Rock you like a hurricane | feat Maxwell

Axelonnie qui se barre en croisière? Moi je dis oui. Axelonnie qui se barre en croisière sans moi? Je dis non. Est-ce qu'elle m'a demandé mon avis? Non! Est-ce qu'elle m'a proposé de l'accompagner? Même pas! La seule chose qui me console, dans toute cette histoire, c'est qu'elle a décidé de mettre son mari et ses enfants sur le carreau. Difficile, donc, de le prendre personnellement. Puis de toute façon, jamais je n'aurais pu m'absenter aussi longtemps. Un coup pour que ma famille en fasse une affaire d'état. Juste... juste j'aurais aimé qu'elle me le propose, même si on savait toutes les deux que la réponse était non. Chiante? Oui bon ça va, on va dire que la blondinette déteint sur moi.

D'ailleurs, je ne peux m'empêcher de m'inquiéter pour la petite famille Abraxas. Je n'ai pas d'affinités particulières avec Maxwell, car de toute façon je crois pas qu'il soit fan de ma personne. M'enfin... C'est la première fois qu'Axelonnie s'absente aussi longtemps depuis son retour d'entre les morts. Est-ce que ça va être une délivrance pour le sorcier? Ou au contraire, une lente agonie qui va lui rappeler les un an et demi loin de sa femme? Et comment il va gérer avec les grumeaux? Axelonnie m'a expliqué qu'il travaillait beaucoup. Il va peut-être avoir besoin d'aide pour s'occuper d'eux.

Je suis d'accord... ça ne me regarde absolument pas! Mais à choisir entre accompagner mon frère pour une partie de chasse aux vampires, ou terminer de mettre dans un tupperware un repas maison à ramener au sorcier... j'ai déjà choisi mon camp. Puis de toute façon, j'ai oublié ma guitare chez-eux ce matin. Autant que j'aille la récupérer au plus vite. Mon sac remplis de victuailles dans une main, mon sac à dos perché sur l'épaule et les clés de ma voiture dans l'autre main, je quitte l'appartement du frangin.

Sur le trajet, j'écoute en boucle la chanson Rock you like a hurricane de Scorpions. De quoi me filer la patate et une dose de courage pour affronter le troll à sa crapette. Sérieusement, c'est quoi ces surnoms débiles qu'ils se sont donnés? En même temps, venant de celle qui a surnommé une peluche Gros-Cul, je ne m'attends à rien. Quand je me gare devant leur maison, j'hésite à m'écouter Tom Sawyer, de Rush, juste pour éviter de me dégonfler comme un ballon. J'essaie de me souvenir la seule et unique fois où je me suis retrouvée seule avec le sorcier... ah bah c'est simple... la fois où je l'ai renvoyé de chez-lui pour retrouver Axelonnie dans le parc. Pas certaine qu'il apprécie ma visite impromptue alors que sa femme vient de partir. Je fronce mon nez et quitte l'habitacle. Au pire ça fera une anecdote à raconter à Blondie quand elle sera de retour.

J'amorce mon périple jusqu'à la porte d'entrée et appuie sur la sonnette. Je regarde l'heure sur mon téléphone. Il est encore tôt, je ne risque donc pas de réveiller les petits monstres. Enfin j'espère. J'aimerais bien pouvoir les voir un peu, avant de repartir et de ne pas les revoir avant... merde. Y'a moyen de gratter auprès de Maxwell pour jouer les baby-sitter, vous pensez? Déjà qu'on me prive de ma blondinette, on va aussi me priver de ses progénitures? La loose.

Je m'attendais à tout, sauf à voir Maxwell avec ma guitare entre les mains. Pour une surprise... c'est une surprise que j'accueille d'un sourire espiègle. Alors quoi, papa Abraxas se tape la crise de la quarantaine avant l'heure et veut se la jouer rock star?

- Euh … Salut ?
- Bonsoir.

Ne pas éclater de rire. Ne surtout pas éclater de rire. Je me mordille la lèvre afin de ne pas succomber à l'hilarité. Ce qui m'amuse autant, c'est son air gêné, ses joues rouges et l'ampoule qui grésille. C'est adorable. Parce qu'en soit, le surprendre avec ma guitare... ça veut tout et rien dire. Il aurait pu vouloir la déplacer, l'astiquer parce que c'est un grand maniaque, bref! Les possibilités ne manquaient pas... mais ça... son comportement, lui, en dit long. On verra si je raconte ça à Axel, après tout la saleté m'a abandonné deux longs mois, je ne sais pas si elle mérite des infos croustillantes de ma part.

Le sorcier m'invite à entrer et c'est avec plaisir que je retrouve les deux boules d'amour. Quand ils courent vers moi et m'appellent "tata", je vous jure, moi ça me fait fondre comme neige au soleil. Aussitôt, je me met accroupis, mes bras grands ouvert pour les accueillir comme il se doit. Je capture les deux montres contre moi pour embrasser leurs joues toute mignonnes. Non, vraiment, faut que je vois avec Maxwell si je peux continuer à m'occuper d'eux malgré l'absence d'Axelonnie. Le grumeau file déjà pour courir dans les jupons de son père, alors je m'empare de Cassandre que je porte dans mes bras. La petite chipie rigole, sa petite main poisseuse allant jouer dans mes cheveux. Autant vous dire que je ne veux pas savoir ce qu'elle a tripoté juste avant.

Du coin de l'oeil, je remarque qu'il a pensé à me servir un verre de thé glacé à la pêche. C'est con mais je suis contente qu'il se souvienne de ce que je bois. En même temps, je sais très bien qu'Axel n'en prépare que pour moi. Et Maxwell étant loin d'être bête... M'enfin, j'apprécie la délicatesse de sa part.

- J'espère que je ne vous dérange pas...

Oh la tuile. Je viens vraiment de le vouvoyer? Si je ne portais pas Cassandre dans mes bras, je me taperais le front. C'est plus fort que moi, passé le petit moment fort marrant, le charisme naturel de Maxwell me remet à ma place de morveuse. Du coup je fais quoi? Je repasse au tutoiement l'air de rien? Ouais... je vais essayer. Mais si il prend ça pour un manque de respect? C'est tellement plus simple quand Axelonnie est là pour jouer le tampon. La petite s'agite dans mes bras alors je la repose par terre, non sans lui bisouiller une nouvelle fois les joues. Elle rit et part ensuite embêter son frère. Ils sont trop mignon.

- Je vo... je m'arrête, je bug et je tente de reprendre ma phrase. J'ai apporté ça.

Je pose sur la table mon sac qui contient la barquette de boeuf bourguignon. Je pourrais me vanter en expliquant que j'ai effectué un stage de cuisine de trois mois en France, mais je m'abstiens. C'est vantard et sans intérêt.

- J'ai cuisiné ça en trop alors...

Faux. Je l'ai cuisiné uniquement pour lui, ne sachant pas dans quel état émotionnel j'allais le trouver. Toutefois, je ne veux pas qu'il pense que je le prenne en pitié, en charité, ou une connerie du genre. Juste, c'est mon rôle d'amie de m'assurer qu'il aille bien. Et mon rôle de "tata", aussi. "Tata"... ah! Ce mot me redonne des ailes et un sourire vient orner mes lèvres alors que je m'empare de mon verre de thé glacé.

- Alors comme je comptais passer pour récupérer ma guitare, je me suis dit pourquoi pas. D'ailleurs, par rapport au départ d'Axelonnie, si jamais y'a besoin d'une nounou, je serais ravie de m'occuper des jumeaux. J'ai du temps libre.

Je parle vite. J'angoisse. J'y peux rien, il m'intimide. Il est grand, il est imposant et en plus à chaque fois qu'il me regarde j'ai l'impression d'être une idiote. C'est terrible, j'arrive pas à connecter mes neurones correctement quand il est là. Trop de charisme pour ma petite carcasse. Je bois une gorgée de thé glacé, histoire de calmer mon débit de parole. C'est bon. C'est un sorcier, pas un vampire. Il ne va pas me bouffer.

- Oh idem, si jamais y'a des trucs à organiser pour le mariage pendant son absence, moi ça me va aussi. J'étais trop jeune pour l'aider à s'occuper de son premier mariage mais maintenant que je suis une grande fille, je suis toute disposée!


Si j'ai conscience d'avoir dit une boulette? Oh non. Mais ça ne saurait tarder.

Oh non... oh non! Oh la boulette!!! Mon corps se fige en même temps que ma capacité à réfléchir. Oh non... oh non... la boulette! Qu'est-ce que je viens de dire? Comment ça se fait qu'il n'est au courant de rien? Axel est pourtant du genre bavarde, à raconter sa vie de long en large. Par exemple, je sais beaucoup de chose sur eux, sur leur vie de couple... et des détails que j'aurais aimé ne jamais savoir sur Maxwell et sa "super anatomie". Mes prunelles se figent dans celles du sorcier qui... putain s'animent d'éclairs pourpre. Les verres explosent et je sursaute, prise par surprise. Terrifiée, aussi, je me mordille la lèvre et tente de ravaler les larmes qui me montent aux yeux. Axelonnie m'a déjà expliqué que c'était son truc, les éclairs, quand il s'énervait. Je ne pensais avoir droit à ce spectacle un jour. Surtout pas à cause de moi.

- Son quoi ?

Impossible d'ouvrir la bouche. Mon menton tremble alors que mes yeux s'humidifient. Merde. Je déteste qu'on me hurle dessus, ça me fait perdre tout mes moyens. Je me sens comme une merde et j'ai vraiment l'impression d'avoir merdé sur toute la ligne. Toute mon énergie est concentrée pour ne pas éclater en sanglot. Ma famille a raison, je suis une chochotte trop sensible. Les jumeaux commencent à hurler ce qui me laissent un peu de répit pour tenter de reprendre contenance. Maxwell part s'occuper des enfants et moi je reste pétrifiée sur place. J'inspire. J'expire. Je tente de calmer ma respiration pour refouler au mieux mon envie de pleurer. Je ne souhaite qu'une chose... partir le plus loin possible, me cacher dans un trou et attendre que la tempête passe. Au lieu de ça, j'attends Maxwell. Car j'imagine que j'ai des réponses à lui fournir, à présent.

Au retour du sorcier, je ne bronche pas. Je me hisse sur le tabouret de la cuisine, tête baissée. Je suis franchement pas fière de ce qui se passe en ce moment. Axelonnie va me tuer, quand elle va savoir que j'ai accidentellement vendu la mèche.

- C’est quoi cette histoire de premier mariage ?

Bien qu'il paraisse plus calme, je devine la colère qui gronde en lui. Et à juste titre, moi aussi je serais en colère sauf que je n'y suis pour rien, dans toute cette histoire. Lorsque je lève enfin mes prunelles vers lui, je me sens comme une cocotte minute qui explose. J'éclate en sanglot pendant qu'il range les dégâts qu'il a causé, par ma faute. Je voulais juste rendre service en venant ici, pas mettre le bordel dans leur vie de couple et encore moins me faire crier dessus. Dehors, le vent commence à se lever et au vu de l'agitation dehors, je sais pertinemment que ça vient de moi.

Je renifle. Je tente de me calmer. Je le vois bien qu'il perd patience et ça me donne encore plus envie de pleurer. Je noie mon chagrin en buvant une gorgée de thé glacée. De quoi me calmer pour les trente prochaines secondes.


- Ses parents lui avaient arrangés un mariage, avec un homme, issu d'une autre grande famille. Elle était fiancée et quelques semaines avant le grand jour... elle est partie. Avec Sidney.

Sidney, il connaît. Au moins là je ne vais pas le prendre par surprise, quand même! Hein? Je bois une nouvelle gorgée pour reprendre contenance. Un nouveau reniflement et c'est reparti.

- Du coup... y'a pas vraiment eu de mariage. Juste des fiançailles. Puis c'est pas si important, surtout que le fiancé est mort donc... aucun risque de le voir débouler en mode "je m'oppose à ce mariage". Pour le coup on peut remercier Sidney...


J'arrête de parler, en partie parce qu'il me faut bien une pause pour respirer et continuer de renifler comme une sale morveuse.

Bah ouais! Je chiale! En même temps... il espérait quoi? Je ne suis pas Axel, qui accepte ses sautes d'humeur sans broncher. Je suis sensible, c'est comme ça, je n'y peux rien. Pourtant c'est pas faute d'avoir essayé de m'endurcir. Menace, intimidation et j'en pense... mes parents ne manquaient pas d'imagination pour tenter de faire de moi "une vraie femme". En même temps, c'est quoi une vraie femme? Une personne dénouée d'émotions? Je préfère passer mon tour. J'accepte le mouchoir que me tend Maxwell.

- Essuie toi, tu me dégoutes.

Mais... Mon menton se remet à trembler. C'est pas gentil de dire ça à quelqu'un déjà sur la brèche. Je m'essuie le nez, pour éviter de recevoir une nouvelle critique et de fondre encore une fois en larmes. Sinon on risque de ne pas en finir. Je pleure. Il m'insulte. Je pleurs encore plus. Il m'insulte encore plus... vous sentez le cycle sans fin? D'où l'intérêt de fermer les vannes le plus vite possible.

- Je vais finir par les inviter au mariage ces cons, ils vont lui foutre la paix une bonne fois pour toute !

Oh putain! Non! Surtout pas! Je lève mes grands yeux vers lui. Mon envie de pleurer? Partie très loin, d'un seul coup. Là, c'est un vent de panique qui me submerge totalement. Non... il ne va pas oser faire ça? Pas sans l'avis d'Axelonnie. Je veux dire, c'est à elle de prendre ce genre d'initiative, pas à lui. En même temps, si j'en crois ce que je sais sur lui... ça serait bien son genre.

- Non... ce n'est foutrement pas une bonne idée.

Sans porter de l'intérêt à ce que je dis, je le vois pianoter sur son téléphone. Est-ce qu'il tente de joindre la blondinette pour savoir si elle serait okay? J'espère sincèrement qu'il s'inscrit dans cette démarche là. Même si je sais que c'est un coup pour gâcher sa croisière. Avec un tel sms, elle risquerait, au choix, de pleurer pendant les deux prochains mois, ou de sauter par-dessus bord pour venir ici fissa et démonter à coup de tong la jolie trogne de son "troll d'amour" ou d'annuler le mariage. Pas de mariage, pas d'invitations. Ce serait bien son genre.

- Voilà, c’est fait …

Les couleurs quittent mon visage. Il a fait quoi, exactement. Je penche légèrement ma tête sur le côté, anticipant la catastrophe à venir. Je doute, très sincèrement, qu'il comprenne dans quoi il s'embarque. Dans quoi ils nous embarquent, tous. Je suis de nature pacifique mais là, son sourire... il me donne des envies de meurtres. La seule chose qui m'oblige à me taire... c'est son charisme qui m'écrase comme une mouche. Je déglutis.

- Fait quoi?

C'est moi ou une certaine puissance se dégage de lui? Je veux dire... je le ressens, comme des tentacules électriques venant lécher ma peau. C'est désagréable. C'est magique je sens que ça réveil doucement quelque chose en moi.

- Non, mais panique pas, c’est gentil ce que je leur réserve comparé à si Sydney pointé son nez dans les parages …

Okay... non, là c'est trop. Même pour moi. Qu'il me crie dessus? C'est okay... mais là? Non. C'est beaucoup trop énorme pour que je ferme ma gueule. Je pose mes mains sur la table et quitte mon siège afin de me mettre debout. Je me mordille la lèvre et pianote sur le plan de la table, afin de trouver au mieux les mots, sans trop le froisser.

- Gentil? que je questionne simplement.

Ma voix est calme, parce que de toute façon ce n'est pas dans mes habitudes de m'imposer. Pourtant je sens mon pouvoir qui commence à se déclencher. Rien d'impressionnant, contrairement au sorcier face à moi. Cependant, un vent commence à se lever au sein de la cuisine.

- Je sais que ça part d'une bonne intention... et que c'est pour cette raison qu'Axelonnie te pardonnera. Parce qu'elle t'aime comme une dingue et qu'elle va préférer encaisser pour te préserver, toi. Alors moi je vais te le dire.

Je l'admire. C'est vrai. Je l'admire même énormément, pour tout ce qu'il a déjà accompli et pour le sorcier qu'il devient. Alors vous n'imaginez même pas à quel point ça va me coûter de dire ça. Dans un monde idéal, j'aurais aimé que la soirée se passe bien. J'aurais aimé qu'on mange mon putain de boeuf bourguignon, qu'il apprenne à me connaître et que, soyons-fous, il finisse par se dire "elle est chouette cette gamine, et si je l'aidais à maîtriser son don?". Visiblement, je suis encore plus naïve et conne qu'Axelonnie.

- Est-ce que dans ta super démarche, tu as pensé une seconde à Axel ou t'es juste trop égoïste pour ça?

Oh putain... je viens vraiment de dire ça? Merde. Je vais me chier dessus. Pourtant, impossible de revenir en arrière. Je déglutis et retiens de partir en courant face au regard qu'il me lance. Maintenant que j'ai commencé... autant continuer. N'est-ce pas? J'inspire et je poursuis, de ma voix soudainement moins assurée.

- Pour commencer... ce choix ne t'appartenait absolument pas! C'était à elle de prendre une telle décision. Ensuite... Axel s'était enfin émancipée pour de bon de ses parents. Ils la pensaient morte et ça l'arrangeait bien.  

Je lâche un soupir parce que dans le fond...

- Même si je suis d'accord sur une chose. Va bien falloir qu'elle se confronte à eux. Juste... c'était à elle de choisir quand et où. Ton rôle c'est de la soutenir pas de lui forcer la main.

Est-ce que je m'attends à finir carboniser? Ouais. Carrément. J'ai grave les pétoches de ce mec, sérieux. Vous les entendez, mes genoux qui s'entrechoquent? Parce que moi, ouais. Je mène pas large, c'est moi qui vous le dis.

- Tu peux m’attribuer une myriade de défaut, mais égoïste je ne crois pas !

Hum. J'ai conscience d'avoir dépassé les limites et je n'en suis pas fière du tout. Il n'a pas besoin d'élever la voix pour que je me sente à la fois minable et toute petite. Non, effectivement, égoïste n'était peut-être pas le meilleur terme mais je n'avais que celui-là en bouche. Des fois, je me demande à quoi ça me sert de parler plusieurs langues si dans la finalité je ne suis pas fichue de m'exprimer clairement.

Les joues en feu, j'attrape mon verre de thé glacé mais seulement pour en regarder le fond. J'ai juste envie de me noyer à l'intérieur ou de me réveiller. Seulement voilà, cette conversation est réelle et j'en redoute déjà l'issue. Mon frère m'a souvent dit que c'était décevant d'apprendre à connaître son idole, ou de simplement le rencontrer. Je commence enfin à comprendre pourquoi.

- Je ne pense pas une seule seconde à quelqu’un d’autre que ma famille, mes enfants et ma femme ! Et ce choix m’appartient le jour où elle a demandé ma main, eu des enfants avec moi. C’est ma belle-famille et si je veux qu’elle ait la paix, que ses enfants aient la paix, il va bien falloir agir. Tu la connais toi ? Tu la vois oisive à juste fuir le danger sans oser l’affronter ?

C'est une vraie question? J'ose à peine relever mes yeux vers lui. J'ai bien des réponses à lui fournir mais si c'est pour qu'il s'énerve encore plus... je préfère m'abstenir. Déjà, "sa" belle-famille, c'est quasiment la mienne aussi. Donc à ce niveau-là, j'estime que cette histoire me regarde tout autant que lui.

- Et oui, se faire passer pour morte ou mourir réellement je ne pense pas que cela soit une solution, c’est encore juste se cacher !

- Tu as raison. Mais tu aurais dû lui en parler avant.

Je n'en démord pas même si ma voix peine à percer le silence.

- Attends d’être une adulte pour comprendre tout ça avant de juger tes aînés …

Aïe. Sincèrement, j'en ai ras-le-bol qu'on me dise ça. J'ai l'impression d'entendre mes parents! Au final, ça veut dire quoi, devenir un adulte pour eux? Arrêter de les contredire quand ils disent ou font de la merde en boîte? Ou au contraire, prendre des décisions pour les autres, sans leur demander leur accord? Je lâche un soupir. La finalité de tout ça : une dispute inutile. Maxwell n'en fait qu'à sa tête et maintenant il doit me détester. Je note malgré tout qu'il ne m'a pas encore viré de la maison... alors autant rester. Des fois qu'il y'ai un semblant de meubles à sauver entre nous. Je pose mes coudes sur la table et utilise mes mains pour soutenir ma tête. Si j'ai l'air abattu? Ouais y'a moyen.  

J'attends un moment, avant d'ouvrir la bouche, juste pour être certaine que la tension entre nous est redescendue. Qu'on ne s'y méprend... j'estime toujours qu'il a merdé sur le coup. Et je sais d'avance que c'est moi qui vais retrouver Axelonnie dans tout ses états parce qu'elle va essayer de rester "forte" devant son "troll". Sauf qu'à ce stade, je n'ai plus les moyens de quoi que ce soit. Alors autant passer à autre chose.

- Tu jouais quoi, avant que j'arrive?

Tout à ma question, je me redresse et désigne la guitare d'un mouvement de tête. Parler musique... c'est un langage universel, ça rapproche les gens, normalement. J'ai bon espoir de sauver la soirée et d'améliorer les relations entre nous. En partie pour Axel et en grande partie pour moi. C'est un vrai modèle et je déconne pas. Il a tracé son propre chemin, monté son entreprise, c'est un bon sorcier, et un bon père. Je suis certaine que lui, il n'obligerait pas ses enfants à tuer des créatures surnaturelles parce que "c'est comme ça". Il n'est certainement pas non plus le genre à lever la main sur eux, ou à les donner en pâture à des loups-garou pour leur "apprendre la vie". Est-ce que je suis à la recherche d'une figure paternelle? Non. Du tout. Pourquoi vous pensez ça?

- La première chanson que j'ai appris à jouer, c'est Don't fear the reaper.

Je quitte mon siège pour récupérer la guitare. Elle est vieille mais très bien entretenue. C'est la chose la plus précieuse dont je dispose en ce jour et probablement pour encore longtemps. Je l'amène à Maxwell, un sourire timide sur les lèvres. C'est mon rameau d'olivier.

- Tu me fais écouter ce que tu as dans le ventre?

Interférer au cœur d'une synergie? Carrément! Je me renfrogne quelques secondes parce qu'il m'emmerde à avoir raison. C'est leur couple, je n'ai pas à m'en mêler. Si elle lui hurle dessus et lui balance une babouche dans la gueule, après tout, ça va devenir son problème, pas le mien. Il se débrouillera avec Axel. Moi, rendu-là, je me dédouane. Surtout qu'il n'a pas tord. Je ne sais pas comment il fonctionne. Elle me parle souvent de Maxwell... pour ne pas dire presque tout le temps. Ce n'est pas pour autant que je sais tout de leur intimité ou de leur mode de fonctionnement. Pour être honnête, des fois j'ai du mal à comprendre ce qu'ils font ensemble.

- Je comprend.

Je comprend surtout qu'il va se faire kicker le cul. Quoi que... elle a changé, mon Axel, depuis qu'elle est revenue d'entre les morts. Elle a aussi beaucoup changé depuis le jour où elle l'a rencontré. Il a peut-être raison. Je me fourvoie peut-être. Bref. La meilleure chose qu'il me reste à faire, à ce stade là, c'est de changer le cours de la conversation. Elle l'aime, son sale troll. Et j'aimerais bien rentrer dans les petits papiers du sorcier. Au vu de son caractère... ça ne va pas être facile pour moi. Je m'intéresse donc à lui, à ce qu'il pouvait bien jouer avant que je n'arrive. La curiosité me dévore, soudainement. J'ai envie de savoir, j'ai envie de l'entendre et j'espère sincèrement qu'il va se prêter au jeu.

Lorsque je lui tend la guitare et qu'il l'attrape avec sa main mécanique, je l'avoue, ma respiration se coupe un instant. Dégoûtée? Non! Effrayée? Non plus! Je suis carrément impressionnée, ouais! J'en ai vu, des moignons pas joli, des chasses qui tournent mal et hop, un membre en moins. Seulement c'est la première fois que je vois une main mécanique pour palier à ce vide. D'après ce que j'ai compris, il a mis ça en place lui-même. Franchement... c'est hallucinant!

- C’est pas extraordinaire … je n’ai que regardé une tablature et c’est du Muse.
- Ne t'en fais pas, on débute tous un jour. Et je valide totalement Muse.

Connaissant le bonhomme, que je valide ou non, il s'en fiche. Je ne peux m'empêcher de donner mon avis, malgré tout. Surtout que Muse quoi... c'est un des premiers groupes que j'ai été voir en concert! Aussitôt, je me raccroche à ces bons moments de ma vie et les fausses notes de Maxwell m'atteignent à peine. Parce que pour un début, ce n'est pas si pire. Et n'oublions pas qu'il commence à peine à s'habituer à sa main factice. Je me répète, mais moi, ça m'impressionne.


- Bon, c’est pas encore ça …
- Tu rigoles? T'as commencé depuis genre quoi? Ce matin? Et t'es capable de pondre ça! Avec une putain de main mécanique, en plus. Si on s'y met tout les deux, tu seras capable d'impressionner ta belle crapette pour ton retour!

Je récupère ma guitare. Ouais, c'est bon. Je m'y vois déjà! Maxwell et moi qui passons nos fins de soirée à gratter nos instruments. Si je m'emballe? Ouais, ouais, je sais. C'est bon. Laissez-moi un instant dans ma bulle, je sais bien que le sorcier va s'empresser de la péter sous peu. Alors épargnez-vous cette peine. Déjà toute emballée à cette idée, je me retiens de sautiller sur place. Au lieu de ça, je pose mon instrument pour m'approcher du grand troll. La curiosité, je vous jure, c'est vraiment un très vilain défaut. Mes grands yeux trahissent cette curiosité mêlée à de la fascination. J'y peux rien. Une fois assez proche, je me permet d'attraper sa main mécanique pour l'examiner de plus près.

- Impressionnant, que je souffle. Tu sens quelque chose quand je la touche ou pas du tout?

Je relève mes yeux vers lui, dans l'attente d'une réponse. Et des questions, j'en ai tellement à lui poser. Est-ce qu'il compte mettre sa main mécanique sur le marché? Sérieux. Il pourrait. Non? Vous ne pensez pas? Tout comme il pourrait utiliser la magie pour combler le manque de sensation. Ou mieux... est-ce qu'il va essayer d'utiliser la magie pour la récupérer, sa fameuse main? D'ailleurs, il l'a perdu comment? Axel ne m'a pas dit grand chose à ce sujet. Trop occupée à pleurer et à se gaver de glace.

- En tout cas c'est vraiment dingue.  

Ah oui. Son ego. Axel m'a demandé de ne pas nourrir son ego. Je me recule et fouille dans les placards à la recherche d'un truc à grignoter. Oh! Des cookies au chocolat blanc et à la framboise! Axel, je t'aime! Elle a pensé à m'en préparer une petite fournée avant de partir.

- Bon! Sinon. Axel m'a dit que tu avais des besoins et qu'elle me permettait de t'aider à les assouvir.

Tout en lui parlant, je me prépare une petite assiette de cookies ainsi qu'un verre de lait. Est-ce que je réalise l’ambiguïté de mes paroles? Très franchement, pas du tout.

- Du coup! On se fait une partie d'Injustice? J'ai joué qu'une fois mais j’apprends vite.

Est-ce que je m'incruste? Oui! Je ne veux pas rentrer chez-moi et je ne veux pas errer comme un chat errant dans les rues de Chicago. J'en ai marre de me retrouver dans des états pas possible au petit réveil, dans des chambres que je connais pas et sans savoir ce que j'ai pu faire la veille. Je veux juste passer une soirée... normale. Ou un minimum agréable. C'est possible, non?

Il accepte que je lui donne des cours! Sérieusement?! C'est génial! On va pouvoir passer du temps ensemble et apprendre à se connaître! Je me sens comme sur un petit nuage, oubliant même notre petite altercation de tout à l'heure. Aucune relation n'est parfaite, après tout. Les conflits, ce sont des choses inévitable et l'important c'est qu'on parvienne à passer outre. Je dois calmer mon euphorie parce qu'avec le sourire de conne qui barre mon visage, bah... je dois avoir l'air d'une conne justement.

Par ailleurs, mon euphorie me donne un peu trop d'aisance car je comble la distance entre nous pour tripoter sa main mécanique. Je suis pourtant la première à respecter la bulle des autres. Sauf que les gens, habituellement... bah ils n'ont pas une main mécanique! Je me sens tellement chanceuse de simplement pouvoir la contempler de si près. Une prouesse de technologie et de magie comme on en voit pas tous les jours. Un beau et merveilleux bébé, quoi. Et je commence à connaître l'énergumène. Je me doute bien que d'ici quelques années, voir quelques mois, cette chose va évoluer et devenir une vraie bête. Y'a que moi pour ressentir des frissons d'exaltations à cette idée?

- Je sens … c’est un bien grand mot encore, c’est pas tout à fait au point encore.

Voilà! C'est bien ce que je me disais! Il va plancher sur tout ça pour apporter des améliorations! Magnifique! Je lâche un soupir admirative et lève mes yeux vers lui. Il marmonne je ne sais trop quoi mais ça me donne un éclair de lucidité. Je suis proche. Trop proche et d'en prendre conscience ça me rend soudainement mal à l'aise. Alors je recule. Mieux encore, je vagabonde dans la cuisine à la recherche d'un truc sympa à grignoter.

- Ouais, enfin loin d’être parfait …
- Pour le moment. Ce n'est qu'une question de temps avant que tu transformes ce handicap en une véritable force. C'est déjà ce que tu as commencé à faire, d'ailleurs.

La main mise sur les supers cookies confectionnés par Axel, j'embraie sur les besoins de Maxwell. Je parle bien évidemment des jeux vidéos. J'ai l'autorisation de la blondinette pour jouer avec lui, si il veut bien de ma compagnie. Tout comme j'ai demandé l'autorisation d'Axel pour venir souvent chez-elle pendant son absence. Au départ elle était réticente, parce que d'après elle, je devrais passer plus de temps avec les gens de mon âge. sauf que j'en ai pas envie. J'ai pas rencontré des masses de personnes assez intéressante depuis mon arrivée à Chicago. Donc, je me retrouve à proposer Injustice.

- Nope !
- Oh...

Je tente de cacher ma déception en croquant un cookie. L'espoir renaît toutefois très vite quand je le vois bondir de son siège pour se rendre vers ses consoles. Je mâchouille, les yeux remplis d'espoir. Je ne comprend pas pourquoi il se montre tout particulièrement enthousiasme mais moi ça me va bien quand même, tant que je peux rester.

- Le dernier Mortal Kombat ! J’y ai pas encore joué, on sera à égalité comme ça ! ça te va ?
- Carrément!

Un sourire s’épanouit aussitôt sur ma face. La baston, tant que c'est dans les jeux vidéos, j'adore! Pourtant, dans la vraie vie, je sais me battre. Genre... vraiment bien. Juste... j'aime pas. Et je préfère prendre la fuite, littéralement. Mon assiette de cookie dans une main, mon verre de lait dans l'autre, je m'installe dans le canapé. Je pose le tout sur la table basse et j'attends que Maxwell mette la console en route.

- Avoue que c’est quand même pas un cadeau que te fait Axel de venir voir si j’suis vivant … j’espère qu’elle t’a pas demandé plus … J’ai survécu un an et demi sans elle, je peux bien tenir deux moi de plus en sachant en plus que je vais la revoir cette fois-ci.

Je bogue. Je le fixe, un brin perplexe. Pourquoi il pense que c'est une corvée d'être là? Et pourquoi ça serait forcément Axel qui m'envoie le baby-sitter? Et... si il pense tenir deux mois sans elle, c'est bien. Tant mieux pour lui mais ça me surprend. Pourtant, Blondie m'avait prévenu, que ça serait des vacances pour Maxwell de ne pas l'avoir dans les pattes pour les deux prochain mois. Je pensais qu'elle disait ça pour se déculpabiliser. Ou pour éviter de s'inquiéter pour lui.

- Non, tu te trompes. Je ne suis pas ici parce qu'Axel me l'a demandé.

Je suppose que ça a de quoi le rendre perplexe. Pour quelle raison une gamine traînerait ici, après tout? Voulant à tout prix éviter le moindre quiproquo, je décide de m'expliquer sur la raison de ma venue. Nah parce qu'imaginez... si il pense que je suis là pour le draguer pendant l'absence de sa femme? Oh beurk! Non. J'espère qu'il n'imagine pas ça!  Soudainement mal à l'aise,  je commence à rougir. Putain, Raegan! Arrête d'être conne.

- Ce que je vais te dire, ça va sûrement te paraître bête ou bizarre mais... je voulais passer du temps avec toi. On ne se connaît pas alors qu'on passe notre temps à se croiser. Je trouvais ça dommage... Puis, je ne vais pas te mentir, je te trouve assez... intimidant et impressionnant. Du coup j'ai jamais vraiment osé discuter avec toi. Je suis juste une gamine qui traîne dans les pattes de ta femme. Mais je me suis dit que là, ça serait l'occasion ou jamais. Et bref!  

Je m'enfonce dans mes explications. Alors autant me taire tout de suite. Je me racle la gorge et désigne d'un hochement de tête la console.

- On se la fait cette partie de Mortal Kombat? Que je te donne la leçon de ta vie?

Hey! J'ai de bonnes raisons d'y croire. Il doit encore s'adapter à sa main mécanique. J'ai un très bon sens de l'observation et j'apprends vite. Pas pour rien que mes frères ne veulent plus jouer avec moi. Le rouge à mes joues s'estompent alors que je lui souris de manière totalement innocente.