In need of some piece of advice, luv [Nath & Dante]

Je tourne un moment avec ma bécane, ayant besoin de passer un peu de temps seul avec moi-même, un luxe que j'ai du mal à m'accorder chez moi entre les allées et venues de Dante, Elaine, voir Max, Axel et les jumeaux. Je les aimes hein, tous autant qu'ils sont, mais parfois j'me dit que j'aurai du garder mon ancien appart pour avoir une planque où être sur de trouver personne. Bref, c'est mon réservoir d'essence qui me fait être raisonnable et reprendre la direction de l'appart, garant bientôt la moto sur le trottoir avant de la rentrer dans le hall de l'immeuble. Je profite de la volée d'escaliers permettant de rejoindre le dernier étage pour rester seul avec moi-même cinq minutes de plus avant de glisser la clef dans la serrure et entrer dans l'appart en balançant le trousseau sur la table. Pas dans mes habitudes, mais merde, ça fait du bien de se défouler, même si c'est que de balancer un jeu de clefs sur une table.

Et bien sur que je ne suis pas seul dans l'appart. J'offre un demi-sourire à Dante, attrapant son bras avant de déposer un baiser rapide sur ses lèvres et m'éloigner de lui, récupérant une bière dans le frigo avant d'aller m'écraser sur le canapé pour trouver un truc débile à regarder à la télé. Un "jeu" qui ne tient pas deux minutes alors que je sens son regard me transpercer depuis l'autre bout de la pièce. Je finis par éteindre la télé à l'aide de la télécommande, l'invitant d'un geste à s'installer à coté de moi avant de remonter une jambe contre moi, prenant une gorgée de ma bouteille avant de soupirer, cherchant comment commencer.

"J'suis allé discuter avec Claire. Et j'me suis pris le chou avec elle, une fois encore. Fin, pour une fois, j'crois que j'ai réussi à merder tout seul comme un grand. J'suis un sombre abruti, j'te jures."

Je reprend une gorgée de bière, de celles qui vont me faire vider la bouteille en un rien de temps. Ceux qui ont une vie simple trouvent à se plaindre? Perso, je prends...

Assis par terre, entouré de tous les feuillets de mon dossier, je reste songeur devant certaines photos prises des victimes. Il y a trop d’incohérence, c’est pas possible ? Je masse mon visage plusieurs fois et jouant avec l’arrête de mon nez à essayer de mettre le doigt sur l’élément qui me gêne tant. Je pense que y’a qu’un vampire pour rester aussi longtemps en tailleur à même le sol sans bouger un seul muscle, mais même-moi, je finis par me sentir engourdir et salue ce qui me sort de ma sidération. Dans la cage d’escalier, ce sont les pas de Nath que je reconnais. Un sourire simplet s’affiche sur mon faciès et je rassemble mon dossier à la hâte, m’assurant de ne rien laisser derrière moi. On ne sait jamais, je ne voudrais pas qu’Elaine tombe sur une de ces images glauques. Oui, parce que des cadavres de jeunes filles ligotées dans des positions malsaines, c’est pas vraiment recommandé pour une jeune fille de 16 … Pardon … presque 17 ans.

Me relevant sur mon séant, je me dirige vers notre chambre pour y balancer le dossier sur le lit. Le brun ouvre la porte de l’appart’ avec entrain et j’entends le cliquetis des clés qu’on jette sur la table. Ok … déjà, ça sent pas bon. Je sors de a chambre pour lui signaler ma présence. Son sourire à moitié forcé, son baiser fugace ne m’aident pas à me convaincre qu’il va bien, mais lui semble le croire … Clairement, il a plutôt envie de ne pas me parler et je conçois. Mon regard ne se décroche pas alors qu’une bière à la main – autre signe que Nath est pas de bonne humeur, sa fâcheuse tendance à aller vers la boisson alcoolisée – il se dirige vers le canapé et allume la télé. On devrait brûler ce machin … c’est horrible. Mais bon, je crois que mon homme a besoin d’éteindre son cerveau, moi en revanche, je continue mon introspection et essaye de supputer les causes de son agacement. Il est parti ce matin et j’ignore totalement d’où il revient.

Le problème, c’est que mon regard doit lui brûler la nuque au point qu’il se rende vite compte que je n’ai pas bougé d’un cil depuis qu’il m’a embrassé, autre que pour pivoter dans sa direction et l’observer. Il finit par arrêter de m’ignorer et m’invite à le rejoindre sur le canapé …

Une première gorgée de bière l’aide à lui délier la langue et je me retiens d’écraser ma main sur mon front en entendant ses explications. Lui qui est si calme … pourquoi dès qu’il est avec Claire j’ai l’impression que ça part illico en cacahuète.

Je laisse échapper un soupir afin de gagner quelques secondes de plus pour formuler au mieux ma réponse.

« Peut-être, mais t’es mon sombre abruti … tu veux pas m’expliquer un peu ? Déjà, pourquoi t’es allé la voir ? »

Je suis un peu paumé dans ce qu’il essaye de faire avec cette femme. Je sais que c’est pour Elaine, mais pourquoi risquer de la voir si c’est en sachant qu’il y a 4 chances sur 5 que ça se passe pas bien. Je me glisse contre lui, passe mon bras par-dessus ses épaules et embrasse sa joue avec tendresse. Je comprends toujours pas comment il fait pour être aussi calme avec moi et un vrai volcan avec elle, c’est comme si on me dépeignait une autre personne. Des fois, j’hallucine de ce qu’Elaine laisse échapper lorsqu’elle parle de son père avant que je ne le connaisse.

Je frissonne alors que son bras se glisse autour de mes épaules, mon humeur désastreuse s'accommodant peu de ses tentatives de réconfort. Pour une fois, je crois que c'est moi qui ai besoin qu'il m'envoie bouler une bonne fois, comme il peut me le demander à chaque fois qu'il pense s'être mis minable. Il a pas idée à quel point il faudrait qu'il tombe bas pour que je puisse être en droit de me permettre de lui faire un commentaire sur son état. Mais on parlait pas de lui.

"Tout va pour le mieux pour moi en ce moment. Toi, Max, Elaine, Shawn, même Axel. Y a qu'une ombre au tableau, c'est ma relation de merde avec elle. Elaine voudrait qu'on arrive à s'entendre, j'en suis certain. Alors j'essaye... comment dire... de pas rester buté sur mes positions, de faire un pas en avant..."

Je reprend une gorgée avant de poursuivre, me disant que c'pas tant d'une bière que d'une clope dont j'ai besoin. Sauf que ça, c'est devenu plus difficile à trouver dans l'appart. J'suis sur qu'il a envoyé mon dernier paquet voler par la fenêtre.

"Mais c'plus fort que moi, j'y arrive pas. J'fais un pas en avant pour deux en arrière. Fin, j'me dis que quand on aura réussi à vider not sac comme il faut, on arrivera t'être à faire quelque chose. J'crois que j'ai tenu vingt minutes avant de dire une connerie parce que j'étais presque trop à l'aise et que j'ai pensé tout haut ce que j'aurai peut-être du garder pour ma pomme. Bref, j'suis un con, mais c'pas nouveau."

Je laisse ma tête reposer sur son épaule alors que je relâche ma jambe repliée contre moi pour la laisser reprendre une position plus naturelle, essayant de croiser son regard dans cette position peu adaptée pour ça, histoire de deviner ce qu'il en pense.

"J'voudrais vraiment être capable de me montrer intelligent face à elle, mais j'y arrive pas. J'sais pas où j'en suis avec elle. J'veux dire, y a tellement de griefs entre nous, de trucs dont je sais même pas si j'dois lui en vouloir ou si c'est ma faute. Des trucs dont je lui en veut autant que je suis content qu'elle ai agi ainsi... Bref, c'est le bordel dans ma tête, et c'plus fort que moi, à un moment donné, tout ce bordel, ben ça se contente pas d'attendre sagement que j'ai fait le tour des bons cotés de la conversation.

Il en pensera ce qu'il en voudra, mais c'bien plus simple avec Shawn. J'ai aucun problème avec lui, aucun truc resté en suspend, rien pour me faire péter un cable dans une conversation qui avait rien à voir avec ça. Il a été bien des choses pour moi. Un bon copain, un tuteur, un amant.. un emmerdeur fini quand il avait décrété de sauver la misérable vie qui était la mienne, et aujourd'hui, plus qu'un meilleur ami, un frère, qui a su me pardonner mes erreurs, autant envers lui qu'envers moi-même... je crois. Ok, le jour où il va en avoir marre d'être le plus raisonnable de nous deux, je pense que je le sentirai passer, et peut-être que ça me fera pas de mal de me faire sonner les cloches une fois de temps en temps. Promis, j'inviterai Claire au spectacle.

Étrange … presque un peu malaisant, mais je le sens frissonner à mon contact. Juste de quoi me rappeler qu’en bon cadavre ambulant, je suis pas le mieux placer pour réchauffer son cœur lorsqu’il a du vague à l’âme. Je l’écoute me résumer ce qui va dans sa vie avant qu’il ne commence à se lyncher sur ses erreurs présentes. Je relève volontiers que je suis le premier qu’il cite autant que Shawn apparaît dans l’équation … j’ai vraiment pas fini de digérer qu’un mec aussi bien traîne dans les pattes de mon homme. Surtout un qui l’a vu aussi nu et plus faible que je ne l’ai jamais vu. J’ai l’impression que Nath a vécu un milliard de choses avec lui alors que moi, j’arrive après la bataille. Enfin, si je le crois, c’est moi qui lui ai amené calme et sérénité dans sa vie de couple. Je devrais juste apprendre à me faire confiance. Il m’aime, il m’a choisi. Enfin bref, c’est de lui qu’on parle là.

Je le regarde vider sa bière, sentant que ce n’est pas seulement cela qui le soulagerait. J’ai bien un paquet de clopes, mais j’ai honte de lui dire qu’à mes heures perdues, je fume pour me vider la tête, surtout les nuits de grande enquête avec Silas.  C’est compliqué, tout ce qu’il me raconte, sa relation avec Claire … C’est évident et je ne peux qu’acquiescer en l’entendant dire qu’il a de toute façon besoin de vider son sac avant de pouvoir considérer n’importe quelle relation saine avec elle.

Sa tête sur mon épaule, je replis mon bras pour caresser sa chevelure et dépose un nouveau baiser sur son front. C’est pas facile de lui répondre, je vois bien que c’est le gros bordel dans sa tête et je ne sais pas trop s’il attend une vraie réponse ou juste mon soutien … Je suis le pire petit ami au monde à pas comprendre les besoins de son mec !

« J’ai l’impression que je peux dire de la merde, j’suis pas à ta place et franchement je conçois que ça soit complexe. »

Je grimace, réfléchissant à comment formuler le fond de ma pensée … faut dire que j’suis perdu sur ses intentions premières pour le coup.

« En fait, je comprends pas pourquoi maintenant ? Elle est enceinte, c’est peut-être un bon moment pour lui foutre la paix et ne pas lui faire ressasser les erreurs qu’elle a commise ou juste que toi tu juges qu’elle a commise … T’es dur avec toi et c’est sans doute la seule autre personne où je te trouve dur aussi. T’as Elaine qui te relie à elle, mais ça t’empêche de prendre du recul. Enfin … »

Je me redresse le forçant à s’assoir aussi. Puis, le traînant vers le balcon, j’attrape le paquet dans la poche de ma veste au passage. C’est moi aussi qui vais en avoir besoin pour aérer mes neurones, même si j’aime pas trop l’idée du cancer potentiel que cela représente pour lui, peut-être préférable à l’hépatite alcoolique qui le guetterait si … aaah les humains sont vraiment trop fragile, je vais m’inquiéter pour sa santé à chaque chose.

J’ouvre mon paquet et prends le briquet dedans ainsi que deux cigarettes, dont une que je lui tends. J’allume ma clope et le laisse allumer la sienne. Une longue bouffée et je repars.

« Elaine a sans doute pas envie que tu te prennes la tête gratuitement avec elle, vaut mieux deux parents qui s’ignorent plutôt qui se bouffent le nez. Vous avez pas non plus prévu de faire des soirées entre couple avec Paul et moi que je sache, donc oubli de devoir t’entendre avec elle tant que vos valeurs éducationnelles collent pour Elaine.  »

Enfin, je dis ça, mais j’ai vécu avec des parents qui s’aimaient assez pour décider ensemble qu’il valait mieux que je déguerpisse sinon il m’aurait vendu à l’armée pour mon homosexualité … pas bien réjouissant non plus. Je tire une bouffée supplémentaire me remémorant mes années folles à flirter dans la paille avec Luka … Mon bras libre passe encore une fois par-dessus son épaule et je l’attire contre moi.

Je lui met un foutu poids sur les épaules. Peut-être la contrepartie involontaire de celui qu'il place sur les miennes. Soyons honnêtes, je peux pas lui en vouloir de ne pas savoir comment se mettre à ma place quand je n'y connais moi-même rien au fait d'être un vampire qui craint de perdre le contrôle sur sa nature profonde. On est peut-être deux abrutis de première, chacun à son niveau, mais on se complète. Je me perds un instant dans ses gestes de réconfort, avant que sa voix ne résonne de nouveau, cherchant une explication à mon comportement vis à vis de Claire. Un brin accusateur, peut-être, mais j'l'ai bien mérité, je crois.

"C'était pas l'idée. De me prendre la tête avec elle. J'ai mieux à faire de ma vie qu'aller m'engueuler volontairement avec mon ex, tu sais."

Je tente de me caler davantage contre lui, mais c'est le moment qu'il choisit pour se relever, au contraire, et m'entrainer vers le balcon, vers lequel je le suis avec toute la mauvaise volonté dont je suis capable. On était pas si mal sur le canapé. Enfin, il sait comment se faire pardonner, et je ne perd pas de temps à allumer ma clope sitôt le briquet entre mes mains, en tirant une bouffée avant de songer à lui fournir plus d'explications.

"Elle est v'nue me prendre la tête au bar y a quelques semaines. J'voulais... je sais pas. Essayer de remettre les choses à plat peut-être. Pour c'que ça vaut, j'savais pas qu'elle était enceinte. Fin, j'avais des doutes, j'l'ai déjà vue deux fois dans cet état hein. Et ça se passait pas trop mal. J'dirai pas qu'on aurait pu passer pour des amis proches, mais c'était plutôt civilisé comme discussion."

Je prend une nouvelle bouffée de fumée, m'appuyant sur la rambarde du balcon, le regard perdu vers le bas malgré mon aversion naturelle pour le vide. Oui, en habitant toujours dans les hauteurs, j'ai le vertige.

"Pis elle a parlé de toi. Elle disait vouloir te rencontrer. Et j'crois que j'ai vu rouge. C'con hein, parce que ça m'irait qu'elle voit quel mec génial tu peux être, et combien Elaine a de la chance de t'avoir dans sa vie. Même si son assentiment, j'en ai rien à foutre, pour dire."

Je pose ma bouteille sur l'angle de la balustrade, avec probablement une chance sur deux qu'elle finisse par tomber d'un coté ou de l'autre, avant de venir me glisser dans ses bras, veillant à ne cramer ni ses fringues ni les miens avec nos clopes. Appréciant le fait de sentir sa présence contre mon dos, ses bras autour de moi, juste le fait qu'il soit là.

"Elle a tout foutu en l'air. Et j'veux pas qu'elle remette ça. Même si c'est... totalement débile. Parce que j'te connais, et j'sais que t'es trop malin pour l'écouter sans te faire ton propre avis. C'est juste... débile. J'suis un crétin."

Ou peut-être que j'ai peur qu'il ai un autre avis sur moi après avoir eu confirmation de ces défauts qu'il refuse de voir en moi, même si je pense ne pas essayer de les cacher. J'en sais rien, j'ai plus envie de réfléchir là.

Si je l’accuse ? Totalement, mais ce n’est pas par méchanceté, juste qu’il a tendance à pas garder le cap de ce qu’il veut faire quand il se retrouve face à la dame. Après c’est pas le soucis de vouloir mettre les choses à plat, c’est celui de savoir doser ses propos, se modéré et faire étape par étape … effectivement, pas de chance, elle est enceinte par-dessus le marché et je ne peux que prendre le partie de celle-ci pour cela. Pas parce que j’suis féministe ou quoi que ce soit d’autres, mais parce que je veux bien croire qu’hormonalement ça doit être la merde et j’ai pas envie qu’elle blesse Nath sans le vouloir.  Lui non plus il a pas besoin de se mettre en position de faiblesse et face à elle, je ne saurais dire ce qu’il en est.

« Nath, fais le deuil. Tu seras plus jamais son ami, quelque chose s’est brisé et c’est peut-être mieux comme ça. Pour toi encore plus peut-être … t’as l’air chargé de ressenti et je comprends que tu aies besoin de remettre les choses à plat, c’est légitime, mais le moment va pas et j’ai pas envie que ça te casse. Tu vas lui en vouloir si elle devient venimeuse envers toi ou pire, t’en vouloir s’il lui arrive quelque chose après que vous vous soyez pris la tête. Elaine aussi ça pourrait la fragiliser … »

J’attaque clairement la corde sensible, mais j’suis sûr qu’il a pas envie de se mettre Elaine à dos s’il arrive quelque chose à sa mère enceinte et qu’elle se dispute avec son père. Le jeune fille est intelligente et sait peut-être faire la part des choses, mais Nath culpabilisera, s’il se sent responsable, rien ne dit qu’Elaine ne pourrait pas y croire et cercle vicieux de l’enfer etc

Oh mon dieu, mon égo se gonfle en l’entendant dire qu’il a pris la mouche quand elle a parlé de moi. Un p’tit côté protecteur dont je raffole et pourtant, il va falloir ravalé ma fierté et dire ce qu’il en est … Il vient se caler contre moi et je le sers fort de mon bras libre, éloignant ma cigarette de son passage.

« C’est peut-être finalement pas si con mon idée de repas à quatre … Non je plaisante, j’ai pas envie de voir Paul non plus, mais … enfin … »

Je ne sais pas trop où je vais avec mon idée, ni si je m’impose dans un domaine qui n’est pas le mien, alors je tente et de toute façon, Nath aura le dernier mot.

« Je t’aime, je peux gérer de la rencontrer. Tu m’as bien présenté Shawn voir même plutôt oublier de me le présenter tellement c’était naturel qu’il soit dans le coin et que t’en as occulté que c’était la première fois que je le voyais … »

Un peu de rancœur sur ce point, je me suis sentie la troisième roue du carrosse presque … c’est parfois encore le cas lorsque son ami sorcier est dans les parages, mais je n’arrive pas à trouver ma place entre ces deux hommes, alors je m’éclipse. Vexé, sans doute, mais surtout déçu de ne pas me montrer à la hauteur pour mon homme.

« Pour Claire, je suis celui qui vit avec sa fille, ça serait encore plus légitime qu’elle me rencontre … tu comprends ? C’est pas que je veuille, mais peut-être que je pourrais être un médiateur. J’ai aucun avis sur elle juste qu’elle est la maman d’Elaine et que j’aime Elaine. Ça pourrait l’apaiser de voir que je suis rangé et par la même occasion, toi aussi … »

Il se retourne et sa bouteille aurait connu un sort funeste si mes reflexes n’avaient pas été aussi rapide. Une latte à ma clope, une gorgée de sa bière et je lui rends. Son regard semble chargé d’émotions contradictoires et je rajoute pour plaisanter.

« Et au pire j’ai toujours ma capacité de manipulation et je l’utilise sur elle ! »

Je tire une dernière fois et la cendre vient rejoindre le filtre m’indiquant qu’il est grand temps de stopper. Ecrasant la braise encore rougeoyante dans un cendrier, je me dis que cette habilité à quand même bien ses tord et je la déteste autant qu’elle me sert pour mes enquêtes.

"Crois-moi, j'suis au courant. Et j'suis pas assez hypocrite pour prétendre essayer. C'est juste que ça m'tue, de pas réussir à me débarrasser de ce dernier foutu truc qui foire encore aujourd'hui. Tout le reste roule, ou a l'air de rouler en tout cas. Alors pourquoi j'suis pas foutu de régler ça, hein?"

Il prend quand même un regard noir, au milieu de ma détresse, quand il mêle volontairement Elaine à sa diatribe. Même lui joue à un jeu dangereux là. J'suis pas d'assez bon poil pour lui offrir le luxe d'insister sur le sujet, et je pense qu'il l'a compris tout seul parce qu'il n'insiste pas, me laissant me caler contre lui, me serrant contre lui, et je laisse de nouveau ma tête s'appuyer contre la sienne. J'suis bien, là, avec lui, au moins jusqu'à ce qu'il plaisante avec une histoire de diner à quatre avec Claire et Paul. Je soupire, me rappelant que ma cigarette grille toujours entre mes doigts, et j'en inspire une nouvelle bouffée avant de rire légèrement quand il évoque Shawn. D'accord, c'est pas drôle, surement moins encore de son point de vue, mais c'est vrai que j'avais fait fort ce jour-là. Et oui, c'est totalement dans mes capacités d'inviter mon mec chez moi en oubliant totalement d'y préciser que j'héberge mon meilleur ami, quasi frère et accessoirement ex sur mon canapé le temps qu'il rebondisse après sa sortie de prison. La preuve, j'l'ai fait. Et apparemment, la pilule est toujours pas passée.

"Tu sais que c'lui qui aurait du se sentir vexé que j'oublie totalement de te parler de lui? J'ai pas oublié de lui parler de toi, avant même que tu me rappelles pour prendre ce fameux café. J'me demande même si il a pas vu avant moi que j'étais foutu avec toi." Je finis par balancer mon mégot consumé dans le cendrier, profitant d'avoir les mains vides pour attraper sa main une fois encore. "Il a bien essayé de me mettre en garde contre les vampires et leur pouvoir de séduction... mais je suis têtu dans mon genre."

Si j'dois être honnête? Shawn a du trouver toutes les critiques à faire au début, quand j'ai évoqué Dante, et surtout ce qu'il est. Et lui aussi n'a rien trouvé de mieux que de mettre Elaine dans la balance. Sérieusement, qu'est-ce qu'ils ont tous à essayer d'utiliser ma fille contre moi?! Bref, oui je sais, j'ai été totalement inconscient de faire entrer le loup dans la bergerie, et qui me disait qu'il allait pas nous égorger tous les deux dans notre sommeil? C'est peut-être débile comme réponse, mais j'avais confiance en lui, même si j'ai mis mon temps à lui présenter ma fille. Pas par rapport à ça, du tout. Juste parce que je voulais être sur et certain avant. C'pas pour rien que j'y ai jamais présenté qui que ce soit avant lui. Aurait fallu que mes histoires durent plus de dix jours pour que j'essaye. Bref, aujourd'hui, j'crois que Shawn est moins sur la défensive avec lui. D'accord, je crois que ça l'amuse vraiment de voir Dante totalement inconfortable quand il est là, mais en même temps, présent, il l'est moins depuis qu'il traine avec ... j'ai oublié son nom. C'est Shawn ça, à servir de confident à tout le monde, mais quand il s'agit de causer de lui, y a plus personne. Résultat, j'suis infoutu de me rappeler du nom de son mec. Ok, j'ai peut-être pas bien écouté non plus quand il en a parlé. Bref, on parlait de quoi déjà? Ah oui, Claire...

"Pourquoi ça a l'air plus logique venant de ta bouche que de la sienne? Ok, d'accord, si tu veux. Mais compte pas sur moi dans l'immédiat. J'dis pas "jamais", mais ni aujourd'hui, ni demain, et surement pas la semaine prochaine non plus. En prime j'dois un paquet d'heures à Luther. Lui j'peux dire qu'il te hait, il va finir par devoir embaucher vu le nombre d'heures supp que j'fais plus."

Je finis la bouteille à laquelle il a épargné une chute du quatrième étage avant de la poser par terre, là où elle craint un peu moins. Pour finir par jeter un œil à mon portable, vérifiant le message que j'ai pas lu y a dix bonnes minutes, pour y répondre d'un simple OK qui me fait penser que j'vais me faire entuber une fois encore. C'est en général ce qui arrive quand le mec avec qui vous êtes en affaire sait qu'il est le seul à pouvoir vous dépanner.

« Parce que tu pouvais pas être parfait, sinon j’me ferais chier. »

Je ne rate pas le regard assassin qu’il me jette alors que je mentionne Elaine … C’est pas à mal, c’est juste une réalité et je ne souhaite pas l’utiliser comme argument pour le faire céder, mais elle fait indéniablement partie de cette équation, tant que cela implique les relations entre ses deux parents.

Je le sens exaspérer lorsque j’évoque avec humour l’idée d’un repas à quatre et lui rit en parlant de Shawn … on a un problème … tout ce qui touche à ses ex ne reflète pas la même image pour chacun de nous et cela me blesse de l’entendre rire face à la détresse que j’ai éprouvé. Merde, mais c’est pas juste, il le sait que j’suis nul avec tout ce qui touche à son ami sorcier. Ils ont tellement en commun … déjà auront la chance de vieillir ensemble là où même moi je n’ai pas cela. Je réprime ses sentiments partiellement, tentant de les empêcher d’occulter mon objectivisme.

« C’est plus logique parce que c’est ce que t’avais déjà dû te dire au fond de toi chaton … »

Ma cigarette écrasée, je ne peux m’empêcher de remettre sur le tapis sa remarque sur l’illusionniste. Alors j’avoue, j’attaque un peu.

« Et d’où il se vexe alors qu’il dormait depuis des jours sur ton canap’ ! Enfin, j’suppose que c’est mon démon à combattre celui-là … Et mon cul le pouvoir de séduction des vampires … le premier qui t’approche je le transforme en tas de cendres. »

Nous écrasons nos mégots et je fronce les sourcils en le regardant jeter un œil à son cellulaire. Je suis pas fan de ces petites bêtes qui coupent les gens dans leur élan pour un oui ou pour un non. Je lâche un juron dans ma langue natale, bien conscient qu’il n’a définitivement pas l’habitude de m’entendre ainsi. Tant pis, le démon est perché sur mon épaule et me susurre déjà ce qu’il faut pour envenimer les choses.

« Et j’te signale qu’il me connaissait là où j’ignorais tout de lui, de mon point de vue, j’étais la corde fragile. Il avait déjà pu me juger avant même que je ne sache qui il était. Si tu crois que j’ai pas senti sa réticence à me voir dans les parages … J’ai adoré qu’on me fasse bien l’éloge silencieuse de ma nature vampirique, du danger que je suis pour toi et pour ta famille. C’est pas difficile d’imaginer ce qu’il a pu dire vu ce que je pense très bien tout seul de moi. »

Ok, je crois que c’est pas le moment de parler de ça, j’fais juste un transfert d’agressivité. Je me mords la lèvre, me sentant trop con de pas l’avoir fermé avant. Je ferme les yeux et secoue la tête dans un non silencieux. Je ne vais pas me prendre la tête avec lui alors qu’il a juste besoin d’être rassuré, c’est vraiment merdique de ma part.

« Désolé, j’t’avais dit que j’allais dire de la merde … j’veux juste dire que j’peux comprendre un peu Claire sur ce point. C’est moi qui connait « tout » d’elle et elle a juste des bribes de ce que lui lâche Elaine, c’est carrément inconfortable comme position. Je t’assure qu’en sociologie c’est un phénomène naturel chez les humains. Regarde, c’est pour ça que je m’énerve dès qu’on ramène Shawn sur le tapis, j’suis incapable de me sentir en sécurité alors qu’il suffirait p’t être que je lui laisse ma porte ouverte … Claire t’a fait cette demande … on a plus qu’à y aller pour la rassurer, mais c’est à toi de faire le pas suivant et c’est tout à ton honneur de vouloir prendre le temps pour pas merder ce moment. »

J’expire afin de chasser définitivement la voix qui me rabaisse et me dit que j’ai encore une amertume sur le cœur à expier. Je glisse mes bras autour de ses épaules et colle mon front sur le sien, bien content que lui et moi partageons une taille similaire. Mon regard rivé dans les profondeurs de ses yeux, je dépose un baiser sur ses lèvres.

« Tu voulais pas mettre sur le tapis la magie par hasard ? Parce que si c’est ça, t’as intérêt à savoir accoucher une femme … »

Je repense à ce détail et me demande par la même occasion si un jour il m’introduira comme son petit ami vampire en plus de tout le beau merdier que va devoir gérer la mère de ma belle-fille.

Semblerait que je sois doué pour foutre la merde aujourd'hui. C'pas comme si je savais pas que parler de Shawn le mettais toujours dans des états de stress pas possibles. Comme si mon quasi-frère représentait la moindre menace pour lui. J'peux le rassurer, la dernière fois que j'ai fantasmé sur lui, j'devais avoir 16 ans alors ... Je glisse une main, puis l'autre, sur son visage, faisant de mon mieux pour l'empêcher d'essayer de me cacher ses émotions. Il est trop bon à ce jeu là, mais je commence à le connaitre, et pas qu'un peu.

"Il s'inquiète, c'tout. Il m'a vu sombrer dans des états dans lesquels j'espère bien que tu me verras jamais sombrer. Et pas parce que j'te fais pas confiance pour m'en sortir. Parce que ça sera un pas en arrière foutrement plus grand que d'me prendre le nez avec Claire. Alors j'imagine qu'il a du se demander si j'avais pas trouvé un nouveau moyen d'me foutre en l'air. Fin, il a appris à te connaitre depuis le temps. Et te fâche pas que j'cause de toi plus que d'lui, t'es bien plus intéressant, c'tout."

Pis, entre nous, je trouve légèrement plus normal de causer de son mec à son pote que d'causer de son pote à son mec, limite c'est malsain à forte dose. Je glisse mes mains dans sa nuque avant de me reculer d'un pas pour lui laisser l'air dont il a besoin. Sauf que lui se rapproche davantage, appuyant son front contre le mien, plongeant ses yeux dans les miens. Je pourrais me perdre dans ses yeux. Du moins jusqu'à ce qu'il m'embrasse, évoquant un tout autre sujet... ou presque. Ca tourne toujours plus où moins autour du même pot. C'peut-être juste un pot plus ovale que rond.

"Tu veux dire, avant qu'elle ne le découvre toute seule parce que Elaine aura su être la digne fille de son incapable de père? J'y ai pensé. J'étais même quasi décidé, en vérité. Mais j'avais vraiment pas envie de merder avec sa grossesse. On s'entend peut-être pas, mais j'suis pas chien à ce point."

Je fouille dans ses poches pour récupérer son paquet de cigarettes, décidant qu'il m'en faudra plus d'une ce soir, avant de m'asseoir sur le rebord du balcon. S'il en doutait encore, je lui fait plus que confiance pour me rattraper si j'merde le coup de l'équilibre. Hésitant un peu à retourner sur le sujet qui me trotte dans la tête à présent. Parce que d'un coté, il semble vouloir des réponses, et de l'autre, rien que l'idée d'y penser lui provoque déjà des frissons. Du coup, ouais, je me contente de fumer quelques instants, qui semblent bien longs d'ailleurs, pesant le pour et le contre, avant de me dire que quitte à finir sur le canapé, autant que ça soit pour quelque chose de valable.

"J'y dois la vie, tu sais. A Shawn. La mienne, et celle de ma fille par extension. Si il avait pas pris ce petit con de fils de bourge fugueur sous son aile, à l'époque... Il m'a toujours rabâché que j'étais pas fait pour survivre dans les rues, et il avait pas tord à ce sujet."

Je réprime un frisson comme l'air du soir commence à se faire plus frais, jalousant sa capacité à ne pas ressentir tous ces jeux de température. J'aime ni le chaud, ni le froid, ni le vent ni la pluie, un gars simple à suivre quoi...

"J'avais quoi. Douze ans. Treize peut-être. J'avais pu d'mère, mon père me foutait sur la gueule à longueur de temps, alors tu penses que ce gosse à peine plus vieux que moi qui me proposait un échappatoire, j'ai pas refusé la main qu'il me tendait. Pas que j'ai toujours été correct avec lui en retour, d'ailleurs. Fin voilà. Tout ça pour dire que ça fait plus de vingt ans que j'peux compter sur lui même quand je suis la pire des loques, donc quand il sort de tôle, qu'y fait -15 la nuit et qu'il sait pas où il va crécher le temps de se trouver un abri, ouais, il finit sur mon canap. C'pas..."

Je lève la main en un semblant de geste d'impuissance, finissant par fermer le poing devant ma bouche pour appuyer mes lèvres contre mes doigts, réfléchissant un instant. Lui laissant l'occasion de m'interrompre aussi, me dire que "merde t'as pas un autre sujet de conversation sérieux?" ou autre chose...

"C'mon frère. Au même titre que Max. Plus peut-être, parce que lui, j'l'ai pas rencontré à 35ans. Et c'qu'y a pu y avoir entre nous, c'était juste deux gosses en pleine crise de puberté qui se mélangent les pinceaux de leurs sentiments. J'te promet. T'as absolument rien à craindre de lui. Et pour être honnête, la façon dont j'agis avec lui... j'agirai exactement pareil avec Max si il ne sautait pas au plafond à chaque fois que je pose une main sur son bras. Mais du coup, j'pense qu'avant de m'écraser sur lui sur le canap, j'peux prévoir une petite éternité."

Je soupire, relevant un regard que je me rappelais pas avoir fixé au sol pour croiser le sien, y cherchant un jugement, ou quoi que ce soit qui me ferait remarquer que j'aurai mieux fait de me la fermer. J'le sais compréhensif, et à l'écoute, bien plus que moi d'ailleurs, mais je sais aussi que si y a un sujet pour le chagriner, c'est cui-là.

"Dans l'genre "tuyau de la soirée", j'suis sur qu'il a des anecdotes à mon sujet dont j'me rappelle même pas, alors hésites surtout pas."

Je glousse à l’entendre me dire que je suis intéressant. Il a vraiment les mots pour faire chavirer mon cœur. Un sourire se fiche sur mon faciès et je décroche pas de ce regard merveilleux, c’est ça aussi qui m’fait me sentir bien, de me voir à travers ses yeux. J’me sens quelqu’un d’accompli. T’es même pas chien du tout mon amour, juste trop obnubilé par ton besoin d’éclaircir tout et pas essayer de te mettre à la place de l’autre. Je pense que c’est pour ça qu’il a pas compris ce que Claire sous entendait en demandant de me rencontrer. Je le laisse fouiller mes poches à la recherche de mes cigarettes et en extirpe une pour moi aussi … je crains rien perso ! Je le regarde s’installer en équilibre et fronce les sourcils avant de continuer d’écouter les réminiscences de son passé et je tire une longue bouffée me retenant de m’énerver contre ce paternel depuis longtemps décédé … J’aurais pu le présenter au mien, fils décevant et indigne … ils se seraient bien entendu.

« T’es plus gros qu’une bouteille, tu le sais ça ? Et oui, je sais, mais j’ai rien contre Shawn, Nath, j’ai un problème avec moi-même. T’as pas besoin de me dire qu’il est bien, c’est évident. Et honnêtement, ça me rend jaloux, mais je sais pourquoi et j’y travaille. Le problème c’est que ton ami me renvoie une image de moi que je n’aime pas. Pas volontairement. Mais je suis un vampire, je suis pas du même monde que toi, lui oui. Je vais pas vieillir avec toi, lui oui. »

Je m’adosse à la balustrade à côté de mon homme, ma main se glissant autour de sa taille par besoin de proximité autant que de peur de le voir tomber.

« Tu vois, il combine deux choses que je ne suis pas et j’arrive pas à comprendre non plus pourquoi je me focalise dessus autant. Fût un temps, c’est p’t être aussi votre complicité, mais je sais que toi et moi on a autre chose et que ça sert à rien de comparer les relations entre elles, donc ça j’pense que j’ai déjà passé un cap. »

Je hausse les épaules essayant de comprendre tout ce qui peut se jouer pour moi.

« Y’a pleins de choses en fait auxquelles je peux penser qui pourraient m’expliquer ce que je ressens. C’est ton premier amour, le mien est mort et enterré à la va vite, par mes soins depuis plus de trente ans. Shawn t’a sauvé de ton père, moi c’est mon père qui nous a conduit à nous enfuir et sache que voyager dans un vieux rafiot pourri quand t’as la tuberculose, c’est une idée de merde à soumettre à ton mec. On aurait pu viser la France ou la Suisse, il serait p’t être en vie … Je compte pas refaire l’histoire, mais bon. Elle est ce qu’elle est et c’est moi qui ait insisté pour les USA avec mes envies de liberté et tout, j’étais jeune et con je suppose. Enfin, je pense que je pourrais t’en sortir des tonnes de raisons, j’ai pas fini ma psychanalyse si tu veux tout savoir et je vais pas avoir l’éternité de trop pour ça … et pour m’en rajouter aussi d’ailleurs. »

Je me tourne vers lui et me glisse entre ces cuisses, resserrant mon étreinte derrière lui.

« Il n’y a pas un jour de ma vie, où je ne pense à ta mort. Tu t’imagines. Vivre tous les jours en te disant « un jour, l’homme que j’aime va mourir ». Je l’ai déjà vécu et c’est horrible, j’ai pas envie de m’en relever. Shawn a pas ce problème non plus. Donc t’en fais pas à me parler de lui ou de ma jalousie puérile. C’est pas lui qui m’énerve en tant qu’individu, c’est vraiment juste moi. »

J’ai l’impression de vider mon sac sans une once d’émotions. En fait je suis tellement blasé de tout cela, j’ai tellement pleurer certaines fois, qu’aujourd’hui, j’me sens juste vide et lasse. C’est con quand même. C’est lui qui vient avec ses soucis de Claire et tout le pataquès et au final, je suis celui qui se décharge. Un soupire m’échappe et je le regarde avec tendresse.

« Avant que tu me dises ce que t’en penses, sache juste que c’est aussi ça qui me fait profiter de chaque instant avec toi. J’ai envie d’être le meilleur pour toi, j’ai envie de tout donner et de pas te faire regretter de m’avoir choisi. Ça paraît glauque et sordide, mais c’est ma carotte et ça m’aide, alors tu vois, rencontrer Claire à côté de ça, ça me fait pas peur. Je sais que ta relation avec Elaine est importante, elle l’est aussi pour moi et si on doit en passer par là, je le ferais pour toi. »

J’éclate de rire.

« P’tain j’suis mièvre ! T’as un putain de chevalier en armure blanche qui vient te déclarer sa flamme ! J’voulais être la princesse pour une fois. »

Je ris à ma connerie. Me rapprochant un peu plus de lui, je frotte mon nez contre le sien. C’est pas tant que j’ai l’impression de le sauver, j’suis convaincu que ce sont toujours les princesses qui sauvent leur mecs dans les histoires si on gratte un peu. C’est plus une histoire de prêt à tout pour lui et en même temps, je le sens prêt aussi a beaucoup pour moi … Comme m’accepter sous le même toit que sa fille alors que j’ai un congèle pleins de poches de sang qui témoigne de mon addiction pour l’hémoglobine.

"Merci de me le faire remarquer."

Il s'installe à coté de moi, glissant son bras dans mon dos, m'offrant une protection supplémentaire contre le danger du vide derrière moi. Et je m'appuie volontiers contre son épaule alors qu'il m'explique le fond du problème, à propos de Shawn. Toujours ce manque de confiance en lui, et cette peur que je me réveille un matin en réalisant ce qu'il est et les implications qui vont avec. Je l'écoute sans l'interrompre, le regardant changer de position pour se glisser face à moi, affirmant davantage sa prise sur ma taille, reflétant l'inquiétude de ses propos. Jusqu'à ce qu'il s'interrompe en se moquant de lui-même. De ma position, je le surplombe aisément, et je l'empêche d'insister dans l'auto-dérision en l'embrassant jusqu'à ne pas avoir d'autre choix que de reprendre mon souffle, et même alors, je ne m'écarte qu'un peu, gardant mon regard dans le sien.

"J'ai failli mourir plus souvent que j'l'aurai voulu. J'ai voulu mourir plus d'une fois. La foutue Faucheuse veut pas de moi. Pis, si jamais, tu me sauveras à temps. Shawn a pas ce pouvoir, lui."

Je croise mes bras derrière sa nuque, faisant peser mon poids sur ses épaules sans décrocher mon regard du sien. D'accord qu'il a son stock de poches de sang dans mon congel, et qu'il fait une très mauvaise bouillotte en hiver, et p't'être que j'ai jamais essayé de rapporter une pizza à l'ail pour le diner, mais hormis ces légers détails, il est tout ce qui est de plus "normal" à mes yeux, et je dois avouer que c'est bien mon objectif de lui ouvrir les yeux sur ce point. Oui, c'est un foutu vampire, oui, il est foutument immortel et non, on navigue pas dans les mêmes sphères, surnaturellement parlant, mais pour ma part, j'en ai rien à foutre. Et je compte bien apprendre à ceux qui s'en préoccupent à en en avoir rien à foutre eux aussi. Ou j'leur dit merde, au choix.

"Alors sois la princesse. Tant que t'es là, avec moi, c'est tout ce qui m'importe." Je l'embrasse à nouveau, gardant sa lèvre inférieure prisonnière de mes dents quelques instants avant de le libérer, appuyant mon front contre sa tempe. "Elaine et toi, j'ai besoin de rien d'autre, tu sais?"

Si j'ai occulté ce qu'il est parvenu à glisser sur Luka, lui qui est si secret à son sujet? Non. Je pense simplement que s'il se libère de ces pensées au compte-goutte, m'en donnant un peu de temps en temps, c'est pas pour que je lui demande de m'en donner plus, ou que j'insiste sur le sujet. Loin d'être jaloux qu'il éprouve encore des sentiments pour lui (il le niera en bloc mais j'en suis convaincu, surtout étant donné la tragédie qui a mis fin à l'histoire), j'aurai sincèrement apprécié de le rencontrer. Un homme qui a pu faire un tel effet à Dante valait obligatoirement la peine d'être connu. Objectif? Pas vraiment.

Si j’aime le sentir se reposer totalement contre moi, c’est peut-être autant physique que symbolique. Ce geste me rassure du soutient que j’arrive à être pour lui et calme mon sentiment d’inutilité, le démon qui me dit que je n’ai pas sauvé Luka se fait envoyer chier quand Nath m’inspire à ce genre de sentiment. Ses lèvres se joignant aux miennes pour confirmer que tout va bien tant qu’on à l’un pour l’autre. J’aurais pu lui faire durer éternellement si le brun n’avait pas eu à respirer … à ces humains ! Un rire cristallin m’échappe en l’entendant me demandant d’être sa princesse. Je resserre mon étreinte sur lui et un regard qui en dit long sur mes envies se plante dans le sien, toutefois, je ne compte pas laisser passer l’opportunité que nous avons d’aborder un autre sujet sous tension.

« Claire, Shawn, Luka et maintenant moi qui te « sauve » en te transformant ? On va aborder tous les sujets qui piquent et j’avoue que de voir le calme qu’on a en parlant de tout ça, c’est rassurant, mais … »

J’inspire inutilement avant de me rappeler que je peux joindre cela à une bouffée de nicotine. La fumée sortant de mes lèvres me donne l’impression d’être un dragon prêt à cracher son feu, mais ce ne sont que des mots brûlant qui viennent, des questions auxquelles je ne sais pas si nous avons une réponse aujourd’hui.

« J’ai pas réfléchie la première fois pour Elizabeth … pour toi je ne sais pas. Comment je pourrais prendre une telle décision sans savoir ce que tu en penses … pourtant si tu savais comme j’en rêve parfois. C’est malsain et égoïste, juste t’avoir pour moi et que ce genre de moment soit pas juste un moment fugace de la longue vie que me promet l’immortalité. J’en ai peur Nath et ça serait te mentir que je me suis dit plus d’une fois qu’il faut que je parte loin de toi avant de faire une connerie ou te perdre et de regretter de n’avoir rien fait. Je ne suis même plus sûr de si c’est toi ou moi que j’essaye de protéger dans ces cas-là. T’es ma vie, mais ça cogite tellement. »

Je peine à retenir un soupire traduisant toute la douleur que j’ai en formulant ces phrases. Mon regard se voile et je n’arrive pas à décrocher du sien. Cela m’apaise de la même manière que cela me torture, de le voir réfléchir et sans doute autant être dans l’incertitude que moi. Je pose mes lèvres sur les siennes avant qu’il ne réponde souhaitant faire durer le calme avant la tempête. Il l’a dit … c’est Elaine et moi, mais viendra un jour où ce sera peut-être à moi de faire le choix de le priver d’un des deux et je n’arrive pas à me penser assez égoïste pour lui infliger cela, perdre Elaine. La jeune fille n’a que 16 ans et cela m’empêche de considérer qu’un jour elle aura sa vie, ses propres soucis et tout ce qui va, mais j’aimerais surtout qu’elle ait autant que possible son père et moi dans les parages. Un regard triste sur mon homme et un sourire qui ne reflète pas toute la sincérité de mes émotions pour seul réponse. Si je dis un mot de plus, je sais que je vais me mettre à pleurer et je ne peux pas, pas devant Nath. Alors si c’est pour encore m’enfuir comme un lâche, non merci. Quand je pense que j’ai attendu aussi longtemps pour me remettre en couple et tout ce que cela implique, la souffrance que je risque d’être pour lui et sa fille, je me demande pourquoi j’ai insisté, pourquoi j’ai accepté ce café, cette balade à vélo, … Je vais devenir fou.

Il me donne son point de vue sur cet énième sujet qui fâche entre nous, et qui lui, reviendra surement plus facilement sur la table au fil des années que les trois autres, qui ont, je pense, plus de chances de s'éteindre doucement par eux-même. Oui, même Claire. J'fais effectivement confiance à Dante pour se débrouiller assez bien pour réussir à régler celui-là aussi. Je glisse mes doigts sur sa nuque, caressant vaguement sa peau sans y réfléchir plus que ça, essayant de faire le tri dans ce qu'il me dit et ce que je compte lui répondre.

"C'que t'es en train de me dire... C'est que si il m'arrivait un truc et qu't'avais pas le choix que d'me transformer pour me sauver... tu prendrais le temps de réfléchir à savoir si j'suis ok avec ça ou pas?"

On a jamais dit que j'avais pas l'art et la manière de dédramatiser une situation. Ok, c'est pas drôle, j'imagine bien, mais j'ai pas envie qu'on se déprime mutuellement. Pas aujourd'hui. Alors oui, j'veux le voir m'offrir un de ces sourires accidentels qui suivent une connerie de ma part qu'il n'avait absolument pas vu venir.

"J'vais être honnête. J'aime vraiment pas la viande rouge. A la limite, cuite comme une semelle, et encore. Donc l'idée de se partager un mug de sang frais, j'suis pas convaincu, Du tout. Mais tu m'apprends à apprécier la vie à nouveau, jour après jour, et si j'peux avoir droit à un joker, j'dis pas non."

Je reconnais son regard fiévreux pour ce qu'il est, et j'avoue que, pour échapper à ce genre de conversation, je me laisserai bien tenter de le suivre dans ses projets de dépravation totale. Sauf que c'est aussi ce genre de conversation que tu veux avoir qu'une fois pour toutes et plus y revenir. Alors je me contente de faire un effort fabuleux pour l'ignorer, prenant le temps de réfléchir à un autre sujet, alors qu'il me sort qu'il a déjà songé à partir plutôt que prendre ce genre de décision. Sérieusement, t'enfonces pas. Donc ouais, je réfléchis, activant des neurones dont je me rappelais même pas l'existence, me bouffant la lèvre inférieure alors que mon regard va et vient dans ses comptes imaginaires sans se poser nul part. Jusqu'à ce que j'en arrive à la conclusion que j'avais déjà en tête avant cet effort de réflexion. S'il me dit que j'ai le cerveau qui fume, je promet de le taper.

"Un mois et demi. Grand max. C'est ma relation la plus sérieuse entre Claire et toi. Alors merde. Quand j'te dis que j't'aime, c'pas des paroles en l'air. Et si j'me trouve de très bonnes excuses qui sont peut-être bien pourries pour te refuser de franchir le pas d'un bout de papier ou d'une paire de canines plus pointues, sache une chose. T'es foutu avec moi, ok? Et s'tu t'barre pour des conneries du genre "me protéger de toi", j'met ton fin limier de collègue sur le coup pour te ramener à la maison par le col de la chemise, c'clair? Pour le reste, si tu m'regarde canner sans réagir j'te promet de venir te hanter pour le restant de ta vie, et j'pense faire un meilleur esprit frappeur que sorcier, tu vois."  

Et j'me rend compte que j'm'énerve sans le vouloir, alors que j'avais pas du tout prévu de m'énerver là-dessus. Au contraire, c'est que du positif... mais t'être que ça m'énerve, toute cette incertitude, ce fossé qu'il garde volontairement entre nous pour pas souffrir quand j'serai plus là. Accessoirement, y a pas besoin d'être immortel pour craindre que l'autre parte en premier. Comme si l'âge était le seul motif de décès chez les humains.. ils en inventent de nouveaux tous les jours alors...

"J't'interdis de douter, ok? Pis, de toute façon, dans le cas où il m'arriverait un truc, j'espère bien que Elaine et toi seriez là l'un pour l'autre. Sauf que j'ai pas prévu de faire mon testament à trente...." Ouais alors, avec ma manie de ne pas fêter mon anniversaire en dehors des clous (et le 29 février ça arrive pas souvent), je sais même plus combien ça me fait... "... et quelques balais, donc rangeons les violons ok? J'vais bien, tu vas bien, on va bien. Ca te dit qu'on se mate Titanic ce soir? "

Changement de sujet radical? Ouais, j'ai envie d'une soirée sympa avec mon mec. Si Titanic c'est pas exactement ce qu'on pense d'une soirée sympa? Beh, j'vais peut-être passé pour un goujat, mais dans le genre "catastrophe", il est pas mal ce film.. ouais ok, faut zapper les deux premières heures, mais j'crois que avec cui-là, j'pourrai apprécier de les visionner, pour une fois, les deux premières heures.

Je lève les yeux au ciel et me déride, un léger sourire en coin dont le brun à le secret pour me les voler. Non, mais comment il fait ?

« Débile va ! »

Je lui mets une pichenette dans le nez en signe de protestation, non sans m’assurer que ma seconde main le cale bien contre moi pour lui éviter de chuter. Je l’écoute me parler de steak et de viande. Je crois qu’il a pas encore capter comme l’alimentation devient même plus un choix, encore moins une affaire de goût, mais totalement un instinct, une pulsion primaire qui n’a que faire de ce que l’humain aimait de son vivant. Je suis même pas sûr de me souvenir si j’aimais la viande ou non avant. Je lève un sourcil en l’entendant parler de joker … s’il le voit comme tel. Je le vois se mettre les méninges en ébullition pour me sortir le fond de sa pensée et cela m’arrache un nouveau sourire. Il est incroyablement séduisant avec la petite ride qui se forme entre ses deux yeux alors que c’est le branlebas de combat dans sa tête …

Je ne le quitte pas des yeux et mon sourire grandit en le voyant s’énerver à me dire à quel point il m’aime. Qu’il arrête sinon je l’entraîne de suite vers la chambre lui faire mettre en action ses dires. Mon homme sait parfaitement faire taire le démon, c’est pas pour rien qu’il est sorcier, il a juste pas conscience de ce don.

« Avant que je te réponde pour Titanic … »

Je dépose un baiser sur ses lèvres et reprends avec une voix profonde et calme, apaisé par les mots bienveillants de Nath.

« Je pars pas, je le ferais pas, je sais que c’est pas une solution et je n’ai pas envie d’être un lâche, j’en ai plus envie en tout cas. »

Je reprends une dernière latte à ma clope avant de l’écraser définitivement dans le cendrier et ajoute :

« Si tu veux me voir chialer, on se mate Titanic et si tu veux qu’on éteigne juste nos cerveaux, j’me referais bien les Resident Evil. »

Je hausse les épaules. Des zombies, des combats épics et une belle femme en prime (oui parce que je suis gay, mais il y a 5% de moi qui est hétéro et on parle quand même de Milla Jovovitch). Et je viens quand même de parler d’éteindre nos cerveaux en parlant de film de zombies sans faire exprès, donc juste pour cela, je mérite une médaille ! En attendant, je n’attends pas sa réponse pour le soulever de la barrière et l’entraîner dans le salon, ses jambes enroulés autour de mes hanches et ma bouche plaquée sur la sienne. J’ai besoin de faire retomber la tension et je lui donne un avant-goût de comment s’y prendre.