas."

Je garde le regard braqué vers elle, tâchant de capter chaque rouage de son cerveau qui doit refuser de se mettre en place devant l'évidence même.

"Et si je suis resté éloigné de la famille durant un long moment, oui, j'ai connu le tsar Nikolaï et sa famille. Plutôt bien même. j'étais là, lors de cette nuit d'épouvante, et je sais que l'histoire officielle, si elle protège les humains d'un aspect bien trop sombre de notre monde, n'est qu'une histoire faite pour endormir les rumeurs. Raspoutine. J'imagine que vous avez entendu ce nom."

Je marque une pause, la laissant assimiler ces informations avant de répondre à sa première et sa dernière question. Comment j'ai pu être là à l'époque, et l'être encore aujourd'hui. Je n'ai franchement pas pour habitude de faire entrer des humains dans notre monde, mais j'ai un avantage que n'ont pas la plupart des autres races surnaturelles... une paire de crocs qui peut me permettre de réparer l'erreur au besoin.

"Je vais répondre à votre question par une autre question, si vous me le permettez. Je n'ai pas pris une ride en 300 ans, je sors à la nuit tombée, et ce café m'est des plus insipides. Le sang qui circule dans vos veines en revanche...si Raspoutine était une saloperie de sorcier, je suis un vampire. Et avant de prendre vos roues à votre cou, j'étais sérieus tout à l'heure. Si j'avais voulu vous tuer, vous seriez déjà exsangue. On ne peut pas dire que c'étaient les témoins qui me dérangeaient, tout à l'heure."

- Pourquoi je ne trouverais pas votre nom ? Qui êtes vous ?

Je veux dire, qui est-il vraiment ? Tous les membres de ma famille, tout du moins jusqu'à la génération d'Olga et ses frères et sœurs sont connus, pourquoi lui ne le serait pas ? Est-il un menteur ? Je ne parviens pas à me résoudre à cette option.
Il réponds à une de mes autres questions, mais ses réponses visent à côté, mais peut-être est-ce moi qui n'est pas été très clair. Mais le nom qu'il prononce, me fait oublié le reste. Ma colère ressurgit. Je ne l'ai pas connu personnellement, je n'existais même pas quand tout cela a eu lieu et pourtant ce nom fait ressortir en mois une certaine haine.

- Grigori Raspoutine ? Comment pourrais-je ne pas le connaître ? Il est la cause de notre chute ! Sans lui rien de tout cela ne serait arrivé !

Sans lui je serais princesse à l'heure qu'il est ! Ok ça je ne le dirais pas et encore une fois ça ne m'intéresse pas d'avoir ce rôle là. Mais il n'empêche qu'il a détruit notre famille, il a détruit un empire par sa simple présence auprès de l'empereur, de l'impératrice et leur fils.

- Pour certains c'était un ange tombé du ciel, pour d'autres le diable en personne qui est responsable de la fin des Romanovs et de l'impérialisme. J'suis bien contente qu'on soit plus à cette époque là, mais ils ne méritaient pas ce qu'il leur est arrivé.

Quelques fois mon père m'avait raconté ce qu'il savait de cette époque, de sa grand-mère Olga, de ses sœurs et ses parents. Enfin ce qu'il croyait savoir tout du moins. Il en parlait peu, il avait visiblement peur de ce qu'il pourrait nous arriver si quelqu'un découvrait qui nous étions. Certains feraient tout pour nous voir sur le trône, mais une plus grande majorité voudrait nous voir mort pour le simple fait de nous appeler Romanov, même si nous n'avons rien à voir avec ces gens, cette époque révolue.

Je ne parviens pas à assimiler l'information suivante. Mon cerveau ne veut rien entendre. Il n'est pas un vampire, ça n'existe pas. On dit de la reine Victoria qu'elle était un loup garou (un autre terme pour désigner ce que les gens du commun appelé de l'hémophilie); hors si lui est un vampire, rien n'empêche Victoria d'être un loup comme le prétende les rumeurs. Hors Victoria est de mes ancêtres également et je ne conçois pas de pouvoir avoir des gènes loups dans le sang. Je connais les rumeurs, mais ce n'est pas pour ça que je les accepte. Tout cela est insensée.
Trop d'informations tuent l'information. Je ne peux pas concevoir une telle chose, c'est impossible.

- Vous êtes complètement fou ! Comment pensez vous pouvoir me faire avaler de telles sottises ?

"Parce qu'on recense rarement les bâtards dont l'unique qualité est de servir d'animal de compagnie au tsarévitch. Pierre le Grand était mon père, et Alexei était mon frère, mon ami, et l'empereur que j'aurai suivi, s'il lui avait été donné de gouverner."

Je ne suis pas du genre à m'appesantir sur le passé, mais sans doute que celui qui m'écoutera attentivement saura noter une pincée de nostalgie dans l'accent de ma voix à évoquer cette époque depuis longtemps révolue. Pas de parler de mon paternel, ça, clairement pas, mais plutôt de mon frère. Autant j'ai à peine noté le nom de mes autres demi frères et sœurs, tantôt trop jeunes, ou n'ayant pas vécu assez longtemps pour avoir l'occasion d'apprendre à les connaitre, autant avec Alexei, je peux dire qu'on a plutôt bien profité de notre enfance au palais impérial.

Mais trêve de flashback, je ne pense pas être venu pour ça. La réaction de la jeune femme à l'évocation de Raspoutine est sans équivoque. La notoriété de ce sorcier a traversé les frontières, surtout dû à un certain dessin animé qui a tenté et plus ou moins réussi à rendre sa vérité à la vérité de notre chute. Mais cette colère froide que je peux ressentir dans chacune de ses pulsations cardiaques, cette tension qui me ferait presque attendre que cette frêle humaine se mette à gronder comme l'un des miens, ça, c'est réservé à ceux qui ressentent une véritable haine à l'encontre de cet homme.

"Sans lui, sans doute que d'autres choses se seraient produites. Pour être honnête, notre dynastie arrivait à son terme à cette époque. Nous étions d'un autre temps, tout comme le furent les rois de France. Mais j'ose me dire que sans lui, ça n'aurait surement pas été le bain de sang que cela a été."

Pour ma part, Raspoutine était le diable en personne, assurément. Et encore, je pense, en mon âme et conscience de vampire assassin avec bien peu de morale, que je préfèrerai rencontrer le Diable en personne que devoir revoir la face de rat malodorante de ce sinistre personnage. Parce que ça, c'est aussi un "détail" trop peu pris en considération dans le personnage. L'odeur. Croyez bien que ça restait incrusté dans les murs, surtout quand on a l'odorat d'un chasseur aussi performant que moi. Enfin, si il avait été avenant en parallèle encore...

"Alexandra l'appréciait. Pour elle, il était l'homme qui parvenait à soulager la maladie de son fils grâce à ses dons. De ce fait, il était à la fois le sauveur de son fils et de son pays, en lui promettant un tsarévitch bien portant sur le trône. Il a su se montrer plus convaincant que le serpent du jardin d'Eden avec elle, son entourage, sa famille... dans la lignée directe, il a dupé tout le monde."

Dans la lignée directe? Je sais qu'au moins un neveu et un cousin de Nikolaï ont participé à son assassinat. Du moins, à ce qui est passé pour son assassinat. Parce que je veux les mêmes sortilèges de protection que ce démon-là. Empoisonné, tiré à bout portant en plein crâne puis noyé... et apparemment en pleine forme... de quoi rendre un vampire jaloux. Mais passons.

Si l'information selon laquelle je suis un Romanov est apparemment bien passée, c'est celle de ma nature surnaturelle qui semble coincer davantage. J'aurai pensé l'inverse, si on m'avait demandé de parier. Elle veut une preuve? Elle va en avoir une. Je vérifie d'un tour de regard que personne ne s'intéresse de trop près à notre conversation, avant de lui offrir un aperçu de mes crocs. Je fais pas dans les ronds de jambes, et il parait que ça se voit.

"Convaincue?"

Il semble qu'il dise vrai. Le timbre de sa voix me le suggère en tout cas. Mais il est peut-être bon acteur, qui sait !
Sa remarque sur Raspoutine me fait bondir, mais je constate que lui aussi ne l'apprécie guère et ayant vécu à cette époque, je pourrais ressentir encore ce qu'il ressentait pour lui à l'époque. Son visage en dit long sur les souvenirs qui passent dans son esprit à l'instant où nous parlons. Nous sommes d'accord pour dire que le règne des Romanovs étaient révolus et qu'aujourd'hui on envisage pas une telle vie, mais je persiste à dire qu'il n'a aidé en rien. Il a envenimé les choses. Tout cela aurait pu finir autrement.

Il en sait tellement sur nous, je veux bien croire qu'il fasse partit de ma famille, mais c'est impensable n'est-ce pas ? Sa raison d'être de ce monde, s'il est vraiment celui qu'il prétend ? Le vampirisme ? Je ne peux pas y croire. Impossible. Il ne peux pas être mon ancêtre, tout au plus un cousin éloigné, même si au vue de notre histoire je ne vois pas bien d'où il pourrait sortir. Au vu de mon incompréhension, il se décide à me prouver par a+b qu'il dit la vérité et pour ça pas besoin de mot, juste des faits, des actions et c'est ce qu'il fait. Il ouvre la bouche et des crocs en sortent.
Je fais un bon en arrière, enfin en arrière façon de parler.

- Vous êtes sérieux ?!

C'est à moitié une question et à moitié une affirmation. Ce pourrait être du plastique, mais je les ai vu pousser, je ne suis pas folle. Il me faut plusieurs secondes d'adaptation.

- Ça existe vraiment ? Les vampires existent !

Après encore un moment de silence, une autre chose me vient à l'esprit ...

- Mais si ... Vous étiez déjà un vampire à cet époque là si vous êtes vraiment le fil de Pierre le Grand ... vous auriez pu les sauver !

Tout cela met plusieurs secondes à sortir de ma bouche. Je tente de réfléchir entre chaque bout de phrase, même si c'est compliqué.

J'ai assez de bouteille, sans arriver à la cheville de l'ancienneté de nos deux retraités "préférés", pour savoir qu'il vaut mieux éviter de s'exposer au premier humain venu, et en même temps, à quel moment il ne sert plus à rien de tourner autour du pot. Je n'aime pas tourner autour du pot, de base, et quand j'ai quelque chose à dire, je le dis, même si cela doit me conduire à me faire démonter par le créateur de mon épouse. Cependant, ce n'est pas parce que j'ai dévoilé ma nature à une personne que j'ai franchement envie qu'elle en informe le monde entier.

"Et je vous prierai de ne pas le crier assez fort pour en informer tout le quartier."

Je fais disparaitre mes canines de sa vue, la laissant réfléchir à la suite, observant qu'elle n'a pas pris ses roues à son cou pour s'enfuir. On en fera peut-être quelque chose. A vrai dire, quand je vois ce que Hollywood est capable d'inventer, je me dit qu'il est possible que cette génération là soit prête à entendre parler de notre existence... du moins quand j'ai avalé suffisamment de vodka pour pouvoir en imaginer vaguement les effets.

"J'aurai voulu. Mais toute ma bonne volonté ne m'a pas permis d'être aussi efficace que je l'aurai voulu. Peut-être que si j'avais imaginé que cela prendrait de telles proportions... Mais je doute que quiconque aurait pu le prévoir."

Et une fois encore, je préfère passer pour un incapable qu'avouer que Anastasia est toujours parmi nous aujourd'hui. C'est sa vérité, elle que ça regarde, et ce n'est pas à moi de la trahir. Remarquez que ma nièce est l'une des rares personnes pour lesquelles j'accepte de passer pour un incapable. J'ignore même si Ryan aurait ce plaisir... peut-être... A voir sur le vif...

"Croyez bien que je suis content de ne plus avoir besoin de dormir la nuit. C'est à en perdre le sommeil. Et j'ai participé à plus d'une guerre, pourtant."

Ce qui signifie? Qu'en plus de n'avoir que peu d'égard envers les humains, j'ai suffisamment cotoyé la mort, aussi bien en tant qu'homme que vampire, pour ne plus vraiment m'en préoccuper. Et pourtant, ça, ça reste ancré dans ma mémoire, quand bien même je suis loin d'avoir tout vu, occupé que j'étais à sortir Anya de ce charnier. Les sons, les cris, les odeurs... on regrette rapidement d'avoir les sens développés du chasseur que je suis.

J'essaie d'assimiler tout ça, c'est si complexe comme situation. Les gars je me retrouve face à un de mes ancêtres, fin un des frères de ce dernier, c'est quand même pas banal. Deux générations de Romanov dans le même bar. Il pourrait être mon père vu son âge, physiquement j'entends, mais non il est mon oncle sur plusieurs générations. C'est à en perdre la raison ! Il fait disparaître ses supers crocs de vampire, après m'avoir demandé de ne pas crier sa situation sur tous les toits.

- De toute façon personne me croira ! Je passerai pour une folle si je racontais ça... A noter que je le suis déjà probablement bien assez !

Il répond ensuite à mon questionnement sur le fait de ne pas avoir pu sauver le tsar et sa famille en 1918. Evidemment qu'il ne pouvait pas le prévoir, qui l'aurait pu ? Quoi que si c'était autant la merde qu'on le dit à l'époque, il aurait au moins pu les protéger, mais ce n'est jamais aussi simple pas vrai.

C'est l'occasion rêvée pour répondre aux questions que tous les fans de surnaturel se pose et je ne vais pas laisser échapper ma chance. Je ne dis pas que je suis fan de cet univers, mais j'ai déjà regardé un film ou deux.

- Alors c'est quoi la vérité ? Vous êtes team bruler ou briller au soleil ? Le pieu en bois c'est vraiment efficace?

Dis-je en imitant une certaine mort. J'imite très mal les gens morts, mais bon, on s'en fiche.
Je réfléchis à ce qu'il peut me dire d'autre sur sa condition : il ne dort pas. Ok ça enlève déjà quelques films et séries ça.

- J'essaie de comprendre je vous jure, mais c'est dur à croire et me faudra probablement un peu de temps à assimiler que j'ai de la famille encore en vie.

Je pense soudain à quelque chose. C'est très égoïste comme questionnement, mais j'ai besoin de savoir.

- Si vous décidiez de me transformer là maintenant ... je retrouverais l'usage de mes jambes ?

Bin quoi à chaque fois que je les vois dans les films ( ok j'en ai p'tet vu plus que deux enfaites) leur corps se guérit au moment de leur transformation. J'avais pas prévu de devenir un vampire, mais s'il faut ça pour que je puisse redevenir celle que j'étais avant, pourquoi pas...

Je ne rajouterai rien sur le fait qu'elle soit ou ne soit pas folle. Je pense que j'aurai pensé l'être après ma rencontre avec Mina, si elle ne s'était pas soldé par ses crocs dans ma gorge et ma "mort", enfin, disons, la fin de ma vie, qui m'a contraint à accepter l'existence de ce monde plus vite que je ne l'aurais fait si j'en avais eu le temps.

"Team brulé ou brillant au soleil? Laissez moi vous dire que Stephenie Mayer avait du abuser d'un sacré paquet de substances illicites quand elle a écrit son livre. Quand au pieu en bois, je vous défendrais d'essayer."

Pour être honnête, je n'ai pas réellement connu de vampire ayant été tué de cette façon, mais je ne compte pas essayer tout de même. Autant me demander de mettre la main dans la cheminée quand Ryan l'allume. Sans doute cela fait il simplement partie des croyances ayant pour but de nous tenir à carreaux, mais les croyances ont la vie dure tant qu'on ne les a pas contredites.

"Parce que vous pensez que c'est plus évident pour moi? Cela fait un siècle que l'Histoire rapporte à qui veut l'entendre que les derniers des Romanovs ont péri ce jour funeste. Un siècle que je culpabilise de ne pas avoir pu être plus efficace ce jour là. Et j'apprend que la lignée d'Olga a perduré... Au moins jusqu'ici. Votre état n'en fait elle pas une nouvelle impasse?"

Comment ça, j'aurai pu prendre des pincettes? Pas dans mes habitudes. Et je sais ce qu'on disait des femmes paralysées du tronc inférieur à mon époque. Pas bonnes à marier, et incapables d'avoir des enfants. Même argument en fait. Parce qu'on sait tous qu'une femme inféconde n'est pas bonne à marier. Du moins c'est ce qui se disait à l'époque. J'imagine la tête de Mina et Anya si j'avais à leur dire cela en face... je pense que je passerais la journée dehors à espérer que l'ombre du chêne devant la maison soit suffisante pour m'empêcher de cramer sur place...

"Je pourrai vous affirmer que oui. Mais pour être tout à fait honnête, je n'en sais rien. Un vampire guérit de tout, et en même temps, nous gardons les cicatrices du passé." En témoigne celle que je porte à l'arcade. Etait-ce un coup d'épée, ou me suis-je cogné contre une porte? C'est trop loin pour le dire avec certitude. "Pour de telles blessures, je l'ignore. Puis-je vous demander ce qui vous est arrivé?"

Que Meyer est bu un peu trop ou mit un peu trop de truc dans son nez ne me surprend pas, même si j'aimais bien le changement apporté au folklore vampirique. J'aime bien le changement de manière générale, mais faut dire ce qui est, l'ambiance crame au soleil, ail et pieux c'est très stylé. Puis les "vieux" vampires ont un panache, un charme que ceux d'aujourd'hui connaissent moins ou pas du tout même pour certain. Le pieu ? Il n'essaierait pas à ma place ? Non, bin tu m'étonnes, on s'est jamais, que ça marcherait.

Ensuite il me balance en pleine tronche que c'est pas plus simple pour lui. Lui aussi il croyait que toute sa famille était morte depuis 1918; moi au moins je savais qu'il y avait ma famille. Est-ce qu'on peut vraiment comparé la découverte d'une partie de sa famille, à la découverte du surnaturel, des vampires. Et si les vampires existent, qu'est-ce qu'ils peut y avoir d'autre de réel : les loups-garou, les sirènes, les sorciers tel Harry Potter ? Nan mais fin v'yez un peu tout l'univers qui s'ouvre à moi. Je le bas niveau découverte, non ? Bon bref, on va pas se battre pour ça, surtout qu'il gagnerait forcément, donc bon ... Je ne pensais pas avoir à répondre à sa réplique, mais visiblement je me trompais, puisqu'il envoie une sacrée pique.

- Non je ne risque pas d'avoir d'enfants effectivement, mais ça tombe bien j'en voulais pas. Vous voyez vous, faire des gosses dans ce monde qui part en vrille.

Je voulais vivre pour moi. Une vie on en a qu'une comme son nom l'indique, alors autant en profiter un maximum non ? Être freinée par un gosse ? Jamais ! A la place je suis freinée par un fauteuil... Notez le sarcasme !
Ma demande sur une morsure potentielle n'a rien à voir avec la remarque précédente. Je ne changerais pas mon ancienne vie pour avoir un enfant. Non c'est beaucoup plus égoiste que ça, je veux juste pouvoir marcher de nouveau et continuer ma vie comme je l'entends, avec mon métier, les regards qui se posent sur moi, mes voyages, j'adore voyager, même si jusqu'à présent je suis toujours resté aux Etats-Unis, j'espère que ça changera un jour. Et peut-être que cet homme et ma planche de salut qui sait !

- J'ai eu un accident de voiture. Je me rendais à un défilé à Los Angeles. Je venais de descendre de l'avion; c'était une fin de journée pour mon taxi il était moins réactifs et le mec qui lui a fait une queue de poisson il a pas pu l'éviter.

Rien que d'y penser, j'en ai encore la nausée. Je lâche un soufflement de nez, réaction involontaire ayant lieu avant que je ne souris. C'est nerveux !

Je reste un instant silencieux, attendant qu'elle finisse de me répondre en réfléchissant aux implications de ses paroles. Et à sa question qui n'en est pas vraiment une, mais s'adresse à tout le monde en même temps. "Qui voudrait faire des gosses dans ce monde?" Pour être totalement honnête, j'aurai pas été contre, si la possibilité m'en avait été donnée. Même si je suis le premier à râler sur le fait d'avoir des morveux dans les pattes quand des touristes ne trouvent rien de mieux que d'emmener la marmaille avec eux à la chambre d'hôtes.

"Les humains ont cette chance de ne pas risquer de survivre à ce monde qu'ils prennent tant de plaisir à détruire. J'ose espérer qu'une génération aura encore le temps de vivre avant que ce soit l'Enfer sur Terre. Pour nous autres, l'avenir promet d'être aussi intéressant que désastreux. Le prédateur survit rarement longtemps à ses proies, après tout. "

M'est avis que les démons n'arriveront pas à se décider sur la date de l'Apocalypse avant qu'elle ne soit provoquée par d'autres, mais je n'ai pas prévu de me lancer dans les réflexions philosophiques ce soir. Pour ma part, je vote pour que l'Apocalypse oublie de se présenter à la porte, parce qu'un monde sans ces sandwiches sur pattes qui évoluent tout autour de nous ne vaut pas franchement la peine d'y vivre. Cela dit, les souris ont pris le contrôle des chats depuis trop longtemps. Il serait peut-être temps que les choses reprennent la place qui est censée être la leur, celle où les humains se terrent et les créatures telles que nous évoluent à la lumière du jour... d'accord, peut-être que nous autres vampires nous contenterons de la lumière des étoiles, cela dit.

"Un accident de voiture... c'est presque banal. Au moins aujourd'hui, vous êtes votre propre pilote."

Oui, mon sourire est aussi narquois que ma vanne tombe à plat. Notez que j'ai retenu l'essentiel, pas les détails. Les détails sont inutiles.

Nope, je ne suis pas en chasse ce soir. Dans un quartier aussi animé et à une heure aussi peu avancée, ce serait loin d'être discret. Même si je tuerais pour retrouver cette époque lointaine où nous pouvions évoluer à découvert au milieu des humains et obtenir de leur part le respect qui nous est dû. Je marche à vive allure - enfin, vive pour les humains, lente pour moi - sans prêter attention aux personnes installées aux terrasses des bars et autres restaurants, jusqu'à ce qu'une odeur de ma connaissance vienne à me monter au nez. Une odeur qui me tire un sourire et me fait m'arrêter sur ma route pour faire demi-tour et finir par m'intéresser aux gens installés sur les terrasses. Une terrasse en particulier. Une table en particulier. C'est moi ou sa méthode de chasse, à celui-là, pourrait ne pas convenir à cette chère Mina?

"Dimi-chéri, peut-on savoir ce que tu fais en si bonne compagnie?"

Une compagnie que j'identifie dès que je tourne le regard vers elle. Je la connais cette petite humaine, j'en met mes deux mains à couper...

"Attends voir. Amélie c'est ça? Amélia." Son odeur si enivrante me parvient enfin au nez, une fois que mon cerveau a fait l'impasse sur celle du vampire. Toujours capter le rival avant la proie, une leçon de survie. "Oui c'est bien toi. Tu sais cette leçon sur les coups bas? Avec lui, fais-toi plaisir, franchement."

Si j'ai pas capté sa chaise roulante? Elle avait envie de s'asseoir dans une chaise roulante, et alors? En attendant, je m'invite sans demander la moindre permission, attrapant la chaise vide d'une table voisine pour la poser à l'envers et m'installer à califourchon dessus. Le tout en braquant mon regard sur la jeune rouquine, oubliant volontairement le ruskov à côté.

"Alors, quoi de neuf depuis la dernière fois?"

Si le fait qu'un ancêtre de ma famille vivant depuis plusieurs siècles, ne puisse pas me survivre bien longtemps, est-ce que ça me rassure ? Pas tellement, non! Je m'en fiche un peu à vrai dire. Déjà qu'il devrait plus être là depuis longtemps, alors ...
C'est banal ? Tu l'as dis bouffi! Oui bin j'aime pas bien la manière qu'il a de dire ça, alors je suis mauvaise, même si c'est intérieurement. Je suis sur le point de lui faire une réflexion bien sentie lorsqu'une personne nous interrompt dans notre échange.

- Bonsoir.

J'ai déjà vu cette femme, je me souviens très bien d'elle, mais je ne lui réponds pas tout de suite quand elle se rappelle à ma mémoire. Comment aurais-je pu oublier cette femme ? Elle m'avait subjugué à l'époque par sa prestance, par son caractère et c'est toujours le cas aujourd'hui. Je souris quand elle me dit qu'avec Dmitri je peux me faire plaisir en m'entrainant sur lui avec ce qu'elle m'a apprit.
Elle s'asseoit à côté de nous et me demande ce qu'il y a de neuf depuis la dernière fois. Vraiment ? Bon elle a ptet pas vu, mais je suis en fauteuil quoi.

- Oh on s'amuse comme on peut !

Répondis-je sarcastique. Je déteste ma condition. J'aimerais tellement pouvoir faire autre chose de ma vie. J'avais prévue tellement mieux que ça.

Cette voix. Je n'ai même pas besoin de voir cette femme arriver vers nous pour la reconnaitre, sa voix me suffit amplement. Je ferme les yeux de désespoir l'espace d'une demi-seconde, sachant que plus serait dangereux, avant de lui offrir une tentative de sourire hypocrite qui sonne faux.

"Sylvana. Quel déplaisir de te croiser."

Quand à ma "charmante compagnie"? J'ose penser être tranquille quant au fait que Mina prendrait ses paroles pour argent comptant pour me faire une crise de jalousie sans avoir ma propre version de l'histoire. Pas venant de sa part à elle, clairement. Nous savons l'un comme l'autre quelle vipère elle peut être quand elle s'y met.

Sa leçon sur les coups bas? Je ne doute pas qu'elle en est la spécialiste, effectivement, mais si nous parlons bien de la même chose, il va sérieusement falloir qu'elle songe à aller faire un tour chez l'ophtalmologiste. Ce doit être l'âge, sans doute.

"Très chère Sylvana, j'apprécie énormément que tu offres des cours de self défense à cette jeune femme, c'est très... charitable de ta part. Mais commence par mettre des lunettes et observer que tes coups bas, elle va avoir quelques difficultés à me les envoyer. Sur ce, excuse moi mais il me semble que nous discutions avant que tu ne vienne nous interrompre."

Je fais des efforts, autant parce que je ne souhaite pas mettre ma jeune nièce en danger que parce que je sais que de toute manière, je ne peux pas grand chose face à Sylvana, tant par la force que la vitesse. Mais comme elle semble vouloir jouer les pestes, jouons. Sur ce terrain là, je peux encore me mesurer à elle.

Dmitri et moi nous comportons tellement comme chien et chat que je suis à peu près sure que dans une piteuse série américaine, on finirait irrésistiblement attirés l'un vers l'autre. Heureusement, nous ne sommes pas dans une série américaine, je peux donc me faire plaisir à le détester autant que faire se peut sans craindre un éclair de génie de l'un ou l'autre des producteurs. En vérité, je ne peux pas vraiment parler de le "détester", mais je dirai que j'adore m'en prendre à lui, verbalement du moins, et qu'il a le mérite d'essayer de me le rendre. Le fait que ça a des chances d'énerver cette chère Mina est un bonus.

Mais les distractions ça me passe vite, et donc j'oublie rapidement mon russe préféré pour m'intéresser à sa jolie compagne, qui est loin de m'être inconnue. Sa réponse me parait cependant pour le moins étrange, je dirai ambiguë, et sans doute que ma perplexité se voit davantage sur mon visage qu'à l'accoutumée, moi qui suis d'ordinaire assez douée pour ne faire apparaitre que les émotions que je souhaite voir apparaitre. La seule exception à cette règle n'est pas ici, et c'est uniquement parce qu'il lit à travers mon masque comme dans un livre ouvert qu'il est cette exception. Du moins la plupart du temps. Il y a des émotions que les hommes sont incapables de lire, même quand on les affiche. Etrangement, c'est du coté de Dmitri que j'obtiens la réponse à ma question muette, et si ça me tue de lui offrir cette petite victoire, je ne peux empêcher mon regard de dévier, rien qu'une seconde, vers cette fameuse chaise à roulettes dont je ne me suis pas préoccupée jusqu'à présent. Les humains ont vraiment une capacité étonnante à changer du tout au tout en un battement de cil. Y a quand même pas dix ans que je l'ai croisée, cette demoiselle là...

"J'ignore quelle conversation intéressante on peut avoir avec toi, Dmitri, mais je m'en viens sauver cette demoiselle en détresse de ta présence. Tu peux disposer. Je suis convaincue que Mina sera ravie que tu reviennes de ta chasse avant le lever du soleil."

Mon ton se fait plus menaçant, sur ma dernière phrase, et j'imagine que mon rapprochement et l'intensité de mon regard braqué dans le sien laisse peu de doute sur le fait que je lui offre sa dernière occasion de se défiler, que ce soit de son point de vue ou d'un point de vue extérieur. Je me redresse soudain, changeant d'humeur alors que mon regard se porte sur la jeune femme en face de lui. On m'enlèverait 900 ans quand mon visage s'éclaire de la sorte, c'est à peu près certain!

"Dis Amélia, ça te dirait pas de bavasser entre filles cinq minutes?"

Les deux personnes à côté de moi, n'ont pas vraiment l'air ravies de se voir. Je ne sais pas pourquoi et honnêtement je ne suis pas sûre de le vouloir. Toute cette histoire me dépasse, sans compter leur petit échange...

Je tique aussitôt sur le mot "chasse". Après ce que je viens de découvrir sur mon interlocuteur, excusez moi du peu. Pourquoi emploierait-elle un tel terme ? Sait-elle de quoi elle parle ? Sait-elle qu'il s'agit d'un vampire ? Ce mot est toujours aussi aberrant à mes yeux, peut importe le nombre de fois ou je pourrais le prononcer. Et comment pourrait-elle le savoir. Enfin c'est fou, non ?! Et "avant le lever du soleil", ok là c'est trop. Elle sait forcément. Mais c'est surprenant qu'elle puisse savoir qui il est et être encore en vie pour le dire, non ?

- Que ... quoi ? Vous savez qui il est ? Co... Comment c'est possible ?

De là à dire qu'elle est comme lui ? Non je n'en suis pas là. Clairement pas. C'est déjà dur à avaler que je puisse être fasse à UN vampire, alors DEUX... non merci ça va aller!