Lost - Ryan & Lucy

 
 
Faible, si faible, Lucy n’a plus la force de rien et déjà les larmes lui remontent au bord des yeux. Toutefois, l’entré impromptu d’un infirmier stoppe net son trop plein émotionnel et il essuie rapidement les nouvelles larmes ne sachant comment se comporter face à cet étranger. Pourtant, tout porte à croire que ses intentions sont louables puisqu’il l’aide immédiatement à se relever tant bien que mal, non sans lui asséner une légère remontrance concernant l’usage de sa magie.
 
« Pardon, l’habitude du Coven … »
 
Très vrai, puisque lorsqu’on vit dans un village de sorcier et où les trois quarts de la population sont des sorciers ou ont partiellement connaissance que le surnaturel existe, il est difficile d’arriver dans une grande ville où le secret persiste … l’avantage des petits villages, en dehors, tout devient ragots ou superstitions locales. Le jeune homme retrouve un semblant d’équilibre et se laisse guider jusqu’au lit par le soignant. Il ne peut s’empêcher de penser qu’il aura au moins eu la chance de tomber sur un autre connaisseur … sans doute lui-même sorcier au vue de ce qu’il dégage comme aura. Lucifer n’aurait pas trop d’hésitation à le penser ainsi, un autre sorcier. Il en a fréquenté toute sa vie, il a appris à les reconnaître autant par survie que par ennuie. L’infirmier s’assied à ses côtés et le jeune malade se sent soudainement rassuré qu’il ne soit pas parti de suite, le laissant à nouveau seul avec lui-même. Il baisse les yeux à sa question et la honte s’empare de lui. Ryan … ça c’est un prénom normal. Son prénom, sa croix, les gens jugent toujours à la première impression est on ne peut pas dire qu’il donne le meilleur de lui-même depuis 5 minutes, alors c’est d’une petite voix qu’il annonce son nom de baptême.
 
« Lucifer. »
 
Il toussote.
 
« Mais je préfère qu’on m’appelle Lucy. »
 
C’est quand même plus doux et tellement plus proche de qui il se sent au fond de lui. Enfin, un peu moins ces derniers temps, mais toujours pas comme un ange déchu. Quoique … chassé de son Coven pour être trop bon, trop con … si ça se trouve le seigneur du mal n’a jamais été bien différent de lui, tombé en disgrâce aux yeux de Dieu. Il soupire.
 
« Je suis désolé pour les placards, je cherchais mes affaires … je crois que j’ai cogné un peu trop fort, je ne sais même pas pourquoi je suis là. »
 
Il jette un regard vers son interlocuteur, soudain plein d’espoir.
 
« Tu m’aiderais à sortir ? »
 
Le pauvre garçon ne se sent pas de rester ici plus longtemps, il a d’autres chats à fouetter et, même s’il n’a aucun toit pour ce soir, il ne désespère pas à retrouver rapidement la Banshee. Par ailleurs, l’hôpital … même s’il était dans le coma, il estime qu’il y a perdu assez de temps comme ça pour ne consacrer qu’une seule autre nuit à l’édifice.
 
 
 
 

Le jeune sorcier baisse son regard, honteux d’avoir mis sa communauté dans l’embarras en risquant de révéler sa nature magique. Il écoute son homologue lui dicter l’importance de rester vigilant et de se fondre dans la masse. Abruti se dit-il … c’est évident que tous les humains ne les acceptent pas et surtout si l’on considère la manière dont son Coven traite les êtres extérieurs.

A la réponse de Ryan, un air contrit se dessine rapidement sur son faciès. Cela ne va pas aller en l’aidant si même l’infirmier n’a aucune idée du contexte de son admission. Il mordille sa lèvre afin de retenir les larmes de couler pour la seconde fois. Sans hésiter, le jeune homme tend sa main en retour afin de laisser le soignant l’aider. C’est encore là une grande qualité – ou défaut à qui le voit – de faire facilement confiance à qui le lui demande. Lucy ne se méfie pas naturellement des gens, il ne va pas les penser malveillants, malhonnêtes et malintentionnés. Ce qui explique sans doute beaucoup sur les différents tournant qu’a pris sa vie. Il soupire et laisse la magie de l’infirmier faire effet. Se laissant imprégner de l’aura de magie, la sienne suit naturellement et une brise vient caresser sa joue alors qu’aucune fenêtre n’est ouverte.

« J’ai besoin de sortir … je veux pas te porter préjudice, mais j’en ai vraiment besoin et je peux bien signer un consentement de sortie contre avis médical. J’ai perdu quelque chose et plus je laisse le temps filer, plus mes chances s’amenuisent de la retrouver. »

Il baisse la tête, dépité. Non, il ne fera définitivement rien qui mettrait en péril le travail de Ryan, mais il aimerait juste que ça aille un peu plus vite que cela. Son autre option serait de trouver un moyen d’assommer Ryan, lui voler ses affaires et s’enfuir. Toutefois, il n’en a pas envie, encore moins après qu’il ait aidé sa tête à être moins douloureuse et sans compter que sa gentillesse naturelle lui interdirait un tel comportement. Se sentant bien, il lâche la main du sorcier et se mit à la triturer nerveusement.

« Merci … Elle est belle ta magie, c’est chouette comme pouvoir et utile surtout. »

Respirant plus sereinement maintenant que la douleur s’est effacée, Lucy fait tournoyer doucement son index dans l’air comme pour la brasser. Un courant d’air s’initie à la pointe de son doigt et bientôt, plus aucun doute ne peut persister sur l’origine de celui-ci.

« Moi, je brasse de l’air … »

Il rit jaune à son humour et jette un regard furtif au sorcier à ses côtés. Ce sont les dires même de sa mère. Lui, il l’aime son pouvoir, il trouve cela beau, romantique et doux. Mais par convention, il se rabaisse à ce que les autres pensent généralement de lui pour ne pas les offenser. Le paradoxe étant que Lucy est incroyablement doué avec ses pouvoirs, si seulement les membres de son Coven s’en étaient rendu compte, s’ils avaient juste payé attention à l’incroyable sorcier qu’il est. Lui-même a fini par ignorer ses capacités et les minimiser, les dénigrer.

Il n’en a pas envie. Il l’écoute, mais il sait au fond de lui qu’il ne tiendra pas une nuit de plus dans cet hôpital … il trouvera bien un bar où crécher en attendant que le jour se lève. Alors en attendant, le jeune homme se contente d’acquiescer en silence sans oser contredire l’infirmier. Pour ne pas lui porter préjudice, il attendra qu’il soit vraiment parti avant de disparaître à son tour. En attendant, il relève un regard timide vers lui et lui adresse un sourire.

« Le feu … c’était le rêve de mon père d’avoir un fils qui maîtrise cet élément … s’il avait ta vision des choses, je ne serais pas là aujourd’hui mais successeur du grand Prêtre de mon Coven … Ta magie de soin est bien plus belle si tu veux mon avis et je pense qu’elle s’adapte à la confiance que tu construis avec la personne que tu soignes. »

Par ces paroles encourageantes, le soignant ne fait que convaincre Lucifer qu’il n’a aucune envie de lui causer des ennuis suite à sa fugue. Il ne passera même pas par le médecin, mais reste le problème de ses fringues.

« Par contre, j’aimerais bien quand même récupérer mes affaires … J’ai mon téléphone, mon portefeuille … tout quoi… »

Aussi que Lucy ne partira pas sans et que ça promet d’être long et fastidieux s’il doit les trouver tout seul … alors autant gratter des renseignements avant que Ryan ne parte pour rejoindre sa famille qui doit sans doute l’attendre alors que lui le retient pour ses besoins égoïstes … Il se mord la lèvre et regrette de devoir l’utiliser de la sorte. C’est honteux et il ne se reconnaît pas dans ses principes, mais quels autres choix a-t-il ? Enfin, pour le moment, ce n’est pas encore gagné, rien ne lui assure qu’il arrivera ce soir à trouver le chemin de la sortie. Il ferme les yeux et attends de savoir si le sorcier de feu serait d’accord de ne serait-ce que lui indiquer où il peut chercher ses fringues et prendre la poudre d’escampette. Il triture le drap blanc qui lui sert de literie et déchante déjà à l’idée de devoir se réveiller une fois encore seul dans une chambre d’hôpital … Le réveil de son coma l’avait déjà bien assez traumatisé, cette chambre froide et austère, aucune nouvelle de son Coven et les soignants juste contents de pouvoir récupérer un lit pour de « vrais » malades.

Un sourire triste se dessine sur le faciès du jeune homme.

« Je n’irais pas jusque-là … il a du bon quand on sait où regarder. Il a juste une manière étrange de montrer à son fils qu’il l’aime je suppose … ou je l’espère. Je ne sais plus trop maintenant. Honnêtement, si leur Coven fonctionne comme le nôtre, ils me prendront pas sous leur aile, j’ai meilleur temps de me cacher d’eux plutôt que de risquer de les rencontrer. »

Il n’irait ni cracher sur son père, ni sur les autres Coven ou le sien. Après tout, il est aussi l’homme qu’il est aujourd’hui grâce à eux et le jeune homme ne s’imagine pas l’ombre d’une seconde devoir médire sur les gens en général. Son regard se perd au loin et le bip d’une alarme dans une autre chambre le ramène à la réalité. Un frisson le parcours. C’est ce genre de sons qui l’entouraient à son réveil. Mais sa bonté le perdrait et son honnêteté avec. Lorsque l’infirmier lui demande où il compte se rendre. IL ne s’imagine pas mentir à nouveau. Ses yeux se pose sur son interlocuteur et il mordille sa lèvre, honteux d’avoir été mis à nu si rapidement. Au moins, ne pas savoir mentir lui accorde la chance d’être le plus sincère possible.

« J’en sais rien … Faut que je continue mes recherches. Si je la retrouve pas, je m’en remettrais pas … »

Un voile de tristesse l’accapare et s’il n’a aucun vœu de mentir une seconde fois, il n’a cependant pas le cœur d’aborder le sujet de Gwen plus en détail. La banshee lui manque terriblement, ainsi que toutes les pièces du puzzle qu’elle a elle-même créer. Les réponses qu’il n’aura jamais à des questions qu’il ne pensait même pas exister. Puis, la trahison de son père, de son Coven. Il aurait dû le voir venir, sentir qu’il n’était pas désiré, mais son amour pour sa famille l’en empêche.

« Je sais, je dois avoir l’air misérable. Mais tu peux pas sauver tout le monde et je t’assure que je vais aller bien. »

Aucun doute que l’infirmier ferait mieux de se reposer avant de retourner à sa prochaine garde. Il a autre chose à faire que d’aider un gamin paumé.

Le jeune homme hausse les épaules. Il a sans doute raison, mais il n’a jamais que vécu dans un Coven. Pour lui, cela équivaut à être SDF du jour au lendemain et littéralement puisque le sorcier n’a pas de toit et pire encore, il ne connait même pas la ville où il se retrouve catapulter car impossible de retourner dans son village. Quant aux choix de relations de l’infirmier, il ne se permet ni de juger, ni de demander. Parfois, un choix, même pourri et ce qu’il y a de plus précieux. C’est après tout la liberté à laquelle lui-même aspire tant et si bien qu’il en est là aujourd’hui.

Les paroles de Ryan le réconfortent, même s’il sait qu’il n’y a qu’une infime chance qu’il la retrouve après tout ce temps. Et on ne pourrait pas vraiment parler d’âmes sœurs … il a été son geôlier, son confident et peut-être son instrument pour que la banshee retrouve sa liberté. Les sentiments qu’il a pour elle son un secret qu’il s’est bien gardé de taire devant la jeune femme et le jeune sorcier ne croit pas l’ombre d’une seconde qu’elle l’aimera en retour, mais il veut au moins être sûr de ne pas avoir été qu’un instrument.

Un sourire timide se dessine sur le visage du plus jeune et il relève son regard en direction du soignant.

« Promis. »

Ce ne sont pas de paroles en l’air, il saura revenir si besoin est, surtout si Ryan est d’accord pour l’écouter. Cela faisait longtemps qu’une oreille aussi bienveillante et attentive ne s’était pas penchée pour écouter ses maux (et je suis fier de ce jeu de mots !)

L’infirmier se relève et quitte la pièce après un salut rapide de la main. Lucy quant à lui, attend encore quelques minutes avant de décider de récupérer ses affaires et sortir aussi discrètement que possible de l’hôpital. Les couloirs blancs et froid lui donnent des sueurs et ils s’empressent de retrouver l’air pollué et étouffant de Chicago en n’ayant pas d’autres idées en tête que celle de retrouver Gwen.