Nan, mais c'est une blague - ft Dante

Gwen est dans cette ville depuis quelques semaines maintenant. Elle a tout d'abord rencontré Liane Midow et Peter Haliway. Ces deux là l'ont aidé à se repérer, alors qu'elle arrivait dans cette ville complètement dépaysé; ils lui ont trouvé un toit, et elle les aide de mon mieux sur le Hollandais. Après quelques jours elle s'est rendue au commissariat pour trouver des infos à son sujet. Elle savait que son père était dans cette ville, mais c'était sa seule piste. La bas elle a croisé une vampire. Elle sentait la mort à plein nez et l'autre derrière la porte, même si elle ne l'a pas vu, c'était encore pire. Cette rencontre ne l'a pas aidé à grand chose, mais celle qui a suivit en revanche c'était autre chose. Liane a évoqué un hôtel, avec un démon pour gérant. Le dit-demi-démon gère un hôtel qui peut faire voir son plus profond désir et c'est ce qu'il s'est passé en quelque sorte, puisque cet homme a donné à Gwen une info cruciale sur son père. Il le connait et avait son numéro de téléphone et l'adresse de son bureau en tant que détective sur lui. Il lui a donné la carte de visite et après avoir bossé un peu pour lui, pour rembourser ce qu'elle lui devait, elle est partit.

Voilà deux jours qu'elle a reçu ces informations et deux jours qu'elle hésite à se rendre sur place. Pourquoi hésiter maintenant, après tout ce chemin parcouru ? Elle même ne le sait pas visiblement. Cette nuit, elle a rêvé de son dernier jour avec les écossais, celui avec Lucifer, même si elle ne sait pas qu'il s'appelle ainsi, dans son souvenir aucun ne lui a jamais donné son prénom. Ils devaient avoir peur qu'elle se venge ou je ne sais quoi ... mais c'est eux les sorciers pas elle.
Enfin c'est décidé. Elle n'a pas fait tout ce chemin pour rien, elle va aller le voir, elle doit le retrouver. Elle prend une douche (qu'elle aurait souhaité plus chaude), mais bon elle fait pas la difficile, ça a jamais été le cas, mais encore moins depuis qu'elle est sur ce bateau. Elle doit encore être la dernière a prendre une douche, si seulement des personnes à part Liane et Morgane se douchent sur ce bateau, rien est moins sur...
Elle s'habille aussi bien que possible. La capitaine lui avait trouvé des vêtements un peu plus d'époque et pour une fille de son âge aussi, parce que les fringues de matelot du Hollandais, qui pue le rhum ça va bien cinq minutes et que Gwen voulait faire les choses bien.

Il lui fait un peu plus d'une demi-heure pour atteindre l'adresse indiquée sur la carte, entre marche et bus. Loin d'être très dépensière, Gwen a gardé l'argent versé pour ses deux heures de travail au Pandemonium, ce qui lui ai bien pratique désormais.
Une fois devant le bâtiment, elle hésite de nouveau, tiraillée entre l'envie et la peur. Elle voit un homme devant la porte. Elle ne le voit que de dos. Si c'est lui, si c'est son père, ses cheveux ont drôlement poussé depuis la dernière fois, ce qui est peu probable puisque un vampire ne change plus physiquement après sa transformation. C'est peut-être un client... Son ventre crie soudain, pourquoi ? Toujours ce déchainement en elle; cette peur d’échouée, que son père la rejette, que tout ça ne soit qu'une mascarade des sorciers pour la brisée d'avantage. Mais pourtant cette envie est forte, elle doit essayer, elle doit le retrouver, l'approcher, lui parler...
Elle s'avance doucement, même si la voix lui dit de courir, elle ne peut pas. Elle le suit grâce à son odeur jusqu'à l'étage désiré... Pourtant oui, cet homme sent la mort, alors c'est aussi un vampire. C'est peut-être son collègue. M. Savage l'a prévenu qu'il ne travaillait pas seul, c'était probablement ça.
Elle frappe à la porte, mais on ne lui répond pas. Elle se demande si ... elle pousse légèrement la porte et constate qu'il y a une salle d'attente. Elle décide donc de s'asseoir. Si il y avait une sonnette ? Elle ne se souvient pas de se moyen de prévenir de sa présence... tout ça est si loin dans son esprit.

Il est encore tôt, mais j’ai eu le temps de vivre toute une aventure depuis que je suis sortie … Entre la rencontre renversante avec la belle Ghilian et mon passage au commissariat pour m’entendre dire que je n’étais pas particulièrement la bienvenue de la part de Sylvana, c’est quand même un comble ! Elle arrête pas de me titiller, mais quand j’essaye de bosser, ça m’agace plus qu’autre chose< je souhaitais juste des renseignements pour clore une affaire, pas non plus la harceler. Heureusement que le secrétaire m’a pas laissé partir sans mes infos. Il bossait déjà à l’époque où j’étais de la police aussi et on s’est toujours bien entendu. Certes, j’ai pas pris une ride depuis alors que lui s’affaisse comme une vieille pomme, et je dois remercier sa myopie de ne pas lui permettre de se rendre compte de la supercherie. C’est donc avec des sentiments mitigés que j’arrive devant l’immeuble qui abrite notre QG. Je m’arrête sur le pas de la porte, me sentant épié … mais aucune odeur que je ne puisse reconnaître et rien ne me paraît suspect aux alentours. J’hausse les épaules et franchit le seuil d’entrée. Je gravis rapidement les marches quatre à quatre et sors les clés pour ouvrir le bureau. Certes, un peu tardivement, mais je n’avais pas prévu de me faire percuter par un scooter fou au petit matin.

A peine dix minutes s’écoulent avant que je n’entende la porte s’ouvrir une seconde fois. Je rassemble les documents étalés devant moi et les redispose dans leurs dossiers respectifs avant de me lever pour accueillir notre client.

J’adresse un sourire doux et sincère à la jeune femme qui attend patiemment dans la salle … Son visage m’est à la fois familier et inconnu. Je suis persuadé de ne l’avoir jamais vu, mais peut-être quelqu’un qui lui ressemble … et son odeur … un je ne sais quoi, mais qui m’invite à être un tantinet sur mes gardes. Je ne suis pas doué pour connaître les origines des gens rien qu’en les regardant, mais j’arrive quand même à dire quand il y a une part de magie dans leur génome et c’est exactement ce que je ressens en cet instant.

« Bonjour, vous pouvez me suivre dans mon bureau. Je vous en prie. »

Je lui indique la porte et la laisse me passer devant avant de lui suggèrer de s’asseoir sur l’un des fauteuils autour d’une petite table basse. En gentleman, je lui propose une tasse de thé. Dans tous les cas, je m’en prépare toujours une lorsque je reçois un client. L’odeur du thé vert au jasmin m’aide à réfléchir. Je prépare donc un plateau avec deux tasses et une théière de porcelaine et que je dispose sur la table ainsi que des petits biscuits.

« Vous semblez quelque peu nerveuse, prenez votre temps. J’espère pouvoir vous apportez mon aide. »

Que ce soit pour une histoire de tromperie, de viole, de violence ou autre, je sais qu’il ne sert à rien de brusquer la personne. Elle doit pouvoir mettre les mots et formuler sa requête selon ses propres termes si je veux qu’elle m’accorde sa confiance. C’est aussi pourquoi j’enchaine avec une courte présentation. Il sera plus facile pour elle de me donner son identité si moi-même je fais le premier pas.

« Je m’appelle Dante, je suis détective privé dans cette agence. »

Puis s’ensuit le silence. Je sais que ce n’est plus mon tour, mais le sien et je verse méticuleusement l’eau chaude parfumée dans chacune des tasses avant de me saisir de la mienne.
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Je m'asseois sur la première chaise venue et j'attends quelques instants. Un homme vient très vite à ma rencontre. Celui-la même que j'ai aperçu à l'extérieur tout à l'heure. Il m'invite à le suivre, ce que je fais. Mes doigts se tordent les uns avec les autres. Je ne sais plus ou me mettre.
Comment suis-je censée aborder ce thème là avec un autre que celui auquel je m'attendais en venant ici ? Très vite je m'installe en tailleur sur l'un des fauteuils. Il me propose également du thé. Je hoche la tête par l'affirmative. Il me sert et je parviens difficilement à délasser mes mains pour accueillir la tasse qu'il me tend. Je prends une profonde inspiration pour parvenir à me détendre un minimum et merci à la petite voix qui me dit de fuir...

- Je suis venue voir Silas Evenson. Je dois absolument lui parler.

La phrase est lancée. Comme si je voulais m'en débarrasser le plus vite possible ( ce qui est tout à fait le cas). Il ne va probablement pas comprendre pourquoi je lui dis ça, pourquoi je veux parler à son collègue et non à lui. Ce doit être relativement déstabilisant, pénible et que sais-je encore, mais clairement je m'en moque.

Je porte la tasse à mes lèvres. Je retrouve une odeur familière dans ce thé, mais sans en détectée la raison. Etait-ce un thé courant à Londres à mon époque, ou de l'un des pays par lesquels nous sommes passés jadis, avant d'être enfermée par mes potes écossais.

- D'où viens ce thé ? J'ai l'impression de l'avoir déjà bu !

Il ne me connait pas encore. Il ne sait pas encore à quel point je peux changer de sujet en un tour de main.

Un sourire se dessine sur mon visage. Je ne suis pas là pour la mettre mal à l’aise ou quoi que ce soit. Si elle veut parler à mon collègue, je ne l’en empêcherai pas. Après tout, rien ne me dit qu’il ne se sont pas déjà rencontrés, peut-être a-t-il même déjà enquêté pour elle.

« Cela n’est pas un problème, mon collègue n’est pas là pour le moment. »

Je jette un regard par la fenêtre, nous ne sommes que le petit matin … il ne sera donc pas là avant un bout de temps encore. Mes yeux bleus se posent une fois encore sur la jeune femme en face de moi et elle m’arrache un nouveau sourire avec sa question plus légère et qui semble faire s’envoler quelques rides d’inquiétude de son visage l’espace d’un instant.

« D’Inde. »

C’est un cadeau de Nath lors de notre excursion forcée en Inde … Oui, disons-le clairement, c’est quand j’ai fugué comme un lâche. Après, je n’ai aucune idée si ce même thé se retrouve facilement par chez nous et bien que ces saveurs soient simples, il est rare d’en trouver du aussi raffiné.

« Je peux vous poser une question ? Si vous la jugez trop indiscrète, ne vous sentez pas obligé de répondre, mais comment connaissez-vous Silas ? »

Je dois le dire, il y a quand même quelque chose qui me titille chez cette jeune femme autant dans les expressions de son visage, que dans ces attitudes … un quelque chose de familier et pourtant, je n’arrive pas à mettre le doigt dessus. Me l’a-t ’il déjà présenté et j’aurais oublié ? Cela me semble étonnant, mais après tout je ne suis pas infaillible. Je porte ma tasse à mes lèvres et me délecte d’une longue gorgée qui en aurait sans doute brûlé plus d’un. De mon côté, j’ai toujours aimé boire mes boissons au plus extrême de leur température. Cela me permet également de lui laisser le temps de répondre, de réfléchir et elle me dira bien ce qu’elle veut dans tous les cas, j’enverrais rapidement un message à mon collègue pour lui dire qu’on le cherche. Il est plutôt flexible lorsqu’un client le cherche, pas de doute qu’il finira par répondre présent.

Oui ça j'ai bien vu qu'il était pas là pour le moment. Il en a de bonnes lui. Je soupire. Pas contre lui, plutôt contre la situation. Autant je risquais pas de le retrouver tant que j'étais enfermée, autant aujourd'hui, je pensais pas que ça me prendrais autant de temps.

D'Inde ? Pas souvenir d'être aller la bas, mais l'Inde et l'Angleterre ont un certain passif, alors ça vient peut-être de là quand même...
Je soupire de nouveau. Je ne suis pas du tout à l'aise. Y a bien eu la femme au commissariat ou encore le patron de l'hôtel, mais déjà que je suis pas la plus sociable depuis ces quelques décennies, mais là j'approche tellement du but... c'est une sensation tellement étrange.

Comment je le connais ? Si c'est indiscret ? T'imagines pas à quel point monsieur... Pourtant y a quelque chose qui me donne envie de lui répondre. J'ai envie de lui faire confiance, comme je les fais avec les autres, pourquoi donc hésiter autant, c'est bizarre. Il m'a l'air plutôt sympathique ce monsieur et en plus il travaille avec mon père. Si mon père bosse avec lui, c'est forcément qu'il y a un truc bien chez lui, voir plusieurs. Je ne le vois pas trop traîner et bosser avec un con. Comment ça je divague ? Oui, bin restez h24 enfermés pendant des années, avec une p'tite voix qui vous dit que vous seriez mieux morte et on reparle de ma santé mentale après, ok ?!
Mon thé a le temps de refroidir un peu pendant que je réfléchis à tout ça. Je ne sais pas trop combien de temps passe sans que je ne lui réponde et qu'il ne m'interroge pas d'avantage. Il attend une réponse, peut importe laquelle.

- Je ... enfin c'est ... c'est compliqué. Vous n'allez probablement pas me croire. Il y a des années que je ne l'ai pas vu. J'imagine qu'il me croit morte... Je l'ai cru aussi, pendant un temps.

Je n'arrive pas à le regarder en face. C'est vraiment une drôle de sensation. J'ai été si franche avec les autres. Je ne comprends pas trop ce qui m'arrive là. J'ai le ventre noué. J'ai le cœur aux bords des lèvres.

- Je... je suis... sa fille !

Une bombe. Elle vient de me lâcher une bombe. Tomas, l’histoire du massacre de sa mère … il me l’a déballé celle-ci d’aventure pas du tout épique qui a autant sublimé que pourri sa vie. Sa fille … on parle de sa son enfant biologique là et les faits sont explicites. Elle lui ressemble, c’est évidement à Silas que je pensais en la regardant, mais maintenant que les mots sont sortis, cela me paraît d’une telle évidence. Un sourire chaleureux vient poindre sur mon visage. S’il l’a cru morte, s’il a cru perdre son enfant, pas de doute que la nouvelle de sa fille vivante va ranimer son vieux cœur mort – façon de parler, bien sûr. Je pose ma tasse devant moi et prends le temps de peser ce que je vais lui dire pour ne pas l’inquiéter plus. Je veux bien croire que devoir ressurgir devant son père après des années est une angoisse et j’ignore tout de ce qu’elle a vécu elle et son père. Je garde également dans un coin de ma tête ce que j’ai ressenti en la voyant elle, mon impression qu’elle n’est plus humaine complètement, son père non plus après tout, mais qu’en déduire ?

« Alors je conçois effectivement que vous soyez stressée de le revoir après tant de temps, mais votre père est un homme extraordinaire et si une bonne nouvelle peut enfin arriver dans sa vie, je suis persuadé qu’il sera heureux de l’apprendre de vous-même. »

J’attends patiemment qu’elle redresse un regard timide vers moi avant de continuer. J’essaye d’être aussi calme et apaisant que possible.

« Je n’interfèrerais pas, je vous conseille juste d’aller directement chez lui … vous pourriez tomber sur votre tante ou encore votre frère, mais ils sont tout autant adorable et je pense qu’un cadre plus intime serait plus adéquat … ici, il risque d’avoir la tête dans le guidon entre nos affaires en cours et les nouveaux clients qui débarquent. »

Je m’avance et pose délicatement ma main sur la sienne ce qui a pour effet de la faire sursauter, mais elle ne la retire pas. Le but de ce geste est simplement de lui faire sentir la froideur de ma main, je voudrais savoir simplement si elle connaît le sort de son père en lui montrant implicitement que je suis moi-même mort il y a belle lurette.

« Je me permets une autre question indiscrète si vous m’autorisez … Que savez-vous de la condition de votre père ? »

Sa main a elle est chaude … le mystère s’épaissit et j’attends avec la plus grande des impatiences de connaître sa réponse. Silas est comme un frère pour moi, un frère de cœur auquel je ne peux concevoir envoyer une femme sans m’assurer que la rencontre ne soit délétère pour lui et pour elle.

Il essaie d'être aussi attentionné que possible avec moi. Il est patient, mesure ses propos, prend son temps. De mon coté c'est différent. Je relève doucement la tête vers lui, pas convaincu moi-même parce que je fais et perçois.

Je ne parviens pas à me détendre... Encore moins quand il évoque une tante et un frère... Là je fais un O avec la bouche et lève les sourcils. J'en cracherais même mon thé si j'étais entrain de le boire, mais ce n'est pas le cas heureusement.

- J'ai pas de tante et encore moins de frère ?

Un instant de silence ce fait !

- Il s'est remarié ?

Gwen même si il s'est remarié, il ne peut plus avoir d'enfant de part sa condition. Enfin il paraît, d'après ce que j'ai comprit de la condition des vampires à l'approche de Liane, parce qu'avec mon père à l'époque on parlait pas de ça.

- Il l'a transformé ?

Pour me remplacer ? Je le dis pas, mais je le pense fortement et ça fait mal. Comme si les flammes venaient de nouveau lécher mes jambes, mon torse, mes bras, ma tête. Tout ça fait mal et je dois prendre une profonde inspiration pour reprendre un minimum mon calme.

- Comment ça de sa condition ? Qu'est-ce que vous voulez dire ? Que lui est-il arrivé ? Vous me faites peur ? Je sais qu'il peut pas mourir, mais pourquoi cette question, c'est flippant !

D'une je me moque pas mal de dire ça aussi fort, je l'ai bien dit à la blonde au commissariat et de deux je la sens sur lui aussi, cette odeur de mort, alors même pas peur.

Oui, bon, moi aussi je lance des info qui perturbent immédiatement la jeune fille … je veux une médaille pour ma stupidité ! Non ? Personne pour m’en donner une ? Tant pis je vais m’élire moi-même roi des cons pour la peine. Je grimace et reprends en mesurant encore une fois mes paroles :

« Pardon. Pour votre tante, j’ai pas tous les tenants et les aboutissants, mais c’est bien sa sœur qui est tardivement née et pour votre frère, c’est un jeune homme qu’il a pris sous son aile quand il était enfant car celui-ci s’est retrouvé orphelin. Donc non, pas de remariage ni rien, il a juste le cœur sur la main et ne l’a pas abandonné tout seul à sa mort. »

On va pas évoqué l’incident qui plane autour du fait que Tomas soit orphelin, j’ai assez mis les pieds dans le plat pour cette fois-ci. Je me dis une fois encore qu’il me faudra bien tourner sept fois ma langue dans ma bouche avant de parler. Le moment où elle s’énerve lorsque j’évoque sa « condition » ne fait que me confirmer que je suis une tanche ce soir … C’est merveilleux et si on reprenait à zéro ? Comme ce n’est pas possible, je m’écrase un peu et la laisse d’abord finir sa phrase avant de compléter :

« Oui, mais il me semblait difficile d’être celui qui vous annonce qu’il est vampire après tout. Vous êtes au courant donc. »

Et bim, finalement, mais cela revient au même puisqu’elle le savait déjà et je me surprends à penser qu’à force d’être prudent, je dis de plus en plus de conneries. Je ferais mieux de laisse mon naturel faire le travail finalement, je devrais quand même m’en sortir sans finir par définitivement froisser la fille de mon collègue.

« Silas a beau être mon meilleur ami, c’est vraiment pas le type le plus loquace du monde. J’vous dis, je savais même pas qu’il avait eu une fille. Je ne voulais pas vous inquiéter non plus. »

J’essaye aussi de me détendre, sentant bien que c’est compliqué comme conversation et m’enfonce dans le moelleux du fauteuil derrière moi, tout en relâchant mes épaules. Je soupire et laisse le temps à la jeune femme de me toiser. Au moins, elle a relevé son joli minois et je sens que si ce n’est pas ses aises qu’elle prend, elle a au moins la fougue de son père. Je reporte ma tasse à mes lèvres et fini le thé vert au jasmin. Trop infusé, il risque de devenir amer et j’aime la fraîcheur d’un thé qui vient d’être infusé. Dans un cliquetis délicat, la porcelaine clinque sur la table et je m’adosse les coudes sur les genoux à la regarder de plus près.

« Ce n’est que mon avis, mais vous n’avez aucune raison d’avoir peur de quoi que ce soit en allant là-bas. »

Il y a un je-ne-sais-quoi dans cette femme qui m’incite à lui faire confiance. Certes la suite appartient aussi à Silas et je vais faire confiance au vampire pour flipper un bon coup avant de réussir à se raisonner. Dans tous les cas, je serais présent pour l’aider s’il le souhaite.

Il a une soeur ? Grand-père me l'aurait dit si j'avais une tante quand je vivais chez lui, donc c'est arrivé après ... C'est lui qui s'est remarié donc ? Enfin quoi que les hommes dans les années 80 n'avait pas besoin d'être marié pour avoir des enfants, mais au moins une compagne quoi. C'est bizarre, je ne vois pas grand-père avec quelqu'un. M'enfin j'en sais rien, j'imagine qu'on ne connait jamais vraiment quelqu'un, surtout quand on à l'âge que j'avais à l'époque où je vivais chez lui. Je me demande quel âge elle a aujourd'hui ? Je suis curieuse de la connaître.
Oui c'est tout mon père ça, de recueillir la veuve et l'orphelin. Enfin c'est l'idée que je me fais de lui en tout cas. Je m'en souviens comme d'un père aimant et attentionné. J'occulte trop souvent la partie où il s'engueulait avec maman. Elle me manque, lui aussi me manque. Soudain, me replongeant dans mon corps d'enfant, ma gorge se noue, mon cœur se serre et j'ai les larmes aux bords des yeux. Je ne suis peut-être plus une enfant physiquement, mais être morte et avoir été ramené par des sorciers pour leur tests saugrenus, éloigné de tous, en étant dans l'impossibilité de parler à quiconque (à part Lucifer), ça ne m'a pas aidé à grandir mentalement.
Je n'ai donc pas vraiment de barrière, si j'ai envie de crier je crie, si j'ai envie de pleurer je pleure et là c'est le cas, je sens que ça monte peu à peu.

- Il a continué sa vie... C'est bien !

Mon ton est triste, mais en réalité je suis heureuse, enfin disons que je suis contente qu'il est réussi à continuer sa vie et d'un autre côté j'accepte difficilement qu'il est continué à vivre sans moi. Je suis sa fille bordel. C'est d'un compliqué!

- Il ne parle pas de moi ?

Cette phrase n'était pas pour lui, plus pour moi, pour essayer d'encaisser, mais j'y arrive pas. Il m'a oublié ? "Evidemment qu'il est passé à autre chose, tu étais morte!" Je l’incite à se taire, mais comme toujours ça ne fonctionne pas. "Tu n'étais qu'un moyen d'avoir son repas plus facilement! Il a trouvé des gens bien plus intéressant à côtoyer!" La ferme, la ferme ! "Une gamine sans cervelle!"
Je me prends la tête dans les mains et la secoue très fort. La voix est infecte avec moi aujourd'hui, pourquoi elle dit ça ? Il m'avait dit qu'il m'aimait ! Il n'aurait pas mentit. Je le savais quand il mentait ... enfin je crois...

- J'veux pas être un boulet, s'il veut pas de moi c'est pas grave. J'vais pas y aller !

Je regarde partout autour de moi, sauf l'homme face à moi. C'est trop dure. J'essaie de comprendre, mais j'y arrive pas.

Je sens bien la tristesse qui empreint sa voix. C’est terrible de porter un poids aussi lourd et mon cœur se brise de la voir aussi chagrinée. Je n’imagine pas ce que penserai Luka s’il me voyait avec mon homme aujourd’hui. Ne serait-ce pas pour lui la plus grande des déceptions de voir que j’ai continué mon chemin sans lui ? Trouvé l’amour de ma vie ? Demandé sa main ? Passer l’éternité avec lui même ? Mais quelque part, n’est-ce pas là la vie ? J’aimerais lui insuffler cela. Mais comment ? Ma main s’avance et se pose délicatement sur la sienne. C’est la seconde fois et j’ai l’impression qu’elle ne me tient pas rigueur de mon côté tactile.

« Autant que je ne parle pas de la personne qui a le plus compté de mon vivant et qui est mort également. Il y a des douleurs sur lesquelles on ne peut mettre aucun mot. Des blessures trop profondes pour être évoquées. »

En revanche, il y a une chose dont je suis sûr, Silas donnerait cher pour savoir sa fille vivante. La nouvelle va être dure à encaisser, mais qui ne rêverait pas de voir surgir du passé un amour si fort. Je porte ma seconde main sur mon cœur, touché au plus profond par ses doutes, ses peurs. Cette jeune femme est perdue, c’est évident. J’aimerais l’aider. Je ne suis juste pas le plus à même de le faire, étant moi-même le roi des incertains dès qu’il s’agit de mes sentiments. Je suis le premier à fuir, prétextant protéger l’autre pour un oui ou pour un non.

« Vous ne pouvez pas savoir ce qu’il veut ou ne veut pas tant que vous n’aurez pas essayé … et je peux vous dire que, le connaissant, il va être heureux de vous voir. Perturbé, je ne dis pas, mais heureux. »

Un sourire qui se veut rassurant se dessine sur mon visage et je plante mon regard dans celui de la jeune femme qui est pourtant fuyant. Personne ne peut imaginer ce qu’elle doit vivre au regard de la situation unique qu’elle traverse. Je ne préfère pas savoir en avance tout ce qu’elle a enduré. Silas aura tout le temps de m’en parler lorsqu’il aura besoin de crever l’abcès. Je le connais, il va avoir le cœur gros. Je soupire et reprends en espérant trouver les mots justes.

« Ne laissez pas le doute envahir votre cœur et faites confiance à votre père et l’amour qu’il vous porte. Je sais que chaque pas vers lui est difficile, mais vous, ici, aujourd’hui, c’est une victoire pour vous. Encore un et c’est gagné. »

Je ne peux d’ailleurs pas la retenir indéfiniment ici, mais je reste à sa disposition pour tous les renseignements qui lui seront nécessaire pour se sentir à l’aise et aller de l’avant. L’adresse de Silas, le nom de son frère et sa tante, à quelle heure s’y rendre … que sais-je ? Elle peut y aller comme elle veut, je ne la chasserais pas tant que je ne la sentirais pas rassuré.

Le vampire a aimé, mais le dit amoureux n'est plus des nôtres. Je ressens sa douleur a travers ses yeux, ses gestes. Comment je la reconnais ? C'est exactement ce que j'ai ressenti quand j'ai comprit que j'étais en vie, mais que je croyais mon père mort et a écouté l'homme devant moi, j'en conclu que mon père aussi a ressenti ça à ma mort. Il m'a vu mourir de la main des sorciers irlandais, moi je n'ai fais que l'imaginer. Je ne pensais pas qu'il l'avait laissé en vie après ça. Il avait créé un monstre, d'après eux, ça ne pouvait signifier que la même peine que moi, non ? Comme le monstre de Frankenstein. Enfin quoi que, je ne sais plus ce qu'il advient de son créateur... c'est assez vieux pour moi tout ça, il c'est passé tellement de chose depuis.

Ses mots me réchauffent le cœur petit à petit et son regard me rassure. Je me sens nettement mieux. Il ne m'en faut pas beaucoup ? Bin disons que j'ai tellement envie de retrouver mon père depuis que je sais qu'il est en vie que les mots prononcés par son collègue suffise à éloigner la voix du démon qui est rentré dans mon esprit en même temps que le jour où je suis "revenue à la vie" si je puis dire.

- Vous pourriez me donner son adresse ? M. Savage m'a indiqué votre bureau pour le retrouver, mais pas son adresse. Et Liane non plus ne savait pas me dire. C'est elle qui m'avait envoyé au commissariat d'ailleurs. La secrétaire du commissariat qui m'a envoyé au Pandémonium pour trouver ce que je cherchais le plus. Bref. Si vous vous aviez son adresse véritable, je vous avoue que je ne dis pas non. Ca commence à faire long là... Des semaines que je suis en ville et que je ne trouve pas.

Je sais rarement où me mettre et quoi faire de mon corps, mais mon état d'anxiété et de joie mêlées m'aident encore moins. Je sais pas si c'est le fait d'avoir été enfermé un long moment entre quatre barreaux, mais je tiens difficilement en place. Je me souviens pas si j'étais comme ça quand j'étais enfant.

Je souris en l’entendant prendre les devants pour accomplir ce dernier pas restant. Entre le nom de Nath et la capitaine du Hollandais, je devine que la jeune femme a traversé de nombreuses étapes avant d’arriver jusque moi. Je la trouve incroyablement courageuse et je sais que cette dernière étape doit autant la terroriser. C’est l’inconnu.

« Aucun souci. »

Je la connais par cœur et l’inscris rapidement sur un morceau de papier. Le stylo gratte la feuille et je finis par la tendre à la jeune femme qui hésite une fraction de seconde avant de finalement s’en saisir.

« Si vous avez le moindre souci … »

Je sors de ma poche une de mes cartes de visite sur laquelle est inscrite mon numéro de téléphone.

« Revenez vers moi, n’hésitez pas. »

Je ne pense pas qu’elle le fera, je lui fais confiance pour réussir sa mission et aborder son père. Elle me sourit. C’est timide, faible, mais ça reste un sourire et j’en pleurerai presque devant la beauté de cet évènement qui s’annonce. Je sais que Silas va avoir beaucoup de mal à accepter cette incroyable histoire, mais ma finalité sera la même : il va retrouver son enfant qu’il croyait mort. Elle glisse les papiers dans sa poche et quitte mon bureau. Un soupir franchit mes lèvres et j’espère du fond du cœur que tout se passera au mieux.