Eh toi, ça te dit un rancard? [Nath & Dante]

Deux mois sans nouvelles, quinze jours que j'évite de passer plus de temps à l'appart que nécessaire, j'en oublierai presque ce que c'est que de vivre en couple. Une constatation qui m'est tombé dessus sur le canapé de Shawn, que j'ai squatté un soir pendant que monsieur profitait d'une chambre dans un hôtel quatre étoiles. J'vais être honnête, c'est pas encore une nuit où je me serai reposé ça, et ça n'a rien à voir avec le fait d'avoir repris mes horaires nocturnes au bar pour m'occuper le temps, et cumulé suffisamment d'heures supplémentaires pour pouvoir m'offrir des vacances aux frais du patron. Bref, j'ai tourné ça dans ma tête tout le restant de nuit que j'ai passé à regarder le plafond décrépi de ce sous-sol où mon vieux pote s'est presque sédentarisé depuis le temps qu'il crèche là. Qu'il fasse gaffe, lui qui jure de jamais s'installer, six mois au même endroit j'appelle ça une installation, même si y a pas de porte et vingt cinq colocataires.
Bref, j'ai allumé et éteint l'écran de mon portable trente ou quarante fois avant de me décider à envoyer un message à Dante pour lui proposer une sortie au Lincoln Park à la nuit tombée. De quoi lui permettre de se déplacer sans sa perle s'il le souhaite. Comme il veut. Ce que je sais, c'est qu'on a besoin d'une bonne discussion, et l'espace du parc me semble plus propice à s'emporter au besoin que la terrasse d'un café. Pas que je souhaite qu'on s'emporte, juste que j'ai pris cette éventualité en compte.

Bref, la journée me parait longue, mais j'arrive à m'occuper de façon à ne pas trop voir le temps passer, surtout en remplaçant au pied levé une collègue malade. Ouais, parait que j'vais tomber par terre à force, mais ça m'arrange autant que ça arrange le patron, alors pour le reste, on verra plus tard. Et pis, la clope ça fait des pauses. Même si le prix du paquet a pris une putain de claque depuis la dernière fois que j'en avais acheté un. Peut-être de quoi me faire arrêter de nouveau, sait-on jamais.

A la nuit tombante, j'arrive à l'entrée du parc avec un peu d'avance, ce qui ne m'empêche pas de perdre un peu de temps sur place avant de me rapprocher du point de rendez-vous qu'on s'est donné. Si je me demande s'il viendra? Totalement.

Je saurais pas dire ce qui me met le plus mal à l’aise en ce moment. Elaine qui essaye de me comprendre alors que je vois qu’elle est tout autant terrifiée, Silas qui fait comme si de rien n’était ou Nath qui semble me reprocher un milliard de chose et qui m’évite soigneusement alors qu’il m’a ramené par la peau des fesses … Ok … Elaine, je la comprends. Elle et moi on s’est expliqué entre autre et on s’est plus ou moins mis d’accord pour se dire qu’on se fait plus la gueule même si je ne doute pas que je vais encore avoir des efforts à faire pour la convaincre de ma bonne foi. Silas, il a juste fait comme si j’allais revenir. Le bureau en deux mois n’a pas bougé d’un pouce et il a même empilé des nouveaux dossiers pour moi sans se poser plus de questions. Moralité, j’ai trois tonnes de taf en retard et j’avoue que c’est plutôt salvateur pour oublier le dernier truc qui me donne des migraines rien que d’y penser : confronter Nath. Alors oui, il m’évite, mais je ne fais rien pour palier à ça. Perso, je fuis pas particulièrement l’appart pour la simple et bonne raison que je veux me montrer présent pour ma belle-fille. Lui, c’est un coup de vent. Il passe voir si tout va bien, repart au taf ou chez Shawn. J’suis pas jaloux … Je ne suis PAS jaloux … mais zut !

C’est injuste quand même. Je me suis tiré parce que parasité au plus haut point par mes démons, exacerbé par le fait que mon homme et moi ne prenons jamais le temps de parler et maintenant qu’il m’a fait revenir à notre vie, il continue de me laisser seul avec mes angoisses. Je l’aime, c’est indéniable, mais je trouve son comportement terriblement abusif.

Du coup, lorsque je reçois son texto en début de matinée, je le maudirais presque. Je vais encore cogiter toute une journée avant qu’il accepte de délier sa langue. Et Dante qui se fait chier à l’appart et qui tourne tout seul ça donne … un ménage parfait. J’ai encore trouvé des feuilles derrière un meuble, vestige de ma discussion avec la jeune sorcière. Un sourire triste se dessine sur mon faciès. Ça s’est limite mieux passer avec elle qu’avec son père finalement et je sens que la soirée va être longue. Très impacté par mon humeur sombre, je ne revêts que des vêtements noirs, prêt à partir pour mon propre enterrement et n’emporte avec moi que mon téléphone. Même pas besoin des clés, la soirée est douce et je passe par la fenêtre que je laisse ouverte. D’un pas souple, je traverse la ville sous le ciel pollué par les lumières de la ville qui empêchent de voir la moindre constellation, encore une constatation désolante qui noirci un peu plus le tableau. Dans le parc, c’est le calme presqu’absolu. Quelques dealers, amoureux ou SDF se font entendre de ci de là, mais le belvédère où nous avons rendez-vous est encore désert et je m’installe dans l’ombre d’un de ses poteaux en attendant la venue de mon homme. Naturellement, ma main vient se perdre dans mes cheveux pour me rendre compte que je n’ai pas ma perle à triturer et un juron slave franchi mes lèvres. Autant, je déteste l’emprise qu’elle a sur moi, autant je me suis habitué à sa texture froide et à la faire jouer entre mes doigts à la moindre angoisse. Moralité, je m’allume une clope et prends quelques bouffées de nicotine à la place. De toute manière, je n’ai pas bien le temps de plus faire monter le stress puisque les pas de mon cher et tendre se font bientôt entendre en direction de notre repère et je sors de ma cachette pour lui signaler ma présence. Son visage à contrejour, même ma nyctalopie ne me permet pas de détecter son expression faciale. Je me contente donc d’un signe de la main et d’un sourire timide.

« Salut … »

C’est triste quand même de pas savoir quoi dire à l’homme qu’on aime, mais rien n’y fait, les mots restent coincés dans ma gorge et je peine à déglutir alors qu’il s’approche un peu plus de moi.  

Je sais qu'il est là même sans l'avoir aperçu encore. Y a pas à dire, avec cet homme, mon instinct est plus développé qu'il ne l'a jamais été avec qui que ce soit d'autre, pas même, je peux le dire sans arrière pensée, avec Shawn ou Claire. Je finis donc par me diriger clairement vers le belvédère où on s'est donné rendez-vous, aussi bien aujourd'hui qu'à d'autres reprises, un rendez-vous assez habituel pour que "au parc" ne demande pas plus de renseignements. Devant calmer aussi bien les battements de mon cœur que mes émotions à le voir là, éclairé par le peu de lumière que nous offre le ciel ce soir. J'ai peut-être pas autant grandi dans ces rues que d'autres de ses habitants, mais les quelques années que j'ai passé dans les rues de cette ville m'ont permis d'y voir plus clair dans ses nuits que d'autres, sans équivalence aucune avec la vision de mon compagnon, bien sur. Il n'empêche, même si j'étais myope, j'apprécierai la vision.

Je monte les marches du belvédère d'un pas faussement assuré pour le rejoindre, m'installant à coté de lui sans y paraitre, posé sur la rambarde à observer les alentours malgré que ma "super vision nocturne" ne me laisse tout de même pas voir beaucoup plus que la nuit autour de nous. Après un moment de flottement, quelques instants qui me paraissent une éternité, je me retourne vers lui, restant tout de même appuyé contre la barrière comme un soutien nécessaire.

"J'en ai ma claque."

Je finis par suivre son exemple et sortir mon paquet de clopes de ma poche, prenant le temps de m'en allumer une et tirer dessus une fois ou deux avant de trouver une meilleure explication à lui offrir.

"J't'évite autant que j'espère te trouver dans l'appart à chaque fois que j'y entre. Je t'aime autant que je ressens le besoin de protéger mon cœur de la prochaine fois que tu penseras que la fuite est une bonne idée. Alors même, espèce de débile fini, que j'te l'ai donné y a assez longtemps pour pouvoir dire que tu l'as embarqué avec toi en partant."

Je reprend une bouffée de fumée que je laisse s'échapper longuement, en profitant pour me poser une demi seconde, avant de reprendre, sentant que je vais avoir un mal de chien à lui exprimer ce que je ressens sans dire de connerie, étant donné que de base, je suis bien incapable de me mettre d'accord avec moi-même sur ce que je ressens.

"Une part de moi t'en veut d'être parti. Une autre m'en veut de pas avoir su te retenir, de pas avoir su voir que y avait un truc qui allait pas. Et j'ai autant envie de te baffer que de t'embrasser. J'suis pommé. J'ai envie de retrouver ce qu'on avait avant, et en même temps, y a bien du y avoir un foutu problème pour qu'on en arrive là. Alors dis-moi. Dis-moi c'que j'ai raté."

Je ferme les yeux une fraction de seconde et m’imprègne de son odeur, me cale sur le rythme de son cœur alors qu’il me semble encore interdit de le toucher et que je n’arrive pas à le regarder droit dans les yeux. Enfin, il prend la parole et je pince les lèvres en même temps que mes yeux se rouvrent et me permets finalement de poser mes iris bleutées sur lui. Je n’arrive pas à émettre le moindre son et attends qu’il enchaîne. En tout cas, je confirme que moi aussi j’en ai marre de cette situation de merde. Il faut dire qu’en Inde, on était tellement content de juste se revoir qu’on a pris le temps de mettre les pieds dans le plat. Machinalement, je porte ma clope à mes lèvres et observe passivement les volutes de fumées qui s’en échappent, me captivant l’ombre d’un instant assez fugace puisqu’il reprend de plus belle.

Le mégot arrivant au bout de ce qu’il peut me procurer en terme de nicotine, je l’écrase dans la paume de ma main et une odeur de chair brûlée me vient au nez. C’est une sale habitude que j’ai prise lors de mon voyage … Je fonctionne bien à l’autoflagellation faut croire, mais à la base c’est juste pour ne pas laisser de mégots de partout. Plutôt écolo que saboteur de ma personne en fait.

Le brun finit son monologue que je n’interromps à aucun moment.  Personnellement, j’ai voulu plus d’une fois crevé l’abcès et il a repoussé, alors pour une fois que cela vient de lui, ce serait mal venu de ma part de l’en empêcher. Et c’est d’ailleurs par-là que je commence.

« Merci. »

Je grimace, même pas réussi à dire « chaton » ou même juste « Nath », mes émotions me restent encore coincées dans la gorge et j’en profite pour allumer une seconde cigarette avant de poursuivre.

« Je t’aime aussi et si ça peut te rassurer, je galère aussi à trouver mes mots … »

Je lève les yeux au ciel, me perdant dans son immensité momentanément. Décidément, c’est plus dur que ce que je ne le pensais.

« Je ne partirais plus et je sais que ce n’est pas de te le dire qui va te convaincre. J’me fais déjà à l’idée que ma connerie va me poursuivre toute notre vie de couple. »

Je déglutis … ce choix de terme … Je ne peux pas dire toute ma vie, puisque la sienne prendra fin avant et que par la même occasion, mourra ce souvenir douloureux en lui.

« Je crois que je fais peur à Elaine … elle sait ce que je suis. Je peux pas m’empêcher de me dire que tu as pas encore capté tout ce que ça veut dire aussi pour toi de sortir avec un … un vampire. Oui, oui, je sais aussi que c’est pas mon choix à faire et que j’ai merdé de me barrer, mais t’es dur Nath. »

Je me tourne vers lui, fronçant les sourcils et me sentant plus en colère que je ne le suis vraiment.

« Parler avec toi, c’est un véritable challenge. Je suis celui de nous deux qui a craqué et commis une erreur impardonnable en me barrant, mais j’me suis senti acculé, sans autre option. Je deviens de plus en plus incontrôlable, je maîtrise rien et rien que là, je sais que je suis à deux doigts de montrer les crocs juste parce que ma colère m’y pousserai et pourtant … »

Je souffle et reprends mon calme.

« J’ai pas envie de te baffer du tout… Je te ferais jamais de mal et je peux pas m’empêcher de me dire que même si ça nous a fait du mal, toutes les heures de chasse et de survit que j’ai enduré m’ont permise de me sentir bien et de prendre certaines décisions concernant notre avenir. »

J’appuie fortement sur le « notre avenir » volontairement pour lui faire assimiler que même si ça va pas être facile, j’ai besoin de lui. Je ne me suis jamais senti aussi complet que depuis qu’il partage ma vie et je ne revivrais pas l’enfer que je nous ai fait subir, sans pour autant accepter l’enfer que je m’infligeais ici même à Chicago.

« Déjà, va falloir qu’on cause de ta mortalité, du fait que je suis un vampire et que j’ai besoin de tuer et sans que tu me compares au chat qui bouffe les souris … De cette foutue perle aussi. »

Je tends une main vers la sienne. J’ai besoin de son contact, c’est affolant comme je me sens pris dans un engrenage que je ne maîtrise pas. Il va y avoir tellement de choses à lui raconter également, juste pour qu’il me comprenne et pas me devine. Parce que oui, je le sais qu’il me lie comme un livre ouvert, mais il y a des choses qu’il ne peut pas savoir autrement si je ne lui dis pas, comme mon temps au Pandémonium pour ne citer que ça.

C'est fou comme je peux être doué pour trouver à écouter les gens et répondre dans le mile au travail, et parfaitement incapable de l'être dans ma vie privée. Dante a raison, j'l'ai jamais laissé en placer une, s'exprimer sur son ressenti de la situation, parce que pour moi, tout allait bien dans le meilleur des mondes, même s'il avait peur de sa nature, même si j'avais peur de mes pouvoirs et de ce que je pourrais lui faire subir avec par accident. Oui, je crains davantage ma magie que ses crocs, c'est plus fort que moi.
Sa main glisse vers la mienne et je ne résiste pas à m'en saisir doucement, puis avec plus de force, entremêlant mes doigts aux siens.

"Tu sais ce que j'en penses. Et on est d'accord sur le fait que pour toi, je relativise et que pour moi, toi, tu dramatises. J'me répète, mais tu m'as jamais caché ta nature, ou le danger que tu pouvais représenter pour moi, et pour Elaine. Et soyons honnêtes, au début, j'en avais rien à foutre parce que ma vie n'avait foutrement aucune importance pour moi. Mais si j't'ai présenté à Elaine, c'est parce que j'étais sur. Sur que j'pouvais te faire confiance la concernant, aussi bien en temps qu'homme qu'en temps que vampire. J'te connais. Je ne nie pas que tu puisses être dangereux. Je dis simplement que tu as une conscience, et que c'est ça qui fait que t'es pas le monstre que tu penses être. Et j'te rappelle que ma précédente rencontre avec un vampire s'est soldée avec deux litres de sang en moins, alors, disons que j'ai un peu bossé le sujet."

J'aime pas ce que j'ai aperçu, sa solution pour éteindre son mégot, sur sa propre peau. Je veux bien qu'il guérit plus vite que moi, mais c'est pas une raison pour se faire du mal soi-même.

"Alors montres moi tes crocs. Hurle moi dessus si il faut. Mords moi, même. Tu sais que je préfèrerai porter ta marque que celle de la fille Romanov. Bref, si ça peut te faire du bien, contenter la bête qui gronde en toi, n'hésite pas."

Mon mégot à moi, content ou pas, il finira écrasé sur la rambarde en bois. Si j'y repense, j'le mettrais dans la poubelle en partant. Y a de fortes chances que j'y repense pas. Je lève ma main à présent vide jusqu'à son visage, caressant doucement sa joue, appréciant la sensation de sa peau froide contre la mienne.

"Qu'est-ce que j'peux faire, ou dire, pour que t'ai plus ce poids sur les épaules? J'veux qu'ça marche Dante, mais j'sais pas.. Sans me chercher d'excuse, c'pas l'idée vraiment. J'ai pas été en couple depuis quinze ans, et je sais pas si on a jamais su s'écouter avec Claire, alors franchement, les codes, j'les ai pas. Sans doute que t'as dégotté le pire compagnon que t'aurai pu trouver..."  

Et une fois encore je sais pas être clair. Tout ça pour dire que c'est bien plus simple de trainer quinze jours max avec quelqu'un, surtout en basant cette relation sur le sexe et uniquement le sexe, sans s'occuper de sentiments. Faire avec les sentiments, c'est putain de plus compliqué, et je suis pas doué pour gérer le compliqué. Alors sans doute que de deux alternatives, entre lui et moi, j'ai toujours pris la plus simple. Allumer la télé pour éviter une conversation qui pourrait être galère, ou l'entrainer vers des pentes plus qu'indécentes pour contrer un moment de gêne où il aurait fallu se causer, ouais, c'est assez dans mes cordes. C'est facile. En relations, je sais mal gérer le compliqué. C'pour ça que je suis d'une fidélité exemplaire depuis toujours, faudrait pas deux jours pour que j'me gourre de prénom ou que j'cale mal un rendez-vous... ok non, ça, c'est des conneries.

Je l’écoute me faire son habituel laïus sur toute la confiance qu’il place en moi et le fait qu’il sait que je ne lui ferais pas le moindre mal ni à Elaine … J’arrive pas à savoir s’il a raison ou s’il se berce d’illusion, le problème, c’est que seul le temps nous le dira et pour cela … je dois me laisser le lui octroyer. C’est aussi prendre des risques que d’aimer, mais à notre niveau, les risques sont littéralement mortels … Encore une fois, je ne suis pas seul dans l’histoire et cette fois-ci, je ne me permettrai pas de prendre seul la décision de tout anéantir. Je lève les yeux au ciel et l’attire contre moi alors que ses doigts jouent avec les miens.

« Mais non, ça m’apportera aucune satisfaction. Je le sais. Je vais pas te mentir, les seules fois où j’ai vraiment envie de te mordre, c’est par amour plutôt que par haine et j’arrive pas non plus à comprendre exactement ce que ça signifie. »

Je hausse les épaules et le fait rejoindre mes bras glacés, savourant la caresse sur mon visage de sa main chaude, tourne la tête légèrement et dépose un baiser à cet endroit. Je m’en fiche qu’il sache pas causer, juste qu’il ignore pas quand moi je veux parler, parce que je sais que s’il me laissait franchir déjà ce pas, il saurait se montrer de tout aussi bon conseil qu’à ses clients. Le problème, c’est qu’il veut même pas qu’on aborde le sujet !

« Ben justement, le premier pas ça serait d’envisager que la perle, je la laisse vraiment que pour les grandes occasions … Moralité, je risque de passer toute la journée à l’appart pour éviter le soleil et potentiellement plus de temps la nuit à courir après les criminels avec Silas. Ça va forcément impacter notre quotidien … et celui d’Elaine pour le temps qu’il lui reste à vivre avec nous. »

Ben oui, elle va bientôt suivre le vent des études, se trouver un appart et que sais-je encore … J’espère juste qu’elle déménagera pas trop loin, sinon son père va me faire une syncope. Je plante mon regard dans le sien … Et mordille ma lèvre inférieur en sachant la suite de ce que j’aimerais aborder.

« Le poids sur mes épaules, il est pas vraiment sur mes épaules … ça me soule, mais je me suis fait une raison, c’est aussi le tien. J’aimerais qu’on parle sérieusement de toi et moi pour l’éternité … Je sais que ça fait partie des sujets très lourds, mais je te vois mourir Nath. Je suis rentré dans une pièce construite par Matt, j’ai revue Luka et rien à faire c’est vers toi que tout tourne. Je sais que j’ai fait le deuil de ma vie, de mon histoire avec lui, mais toi, c’est tous les jours que je vis ce que j’ai fait dans cette pièce. Je t’ai tué Nath, mais tu étais si vieux, si faible, tu n’as pas survécu et j’ai tenu ton corps. »

Je déglutis et poursuivre devient de plus en plus compliqué.

« C’est aussi horrible que c’est mon rêve et je sais que cette décision me revient pas, mais le « on verra en temps voulu » ne fonctionne plus. »

Je regarde son visage être intensément sérieux et je sais que ça cogite sévère dans ces méninges. Résistant à l’envie de l’embrasser et passer à notre rituel spécial évitement de discussion sérieuse. Je le remercie sincèrement d’avoir choisi un lieu public, mais j’suis même pas sûr que ça me retiendrait d’être moins prude.  

Un soupir franchit mes lèvres alors que je ferme une fois encore les yeux et pose mon front contre le sien.

« J’t’en veux pas si t’as pas de réponse à me donner ce soir, mais repousse pas trop chaton … J’en ai besoin pour avancer avec toi. »

Je braque mon regard dans le sien quand il me laisse entendre qu'il ne refuserait pas de me mordre dans des circonstances moins négatives que les crises qu'on peut traverser. Comme si j'avais jamais senti la pointe de ses canines contre ma peau quand ses lèvres glissent dans mon cou... et je vais très vite arrêter d'y penser, sinon, ça, associé à la sensation de son corps contre le mien alors qu'il m'attire dans ses bras... il va être bon à me foutre dans la mare aux canards pour que j'm'en remette!

"Et tu préfères te frustrer qu'émettre l'idée à voix haute? Déjà que j'reste convaincu que tu te retiens pour pas me faire plus de bleus que j'en récolte..."

Je lui colle un léger coup de poing sur le torse, poing que je finis par laisser posé contre lui, appréciant la fraicheur de sa peau même à travers ses vêtements. Je fronce le front quand il évoque sa perle et ce qui va avec, tâchant de mettre le truc dans le bon ordre pour ne pas dire une connerie - une de plus.

"Ce qui veut dire que tu passes la journée à la maison et la nuit au boulot? Fais gaffe, Luther va finir par réellement t'apprécier si j'reprends mes horaires de nuit sur le long terme."

Bon, on est d'accord que l'été, j'vais démarrer bien avant lui, vu que j'prend mon service vers les 20h. Et qu'il s'inquiète pas de mon sommeil, entre 4 et...d'accord, il attendra peut-être 7h du mat pour me voir émerger quand même. Contrairement à lui, j'bosse pas 7 jours sur 7 non plus donc... j'récupèrerai mon sommeil en retard les nuits où j'bosse pas. Concernant Elaine? J'ose penser qu'elle est assez grande pour passer une partie de la nuit seule dans l'appart, et aucun jeune normalement constitué n'aura le courage de monter 4 étages pour une boum improvisée. Limite, je pense que ça l'arrangera de nous avoir sur le dos en journée... étant donné qu'elle pourra s'échapper pour ses cours, sa mère, sa soeur ... d'accord, faudra qu'on mette un truc ou deux au clair.

"Faudra quand même qu'on envisage de poser des rideaux devant la baie vitrée si tu veux pas passer ta journée enfermé dans la chambre..."

Quoique je suis pas certain que ça lui déplaise d'être coincé dans la chambre toute la journée... Bref, focus.

"Tu l'as dit. Même si ça me bouffe d'y penser, Elaine va pas mettre dix ans à me faire savoir qu'elle est assez grande pour se prendre un appart et voler de ses propres ailes. Attends jusque là. J'veux pas devoir la repousser par peur de lui faire du mal." Je marque une pause, un instant, avant de lui offrir une précision. "Et interdiction de la pousser vers la sortie. Si elle veut jouer les Tanguys, c'pas moi qui vais l'en empêcher."

Ok, faut être honnête , si y avait que moi, je trouverai une formule magique (oui, malgré mon allergie à la magie) pour l'empêcher de grandir et la garder avec moi toute ma vie durant. Si faut une preuve qu'elle est parfaitement au courant? J'ai du deviner tout seul qu'elle n'allait pas réviser à la bibliothèque aussi souvent qu'elle le prétend. D'accord, peut-être que Dante a fourché au milieu d'une conversation, c'pas impossible.

Je hausse une nouvelle fois des épaules après avoir encaissé son mini coup de poing/caresse. Moucheron va !

« Bien sûr que j’ai peur de te faire mal ! J’ai peur que le vampire arrive plus intensément dans ces moment-là et que je ne me maîtrise plus. Déjà, je ne vais pas te mentir, mais quand je vais en salle de saignée, j’ai presque besoin de choisir une victime qui me plaît physiquement et heureusement que y’a des mecs pour éviter qu’on les bute, je t’assure que ça aurait pu mal finir plus d’une fois. »

D’ailleurs, c’est pas pour rien que j’aime aller dans une salle de saignée particulière pour un volontaire particulier. Parce que lui et moi, on se connaît maintenant depuis pas mal de temps et limite, j’arrive mieux à me maîtriser avec lui parce qu’il y a un semblant de relation entre nous qui s’est créé.

Concernant l’aménagement de mon temps sur la journée et les horaires qu’il pourrait effectuer à son travail, je n’y vois que du positif.

« Oui, enfin, t’es mignon, mais t’as quand même besoin de dormir un peu et j’vais essayer de me caler à tes jours de repos. Je pense pas que Silas en ait quelque chose à faire des jours où je bosse. Et je mettrais des rideaux occultant … »

Ou je payerais quelqu’un pour le faire parce que je suis définitivement pas sûr d’être du genre bricoleur ni quoi que ce soit et qu’il vaut mieux qu’ils soient bien installés si j’veux pas finir en barbecue. En plus, la baie vitrée est sacrément grande et j’ai pas envie de le faire … Et même si l’idée d’être coincé dans la même chambre que Nath me plaît et bien … euh non, mais on va avoir un souci avec la vieille voisine du dessous, donc rideaux obligatoires ! ça nous motivera à faire autre chose de nos vies que juste farniente sur le lit entre deux sessions sportives. J’aime notre appart’ et je tiens pas vraiment à ce qu’on nous en déloge pour cause de nuisances sonores. Quoique … Nath est propriétaire, du coup on peut peut-être voir pour participer aux réunions de copropriétés et … ah c’est déjà chiant, bon j’ai rien dit et je vais arrêter de penser à tout sauf la discussion que nous sommes en train d’avoir.

Le pire, c’est que plus nous arrivons à parler, plus j’aperçois le cheminement que notre couple va prendre et je me sens plus léger. J’écarquille les yeux à sa dernière remarque concernant foutre Elaine à la porte.

« T’es fou ! Elaine est comme ma fille, je vais pas la mettre à la porte. »

Limite, je suis vexé du peu d’estime qu’il a de moi concernant mon envie de me retrouver seul avec lui et ma relation avec ma belle-fille. Je fronce les sourcils et me permets également de préciser :

« Mais je te signale qu’elle part dans à peine plus d’un an dans les études supérieures, son copain à quasi finit les siennes et j’sais pas ce qu’ils feront, mais elle aura sans doute envie d’avoir un brin d’intimité et ça passera sans doute par un appart’ ou une chambre étudiante. Donc, mon p’tit père, c’est pas moi qui va la foutre à la porte, mais t’as une jeune femme à la maison maintenant … »

Je croise les bras contre mon torse, un peu énervé qu’il pense que je puisse être celui qui essaye de la mettre dehors plus tôt que prévu. C’est injuste de me filer cette étiquette. Je garde le silence un instant, une moue boudeuse affichée clairement en signe de protestation avant de me décider à le reprendre dans mes bras et l’attirer contre moi.

« Je dis pas ça pour t’emmerder, mais fait gaffe quand même à pas être trop étouffant avec elle. T’as de la chance d’avoir une gosse mature qui cause pas d’emmerde et vu le père, c’était pas gagné … »

Je soupire et ferme les yeux.

« Enfin, c’est pas ça le sujet … et d’ailleurs, sans évincer totalement ça, d’un côté, c’est quand même pas facile pour moi de vous voir manger et me cacher pour manger. J’ai pas envie que ta fille me voit boire du sang, j’ai pas envie non plus qu’elle tombe sur mes poches de sang. Alors, j’vais arrêter tout ça aussi. J’vais continuer de cuisiner un peu parce que ça me fait plaisir, mais j’vais arrêter les poches sauf urgence, sinon j’partirais en chasse et ça va faire de moi un tueur notoire quand même. »

Je pince les lèvres après avoir formulé cela. Je sais qu’en voyageant, c’est quelque chose qui m’a énormément soulagé. Me laisser aller à mon état primaire de chasseur entremêlé à mes compétences de détective. J’ai une chance inouïe de savoir enquêter comme cela et rendre mes repas contribué à l’amélioration de la société. Il faut que je m’en serve.

Je fais l'impasse sur son commentaire sur les salles de saignée et les belles gueules qu'il semble y croiser. J'ferai mon jaloux demain, c'est pas le sujet là. Le sujet c'est qu'on tourne encore autour du même foutu pot doté d'une paire de crocs, et ça, ça risque plus facilement de me prendre la tête qu'autre chose. Peut-être aussi que vu mon taf et la façon dont je l'occupe (en tout bien tout honneur soyons clairs), je suis assez mal placé pour faire mon jaloux sur ses choix de poche de sang ambulante.
Je lui offre un sourire en coin avant de m'écarter juste assez pour aller m'asseoir sur la rambarde du kiosque, l'attirant d'une main tout en profitant d'être plus haut perché que lui.

"Je croyais que c'était parce que j'ai peur de mes pouvoirs qu'ils sont incontrôlables, et que donc je suis un danger potentiel avec? Ca fonctionne pas pareil avec ton vampire? J'veux dire, si ça se trouve il m'aime bien, va savoir."

Ou si ça se trouve il rêve de me bouffer, oui, je connais déjà la réponse qui va suivre. Mais j'ai envie de dire que dans les films, le vampire qui se contrôle pas, il supporte pas la moindre goutte de sang. Cet espèce de crétin face à moi, en plus de survivre à mes nombreux "accidents de maladresse", a carrément réussi à survivre à un accouchement... j'ai souvenir que y a un peu plus d'une goutte de sang dans ces cas là. Enfin, j'ai du réussir à l'énerver un peu quand même parce que ma plaisanterie tombe à l'eau, mais un truc de bon.

"Eh, temps mort. Ca se voulait être une plaisanterie. De mauvais gout, je l'admet. Mais je sais où vous en êtes, Elaine et toi. J'me pose même pas la question en vrai."

D'accord, son commentaire sur le fait que ma fille grandit et va bientôt avoir besoin d'air était bas. Parce que j'le sais ça, et ça fait bien assez mal d'y penser pour pas le prendre dans la gueule. Merci Dante, ça fait toujours plaiz. Bref. On va pas y arriver comme ça, à s'envoyer des fions entre deux avancées.

"Le père t'emmerde, mais j'suis assez d'accord avec toi. La pomme est tombée loin de l'arbre, et heureusement pour elle."

D'un coté, elle a échappé à la vie que j'ai pu avoir, malgré le bordel que peut être sa famille. J'dis pas que j'aurai eu une carrière brillante et que j'aurai vécu autrement qu'aux crochets de mon frère (parce que cet appart, il est pas tombé du ciel j'vous rappelle, et j'rappelle aussi que mon salaire suffisait à peine à payer le loyer du précédent), mais j'aurai peut-être marché la tête un peu plus haute en passant devant la flicaille du quartier. Ou peut-être pas. C'qui est bien avec le passé c'est qu'on peut pas y changer grand chose.

"J'te l'ai déjà dit. J'suis ok avec ton coté vampire, totalement, et sans hypocrisie. Je crois. J'te demande pas de cuisiner, ou de planquer tes poches de sang ailleurs qu'au milieu de mes poissons panés surgelés. Pas plus que j'te demande de vivre au grand jour si c'est pour te rendre malade en contrepartie. C'est un truc que t'arrives pas à te mettre dans la caboche ça." Et je profite de ma position surélevée pour lui tapoter la tempe de l'index. "Alors d'accord, peut-être que je relativise un peu trop le "danger" que tu représentes, mais tu crois que ça serait mieux si je m'inquiétais que tu nous bouffe chaque fois que j'me tranche la main en tentant de cuisiner ou que Elaine saigne du nez? Ca, ça serait invivable."

Je glisse la main dans ses cheveux, finissant par l'attirer vers moi, laissant sa tête reposer contre mon épaule. Chacun son tour, on dira.

"Je sais c'que t'es, c'que je suis, c'qu'est ce foutu monde. J'sais pas où on va en revanche, et ça, c'est peut-être ce qui me fout les foies. J'veux vivre avec toi, pour de bon, sans s'occuper du temps qui passe ou quoi. Même si j'suis à peu près sur que tu regretteras rapidement de t'être piégé pour l'éternité avec moi. Et en même temps, j'ai pas envie de survivre à une autre de mes enfants. Ou risquer d'être une menace pour elle... D'ailleurs, parlant de menace, faudra qu'on précise à Abraxas de régler ses histoires avec son frère sans nous y mêler... Comme quoi, j'apporte mes démons à combattre moi aussi... littéralement."

Je pose ma joue contre sa tignasse, toujours mieux coiffée que la mienne, tout en relevant le regard pour jeter un œil plus loin, derrière lui. Toujours garder un semblant d'attention autour de soi, si la rue m'a appris un truc c'bien ça. Et dormir peu mais profondément (non, en vrai, c'est plutôt le contraire, mais j'ai jamais su ne dormir que d'un œil). Et admettre que le gaspillage alimentaire n'a pas droit d'être. D'accord, ça m'a peut-être conduit une fois ou deux à rendre mes tripes comme il se doit à cause d'une tranche de jambon avariée, mais j'évite au maximum de gâcher, et je sais réutiliser des restes pour en faire un truc comestible... à quelques exceptions près. D'accord, je suis une plaie aux fourneaux, j'suis juste capable de m'alimenter quoi. Nourrir les autres... c'est sans doute une critique que Claire aurait pu faire à mon sujet si on avait tenu sur du plus long terme... préparer à manger aux gamins...

"Si, y a un truc qui m'énerve, si faut être honnête. T'es toujours levé bien avant moi. Ca c'est vraiment pénible !"

J'l'ai bien vu relever la tête quand il m'a entendu trouver une critique allant dans son sens, alors je profite qu il me regarde, même avec l air le plus désespéré du monde, pour voler ses lèvres un instant.

Le brun m'arrache un sourire tant bien même que notre discussion n'a rien des plus agréables.

"Y'a pas à se poser la question de s'il t'aime ... il est moi et je t'aime."

Parce que sinon, ça serait bien déjà que j'arrête aussi de me dissocier autant de lui et que j'accepte juste ce que je suis, mais plus facile à dire qu'à faire, c'est indéniable. Et concernant sa boutade sur Elaine, non, j'avoue que je n'avais pas du tout compris que c'était de l'humour et je me suis un peu emporté pour rien. Mais j'ai du mal à l'imaginer plaisanter lorsque cela concerne sa fille. Il est tellement protecteur il faut dire que je me permets clairement de lui rentrer dedans avec son départ imminent lorsqu'elle partira faire ses études. Comment je sais que je tape dans le mille ? Et bien le père m'emmerde et c'est un nouveau sourire qu'il me vole avec sa bonne foi, mauvaise foi ... un délice d'amertume et de sucré.

A nouveau le laïus sur son acceptance et tout ce qu'il me concède et j'ai même le droit à son doigt sur ma tempe ... il est courant que y'a plus une seule activité cérébrale depuis longtemps là-dedans ? A se demander comment les vampires font pour pas être stupide. Le pire c'est qu'il a raison et que je sais que ce qu'il reste de cheminement, c'est entre moi et moi-même ... donc théoriquement, le route ne devrait pas être bien longue, mais en réalité, c'est un enfer d'obstacle et de labyrinthe. Je me mets des bâtons dans les roues tout seul, c'est pas nouveau. Depuis la mort de Luka, me permettre d'être heureux, c'est devenu un challenge.Un soupir de complaisance m'échappe alors qu'il m'attire à lui et je ferme mes yeux une fraction de seconde afin de savourer l'instant présent. Est ce qu'on avance réellement cette fois-ci ? J'arrive pas à savoir, j'ai l'impression d'avoir déjà eu cette discussion et que ça ne débloque pas forcément tout ce qui fourmille entre nous.

"Pour le fait de survivre à ta fille, je peux rien redire sur ça, mais comment tu peux penser être une menace pour elle alors que moi tu ne me vois pas comme tel ? C'est pas un peu paradoxal ton discours ?"

Je dis cela sur une voix extrêmement calme, toujours posé contre lui et presque un murmure.

"Concernant tes démons ... Ben oui, va peut être falloir qu'on en cause aussi à ton frangin, il a l'air d'être le plus à même de le raisonner, mais il a pas l'air bien en ce moment ..."

OUi, bon, l'annulation du mariage, c'est une catastrophe ... je me retrouve avec plus de chemises que je ne peux en justifier et je sens que Nath va réclamer que je fasse un vide dans la penderie si elle continue de déborder. Il me fait rire à sa dernière réplique te je relève mon minois vers lui et mes lèvres trouve les siennes. Je le prends dans mes bras, le laissant toujours le cul posé sur la rambarde et me serre un peu plus contre lui. C'est terrible de s'aimer autant.

"Et toi t'as toujours raison, tu crois pas que ça m'énerve ça !"

On en est au critique, alors autant l'attaquer sur son plus grand défaut. Je mordille sa lèvre pour la recapturer et plante mon regard dans le sien.

"Je suis désolé d'être parti mon amour ..."

Je la lui dois bien celle-ci et mes doigts viennent caresser sa chevelure. Je le sais que je ne partirais plus jamais et j'aimerais qu'il me croit, qu'il ne redoute plus jamais de voir l'appartement vide.

Il me tire un sourire totalement sincère quand il finit par admettre que lui et son vampire ne sont qu'une seule et même personne. J'aurai eu du mal, mais j'aurai fini par l'avoir quand même, apparemment. Et je dois dire qu'il pourrait marquer un point avec sa question sur mon discours "paradoxal" si je n'avais pas déjà la réponse à y apporter, sans même devoir y réfléchir.

"Ca fait trois décennies que tu vis avec ça. Tu gères. A peu près. La plupart du temps en tout cas. Du peu que j'y connais en vampire, un bébé vampire, ça a pas le contrôle dans le top trois de ses qualités. Et rajoute que j'ai pas le contrôle dans le top 10 de mes qualités, j'te fais pas un dessin."

Et ça, ça n'a rien à voir avec mes traumatismes d'enfance, rapport à ma magie. Si on me fait chier, et que j'finis par faire exploser un carreau plutôt que foutre mon poing dans la gueule d'un mec, c'est pas ma magie qui foire, c'est mes émotions qui se foutent en vrille. J'ai pas vraiment envie d'imaginer la même scène avec l'envie de déchiqueter la gorge du type en face... autrement dit? Les sorciers de la ville vont le remercier grandement, le cas échéant. Les vampires un peu moins...

"Comme tu dis. Les frangins Abraxas au top de leur forme hein? J'ai le droit de penser que ça a jamais été autant la merde que depuis que l'ancêtre a débarqué?"

En même temps, je crois que c'est mieux que Max ai fait machine arrière maintenant plutôt qu'il ne se réveille dans six mois ou un an en se demandant quelle connerie il a pu faire, et en souffrir davantage encore. Bon, je suis mal placé pour juger des émotions d'un type qui a vu mourir sa femme, pour la retrouver bien vivante mais se rendre compte que y a plus ce truc entre eux et décider d'arrêter les frais... mais, même en omettant mon allergie au mariage, je pense que continuer et vivre dans un mensonge permanent ça aurait été sain ni pour lui, ni pour elle, ni pour les gamins. Même si eux auraient certainement préféré que leur mère reste au moins en ville quoi... enfin, c'pas mes affaires, hormis tenter d'empêcher mon petit frère de faire une connerie qu'il regrettera...

"Nan, j'ai pas toujours raison, bien au contraire. J'essaye juste de réfléchir, et crois moi, c'est pas facile pour moi."

Je glisse mes bras autour de son cou, croisant les poignets derrière sa nuque, sans lâcher son regard alors qu'il s'excuse d'être parti. Je finis par acquiescer en silence, lui accordant le bénéfice du doute.

"Alors le refais pas. S'il te plait. J'veux pouvoir me réveiller à coté du vide sans me demander si t'as pas filé en douce."

On en parle de mes étoiles dans les yeux et des paillettes que j'imagine à l'évocation du bébé vampire ... La bouche en coeur, j'imagine ce bébé vampire et je crois qu'heureusement que mon visage est encore dissimulé à ce moment là, sinon mon image d'adorateur de licorne aurait été encore plus accentuée.

"Bon ... de UN, t'es le plus mignon des bébé vampire du monde. Je sais ça avance à rien notre histoire, mais je trouve que c'est trop important pour l'omettre. De DEUX, t'as moi pour t'aider là où j'ai eu personne je te rappelle ... j'suis une casse-croûte mal fini, ça pourra jamais être pire que de te réveiller dans le caniveau, le soleil qui te brûle à moitié la tronche avant que tu te rendes compte que tu doives te mettre à l'ombre pour pas finir en grillade. Ensuite première chasse tout seul à faire un carnage, retrouver tes esprits couvert de sang et aucune larme pour pleurer, personne pour t'aider et t'expliquer la merde dans laquelle tu te trouves. ça mon p'tit chat, c'est mes débuts et j't'assure que ça n'est pas pour rien dans mes difficultés d'aujourd'hui, chose que tu n'auras pas je l'espère. de TROIS, arrête de te dénigrer ... t'as une capacité d'adaptation d'enfer et tu ferais un super vampire ... ok, c'est p't être pas comme ça que je voudrais le dire, mais t'as compris l'idée."

Il reprend concernant son ancêtre et j'acquiesce silencieusement au début avant de surenchérir.

" Ouais, après j'suis pas sûr qu'on puisse tout lui attribuer à ton arrière grand père ... l'histoire avec Axel ... euh ... ben si en fait c'est lui qui l'a ramené, mais j'pense quand même que pour les jumeaux c'est mieux."

Même si le fait qu'elle se soit barrée, c'est pas vraiment l'idée que devait se faire le grand-père Abraxas ...

"Après pour le cauchemar avant que je parte ... j'ai pas tout compris cette histoire avec l'autre démon et tout, mais j'ai comme l'impression que c'est bien plus grand que nous et qu'on devrait peut-être se pencher dessus avec Silas ... Enfin, une enquête de plus à rajouter sur la pile qu'il m'a gentiment laissé ! J'te jure, ce mec s'il existait pas, faudrait l'inventer. Je l'adore."

Et comme d'habitude, il sait pas juste prendre le compliment et il se dénigre une fois encore et me fait croire qu'il doit y mettre trois tonnes d'efforts à réfléchir ... au moins, il a tendance à bien réfléchir et rendre un verdict plutôt juste si je me réfère à mon expérience de couple avec lui .... juste le fait qu'il aime pas se confronter à nos problèmes ... mais aujourd'hui, ce n'est pas le cas et je me sens bien, bien comme je n'ai pas été depuis des lustres et certainement pas avant mon départ. Forcément que j'en arrive à m'excuser de mon attitude de fuyard, je m'en voudrais toujours de lui avoir causé cette peine et d'avoir semer le doute dans son coeur. Je suis un parfait imbécile de ne pas avoir mis plus de foi en lui.

"Plus jamais ... promis ..."

Le prochain à se réveiller avec un lit vide et sans possibilité de revoir l'homme qu'il aime, ce sera moi s'il refuse de devenir un être éternel auprès de moi ...

"Mais promets moi que j'ai une chance de t'avoir à mes côtés pour l'éternité dans ce cas ..."

Il me donnera pas l'échéance aujourd'hui ... Son passé avec Oliver, ses erreurs avec Elaine et son plantage complet avec Claire ... quand j'y pense, c'est cette vie là qui impacte toujours la nôtre. Enfin, je ne désespère pas de l'avoir un jour de l'avoir pour mari .... d'ailleurs ça fait longtemps que je lui ai pas redemandé, il serait peut être de bon ton que je refasse un tentative juste histoire de voir ! Mais pas ce soir ... il va me planter un pieu dans le coeur si je lui fais ça et j'pourrais même pas lui en vouloir.

Je profite un moment du silence de la nuit pour écouter les battements d'ailes des chauve-souris, observer leur ballet nocturne et me perdre à me demander si je peux avoir la capacité d'en devenir une comme dans les vieux film de vampire. Ce serait incroyablement classe et je pense que j'adorerais voleter de la sorte. Batman se rend juste pas compte de la chance qu'il a.

Je me retiens de lever les yeux aux ciels quand il me dit que je gèrerait sans doute mieux que lui à l'avenir. Mouais, pas sur, mais il marque un point concernant l'historique foireux. On peut difficilement faire pire, et j'ai moi-même mon historique foireux à mettre sur la table pour donner cet avis. Je lève la main entre nous pour décompter sur mes doigts au fur et à mesure des réponses que je compte apporter à ses différents points cités.

Commençant par lever l'index. "T'es débile." Puis y rajoutant le majeur. "Tu n'as aucune idée de la galère dans laquelle tu t'apprêtes à te mettre." Puis le pouce. "Et j'ai assez conscience de mes lacunes en tant que sorcier pour m'inquiéter. J'parle pas de me dénigrer, je parle d'être réaliste. J'me gourre peut-être, et sincèrement j'te le souhaite, mais vaut mieux prévoir le pire pour apprécier le meilleur non? J'te croyais un spécialiste du genre?"

Et oui, même l'histoire avec Axel, faut pas y aller par trop de voies indirectes pour dire que Abraxas y est mêlé également. Quand à savoir si l'histoire actuelle reste mieux pour les jumeaux? Pas sur.

"J'ai perdu ma mère quand j'avais dix ans. Et je regrette encore aujourd'hui de ne pas avoir eu plus de temps avec elle. Shawn a été abandonné par sa mère quand il avait six ans, et je suis certain de pas avoir besoin de ton ouïe pour l'entendre grincer des dents quand il y pense. Même s'il jure être passé au dessus. J'pense que la meilleure version de l'histoire était quand même celle de la mère courage qui donne sa vie pour que ses enfants viennent au monde. Mais y a que Max qui peut décider de ce qu'il va leur dire à son sujet quand ils seront assez grands pour comprendre."

Si elle était restée en ville encore, j'dis pas. Bien sur que c'mieux d'avoir une mère que de plus en avoir. Mais entre une mère décédée et une mère barrée, entre nous... bien sur, si on omet le coté réversible de la situation.. mais j'pense qu'il y a des trucs que le cœur peut pas pardonner, et une mère qui abandonne ses gosses, même avec la meilleure raison du monde, ça rentre dans ces trucs, pour moi.

"Allez pas vous frotter à plus fort que vous. J'ai vraiment pas envie qu'il t'arrive quelque chose à cause de moi. Ou à cause de lui. Tu crois que massacrer son ancêtre ça bousille le Temps?" Je fais mine de réfléchir deux minutes (ok, j'y réfléchis peut-être vraiment), avant de renchérir. "Parlant de massacrer, vu le temps que tu passes avec lui dans une journée et le fait que son fils tourne autour de ma fille, j'devrais pas rajouter Silas à ma liste de meurtres à venir?"

A la promesse non formulée qu'il me demande de lui faire, je l'embrasse d'abord avant d'attirer sa tête contre mon torse, le laissant profiter du son de mon cœur qui bat plus vite quand il est là, sachant qu'avec son ouïe fine, il remarque bien plus que moi chaque changement qu'il peut y avoir dans son rythme. Glissant mes bras autour de son cou pour l' "emprisonner" contre moi.

"Si tu me promet de rester. Et de me parler. J'te promet qu'on aura une discussion très sérieuse sur le sujet le moment venu. Deal?"

Si je lui offre une demi promesse? Alors, disons que j'ai pensé que "discussion très sérieuse" c'était mieux dit que "j'te laisserai me bouffer", mais j'dis ça, j'dis rien...

Oui, bon et bien qu'il reprenne mon décompte et que le brun commence par souligner ma débilité, j'peux clairement pas lui en vouloir, je l'ai bien cherché celle-là. Ensuite, j'ai très bien idée de ma galère, ça fait un poil plus de trois ans qu'on se supporte et j'ai toujours pas décroché, certes on est loin des quasi dix ans avec Luka, mais je pense que trois ans avec Nath, ça vaut dix ans avec n'importe qui tellement notre relation est intense. Et j'acquiesce silencieusement quant au fait que je sais m'attendre au pire pour apprécier le meilleur. C'est pas trop mal comme philosophie de vie de base je trouve, mais avec Nath, j'ai peut-être des exigences tout autre, parce que je sais qu'il ne me donne que le meilleur justement. Si on oublie bien évidement qu'on en est là ce soir parce que ça fait une semaine qu'il m'évite bien sûr ...

Concernant la balance entre les bienfaits du retour d'Axel et les méfaits de son départ en abandonnant tout le monde derrière elle ... je ne sais pas trop. Je n'ai pas trop de recul sur ce point.

"C'est récent, elle a peut-être juste besoin de retomber sur ses pieds et reviendra pour ses gamins ... enfin, on en sait rien, j'ai pas envie de spéculer sur son comportement futur et l'impact que ça aura sur ses enfants ... J'me dis juste que la vie est une chienne, je serais jamais père pendant que d'autres ont la chance d'être parent et savent pas l'apprécier."

Je vais pas aller sur cette pente là ... elle est glissante et dangereuse et je risque bien de m'énerver. Le problème, c'est que j'ai beaucoup d'affection pour Axel et je peux pas m'empêcher de croire que tout espoir est pas perdu concernant son potentiel retour. C'est mon amie, je dois croire en elle, sinon, quel ami ferais-je ...

Je hausse les épaules, j'aime me battre, c'est indéniable ... ça va avec le côté bestiale, je me suis pris d'affection pour casser des gueules ponctuellement pour canaliser mon trop pleins d'énergie. Alors battre du démon, ok c'est challenge, mais je kiff l'idée et avec Silas, on peut éventuellement pas trop mal s'en sortir.

"Non, mais dégomme pas mon collègue ! Et son fils, c'est que de l'amour ce petit."

Ok, il est plus si petit que ça, mais depuis le temps que je bosse avec Silas, il a pris du poil au menton et je peux plus lui apporter des jouets pour lui faire plaisir ... quoique, vu le geek et sa collection de figurine, il ma rappelle vaguement Maxwell, enfin en version souriante et pas prise de tête.

"Et Silas, ça risque pas, il repousse toutes mes avances ..."

Malgré ma connerie et la pichenette que j'ai bien mérité, j'ai quand même le droit à un baiser pour me réconforter. C'est dur de pas voir l'avenir, j'ai un besoin de contrôler, maîtriser. J'ai peur de ce qu'il me réserve et des éventuels coups de pute qu'il prépare en douce. J'suis niais, je les vois jamais venir, je sais juste qu'ils m'attendent et ça me rend p't être un peu parano sur les bords et le manque de confiance en moi qui va avec. Autant dire que c'est là que Nath a bien du courage de me supporter le pauvre. Je ferme les yeux et profite des battements de son coeur. Le palpitant qui s'accélère trahit la moindre de ses émotions et un sourire se dessine sur mon faciès. Je sais que ça me manquera de ne plus sentir la chaleur de son corps et tout ce qui va avec. Mais Nath est trop pour moi, je ne peux pas me résoudre à le perdre, je le sais.

"Deal ... mais parle moi toi aussi ... Je t'aime."

Je m'éloigne assez pour recapturer ses lèvres et m'écarte cette fois pour m'appuyer sur la balustrade.

"Dans la même veine - sans arrière pensée -, j'aurais aimé que tu sois là quand j'ai parlé à Elaine ... je me sens con, elle t'a dit quelque chose ?"

Je me tourne vers lui et attrape sa main pour la garder dans la mienne. J'ai merdé aussi avec sa fille et je concède qu'il a des bonnes raisons de m'avoir laissé me démerder et d'assumer ma connerie, mais maintenant, j'aimerais bien son aide pour ne pas refaire de bourde. Forcément, je pense à Elaine, du coup je pense à sa nouvelle petite soeur, l'horrible accouchement et ... e que Nath a dû vivre avec cette nouvelle naissance. J'peux pas dire que j'ai été bien là pour lui non plus alors qu'il a dû douiller émotionnellement. Je me mordille la lèvre avant de me lancer.

"Tu es allé voir la petite soeur ?"

J'peux pas rentrer de moi-même dans le vif du sujet, lui aussi il doit réussir à parler et oser crever l'abcès.

Qui ne dit mot consent, à ce qu'il parait. Je le laisse donc là-dessus, jusqu'à ce que la conversation concernant nos neveux nous emmène sur un autre truc, dont je ne suis même pas sur qu'il se rende compte que c'est sorti.

"T'sais, être père c'est pas mettre une fille enceinte. C'est s'occuper d'un enfant, être là pour lui autant dans les bons moments que dans les mauvais. T'sais, j'devrais détester Paul. Après tout, il m'a piqué ma femme hein. Mais il a été là pour Elaine quand moi j'étais pas en état. J'ai raté plus de trucs avec elle que lui, si on veut être honnête. Attention, c'est MA fille, ça c'est clair et net, mais il a mérité sa place avec elle."

Même si ça me tue de le dire. Ok, il a pas eu droit aux nuits blanches interminables et aux premiers petits trucs de rien du tout dont est capable un enfant pour charmer son père, mais j'ai sincèrement de la chance que ma gamine ne m'est pas rancunière, parce que soyons honnêtes, il l'a plus élevée que moi..

"Et r'garde Silas. Tom est son fils autant que Silas est le père de Tom. R'garde moi. Shawn est mon grand frère, quoi qu'on en dise. Les liens du sang, c'est pas ça qui fait une famille. Et j'suis à peu près sur que Elaine t'appelle "son beau-père" et pas "le mec de son père". J'dis ça, j'dis rien."

J'espère bien que Silas repousse ses... attends voir, il fait des avances à Silas?! Ok, d'accord, il a réussi à me faire tiquer, il est content, non mais! La pichenette, il l'a pas volée, même si on a plus intéressant à parler que Silas.

"Hormis que c'était ok entre vous et qu'elle était désolée d'avoir mis l'appart sans dessus dessous? Fallait bien qu'elle tienne un peu de moi faut dire. Et vous aviez pas besoin que je sois là. T'avais pas besoin que j'sois là. Tu sais que dans l'humeur où j'étais, j't'aurai pas défendu. Justement parce que moi aussi je t'aime, comme un fou."

Sa question me prend au dépourvu, et je reste un instant silencieux, avant de descendre de mon perchoir, prenant sa main dans la mienne pour l'entrainer à ma suite, le long de l'allée qui passe devant le kiosque.

"Rapidement. J'suis passé à l'hôpital, histoire d'être un peu maso. Et ... j'suis passé chez Claire l'autre jour. Fallait qu'on parle d'Elaine, et d'Oliver et... on en reparlera ok? On est pas archi au clair avec tout ça. Bon alors, comme ça, tu fais des avances à Silas toi?"

Comment ça je change de sujet? Disons que c'est difficile d'offrir un résumé d'un livre dont on a lu deux pages, donc, comme je sens que l'histoire va être compliquée, j'vais attendre d'avoir plus d'infos pour l'inclure dedans. Même si j'crois que c'est surtout à Claire et moi de casser les pots, et Shawn, Dante et Paul auront le droit de recoller les morceaux...

Oui, bah merci, je le sais bien que c'est pas juste ça et vu mon orientation, j'aurais de base plutôt pensé à l'adoption, mais j'ignore sa remarque qui croule sous le bon sens et me fais me demander s'il me prend pour un débile. Je pourrais très bien être là pour un enfant et même si j'adore Elaine, ce n'en est plus une, c'est une jeune femme et on m'enlèvera pas de l'idée qu'avec Nath et Paul elle a justement besoin de tout sauf d'un troisième père. Je m'intègre à sa vie comme je peux, mais ça va pas être mon dada de trop l'envahir et profiter. C'est déjà bien.

"Elle a 17 ans, c'est une jeune femme ... non mais laisse tomber, c'est pas grave."

Comment ça je veux pas en parler ? Je vois pas du tout ce que vous voulez dire, mais on vient juste de se réconcilier, j'ai pas envie de me reprendre la tête dans l'immédiat.ça m'aide pas à pas sortir une connerie concernant Silas, juste pour le faire réagir sur autre chose. Alors oui, je drague clairement pas Silas, même pour plaisanter ça me viendrait pas naturellement. J'sais pas, il doit dégager des hormones féminines, je pourrais même pas le considérer comme un plan drague à aucun niveau. Concernant ma discussion avec Elaine, je m'en serais bien fichu qu'il soit pas de mon côté. Je conçois que ça aurait pas aidé Elaine cela dit, ni personne, mais limite j'aurais aimé me prendre leur foudre à tous les deux plutôt que l'ignorance dont il a fait preuve envers moi. C'était hard. J'ai pas aimé et je ne veux plus jamais qu'il me la refasse comme ça. Le brun finit sa phrase par un "je t'aime, comme un fou" qui m'achève et me fait fondre totalement. C'est de la triche, dès qu'il me dit des choses pareil, je deviens juste un rondoudou d'amour incapable de lui en vouloir de quoi que ce soit.

Du coup, c'est vraiment pas voulu que ma question suivante génère un tel malaise. Je le laisse rester évasif, c'est pas le moment, je concède. J'acquiesce et mon sourire revient bien vite lorsqu'il me reparle de Silas. J'm'en serais bien fichu de ce qu'il a dit à Claire, ce que je voulais savoir, c'est surtout comment il va par rapport à ça, mais ça non plus je le sens pas près à m'en parler et je le laisse mener la discussion dans une autre direction.

"On parle de Silas, t'es au courant ? Même si je lui faisais des avances, il les capterait pas. IL n'a d'yeux que pour ..."

Je me tais, un sourire apparaît sur mon visage à la place de la fin de la phrase. Je vais quand même pas vendre la mèche, surtout que Nath l'a connaît.

J'suis pas fou, je sais bien que Elaine a passé l'âge d'avoir besoin d'un papa poule de plus, et pourtant, je suis sérieux, il compte pour elle, et c'est sans doute la raison pour laquelle ils avaient besoin d'une explication sans chaperon, tous les deux. Mais il a raison dans ce qu'il ne dit pas, pour combler un besoin de paternité, on a vu mieux qu'une ado presque adulte.

"Pour l'instant."

Je retire ma main de la sienne, glissant mon bras sous sa veste pour la glisser à sa taille, , calant le rythme de mes pas sur le sien, bien que je le suspecte de faire de même de son coté. Bref, la nuit est calme, et j'ai bien envie d'en profiter, et avec lui à mes cotés c'est quand même cent fois mieux que seul avec mon paquet de clopes.

"Silas amoureux? Nan, j'le savais. C'est pas possible d'avoir l'air aussi torturé sans qu'il y ai une histoire du genre derrière. Mais on est d'accord qu'on s'en fout de Silas ce soir? "

Comment ça, son collègue a servi qu'à éviter de replomber l'ambiance avec des trucs qui peuvent attendre demain? A peine. Pour le moment je me contente de marcher à ses cotés, me serrant volontiers contre lui, espérant sincèrement qu'on puisse retrouver ce qu'on avait sans laisser la méfiance s'installer d'un coté ou de l'autre. On a eu notre crise, on s'est expliqués, ça sert à rien de remuer le couteau dans la plaie pendant dix ans. Lui s'est offert la distance physique, moi, la distance émotionnelle, il est plus que temps qu'on oublie et l'une et l'autre, parce que de toute, je supporterai pas de rester loin de lui plus longtemps.

Un sourire m’échappe lorsqu’il sous-entend qu’il reviendra sur le sujet en temps voulu. Je veux que notre relation avance, mais c’est quand même pas le genre de Nath d’aborder les sujets qui titillent mes émotions plus que de raison. De toute manière, de le sentir proche de moi comme cela, simplement sa présence physique, me rassure et je ne peux rien trouver d’insurmontable en cette seconde. On a fait le tour de ce qui devait être dit pour ce soir et j’ai pas la moindre envie de relancer un quelconque sujet qui fâche. Mon cœur, même mort, ne le supporterait pas.

Rebondir sur la vie sentimentale encore plus catastrophique que la nôtre, celle de Silas, est la parfaite transition pour finir de me dérider. Qui ne l’a pas remarqué avec ses yeux de merlan frit dès qu’Inaya s’approche.

« On s’en fout, mais avoue que savoir qu’il y a pire que nous, ça rassure ! Il est peut-être meilleur vampire, mais j’arrive encore à tenir la barre à peu près dans ma vie sentimentale. Peut-être que je pourrais faire un deal avec lui, genre « je t’aide à trouver l’amour et tu m’aides à devenir un bon vampire » j’suis sûr qu’il y a quelque chose à faire avec ça. »

OK, faut juste oublier ma dernière fugue, mais sinon, je pense honnêtement être pas si nul ne serait-ce qu’en terme de choix de partenaire … il est sexy, altruiste, un bon père et il fait des cocktails à mourir.

Nous sortons du parc coller-serrer et passons devant un de ces vieux ciné qui rediffusent les meilleurs films jamais sortie. Lucky me, c’est l’occasion de finir la soirée tranquille avant de rentrer, laissons notre amertume à la porte de cet édifice, posons nos cul sur un chaise confortable et on pourra estimer que notre soirée sera sympathique dans le fond …

« Oh, Le bal des vampires ! »

Je le regarde, un sourire en coin.

« Viens, c’est moi qui offre ! »

Sans qu’il ne puisse vraiment contester et je doute de toute manière qu’il allait le faire, je l’entraîne à ma suite et achète deux tickets. J’y vois un signe divin, ou en tout cas un hasard sacrément chanceux.

Il arrive sans peine à me faire rire quand il me fait remarquer que trouver pire que nous ces derniers temps, ça ne fait pas tout à fait de mal. Sous-entendu, même si c'est dommage pour Silas.


"J'vois deux options. Soit j'suis moins difficile à attraper que Inaya, soit tu es meilleur pêcheur que Silas. Quant à l'aider à trouver l'amour, bon courage. Il aura moins de mal à faire de toi un "bon vampire". T'es déjà pas si mal, si on omet ton foutu manque de confiance en toi. C'est ça qui t'bouffe."

Je le bouscule légèrement, mettant autant d'humour que de sérieux dans mes paroles. J'ai pas envie qu'on reparte dans l'éternel débat de "qui est le pire de nous deux", et en même temps, c'est dit. Avec toute la bonne humeur donc je suis capable. Une bonne humeur qui lui revient d'un coup quand il aperçoit l'affiche d'un vieux film de vampires dont tout le monde connait le titre sans être fichu d'en donner le résumé, moi le premier. J'vous dirai bien que ça cause de vampires, mais ça serait un peu minimaliste comme résumé.

Je souris amusé, me mordant légèrement la langue pour ne pas rire en passant, devant son enthousiasme retrouvé. Bon, et bien je crois que c'est parti pour une séance de ciné. Moi, tant qu'on se trouve un siège double, ça me va parfaitement bien.

"Y a pas à dire, tu sais parler à ton homme toi."

Je l'embrasse au coin des lèvres tout en prenant sa main dans la mienne à nouveau. Y a pas à dire, quand tout roule entre nous, j'oublierai presque la quarantaine qui arrive au galop. Dommage qu'elle ne m'oublie pas, elle. Mais c'est un autre sujet pour un autre jour, ce soir, je profite.