A un moment donné, on n'est plus à une révélation près... [Dante&Silas]

Ce que je fais au bureau alors que je ferai certainement mieux d'être chez moi auprès de ma fille et mon fils, ou l'un ou l'autre ou j'en sais rien? J'ai besoin de me focaliser sur quelque chose que je peux contrôler, et il se trouve que les enquêtes, ça, je contrôle. Surtout celles dont on a la réponse avant de commencer l'investigation, qui ne sert qu'à rassembler des preuves pour ceux qui sont incapables de voir les signes évidents qui leur crèvent les yeux. J'ai nommé les histoires d'adultères, qui servent qu'à payer le loyer, et que je range souvent en bas de la pile, au moins jusqu'à ce que Dante me rappelle qu'on a un loyer de retard. Au moins pour une fois, il n'aura pas à le faire. De toute façon, c'est clair comme de l'eau de roche que si c'est madame qui nous a demandé d'enquêter sur monsieur, en vérité, c'est pas lui qui se tape la secrétaire, mais elle. Les odeurs corporelles, ça ne rate jamais. Du coup je suis pas rendu pour savoir auquel des deux je dois rendre mon rapport exactement.
Et ça tombe bien, l'aide providentielle me tombe du ciel ou presque avec l'arrivée de Dante dans le bureau, et je l'intercepte avant même qu'il ait le loisir d'ouvrir la bouche.

"Dis, le dossier Harrison, à ton avis, j'fais taxer lequel des deux? C'pas tous les jours que le client et la cible de l'enquête sont la même personne..."

Si j'essaye de noyer le poisson en l'entrainant dans un sujet de discussion pro pour ne pas qu'on parle du perso? Sans doute. Cela dit, j'ai abandonné l'idée de porter un masque ce soir alors il ne sera pas dupe bien longtemps, j'en ai peur.

"Ma fille est vivante. Et quand j'te dis vivante, c'est vivante. Avec un cœur qui bat et tout. Comment... J'ai toujours cru que ce qu'on était, c'était un état définitif. Faut dire que Vladimir a pas été le meilleur des professeurs non plus."

Des fois, je m’ennuie dans mon bureau … voire même souvent. J’ai juste envie d’abattre la cloison entre nos deux bureaux et papoter avec Silas quand bon nous semble. Je vais finir par céder et nous trouver un nouveau local pour notre taf. Déjà, je suis persuadé qu’on pourrait trouver moins cher et ensuite, il est moche celui-là et j’ai envie de renouveau. Le genre plus cosy, dans un quartier moins craignos. Je sais bien que le fait d’être dans le coin, ça aide les clients à penser que personne les repère, mais bon, faut pas abuser non plus. On a le droit d’avoir envie d’un peu plus gai comme ambiance. Moralité, je me lève d’un bond de mon siège pour aller en causer à mon voisin de porte. Ce que je n’avais pas prévu, c’est sa tête déphasée qui s’est accentuée depuis le début de la nuit. J’avais bien vu qu’un truc tournait pas rond, mais il avait pas l’air disponible pour s’étaler sur le sujet. Cette fois, il a l’air totalement cuit. Alors je le laisse me parler. Surtout que j’avais déjà plus ou moins réfléchi au cas des Harrison.

« Si on était des connards, on enverrait à l’autre une note encore plus salé s’il veut les preuves, mais comme on est des bisounours, on facture le client-cible et on lui dit de faire gaffe à ses miches s’il veut pas que son cher et tendre le perce. Après tout, c’est peut-être ça qu’il voulait. Savoir à quel point sa supercherie est facile à tracer. »

Et j’attends.

J’aime bien quand mon collègue et ami oubli que j’suis pas une bleusaille et que j’sais très bien ce que ça tête de six pied de long veut dire. Alors, oui. J’attends simplement qu’il me parle et je reste planter comme un piquet devant lui.

« Ah … »

Je vais pas feinter que ça me surprend vue que la demoiselle en question était venue me voir quelques temps auparavant. Par contre, j’ai pas tous les tenants et les aboutissants de l’histoire qu’il me conte. J’ai l’impression que la même scène se répète, mais Nath comme Silas ont tendance à oublier qu’on ne vit pas dans leur tête. Il sont mignons, mais je rêve souvent de trouver un décrypteur.

« Tu vois, dis juste comme ça, j’ai l’impression que c’est une bonne nouvelle, mais j’ai l’impression qu’un truc cloche assez pour que ça soit pas la bonne réponse … »

Je préfère pas lui parler de mon professeur … une ombre furtive qui m’a laissé caner dans le caniveau sans finir son repas … le rustre total !

Je m’approche du bureau du brun et fait une place pour y poser mon illustre postérieur. J’ai comme dans l’idée que cette conversation, faut pas que je le laisse filer comme ça sinon, il va faire une connerie. Les mecs qui viennent se plonger dans le travail pour oublier leur problème, ça marche pas. Il est l’heure d’une petite Silasectomie pour comprendre ce que le vampire essaye de me dire.

"Avec ce genre de perte de temps inutile, j'ai bien envie d'être un conard parfois. Mais soit, soyons des bisounours... Ok, j'en fais une copie, ça peut toujours être intéressant."

Financièrement parlant en tout cas, parce que les histoires d'adultères, ce que ça m'intéresse... Sur ce point, heureusement que Dante est effectivement le bisounours du duo, ça évite quelques désagréments. Et si je suis celui des deux qui est là pour expliquer à l'autre qu'il joue vraiment au con (notamment quand il s'est pris pour une chèvre à refuser de s'alimenter à la veine), il est celui des deux qui sait être là quand l'autre a besoin de parler. Autant dire que les rôles ne s'inversent pas souvent, et j'ignore si je saurai faire aussi bien à sa place.

"C'est une bonne nouvelle oui. Enfin je crois. Non, c'est sur. Mais un truc cloche oui. Comme tu dis."

Je relève le regard dans sa direction, laissant apparaitre mes canines à travers mes lèvres pour illustrer le problème.

"Je l'ai transformée. Et pendant deux ans, on a voyagé de nuit, elle et moi. Je l'ai condamnée à notre monde alors qu'elle était à peine plus âgée qu'une enfant. Et là je la retrouve, bien vivante. Je ne vais pas m'en plaindre mais..."

Mais j'ai passé trente ans à culpabiliser de l'avoir entrainée dans mon monde pour finalement la perdre un an plus tard que ce qui aurait du arriver si je n'étais pas intervenu. Et rajoutez que maintenant, je culpabilise de ne pas avoir pensé un instant qu'elle puisse avoir survécu, quelque part, et pouvait avoir besoin que je veille sur elle plutôt que de me détourner d'elle au profit de Adé et Tom. D'accord, si je l'avais su, j'aurai trouvé un moyen d'être également présent pour chacun des trois, même si c'est toujours plus simple à dire sur le papier que dans la pratique.

"Ouais, j'suis pommé. Autant en temps que père que créateur d'ailleurs. J'me demande ce qui peut venir de mauvais avec surtout. Les bonnes nouvelles, c'est toujours trop beau pour être vrai."

Et je m'adresse à la bonne personne ni pour l'un ni pour l'autre à ma connaissance. Quoiqu'il vit la moitié de l'année avec la fille de Nathan, ça doit aider un peu non?

"J'pensais la sauver à l'époque. Ca faisait quoi, un an que j'avais été transformé moi-même. J'ai du faire passer Jack l'éventreur pour un joueur de clarinette là où j'passais. Mais la savoir malade, ça, c'est parvenu à me ramener. J'crois qu'elle m'a sauvé autant que j'l'ai sauvé. Elle était bien plus réfléchie que je l'ai jamais été, et j'sais pas où j'en serai aujourd'hui si elle avait pas été mon garde-fou."

Wow wow wow !!! Quoi ? Une vampire revenue d’entre les morts ? Je suis du genre, il y a toujours un équilibre entre ce qu’on donne et ce qu’on prend. Soit sa fille est tellement proche de la pureté qu’elle a été rejeté de notre Enfer, soit je n’imagine pas la contrepartie qu’elle a due ou doit subir. Je comprends totalement l’incertitude de Silas face à cette situation des plus insolite. Je ne regrette pas d’être assis pour le coup car que je tombe des nues.

« J’hallucine effectivement … c’est … incompréhensible. »

Déjà, j’ai dû mal à imaginer Silas en tueur sanguinaire, autant qu’en mauvais père. Je le vois avec Tomas et je suis à peu près sûr qu’il devait être un super paternel pour sa fille, vampire ou non. Mais on ne connait jamais parfaitement les gens …

Je calcule, je calcule … mais en fait, Silas et moi on a dû se retrouver vampire dans les mêmes eaux à bien m’y reprendre.

« Bon en tout cas j’me doute que c’était louable tes intentions, mais elle a pu tout t’expliquer ce qui lui est arrivée ? Je suis comme toi, j’ai dû mal à concevoir qu’un bien aussi grand arrive sans une contrepartie fracassante … »

Je soupire et pose une main sur l’épaule de mon ami qui me fait face, sa mine plus déconfite que je ne l’ai jamais vu auparavant.

« Désolé, je sais pas si ça va te rassurer. Je pense que la meilleure manière de savoir si ça va, si c’est vraiment elle, c’est de passer du temps avec elle, de lui parler … »

Je veux pas le renvoyer chez lui, mais je comprends mieux maintenant pourquoi il s’est noyé dans le travail plutôt que de profiter d’elle. S’il apprend que c’est une supercherie ou qu’elle en souffre, j’imagine qu’il endurera cela avec difficulté. Entre savoir sa fille mal ou avoir l’espoir qu’elle est bien qui elle prétend être et que cela s’effondre … Je ne sais pas ce qu’il craindrais le plus. Je sais pas ce que je ferais si on m’offrait la possibilité de retourner à la vie. Surtout maintenant que j’ai eu LA discussion avec Nath et qu’il a accepté de rejoindre les rangs des macchabés. Et si l’inverse était possible ? Mais bon, cela fait presque 40 ans que le destin ne m’a pas offert la possibilité d’un retour en arrière, je ne pense pas que mon âme mérite d’être sauvé et j’avoue n’en avoir rien à faire si cela me permet de passer le reste de ma mort avec mon cher et tendre. Lui aussi n’aura pas le droit de mourir, j’espère juste ne pas condamner son âme …

« Tu ne pouvais pas deviner qu’elle aurait survécu, personne n’a jamais vu ça, c’est référencé nulle part un cas pareil de retour à la vie. »

Bon, au moins il est d'accord avec moi sur le fait que c'est une histoire de dingue. C'est pas moi qui suis en train de tourner fou apparemment. Ou peut-être que si. J'ai pourtant eu quarante années pour comprendre qu'avec la magie, à peu près tout est possible, mais non, je crois que je n'ai pas encore pleinement percuté. Ou plutôt qu'à chaque fois que je pense percuter, quelque chose arrive à me faire voir que la limite est encore plus loin que ce que je pensais.

Je sais pas. Ca a à voir avec ces maudits chiens de sorciers qui me l'ont prise au départ. Mais pour être honnête, j'étais tellement sous le choc que j'ai pas compris grand chose de ses explications. j'suis juste rincé."

Je porte ma main à mon front, me passant les doigts sur les tempes comme si ça allait me remettre les idées en place. M'effacer quelques rides peut-être? Vu les soucis que j'ai en tête actuellement, j'en aurai sans doute gagné quelques unes si me regarder dans un miroir était un luxe que je pouvais m'offrir. Des cheveux blancs peut-être aussi.

"Mince. Moi qui allait te demander si je ne pouvais pas m'installer sur votre canapé un jour ou deux. Quoique la baie vitrée n'est pas un argument dans la faveur de cette brillante idée.
Va pour chez moi. De toute façon, va bien falloir que je parle à Tom et Adé avant qu'ils ne tombent sur elle sans explication..."

Ouais, des rides, des cheveux blancs... heureusement que je n'ai pas besoin de dormir, ça me laisse juste 12h de jour pour ruminer... D'accord, je vaix peut-être bien commencer la collection complète des œuvres de Tolkien, ça m'occupera l'esprit deux minutes.

"J'aurai du le savoir. Elle est ma fille. Et j'suis censé être son père."

Chiens de sorciers … Hum, ça explique beaucoup pour son amour envers les sorciers. Je suis étonné qu’il ne m’ait jamais trop rien dit concernant mon choix en matière de partenaire, mais je suppose que Nath se vante tellement peu d’être un sorcier qu’ils ont dû d’abord se connaître sans savoir.

« Même si t’as pas à leur parler dans l’immédiat, prends effectivement le temps de comprendre toi-même ce qui se passe, mais j’pense que tu seras toujours mieux auprès des gens que t’aimes plutôt que sur mon canapé … »

Je passe une main dans ses cheveux pour les ébouriffer comme s’il était un gosse.

« Même si je t’aime aussi ! »

Oui, bon, ben me demandez pas de rester sérieux trop longtemps non plus. Mon humour revient toujours au galop.

« Et concernant le père qui devrait tout savoir de ses gosses, je te dirais bien que le mien s’en est foutu assez royalement de savoir si j’étais encore vivant ou non, qu’il a sans doute jamais cherché à savoir et ma mère non plus. Donc le coup de la fibre paternel, je veux bien que tu me dises que tu l’aimes, mais tu n’es pas omniscient. C’est ton amour pour elle qui fait que tu es son père, pas que tu saches dans quel état elle est … je suis sûr que Tom et Adé arrivent aussi très bien à te cacher parfois quand ils vont pas bien et même si je veux bien croire que tu arrives à le deviner facilement, le cas de ta fille est exceptionnel. »

Je respire un grand coup inutilement.

« Et Tomas est pas ton fils génétique, mais tu l’aimes et ça te permettrait pas pour autant de savoir à tout moment où il est et ce qu’il fait. Et si tu veux me parler aussi du lien, du fait que c’était en plus ton infant, ben c’est pareil. Tu prends une jolie soirée d’avril 84 à Chicago, un vampire assoiffé et t’obtiens un Dante vampire. Le mec qui m’a transformé s’est jamais inquiété d’avoir laissé son repas à moitié crevé dans le caniveau et j’ai dû mal à voir comment je pourrais me lier d’amitié avec un gars de ce genre si tu vois le tableau, ni même le reconnaître. Donc ça non plus j’y crois pas trop. »

Non, mais honnêtement, c’est peut-être pas une généralité, mais je veux juste convaincre Silas que ce n’est pas de sa faute s’il n’a pas su que sa fille serait à nouveau vivante. On est pas des dieux.

J'ai beau ne pas avoir la tête à jouer les psychologues, l'expression qui traverse son visage quand j'évoque les sorciers est équivoque. J'vais être sincère, je cible un groupe de sorciers bien précis et pas toute la race. J'imagine que comme chez nous, il y a les bons et les ordures. La preuve, le sien est potable. Je manque m'excuser, ou au moins préciser ma pensée, mais il me contre en glissant sa main dans mes cheveux comme à un gamin trop espiègle. Une main qui prend une tape réflexe pour commencer.

"Moi j't'aime pas."

Simple façon de le contredire. Faut dire ce qui est, on a pratiquement rien en commun lui et moi, point de vue caractère, mais étrangement, on s'accorde. Chacun sait être le regard extérieur de l'autre. Et ça fait du bien d'avoir une personne à qui on peut parler tout en sachant qu'elle se gênera pas pour donner son avis au besoin, sans non plus te coller une tarte dans la gueule à chaque phrase. Non, y a un juste milieu entre nous qui se fait bien.

"On est des vampires j'te rappelle. Avec les sens et l'instinct qui vont avec. Ose me dire que tu n'arrives pas à le sentir quand Elaine a un truc sur le cœur. C'est pas ta fille de sang non plus, cette gosse, mais tu risquerais autant ta peau pour elle que pour son père."

En fait, on a surement ça en commun. Un créateur qui nous a laissé nous démerder totalement par nous-mêmes. Jusqu'à l'an dernier, je n'avais aucune idée de l'identité de Vladimir ou du lien que je pouvais avoir avec lui. S'il ne c'était agi de cette rencontre fugace avec Mina, j'en serai certainement toujours au point où il en est.

"T'étais à Chicago en 84 toi? Si le monde est pas petit. J'ai pas franchement noté les dates exactes, mais j'ai trainé dans le coin à l'époque. Très rapidement. J'avais fait trop de vagues en Europe, mais en même temps, j'étais pas aussi prêt que j'le pensais à traverser l'Atlantique. Quelques semaines tout au plus."

Je me relève de ma chaise pour rejoindre la fenêtre, jetant un regard dans la rue en contrebas, où les phares des voitures éclairent suffisamment la voirie pour ne pas justifier la présence des lampadaires.

"T'aurais vraiment pas aimé me rencontrer à l'époque, crois-moi."

« P’tit con ! »

J’t’en foutrais qu’il m’aime pas le rustre !

Mais finit la rigolade et on redevient plus sérieux.

« Oui, mais je vis avec elle, tu peux pas deviner à distance que ta fille va mal si en plus tu étais en pleins deuil. T’as dû rêver qu’elle soit vivante, te dire que tout ça c’était pas possible et avancer dans ton deuil pour l’accepter. C’est normal le déni, mais jamais tu n’aurais pu deviner que c’était réel ! C’est juste insensé comme situation Silas. S’il y a bien une chose, ne t’en veux pas d’avoir raté ça et avance parce que si elle est redevenue mortelle, t’as tout intérêt à pas réfléchir trop longtemps, il sera pas éternel pour elle. »

C’est cru, mais c’est ce que je me dis tous les jours de ma vie avec ceux qui ne sont pas de ma condition. Je vis en me disant qu’ils vont mourir. C’est peut-être triste dit comme cela, mais c’est ma carotte pour ne pas faire la gueule, vivre pleinement et en profiter autant que possible.

« Et je pense pas que ça ait à voir avec le fait d’être vampire, plutôt au fait qu’on ait été humain même. »

Je relève un regard vers lui lorsqu’il me parle de mon géniteur vampire qui a manqué à l’appel.

« 12 jours avant mon anniversaire, j’ai pas passé la barre des vingt-huit et j’ai fini dans la caniveau pas loin d’ici … je pense d’ailleurs que c’est pour ça que je n’aime pas le quartier honnêtement. Je suis arrivé à New York et j’ai rejoint Chicago au début du mois d’avril, les cerisiers étaient en fleur dans les parcs, mais la nuit était encore froide. C’était joli et c’est la dernière chose dont je me souviens de jour avant de finir en casse-croûte par un con sanguinaire. Je me souviens surtout qu’il s’est avancé vers moi et que je lui ai fait face et après, le trou noir. »

Sans parler du réveil, de la lumière qui m’a brûlé le bras avant que je ne comprenne que je devais me cacher si je voulais vivre. De la peur, la faim, la colère … c’était pas joli à voir non plus. J’ai bien dû faire un carnage la nuit suivante après 24h à me retenir. Mon premier carnage, pas le dernier malheureusement.

Je l'entends plus que je ne l'écoute, même si je dois admettre (et je ne l'admettrais pas de vive voix) qu'il n'a pas tout à fait tort concernant le nombre de fois dont j'ai rêvé de ces retrouvailles, même si mon incapacité à dormir véritablement a du m'aider à ne pas ne rêver aussi souvent que je l'aurai voulu. Mais se bercer d'illusion, oui, ça a du m'arriver quelques fois. Mon regard se tourne rapidement vers lui lorsqu'il parle d'une autre donnée à laquelle je n'avais pas pensé. La mortalité apparente de Gwen. J'avoue ne pas penser être prêt à envisager la perdre à nouveau alors que je l'ai (je l'espère du moins) tout juste retrouvée.

"Tu sais quoi?"

Oui, je prends à la volée le nouveau sujet de discussion qui s'offre à moi. Autant ne pas cracher sur ce qui se présente. Je traverse donc la pièce pour aller fouiner dans un placard qui fut un jour bien rangé (surement le jour où Dante s'est proposé de mettre de l'ordre d'ailleurs), pour en sortir un dossier plus épais que ce que mes mains peuvent s'écarter pour le tenir,  avant de le poser sur mon bureau sans y faire plus de place au préalable. Non mais je m'y retrouverai, ne vous en faites pas là dessus.

"Appelles ça du meurtre de temps libre si ça te chantes, mais j'ai réuni pas mal d'articles de journaux et autres constats de police sur les attaques de vampires en ville au cours du dernier siècle. Histoire d'avoir un aperçu des ennuis à venir ou pas. Si j'ai bonne mémoire, hormis mon propre sale boulot, j'ai pas trouvé grand chose en 24, mais si tu veux jeter un œil, fais toi plaisir."

Sachant à peu près à quel niveau du dossier il va falloir regarder, je l'ouvre à peu près à trois centimètres du début, fouinant ensuite dans les pages volantes jusqu'à trouver les premiers éléments de cette année là. Comme je l'avais dit, y en a pas mal qui me concernent. Cela fait, je m'écarte pour m'installer dans un fauteuil que je réserve plus généralement à mes clients qu'à moi-même, lui laissant tout loisir de fouiner à sa guise. C'pas comme si il allait y mettre le bazar de toute manière.

Je pense que pour tout vampire dans notre situation, c’est d’aimer des mortels le plus dur. Comment se construire, reconstruire alors qu’on sait leur vie éphémère. Je ne doute pas avoir été un poil cru en abordant ce sujet et en même temps, je n’ai pas envie que Silas ruine de trop et se rende compte trop tard que sa fille a déjà pris plusieurs années loin de lui. Il est grand temps qu’il retrouve sa place de père à ses côtés.

Je sens bien également que cela l’arrange de changer de sujet. Je n’insiste pas, on en reparlera quand le cœur lui dira.

« En 84 tu veux dire … bon pourquoi pas. »

Je jette un coup d’œil au dossier en supposant que Silas devait avoir une finalité à effectuer un travail aussi titanesque. Je peux dire que je suis impressionné et surpris également qu’il ne m’en ait pas plus parlé que cela avant ce jour.

Je regarde ses notes une à une, chaque coupure de journal avec la plus grande attention. Forcément, je reconnais quelques une de mes victimes et notamment quelques-uns de mes carnages suite à mon insistance pour ne pas me nourrir. Tant que je tombe sur ça, je sais que c’était après ma transformation, je me rapproche donc de la date qui m’est restée en tête. J’ai l’impression que je n’ai pas été le plus actif ni le plus terrible finalement, cela me fait grandement relativiser même si je sais que certains de mes pétages de plombs a couté la vie à bien des innocents et que cette culpabilité-là ne partira jamais. Forcément, puisque je me suis relevé, le cadavre était absent, mais il n’y a aucun doute, c’est bien l’endroit, une altercation suivie d’un meurtre et disparition du corps. Je soupire et pointe du doigts la page en question.

« Voilà, t’as bien l’article de ma mort … »

A l’article de la mort, l’article de ma mort … j’espère juste que Silas ne jugera pas l’humour, le pauvre doit se taper la tête avec moi des fois. Toutefois, quand je tourne la tête vers lui, ce n’est pas vraiment de la pitié sur son faciès que je peux lire. Plutôt de la surprise et sans doute beaucoup de … difficile à définir venant de lui, il a trop souvent cette air sérieux et d’intense réflexion.

« Ça va ? On dirait que tu as vu un fantôme ? »

Non, mais là il va finir par m’inquiéter et je le laisse cogiter trois secondes avant qu’il ne finisse par me répondre.

Est-ce qu'il est possible pour un vampire d'être encore plus livide qu'il ne l'est en temps normal? J'ai pas de miroir pour me regarder en face, mais je pense que s'il restait une once de sang dans mes joues, elle a fichu le camp en cinquième vitesse. Parce qu'alors que Dante tourne les pages, je repère sans avoir à lire mes annotations quels crimes sont de mon fait, et si je parviens aujourd'hui bien davantage à choisir mes proies, ce qui aide la culpabilité à ne pas trop s'installer quand elle essaye de le faire, dans mes premières années, c'était pas la joie. Et en quelques semaines seulement à Chicago, j'ai fait écrire mon compte d'articles sur une "mystérieuse bête sauvage qui s'attaque à la population de nuit". Les bêtes sauvages ont le bon dos. Mais faut admettre que quand on pète un plomb, c'est ce qu'on est, ni plus ni moins.

Cela dit, je trouve qu'il reste bien trop longtemps fixé sur une page en particulier, et quand il me dit que c'est celle ci, précisément, qui le concerne, je ne peux que garder le regard sur la photo de cette scène de crime sans corps, évitant absolument de croiser le sien, de regard. Pour une raison très simple.
J'ouvre la bouche, tentant de reprendre une respiration qui ne risque pas de venir, quand il me demande si j'aurai pas vu un fantôme. Précisément. Je finis par me recomposer un minimum avant de relever le regard vers lui, braquant mes yeux dans les siens comme je n'ai jamais du le faire auparavant.

"C'était moi. Le "con sanguinaire" qui t'as fait ça."

Et le pire, c'est que c'est bien vague pour moi. Si j'ai appris à déconnecter quand je chasse, laissant mon instinct prendre le dessus en ne lui laissant la bride au cou que pour le choix du repas, au début, je déconnectais totalement. Sans doute que j'étais un peu comme lui il y a peu. Refusant tellement ce que j'étais devenu que je préférais nier l'évidence et faire comme si il ne s'était rien passé alors que le sang d'un ou plusieurs humains souvent innocents coulait encore au coin de mes lèvres.
Je tente une nouvelle respiration avant de fuir son regard à nouveau, le reportant sur le dossier posé sur le bureau.

"J'ai commencé ça il y a une dizaine d'années. Quand je suis revenu ici. Je voulais savoir à quel point j'avais déraillé ici. Et de fil en aiguille, j'ai trouvé tellement d'autres affaires dans lesquelles je savais ne pas être mêlé que j'ai tout compilé. Sans doute que j'espérais que ça soit utile un jour. J'aurai pas pensé que ça serait utile dans ce sens là."

Si je me suis demandé pourquoi on n'avait jamais retrouvé le corps? Pas vraiment. Dmitri les enterre dans des tombes déjà creusées (et on se demandera un jour pourquoi le cimetière le plus proche a le double de pensionnaires que ce qu'il devrait avoir), d'autres les abandonnent aux coyotes, et si c'est franchement pas ma méthode, allez savoir, j'aurai pu innover ce soir là. Comme je l'ai déjà dit, c'est pas clair du tout, allié au fait que ça remonte à 40 ans et que c'était pas franchement mon premier ou mon dernier meurtre. Cela dit, j'ai l'explication maintenant. Une explication dont je ne suis pas certain qu'il apprécie la nouvelle.

"J'te jures que j'en savais rien."

J’éclate de rire. Forcément, il se paye ma tronche, c’est juste pas possible autrement. Mais en fait non … Je déchante rapidement lorsqu’il enchaîne. Silas m’explique le pourquoi du comment il en est arrivé à constituer un tel recueil et je crois que je me masse d’un doigt entre les sourcils alors que gentiment, l’idée fait son petit bonhomme de chemin. Il faut se rendre compte que Silas est autant le vampire qui m’a aidé à être le vampire que je suis aujourd’hui autant qu’il est le même qui a semé des embûches sur mon parcours en m’abandonnant. Ça doit faire dix ans qu’on collabore ou quinze je sais plus, mais avant ça, j’ai galéré. J’ai fui ma condition, j’ai voulu mourir. Je ne suis pas du genre à me mettre en colère, plutôt boule dans la gorge et j’ai honnêtement une sensation de larmes qui s’agglutinent au coin de mes yeux alors que vraisemblablement cela devrait être impossible.

« Non, je m’en doute. »

Je sais honnêtement pas quoi dire. Dans l’immédiat, je serais presque plus partant à m’enfuir, c’est un peu malheureusement mon côté lâche qui prend le dessus dans ce genre de cas. J’imagine parfaitement que c’était une erreur de parcours et je me suis jamais senti plus que tel et c’est bien pour cela que ça me fait aussi mal que je sois celle de mon ami.

Toutefois, je reste. Planté sur le bureau de mon collègue sans oser trop regarder autour de moi, de peur de croiser son visage.

« C’est pas grave. »

Le ton n’y est pas encore, mais je le pense vraiment. De toute manière, on y changera rien et je sais bien que Silas va pas me faire chier plus que ça si je donne l’impression de me renfermer. Des fois, j’aimerais quand même être de ceux qui tape du poing sur la table ou lui mettre un coup dans le bide pour me venger et passer à autre chose. Je ne peux pas, ça va aller, lentement.

Je soupire.

De toute façon, avec ce qu’il vit en ce moment, il a pas besoin que je l’emmerde avec mes états d’âme. Je finis donc par relever les yeux vers lui et lui adresser un sourire à moitié sincère, moitié forcé.

« Franchement, ça va aller … et pense plutôt à ta fille, elle doit avoir besoin de son père. »

Ouais, j’essaye un peu de le faire partir, certes, pour une bonne raison et aussi pour me laisser le temps de décanter l’information. Après, je n’ai pas envie non plus que notre relation se ternisse à cause de ça. Et sans lui, après tout, je n’aurais jamais eu l’occasion d’avoir une seconde chance en amour et d’y croire dur comme fer. Il faudrait d’ailleurs que je lui en parle un jour également que je vais avoir besoin de lui le jour où je transforme Nath ! Je me relève et regarde par la fenêtre.

« A la base, j’étais venu pour te dire que j’en pouvais plus de ce bureau et que j’avais envie qu’on déménage … Tu me dis si tu as besoin que je vienne avec toi pour ta fille ? »

Je préfère laisser la porte ouverte. Qu’il sache que je l’abandonne pas non plus pour une bête histoire d’il y a 40 ans qui a mal tourné.

Sérieusement, ce n'est pas un sujet sur lequel je m'amuserais à blaguer. Il n'y a rien de drôle là dedans, pas après que nous ayons passé plus d'une discussion à nous plaindre de ces vampires qui abandonnent des restes de repas dans un coin sans se préoccuper des tueurs qu'ils lâchent dans la nature derrière. On a eu trop d'affaires du genre pour en rire. Et d'ailleurs, je pense qu'il le réalise au milieu de son rire, vu que durant un instant, j'ignore s'il va me frapper ou se barrer en courant. J'avoue préférer la première option, et pas parce que je le mérite, ça on le sait l'un comme l'autre. Mais parce que c'est plus simple d'affronter quelqu'un qui vient vers vous que quelqu'un qui vous fuit.

Je lâche un ricanement quand il finit par me répondre que ce n'est pas grave, glissant mes mains dans mes poches à défaut de savoir où les mettre.

"Si, ça l'est."

Mais je comprend en même temps qu'il n'a pas envie d'en parler tout de suite, alors je lui éviterai le fameux "tu veux en parler?" qui suis trop souvent ce genre de nouvelle. Je me contente d'acquiescer quand il me dit de penser plutôt à Gwen qu'à lui, mais je sais qu'il me connait assez bien pour savoir que je vais ruminer ça jusqu'à ce que l'abcès soit crevé, quoique je trouve à faire à coté... quitte à ce que ce soit de crever un autre abcès. Non y a pas à dire, petite semaine tranquille comme on les aime quoi...

"Déménager. Oui, pas mauvaise idée je dois dire." D'accord, j'ai pas franchement la tête à ça, et je crois qu'il m'aurait proposé d'aller faire un tour sur la plage en plein soleil que j'aurai pas davantage tilté. "Quant à Gwen, j'en sais rien. J'refuse pas, mais j'ai pas la moindre idée de ce qui sera le mieux à faire alors... j'te garde en back-up?"

Je reste un moment indécis avant de me rapprocher de lui pour passer un bras sur ses épaules et l'attirer vers moi. J'suis pas du genre tactile, il le sait bien, mais là j'en ai besoin. Même si je lui laisse toute possibilité de se défiler s'il le souhaite. J'vais être honnête, je sais pas qui là-haut a décidé qu'on s'entendrait aussi bien, et je sais pas si les choses auraient été différentes s'il avait croisé la route d'un autre vampire y a 40ans de ça, mais une chose est sure, j'espère que ça ne changera rien à notre amitié. Parce que oui, si des amis j'en ai pas des mas, je le considère totalement comme l'un d'entre eux. Celui dans lequel je place le plus ma confiance sans doute.

Je confirme, il est pas chiant. ET puis, on l’a souvent eu cette discussion sur les vampires qui laissent des cadavres derrière eux, ou des cas comme moi. Je sais qu’on a autant le même avis, qu’on sait l’un comme l’autre qu’on en a laissé sans doute derrière nous lors de nos moments de perte de contrôle. Je le crois du fond du cœur que ça le touche là maintenant.

Je sais qu’on reprendra une autre fois cette idée de déménagement. Rien ne presse et je sens bien à son intonation que l’envie d’en parler n’y est pas, ce qui est autant le cas pour moi.

Je préfère de loin qu’on pense à ce qui me semble le plus important et qu’est ce qui pourrait être plus important que sa fille, sa famille ? ON accourrerait autant l’un et l’autre si quelqu’un qu’on aime avait besoin de nous, j’imagine juste qu’il est très confus concernant son réel retour et que c’est cela qui l’empêche d’aller la voir.

Pas de chance, s’il est pas fan, moi je suis hyper tactile. Alors quand il ouvre la porte au câlins, je lui en retourne un. Un soupire qui accompagne, soulager quand même de voir qu’il n’a pas peur de revenir vers moi. J’espère qu’il le sait que c’est pas moi qui le repousserai de toute manière.

« Si ça fait d’toi mon père, j’te préviens, j’suis un sale gosse … »

Oui, parce que Dante qui ne fait pas une pointe d’humour pourrie en toute circonstance, ce n’est pas Dante, alors par respect pour moi-même, je n’avais pas d’autre choix. Je le laisse respirer – façon de parler, bien sûr – et je lui adresse un sourire plus sincère cette fois-ci.

« Au moins j’ai eu la chance de retomber sur toi à un moment où on a pu devenir réellement ami. »

Et ça, ça n’a pas de prix. Que voulez-vous, je suis une licorne. Je crois en le pouvoir de l’amitié, que les arc-en-ciel sont magiques et que l’amour peut surmonter toutes les épreuves ! C’est à cause de Nath ça ! J’étais un peu plus pessimiste avant … genre un bisounours gothique … ça existe ?

Un nouveau soupire franchit mes lèvres.

« Et bien garde-moi en back-up, mais hésite pas … Je t’avoue que j’ai croisé son chemin, je n’étais pas légitime de dire quoi que ce soit. Mais elle avait l’air honnête et tu sais que je peux lire le cœur des gens. »

Oui, enfin, je suis aussi maître pour les manipuler plutôt, mais c’est pas vraiment ma tasse de thé paradoxalement.

Fallait bien qu'il sorte une connerie, et d'un coté tant mieux, elle tombe à pic, parce que j'étais incapable de me décider à savoir si fallait vraiment qu'on reste comme ça pendant deux heures ou si j'pouvais le relâcher. Résultat du compte, il prend une frappe bien sentie histoire de l'écarter un peu plus de moi.

"Du coup t'es gentil, garde tes distances avant qu'on m'accuse d'inceste."

Un problème de gosse qui se résoudrait presque trop facilement? Je prends. Non parce que là, pour finir la journée, manque plus que Tom se fasse plaquer ou que Adé se fasse virer de son boulot, ou plaquer elle aussi. Dans l'idée où elle a quelqu'un en ce moment. J'avoue très sincèrement avoir l'impression de perdre le lien qu'on avait elle et moi depuis que je lui ai avoué la vérité sur mon compte. Ou est-ce que, inconsciemment, je m'éloigne pour la protéger? Aucune idée.

"A croire qu'on était faits pour marcher ensemble, au final. Mais crois pas que ça diminue la culpabilité."

Je fronce les sourcils quand il me dit qu'il a eu l'occasion de croiser Gwen avant moi, avant de réaliser que si elle s'est pointée ici pour me voir, c'est à peu près logique qu'elle soit tombée sur lui. Et je le remercie d'un signe de tête de me confirmer qu'il ne ressent rien de suspect face à elle. Parce que oui, je crois plus son instinct que le mien. Hormis quand il décide de devenir vegan, bien sur. Je pose une main sur son bras en guise de salut avant de quitter la pièce, acceptant l'idée qu'il va me falloir avoir une bonne discussion, aussi bien avec Gwen qu'avec Adé et Tomas. Cela étant, on risque de me dire que Dante m'a contaminé, mais j'en ai une dernière pour la route avant de partir, qui me fait repasser le visage par la porte restée ouverte pour regarder dans sa direction.

"Au fait, si tu transformes Nathan, la question de l'inceste risque de se poser aussi non?"

D'accord, cette fois-ci je pars pour de vrai avant qu'il ne se décide à m'envoyer mon dossier dans la face. Ce qui pourrait bien arriver malgré son penchant pour la non-violence si je vais trop loin sur le sujet de son sorcier.

On rigole, on rigole, mais c’est quand même ça qui fait notre force aussi. Je pense pas qu’on puisse vraiment se disputer. Ça n’a jamais été le cas et je ne vois pas si même ça n’a pas réussi à nous diviser, ce qui le pourrait. Si, y’a bien son humour pourri qui commence à me faire penser sérieusement au mien et merci pour le p’tit message sur l’inceste ! Sale perv’ va !

D’un autre côté, j’entends aussi qu’il culpabilise et j’espère bien que c’est le cas. C’est ce qui fait qu’on sera toujours humain au fond de nous aussi. On ne sait pas agir de manière animal, la civilité est au rendez-vous … c’est aussi notre croix à porter et j’en sais quelque chose puisque cette culpabilité m’a fait vriller plus d’une fois.

Mon collègue se décide enfin à choisir entre rester le nez dans le boulot ou aller affronter sa fille, non sans en rajouter une avec cette histoire d’inceste. Il ne m’en faut pas plus pour froisser une feuille en deux secondes et la lui jeter dans sa direction avant qu’il ne s’en aille. Tant pis si ça appartient à un de ses dossiers, mais je n’avais pas de brique sous la main.

« T’es dégueulasse ! »

J’en ris. De toute façon, je n’accorde aucune croyance à ce côté lignée. Qui est le père de qui en tant que vampire. C’est rien de plus ni moins qu’une transfusion à double sens, faut pas déconner, y’a pas non plus un lien de parenté qui se crée. C’est ce qu’on vit au quotidien qui fait notre lien et je ne dis pas ça uniquement pour pas me sentir incestueux si je transforme Nath … bon aussi un peu, mais pas que, j’y crois aussi.

Trop soucieux du bon ordre, je ramasse la feuille froissée de son dossier et la déplie pour la repositionné sur son bureau, comme si de rien n’était. D’ailleurs, je ne dirais rien, mais c’est une catastrophe quand je regarde dans quel état il laisse son bureau. Je n’arrive pas à comprendre comment il arrive à s’y retrouver lorsqu’il revient y mettre son nez. Je soupire et tente vaguement de regrouper les dossiers entre eux avant de me dire que j’ai la flemme cette fois-ci et que je n’ai qu’une envie, c’est de rentrer retrouver mon sorcier préféré. Voilà que depuis hier il a commencé une vilaine grippe et je ne dirais pas non à être à ses côtés. Toutefois, je passe à mon propre bureau presque déjà trop clean pour finir de tout organiser avant de partir. Voilà ! Tous les crayons, dans le pot à crayons, les dossiers rangés, empilés, par ordre de priorité et ma chaise remise parfaitement dans l’axe du bureau. Un sourire sur le visage, je retourne à l’appartement d’un pas léger. Quelque part, cette révélation a enlevé un poids. Je suis plutôt content d’être le repas abandonné de Silas plutôt que d’un autre … genre Sylvana … Brrr ! Horrible.