Cheap thrills | feat Dante

 
 
Dire que je prends le temps de me préparer est un bel euphémisme. Je sens le regard de Nath alors que je me vernis les ongles de noir, passe de la laque dans mes cheveux pour leur donner un look décoiffé naturel, regarde mes chemises une à une pour décider laquelle ira le mieux avec mon jean et ma veste pour l’ambiance de la soirée et enfin me parer de quelques bracelets en cuir et un collier pour compléter mon ensemble. Je suis un putain de coquet, c’est rien de nouveau jusque-là. Pourquoi tant de soin ? Je suis de sortie avec ma belle-sœur préférée ! J’essaye vaguement d’interagir avec mon homme, mais ne reçoit qu’un coup d’œil suspicieux aux deux chemises qui me font hésiter sans qu’il n’arrive non plus à m’aider. J’opte pour celle qui étrangement est la plus imprégnée de son odeur, sans doute parce que collé aux siennes. Le problème, c’est que même une fois prêt, mon absence de reflet dans le miroir me nargue et je dois faire pleinement confiance à ma mémoire pour trancher si cela est parfait ou non. Certes, l’avancé de la technologie me permet de capter mon image numérique, mais rien de bien pratique au quotidien. Je ne dis pas que mon homme me juge sur mes manies, je suppute plutôt qu’il ne comprend pas toujours pourquoi j’essaye d’en faire autant, sans doute entre le fait que je sois naturellement séduisant et le fait qu’il doit avoir son regard biaisé par l’amour qu’il me porte. Après, je ne saurais pas vraiment l’expliquer, je pense que c’est quelque chose qui est venu avec ma nature vampirique compte tenu que de mon vivant, je n’avais jamais pris le temps de penser à mon apparence. Je me suis contenté de plaire à Luka et cela m’avait suffi amplement.
 
Je file vers mon homme est l’alpague pour un dernier baiser langoureux avant une nuit de folie avec la blondinette. Je suis partagé entre mon envie de revoir Axel et celle de rester tranquille chez moi après la journée de malade que je viens de me taper. Vous connaissez la blague « qu’est ce qui est pire que deux bébés morts dans une poubelle ? un bébé mort dans deux poubelles ! » Ben j’ai eu un avant-goût de cette blague sur un humain adulte. Les bras et les jambes dans l’une, le tronc et la tête dans l’autre … le patchwork sympatoche et sans compter que le tueur a eu aussi la bonne idée d’extraire les yeux de ses orbites … sans doute le seul élément introuvable et je suspecte fortement un trophée pour notre serial killer … oui, oui, c’est que le troisième corps comme ça en deux mois. C’est qu’il commence à prendre de l’assurance question meurtre. Enfin bref, tout ça pour dire que j’suis pas un gros insensible que par conséquent, ce genre de trouvailles à tendance à me rendre très câlins pour compenser l’atrocité vécu le jour même. Pour ce soir, je ferais une exception en sachant que la jeune femme saura très bien aussi me faire oublier cela à grand coup de sourire et bonne humeur.
 
« Soit sage surtout ! Je reviens avant que le soleil se lève, j’ai pas pris ma perle. »
 
Je ne sais pas si ma décision est la meilleure pour le coup, mais cela forcera la jeune femme à être raisonnable et me laisser retourner chez moi. J’ai pas encore eu l’occasion de parler de de quoique ce soit avec Nath concernant mon enquête du moment et même si je ne compte pas particulièrement lui donner les détails, j’aimerais pouvoir juste lui dire que je me sens mal, que j’ai eu un truc horrible et que j’ai besoin de son soutient … c’est dur à dire, très dur … je me sens exposer à chaque fois, toutefois, je commence gentiment à faire tomber ma carapace plus aisément. Mais pas comme ça, pas juste avant de partir, de le laisser et de risquer de le voir s’inquiéter. Alors pour le moment, je me tais et je me lance à bras ouvert dans l’aventure fête foraine de ce soir.
 
Je traverse la ville, ne souhaitant pas me retrouver ni dans l’incapacité de trouver une place de park ou coincer dans les transports en communs, j’opte pour une course sélectionnant préférentiellement les ruelles les plus sombres pour arriver jusqu’à ma destination. Les lumières rayonnantes des attractions, la foule enjouée, bruyante et le grouillement d’adolescents emmenant leur premier rencard me fait doucement sourire. Ok, j’ai envie d’un tour de grand huit, Axel aura pas le choix … j’ai le vertige ? Oui, mais j’aime aussi la sensation de vide de ces manèges. Sans doute un désir de mort inhérent à mon incapacité à mourir. Je me glisse donc parmi les humains batifolant et les odeurs de barbe à papa jusqu’à notre lieu de rendez-vous, la grande roue qui occupe une place centrale dans cet espace. N’apercevant aucun signe de ma blonde, je suppose que je suis arrivé plus vite que prévu et prend le temps de me griller une ou deux cigarettes en l’attendant. Détendu, j’écrase mon second mégot sur le sol et le ramasse alors que la voilà enfin. Un sourire s’affiche sur mon faciès en réponse au sien et je lui assène un câlin digne de deux amants, accompagné d’un énorme baiser sur sa joue. Le froid de mes lèvres lui arrache un frisson et je la libère de mon étreinte.
 
« Même pas depuis 5 minutes ! Trop belle avec tes cheveux court, t’as un look sauvage et sexy ! »
 
Mille fois mieux que les cheveux longs, je suis en kiff total. Entre mon style un peu rock et elle, on déchire, faudrait pas qu’une agence de mannequinat nous aperçoive où on se ferait recruter fissa. J’attrape le thermos sachant pertinemment le genre de cocktail que la belle est capable de composer, n’oublions pas qu’en notre chère patrie, il est interdit de boire dans la rue, je lui adresse donc un clin d’œil complice à sa brillante idée de dissimuler son crime sous l’aspect de café.
 
« Bon princesse, j’ai zieuté au moins deux stand où je pouvais me dégoter une peluche de licorne et c’est hors de questions que je rentre sans ! »
 
Je passe mon bras par-dessus son épaule et nous commençons notre exploration, comme un jeune couple profitant d’une sortie en amoureux.
 
« On commence par quoi ? T’as une envie ? »
 
La connaissant, ça pourrait être aussi bien la bouffe que le pire manège de toute la foire, donc autant commencer par l’un si je veux pas qu’elle me gerbe sur les genoux. En attendant, je nous dirige le plus loin possible du stand de barbe à papa qui commence sérieusement à m’écœurer et porte le breuvage de la blonde de mon bras libre pour savourer le doux élixir. J’ai jamais dit à Nath qu’il pouvait me faire ça et je ne crois pas que le barman en lui se soit jamais posé la question, promis, un jour je le ferai.

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