Want to join the party? [Silas&Gwen]

Si mon appartement commence à manquer de chambres? Pas vraiment. C'est vrai que je me suis accaparé le canapé depuis plusieurs années déjà, mais uniquement parce que je trouvais que m'octroyer une pièce dont je ne me servirai de toute manière pas était ridicule. Raison pour laquelle la dernière pièce vide de l'appartement me sert plutôt de bureau secondaire, voire de débarras à l'occasion. Et raison pour laquelle je découvre à l'heure actuelle que débarrasser un débarras, c'est encombrer la quasi totalité du commun de l'appartement. Mais, si je refuse de m'imposer dans la vie de ma fille, je compte bien qu'elle sache qu'elle peut s'imposer dans la mienne à toute heure du jour et de la nuit. Donc oui, je compte bien lui réserver une chambre ici, même si c'est pour qu'elle ne l'utilise pas. Ca ne serait pas l'unique pièce inutilisée de l'endroit actuellement. D'ailleurs, parlant de pièce inutilisée, la porte de la chambre d'Adé s'ouvre sur sa locataire, un sac de voyage plein accroché au bout du bras. Comme dirait l'autre, petit à petit, l'oiseau quitte le nid, et peut-être qu'à 35 ans, il est temps... d'accord, surement, mais ça n'empêche que je regrette l'époque où elle avait huit ans et ne décollait pas des jambes de son grand frère.

"Encore un sac?"
"Quelques babioles et des trucs utiles pour le taf, ça m'évitera de passer à l'improviste et en urgence parce qu'il me manque quelque chose."
"Comme si je n'aimais pas tes visites à l'improviste." Je glisse un bras autour de sa taille pour l'attirer dans un câlin. Adé ou la seule personne avec qui je sache me montrer tactile. "Tu peux même me ramener ton linge sale, si ça me permet de te voir cinq minutes."
"Prends gare que je ne te prenne au mot. Dis, ton bazar, tu comptes le stocker dans le coffre de ta voiture? Ca va être juste."

La libérant, je jette un coup d'œil aux cartons qui s'empilent sur la table du salon, devant admettre qu'elle a raison sur ce point. Même en admettant que j'emmène ça au bureau, il va me falloir plus d'un aller retour pour tout déplacer.

"Sinon, j'ai deux options pour toi. Option 1, tu cales tout ça dans un coin de ma chambre. Option 2, tu remets tout ça à sa place, et tu me laisse partager ma chambre avec ma nièce."

Je tourne mon regard vers la porte d'entrée, derrière laquelle je ressens une présence que je reconnais immédiatement. Et ça doit se voir sur mon visage, facilité par le fait que Adé a toujours su lire en moi comme dans un livre ouvert... mes mensonges surnaturels mis à part... et encore.

"Va lui ouvrir, moi je vais cacher mes vieux journaux intimes. Faudrait vraiment pas qu'elle en apprennes trop sur ton compte. De quoi te renier à vie. Mort. Ce que tu veux."

Dit-elle en me faisant des yeux exagérément gros avant de filer dans sa chambre comme une gamine prise en faute. De quoi me faire penser qu'au final, cette gamine de huit ans, elle n'est pas partie si loin. Je souris amusé tout en récupérant son sac oublié au sol pour le poser sur une chaise, avant d'aller ouvrir la porte à Gwen.

"Salut toi. Viens entre, fais comme chez toi. Ta tante est là, enfin, sur le départ, en fait, j'en sais rien, elle semble indécise sur la question."

Et parlant d'indécis, nous sommes deux. Parce que si j'ai une envie folle de prendre ma fille dans mes bras, je n'ose pas faire le premier pas vers elle. Pas encore. Parce que j'ignore ce qu'elle a subi durant toutes ces années, ou la place qu'elle souhaite m'accorder dans sa vie après tout ce temps.

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Reprendre une vie normale ? Ce n'est pas chose aisée. J'ai retrouvé mon père, il a plus ou moins bien prit mon retour. On ne fait que se retrouver, je ne peux pas lui en vouloir d'être un peu réticent sur certains points (ou de l'avoir été), moi-même je me freine un peu. Entre la petite voix qui me parle dans ma tête, mes propres sentiments, mes pouvoirs plus que chaotiques... je suis larguée. Et en même temps, je suis la fille la plus heureuse au monde; c'est assez étrange.
La dernière fois, je n'ai pas pu m'empêcher de me jeter dans ses bras, aujourd'hui je compte bien me retenir. J'entends des gens parler à travers la porte, sans comprendre pour autant le sens de leur parole. Finalement le silence se fait, après que j'ai sonné et on vient m'ouvrir. C'est mon père. Il fait encore jour, je me doutais bien que je le trouverais là, mais bon avec son collègue qui a une bague de jour, rien ne me dis qu'il n'en a pas une aussi lui, depuis tout ce temps. Enfin bon il est là et on va pouvoir se retrouver, enfin essayer ...

Il me laisse rentrer. Je fais quelques pas en avant, avant de marquer un temps d'arrêt et de faire un pas en arrière quand il me dit que ma tante est là.

- Adélaide ? Ta soeur ? Oh je voulais pas déranger. Je repasserais.

Si j'ai peur de faire sa connaissance ? Oui carrément! Sa soeur n'était même pas née quand je suis "morte" et aujourd'hui elle fait physiquement le double de mon âge. Elle n'a jamais cessée de grandir, de vieillir, là où moi, j'ai mit ça en stand bye pendant deux ans, avant de me retrouver coincer entre le monde des vivants et des morts, avant d'être enfermer par des sorciers qui font fais je ne sais quoi qui m'a transformé a jamais, mais qui m'a surtout de nouveau permit de vieillir, mais pas aussi rapidement qu'un humain comme elle. C'est trop bizarre. Je veux pas l'effrayer... Ou c'est moi qu'ai peur ? Oui y a de ça, c'est sur. Je suis même terrorisée je crois.
Bon ok, je suis plus effrayée par le fait que les irlandais me retrouvent, mais admettais qu'il y a de quoi flipper quand même ! C'est quand même pas banal tout ça, c'est hors norme!

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Je me frappe intérieurement d'avoir évoqué Adé si tôt dans la conversation en voyant la réaction de Gwen à sa mention. J'aurai du savoir que si c'était une évidence pour moi de conjuguer le passé et le présent sous le même toit, ce n'est surement pas le plus simple pour elle de "s'imposer" dans mon présent.

"Nan nan nan reste, reste. S'il te plait. Tu ne déranges en rien, bien au contraire."

Dans l'élan, j'attrape son poignet de façon un peu maladroite, ne devant qu'à la chance de ne pas le lui briser dans le mouvement. Calmant mon enthousiasme, je la relâche avant d'y mettre plus d'ardeur. Autant j'ai appris à gérer ma force avec Adé et Tom, au fil des années, autant avec Gwen, je n'avais pas ce souci jusqu'alors.

"Vous êtes ma famille, toutes les deux. Tous les trois, avec Tom. Et je veux être présent pour chacun d'entre vous, à part égale. Ce qui veut dire que chez moi, c'est chez vous, à part égale."

Si je peux entendre Adélaïde retenir son souffle derrière la porte de sa chambre, attendant le moment idéal pour en sortir sans nous interrompre? Je pense que je n'ai pas besoin de l'ouïe d'un vampire pour ça. Et qu'elle n'en a pas besoin non plus pour écouter, et trouver le meilleur moment de faire son apparition. Les murs ont jamais été épais ici. D'un coté, je n'ai jamais vraiment eu besoin qu'ils le soient, et ça m'a donné l'excuse nécessaire pour calmer une ou deux des conneries de ma sœur dans son adolescence. Avec des murs de 80cm, ça aurait été nettement moins crédible. Tom? Pas trop à m'en faire de ce coté là pour être honnête. Hormis Elaine, je ne lui connais pas d'autre histoire. Soit il a été plus malin que sa tante, soit il tient de moi en la matière.

"Alors oui, tu peux venir quand ma sœur est là. C'est même une obligation." Je ris légèrement avant de reprendre mon sérieux. "Sauf si tu veux attendre. J'peux la faire sortir par la fenêtre."

Ou du moins, je peux lui demander de sortir par la fenêtre, parce que si j'ouvre moi-même la fenêtre pour la mettre dehors, je risque de sentir le cramé un bon moment, si je n'y reste pas assez longtemps pour jouer les torches humaines.

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Je faisais déjà demi tour, mais il m'attrape par le poignet. Mon père est rentré intentionnellement en contact physique avec moi.  La dernière fois,il a posé sa tête sur mon ventre, mais plus sous le choc qu'autre chose et nos peaux ne se sont pas touchés. Je ne me souvenais plus à quel point la peau d'un vampire pouvait être si froide.

"Être présent à part égal ? Pour chacun de nous ? Il a pas tellement était là pour toi pendant ces trente dernières années Gwen. Il te manipule. Il se sert de toi!"
Non c'est pas vrai. C'est mon père. Il me croyais morte, c'est pour ça, mais aujourd'hui je suis là et ... " Et rien du tout, comme si t'allais lui parler de ta vie avec les irlandais, ou même avant et qu'il allait t'accepter comme ça, tu te fourres le doigts dans l’œil chéri."

Je reste silencieuse lorsqu'il dit qu'il peut lui demander de passer par la fenêtre si je ne suis pas prête à la voir. J'arque un sourcil en tentant d'imaginer comment elle ferait vu qu'on est clairement pas au premier étage de cet immeuble. J'en sais fichtre rien, mais en même temps elle habite ici, pas moi ... alors si elle veut passer, elle passe, je ne pourrais pas le lui reprocher. Je ne sais pas quoi répondre à ça. Et la voix qui me lâche pas, c'est pas facile, j'vous jure!

- Bin elle fait ce qu'elle veut, elle est chez elle.

J'essaie d'avoir un sourire convainquant. Je me rends bien compte que mon visage et mes propos ne sont pas très alléchant, mais j'ai pas mieux en stock. J'espère juste que ça lui suffira. Je veux pas la faire fuir, je sais juste pas comment me placer dans tout ça.
Il m'a parlait de Tom tout à l'heure. C'est un bon moyen de changer de sujet, tiens!

- Tom va bien ?

Ce que j'avais comprit de notre dernier échange c'est que Tom était son fils adoptif. Il s'en était passé des choses pendant que je n'étais pas là. Je m'étais toujours demandé ce qu'il avait pu faire de sa vie : se remarier, créer d'autres enfants vampires, comme une façon de me remplacer et c'était un peu ce qu'il avait fait, enfin d'une certaine manière. C'était en tout cas ma manière de voir les choses pour l'instant. Je ne lui en voulais même pas, j'étais juste un peu triste. Et puis je n'avais pas les tenants et les aboutissants de leur relation alors c'était forcément fossé.

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Je sens bien qu'elle est loin de tout me dire, concernant le dilemme intérieur qui se joue en elle. Je sens aussi qu'elle n'a pas besoin que je la presse de questions, mais plutôt que je la laisse venir vers moi à son rythme, même si pour une fois, je suis celui qui veut aller plus vite que la musique. Je me contente d'acquiescer avec un sourire en coin quand elle me dit que Adé peut bien faire ce qu'elle veut, avant qu'elle ne change de sujet en me demandant des nouvelles de Tom. Je n'insiste pas, sachant que le sujet Adé reviendra sur la table dès que ma sœur aura trouvé la bonne latte de plancher sous laquelle planquer ses fameux "journaux intimes", s'il est vrai qu'elle en a vraiment laissé ici (je la crois plutôt capable d'être occupée à vider une commode pour que Gwen puisse y installer ses affaires, mais je ne lui ferai pas l'affront d'écouter aux portes) et nous rejoindra dans la pièce.

D'un geste de la main, je l'invite à venir s'asseoir à table avant d'aller sortir une bouteille de jus de fruits du frigo et deux verres du placard. En toute honnêteté? Je pense que le second sera plus pour Adé que pour moi

"Tom va bien, aux dernières nouvelles. Trop occupé entre ses études et sa copine pour passer ici autrement qu'en coup de vent, mais ça a l'air d'aller. J'ose croire qu'il a digéré les quelques... disons que j'ai pas toujours été honnête avec lui, et qu'il a au moins autant bouffé le retour de bâton que moi. J'te raconterai. J'veux plus... j'ai vécu trop longtemps entouré de secrets en pensant protéger les gens en agissant ainsi."

Je dresse l'oreille alors que j'entends la porte de la chambre d'Adé s'ouvrir, et tourne légèrement le regard vers elle alors qu'elle vient dans notre direction, s'arrêtant dans mon dos pour poser ses mains sur mes épaules. J'en connais une qui a senti que je m'enfonçais, ou que j'allais mélancoliser, ou un mix des deux.

"Salut Gwen. J'suis heureuse de te voir enfin, en vrai. Y a vraiment trop longtemps que j'entends parler de toi tu sais, fallait qu'on se rencontre. Adélaïde, mais appelle moi Adé. Et quand t'en auras assez de causer avec lui, j'aurai un truc à te montrer. Sissi, interdit de la laisser filer avant, deal?"

Je lève une main pour tenter de l'interrompre mais elle parvient à contrôler son enthousiasme mieux que que je contrôle ma mélancolie et évite de me sauter sur les épaules pour trainer Gwen jusqu'à la chambre qu'elle compte lui partager.

"Deal, tu peux... j'sais pas si Tom passe ce soir, mais j'aimerai éviter qu'il se commande une énième pizza. Tu crois que tu pourrais passer à l'épicerie? J'te promet de garder cette jeune fille enchainée jusqu'à ton retour." Je tourne légèrement le regard vers Adé, penchée par dessus mon épaule, en prenant l'air le plus dur que je sache prendre envers ma soeur. Soit, pas crédible une minute. "Et appelle moi Sissi encore une fois, et je te montre les crocs."

Je sens sa main dans mes cheveux avant qu'elle ne s'éloigne de moi, emmenant avec elle l'impression de chaleur que je sentais dans mon dos à son contact.

"Gwen, j'te ramène quelque chose?"

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Ca les secrets ça me connait un peu. J'ai tellement de chose à dire que je n'ose pas dire. Je ne veux pas lui faire du mal. Il risque de souffrir en sachant ce que j'ai vécu, et je ne veux pas qu'il souffre à cause de moi. Je lui ai déjà fait assez de mal comme ça. Enfin les irlandais nous on déjà fait assez de mal comme ça; nul besoin d'en rajouter.

- Tu as bien fait!

Oui, bin quoi. J'ai bien le droit de le féliciter pour sa franchise, sans l'être moi-même. Enfin franche ? On est pas venue à ce qu'il m'était arrivé. Il m'a pas demandé non plus. Pas encore. Et je suis juste pas pressée qu'il le fasse parce que je sais pas ce que je répondrais et si j'arriverais à être aussi honnête que lui.

Peut de temps après c'est Adélaïde qui fait son entrée. Elle est pétillante, le sourire aux lèvres. Je suis un peu comme elle en tant normale. Mais là pas vraiment, elle m'impressionne. Je les écoute se renvoyer la balle, sans rien dire. "Qu'est-ce que je disais ? Il a fait sa vie. Elle est la fille que t'as pas été! Il a pas besoin de toi!" Elle s'adresse de nouveau à moi pour me demander si je veux quelque chose.

- Non, merci.

Je me place et me replace encore dans le fauteuil où je suis installée. Je ne sais pas comment m'asseoir. En tant normale je serais en tailleur, mais paraît que ça se fait pas et les autres je m'en fiche de ce qu'il pense, pas mon père, alors je prends sur moi. "T'es déjà entrain de changer pour lui. Il te mérite pas!"

- Ferme là!

Je secoue la tête de part et d'autres pour qu'il s'en aille de ma tête. Je ne me rends compte que j'ai parlé à voix haute que lorsque mon regard croise celui de mon père.

- Pardon, je ... C'était pas contre toi. Pardon!

J'ai pas finit de m'excuser de mon comportement c'est certain.
Je ne peux pas m'en empêcher plus longtemps : Je soulève mes jambes et plaque mes genoux contre moi. Je sers mes jambes aussi fort que je peux. Ca me rassure toujours. Je me bascule d'avant en arrière quelques instants.

- Il, il a une copine ? Il a quel âge ?

J'ai besoin de lui parler, de m'ancrer dans la réalité, là tout de suite. Je continue de me basculer. Désormais je ne lâche plus son visage. C'est plutôt contre intuitif. J'aurais plutôt tendance à fuir son regard après ce que je viens de dire. Mais j'en ai besoin. Je dois prouver à mon cerveau que tout ça est bien réel.

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J'ignore si j'ai "bien fait", mais quelque part, une part de moi apprécie qu'elle ait un avis favorable sur la question. Même si j'ignore si elle en pensera toujours de même quand elle aura l'entièreté de l'histoire. Mais je décide, pour une fois, de laisser les "si" au placard. Il sera toujours temps de voir plus tard. J'acquiesce en réponse, appréciant qu'elle me donne son avis sur la question, l'encourageant même à le faire plus avant. Je me culpabilise suffisamment pour ne pas rechercher à ce qu'on me culpabilise davantage encore, mais je veux qu'elle sache que j'accepterai ses avis et ses commentaires, quels qu'ils soient.

Adé nous interrompt un instant, et devant le refus de Gwen de se faire ramener quoi que ce soit en passant, je croise le regard de ma sœur un instant, la connaissant assez pour savoir que là, Gwen vient de parler à un mur. Bien sur qu'elle va lui ramener quelque chose, et il est même fort probable que nous ne soyons pas près de la revoir de sitôt, le temps qu'elle se décide sur ce qui sera le mieux à rapporter. La porte se referme finalement sur elle, alors que je peux sentir l'inconfort de Gwen, et pas que par le fait qu'elle ne tienne pas en place sur son fauteuil. Mais également par les regards involontaires qu'elle lance autour d'elle, par la tension qu'elle laisse paraitre sans même s'en rendre compte.

Son explosion est aussi surprenante que prévisible, comme si j'avais regardé le compte à rebours d'une bombe s'écouler seconde après seconde, et ma première réaction est de me lever bien trop rapidement pour que son regard ne me suive, pour venir m'agenouiller devant elle. Je pose mes mains sur les siennes un instant, mon regard braqué dans le sien, avant qu'elle ne se regroupe sur le fauteuil, se balançant doucement d'avant en arrière tout en s'excusant de son exclamation.

"C'est rien, je t'assure. Je sais pas ce qui t'es arrivé, toutes ces années, et je sais pas si tu voudras m'en parler un jour. Mais je veux que tu saches que je serai là pour toi, sans condition."

Je lui souris quand elle change de sujet, revenant sur mes paroles concernant Tom et son manque de présence à la maison actuellement. Je me redresse plus lentement que je me suis agenouillé au départ, m'installant sur l'accoudoir de son fauteuil de façon à pouvoir m'écarter rapidement si je sens qu'elle en a besoin.

"Il a 22, nan, 23 ans maintenant. Et oui, il a une copine. Elaine." Je marque une pause, réfléchissant avant de lâcher la bombe que j'ai à lâcher la concernant. "C'est une sorcière." Je lève légèrement une main, manière de lui indiquer que je la laisserai répondre après, mais que pour le moment, j'ai besoin qu'elle m'écoute jusqu'au bout. "Elle n'est pas comme eux. J'ai pu discuter avec elle à plusieurs reprises, avant même qu'ils ne se côtoient, et si il y a une once de mauvais fond en elle, alors je suis un loup-garou."

Je garde le regard tourné vers elle, la laissant avaler la pilule tout en restant présent si elle le veut, et lui laissant l'occasion de changer de fauteuil si elle préfère s'éloigner, même si cela m'est difficile.

"J'ai tant à te raconter, si tu savais. Et je sais que j'oublierai des détails, ou que je sauterai aux évidences, ou aux raccourcis, sans y prêter attention. Alors ne garde pas tes questions. Pose les. Et si tu ne veux pas me les poser à moi, je sais que Adélaïde et Tom ne refuseront pas. Surtout s'ils peuvent t'offrir quelques dossiers sur mon compte."

J'espère sincèrement que nous pourrons retrouver le lien qui nous unissait à l'époque. Et pourtant, je sais aussi qu'il est souvent plus facile de parler à des étrangers qu'à son propre parent. Et il faut bien dire ce qui est, malgré ma volonté de réunir les membres de ma famille, Adé et Tom restent des étrangers pour Gwen. J'aimerai les voir s'unir, tous les trois, parce que soyons honnêtes, elle a plus de chances de s'adapter à cette vie avec la fraicheur de la jeunesse qu'avec mon regard constamment porté vers le passé.

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Avoir réussi a repoussé momentanément la voix du démon m'a fatigué. Je suis plus pâle que mon père si c'est possible. Mes cernes ressortent encore plus. Je dois ressembler à rien, mais bon ça a jamais été très intéressant pour moi cet aspect. Mon père se lève et s'accroupit devant moi avant que j'ai eu le temps de m'en rendre compte. Il a posé ses mains sur les miennes. Je sers si fort mes mains entre elles pour maintenir mes jambes contre mon buste que la jointure de mes doigts blanchis. On ne fait plus la différence entre lui et moi. Nos regards se croisent durant plusieurs secondes, peut-être une minute. Minute pendant laquelle on ne parle pas. Je m'excuse finalement. il me dit que ce n'est pas grave, mais bien sur que ça l'est. Il doit me prendre pour une folle d'avoir réagit ainsi, ou être complètement insolente. Je ne l'ai jamais été. Même avec ma mère avec qui je n'avais pas la même relation, je ne risquais pas de dire de telles choses. Rien que d'y penser j'en ai la nausée. Il sera là ? Sans condition ? Je n'en suis pas si sûre quand il saura ce que je suis. Mais si je comprends bien ce qu'il dit, ce n'est pas lui qui demandera, il attendra que ça vienne de moi. C'est déjà un bon point, même si clairement je suis pas du tout sure de lui révéler un jour. Comme dit, je ne veux pas le blesser et je sais que ça lui ferait du mal de savoir ce que j'ai vécu.

Je lui en demande plus sur Tom, mon "frère" en quelques sorte. Il se redresse doucement, j'ai le temps de le voir faire cette fois et il se pose sur l'accoudoir du fauteuil où je suis assise.
Je cesse de me balancer d'avant en arrière, ça va mieux maintenant que je ne l'entends plus. Ca ne va pas durer, je le sais bien, mais je dois en profiter. Je n'aurais pas la force de l'éloigner une deuxième fois.
Je souris quand mon père me dit qu'il a une copine. Elaine ? C'est très jolie comme prénom. J'ai un frisson et un haut le cœur quand il m'annonce que c'est une sorcière. J'allais m'insurger, mais il ne me laisse pas répondre, pour m'expliquer. Je le laisse parler, je serre les dents. Je le crois quand il la pense différente, mais de mon côté c'est difficile à envisager. J'ai un nouveau frisson.

- Grand bien lui fasse!

Je veux pas être désagréable envers Tom, mais c'est plus fort que moi. D'une il a prit ma place auprès de mon père et de deux il sort avec une sorcière. C'est m'en demander beaucoup là.
J'ai le cœur au bord des lèvres.

- Tu aurais un verre d'eau s'il te plaît ?

J'ai la gorge sèche. Et puis ça me permet de passer à autre chose dans ma tête.
Il continue en me disant de poser toutes les questions qui me semblent importantes. Je sais pas ce que je dois faire ce cette info. Ca me paraît trop compliqué pour l'instant.

- Je voudrais surtout qu'on passe du temps ensemble pour l'instant.

Je ne dis pas "seulement tous les deux"; pourtant j'en meurs d'envie. Une fois de plus je ne tiens pas à lui faire de la peine, mais tout ça ça fait beaucoup pour moi. Enfermée dans cette cage, je mettais fait une raison, je ne sortirais jamais d'ici, mais une fois que ça avait été fait, je m'étais accroché à l'idée que je le retrouverais et que nous reprendrions là où nous en étions arrêté. je sais bien que c'était un leurre, mais au point qu'il est récupéré un fils et une soeur, non ça je ne m'y ferais jamais. J'étais censée être plus vieille qu'eux, mais je n'en avais pas l'apparence, ni la maturité. Tout cela était tellement étrange. Ai-je bien fait de revenir dans sa vie ? Rien n'est moins sur! Mais maintenant c'est fait. Je suis contente de l'avoir fait, mais c'est peut-être égoiste !

- Est-ce que tu pourrais me parler de grand-père ? Tu l'as vu y a longtemps ? Comment va t-il ?

Si j'ai songé une seconde à le voir ? Oui j'en serais heureuse. Mais ce serait tout aussi bizarre. Comment lui expliquer tout ça, alors que moi-même je suis loin de tout comprendre. Ce serait insensé comme retrouvailles. En attendant la réponse de mon mère, je me fais le film de mes éventuelles retrouvailles avec lui.

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Je met sa réaction à l'encontre de Elaine sur le compte de la haine que je ne peut lui en vouloir de ressentir à l'égard de l'engeance des sorciers. Me contentant de poser ma main sur la sienne en signe de réconfort alors qu'elle me demande un verre d'eau. Je me lève pour aller le lui chercher, remplissant un verre pris dans le placard au robinet avant de le lui glisser dans les mains en douceur alors qu'elle continue en me disant qu'elle souhaiterait que l'on passe du temps ensemble.

Je pense lire le sous-titre qui va avec, et même si j'ai vraiment envie de réunir tous les membres de ma famille, je comprends aussi que ça fasse suffisamment trop pour elle pour vouloir y aller par étapes. Et en passant, rattraper le retard avec moi. Je dois avouer que tel est mon désir aussi, mais une part de moi a sans doute peur de ne pas savoir partager équitablement mon temps encore Tom, Adé et elle, pas autant que chacun en aurait besoin. Adé a souffert de la présence de Tom au début, exactement pour cette raison, et je ne tiens pas à réitérer cette erreur.

"C'est ce que je souhaite moi aussi. Du plus profond du cœur."

Je m'apprête à poursuivre, mais elle me coupe la chique en me parlant de son grand-père. Logique, prévisible, et pourtant, je ne l'avais absolument pas vu venir. Au point que je me saisisse de la chaise la plus proche pour m'asseoir juste en face d'elle, gardant le silence le temps de réfléchir à la meilleure façon de lui répondre. Pour être honnête, il n'y a pas de bonne façon de faire une telle annonce, malgré le fait que j'ai eu plus d'une fois à annoncer de telles nouvelles dans le cadre de mon travail. En toute sincérité? J'aime quand Dante s'y colle, même s'il n'apprécie pas plus l'exercice que moi.

"Ma chérie, je..." Je soupire, refusant de tourner autour du pot, même si je sens que ça va être semblable à arracher un pansement sur une plaie à vif. "Y a bientôt trois décennies qu'il n'est plus parmi nous." Je pose doucement ma main sur son épaule, lui offrant la possibilité de s'accrocher à moi, tout autant que m'échapper, selon sa volonté. "Perdre ta grand-mère, puis la mère d'Adé, puis toi, j'crois qu'il a pas supporté. J'lui ai juré de veiller sur sa fille, comme je sais qu'il en aurait fait de même pour toi."

Je marque une nouvelle pause, rechignant à l'idée de me laisser submerger par ces souvenirs parmi lesquels je reviens déjà trop souvent à mon goût. Je suis nostalgique dans l'âme, ça, ce n'est un secret pour personne. D'aucuns diraient morose.

"J'ai rarement fait les bons choix. Et je suis à peu près sur que le mêler à mes problèmes n'en était pas un non plus. Mais j'regrette pas d'avoir passé ses dernières années avec lui. Et t'as aucun regret à avoir non plus. J'ose penser qu'il a été heureux, sur la fin, même si ça aurait été mieux encore si on avait été tous réunis."

Parmi mes mauvais choix? Il y en a un autre qui me vient en tête, et surement que Gwen serait d'accord avec moi. Et en même temps, si je ne l'avais pas fait, ce mauvais choix, je n'aurai pas eu la joie d'avoir la meilleure fille qu'on puisse espérer avoir. Objectif? Totalement. Qui en douterait?

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Nous sommes au moins d'accord sur le fait de passer du temps ensemble, c'est déjà pas si mal. je bois à grandes gorgées le verre qu'il vient de me servir. Et en profite pour poser un peu mon esprit déjà bien embrumée par toutes les infos qui s'accumulent depuis mon arrivée ici et encore plus aujourd'hui. Ce n'est qu'un début visiblement. Je finis mon verre avant qu'il ne me réponde sur mon grand-père. Je m'attends clairement à ce qu'ils me disent qu'il n'est plus tout jeune, mais qu'il vieillit bien, peut-être même qu'il s'est remariée. Après tout si il a eu Adélaïde, il peut bien avoir eu une épouse. Je m'attends à tout sauf à ce qui me tombe dessus.

- Mort ? ... Y a 30 ans ?

C'est une blague. Je sais que nous sommes en 2024 et que je suis potentiellement morte depuis plus que cela encore, mais je n'aurais jamais pensé que cela puisse arriver de sitôt. Il n'était pas si vieux que cela, si ? J'ai un problème de temporalité c'est certain, mais ça... Le verre dans ma main tremble étrangement avant de m'échapper. Je pleure comme une madeleine. Il y a longtemps que je n'ai jamais ressentit un aussi grand vide. La dernière fois c'est quand j'ai comprit que je ne reverrais jamais mon père, que j'étais morte. Mais lui, il n'était pas un monstre comme moi, il n'était qu'un humain, il aurait du vivre encore de belles années...

Je ne m'arrête pas de pleurer. Je me lève machinalement pour aller à la fenêtre. Mes larmes ne cessent de couler dans le calme. Je n'émets aucun son, non plus. Je suis perdue. A travers le reflet de la vitre ce sont ses yeux que j'aperçois et non les miens. Je revois ses cheveux bruns comme ceux de mon père aussi. J'enjolive peut-être un peu les choses, je ne sais pas, mais c'est ainsi que je me souviens de lui. Ma mémoire me cause bien des tourments, mais pour lui, j'en suis sûre. J'ai passé plus d'un an avec lui, non stop. Mon grand-père, c'est comme mon père ou ma mère. Je ne pourrais jamais oublié leur visage, leur odeur, malgré la séparation, malgré les années.

- De ? De quoi est-il mort ?

Je n'arrive pas à en dire plus. Je voulais évoquer toutes les options qui se bousculaient dans ma tête, mais ma gorge se noue et je n'arrive pas à en dire d'avantage. Je regarde toujours à travers la fenêtre du salon.
Je me tourne vers mon père pour attendre sa réponse.

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