Tout travail mérite salaire … donc arrête de lambiner ! - ft Silas & Dante

On ne parle pas des choses qui fâchent, ou qui ont fâché. Aujourd’hui, enfin, cette nuit, c’est mon collègue que j’affronte. C’est pas que je m’ennuie à la maison, mais même Nath commence à trouver que si je range plus, je vais finir faire ressembler notre appart à une chambre d’hôpital. On a eu tous les deux notre discussion sur ma connerie, c’est donc au tour de Silas d’avoir le plaisir de me pourrir. Chacun leur tour, je le vivrai mieux. Avec Silas au moins, je risque moins mon cul qu’avec le brun qui commence gentiment à en avoir marre de mes écarts. Je gère mal la colère, très mal et ce tueur a réussi à me faire imploser comme jamais je n’aurais cru possible. Il savait que je le cherchais et de sentir que chacun de ces derniers meurtres était mis en scène pour moi m’a mis hors de moi. Je suis bien entendu d’un naturel calme, heureusement pour moi, je n’ai donc pas à gérer souvent un débordement émotionnel incontrôlable de ce genre. La dernière fois, j’étais avec Silas, on avait une grosse affaire et j’ai fait un carnage le plus littéralement du monde, tuant plusieurs des femmes que nous devions sauver. Cette fois-ci, j’ai voulu éviter d’impliquer mon collègue et c’était pas mieux. Le juste milieu est incroyablement dur à évaluer et je suis persuadé qu’il me faudra au moins une ou deux autres décennies avant de trouver un équilibre.

Je me masse le front et gravis d’un pas lent les escaliers qui mènent vers notre office. Après un échange par texto, le vampire m’a assuré qu’il sera là ce soir. Je suis encore bien entamé et le but c’est surtout de faire un point avec lui de ce que je peux continuer à faire sans que ça soit trop physique. Mes côtes se consolident, ma chair est encore à vif à certains endroits et l’empreinte des mains de mon assaillant me brûlent encore vivement, comme s’il y apposait encore sa marque. Je pénètre les lieux et avance jusqu’au bureau de mon collègue. Pas le temps de frapper à la porte qu’il m’ouvre grand. Je tente un sourire, mais les cicatrices de mon faciès m’endolorissent et j’abandonne l’idée de paraître crédible et d’aplomb.

« Salut ! »

J’peux toujours essayer de donner le change, mais ma mine de déterré me trahi à quinze kilomètres. Je douille et c’est pas vraiment l’image que j’aime donner de moi. Mais faut que je m’occupe, quand ma tête tourne trop, c’est pire et je me cloître dans un mutisme maladif, ressassant mes erreurs. J’ai réussi à aller jusqu’à ma vie en Yougoslavie, mon couple, mes premiers flirts avec Luka et c’est vraiment horrible pour Nath de m’avoir à cogiter en nettoyant frénétiquement chaque recoin de la maison. C’est presque avec un coup de pied au cul qu’il m’a envoyé chercher de quoi bosser : des factures, des dossiers à classer, mon ordi portable pour répondre au mail, … ce genre de choses. Calme, mais nécessaire à ma santé mentale. Il m’invite dans son bureau et devant l’absence de client, nous nous permettons de laisser une porte ouverte. Machinalement, je sors mon paquet de cigarettes de ma poche interne de mon veston et en sors une.

« Ça te dérange pas si je m’en grille une ? »

Pas mal pour un type qui a une tête de crème brûlée, non ?

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Soyons clairs, je ne compte ni me mettre entre Dante et Nathan, ni tenir la chandelle pour eux, et encore moins me préoccuper de leurs affaires, et pourtant, c'est systématique, c'est vers moi que se tourne le sorcier quand le vampire va de travers. D'accord, si on l'excepte, je dois être celui avec qui Dante passe le plus d'heures dans une journée, mais quand même, j'ai pas que ça à faire de ma journée... Enfin, ça n'empêche que leurs SMS se succèdent et bientôt je dois faire attention auquel je réponds. D'accord, je finis par dire merde à l'un et dire à l'autre que je suis dispo s'il a besoin. Je vous laisse deviner qui est qui.

Moins discret qu'à l'accoutumée, j'entends Dante monter l'escalier, et je quitte mon fauteuil pour lui ouvrir la porte à l'instant où il s'apprête à y frapper.

"Salut."

Je sais pas si c'est moi ou lui qu'il tente de convaincre avec son air enjoué, mais ça ne prend clairement pas. Disons qu'il n'a pas la tête qui va avec la mayonnaise qu'il essaye de me faire gober. Je l'invite à s'installer d'un geste avant de retourner m'asseoir à mon tour, un instant sceptique à l'idée de le voir allumer une cigarette. Parce que je sais que c'est pas dans ses habitudes, donc c'est que ça va moins bien qu'il essaye de le faire croire. Et puis faut dire que j'ai réussi à éviter ce vice à ma sœur et mes enfants, c'est pas pour l'accepter sans un regard critique chez mon ami. Enfin, c'pas comme si il risquait un cancer avec cette saloperie.

"Je respire pas, et tu ne crains pas les cancers. Alors fais toi plaisir. Même si je désapprouve, sache le." Je laisse ma préoccupation à son égard s'afficher sur mes traits, même si je suppose qu'avec Nathan pour nourrice, il n'a pas envie d'en rajouter. "Comment ça va toi? Et me répond pas "bien", ça marche peut-être avec ton homme mais pas avec moi."

Je porte deux doigts à son menton pour lui tourner la tête sans lui demander son avis, pour avoir une meilleure vue sur l'étendue des dégâts.

"Beau boulot. Mais j'imagine que t'as eu assez de sermons pour pas que j'en rajoute. Cela dit, t'as été stupide. On est une équipe toi et moi, alors quand il s'agit d'attaquer un démon, c'est ensemble. Même s'il joue la provoc avec toi. Compris?"

Oui, je crois qu'il a compris, et si jamais, il a été assez puni comme ça, y a qu'à voir sa tête pour en juger.

"Bon, du coup, on oublie la planque photo, t'es repérable comme pas deux.  J'crois qu'il te reste plus que la machine à café. Avec un peu de chances tu vas assez faire fuir la clientèle pour qu'on s'accorde quelques nuits de repos."

Je hausse les épaules. Je m’en doutais qu’il désapprouverait et malheureusement, je suis de plus en plus tenté facilement pour m’en allumer une dès que j’ai besoin de réfléchir. La nicotine n’a aucun effet, c’est vraiment le geste et de simuler une respiration qui m’apporte satisfaction.

« Ça me détend … »

C’est pas une excuse, c’est plutôt le bénéfice que j’arrive à extirper de cette mauvaise habitude qui me désinvolte lorsque c’est mon mec qui s’en grille une. Pas de chance pour lui, j’ai depuis belles lurettes passé le risque d’en mourir alors que lui s’enterre un peu plus à chacune d’elle. S’il se doute que je ne vais pas bien, je ne compte pas démentir. Physiquement, j’ai été bien mieux, je n’ai jamais été aussi lent à guérir et moralement, c’est mauvais pour moi de tourner à la maison et pour mon couple même.

« Ben mal du coup. »

J’me marre rapidement avant de me faire rappeler à l’ordre par la douleur. C’est vraiment qu’un sale démon qui puisse m’infliger ça. Un humain n’aurait jamais laissé de traces pareilles.

« J’ai merdé, j’suis cramé comme une crêpe resté trop longtemps sur la crêpière et j’me suis fait avoir comme un bleu. »

Je tique et grimace encore une fois en sentant ses doigts sur ma chair à vif. Docile, je le laisse se faire son avis sur la question, mais je connais déjà la réponse puisque son air sévère est des plus explicite. Et il ne voit que mon faciès … les marques de ses mains sont les plus douloureuses et impressionnantes. Même Nath qui n’est pas chochotte pour deux sous a eu un haut le cœur en les voyant quelques temps après, devenir purulentes et suinter tout ce qui est possible et inimaginable. Heureusement pour moi, je comatais bien assez à cette période pour pas en avoir trop de souvenirs.

« Oui, bah oui. Nath m’en veut assez pour dix, mais j’avais besoin de me défouler. »

Ça aussi ce n’est pas une excuse. Je voudrais juste lui faire comprendre pourquoi j’ai été aussi con. Je n’arrive pas à décrire la sensation jouissive que c’était de n’avoir que faire de mon corps, de mon environnement. Je me suis juste battu, donné corps et âmes pour le détruire et je pense que cela va devenir récurrent. Ce défouloir qui me permet d’être inhumain. Ce démon était quelque part un essai qui a porté ses fruits. Depuis mon combat, certes épuisant, je me sens bien plus serein et je sais que cela me tiendra un temps avant de me relancer dans une connerie de ce niveau. Je devais garder enfoui la frustration de mon pétage de câble de notre affaire qui a couté la vie à des innocentes, je me suis stoppé au milieu de ma pulsion et ne l’ai pas assouvi. Je lui donne un coup amical dans l’épaule en signe de protestation.

« Rêve, je te ferais pas ton café ! »

Je lui adresse également un sourire timide, comprenant bien que Silas est fidèle à lui-même et me passe l’éponge sur mon écart de conduite. Le problème, c’est que j’accepte enfin de laisser aller le monstre n moi et je n’imagine pas de meilleures occasions pour le faire que lorsque j’affronte une créature assez tenace pour me permettre d’être mon exutoire.

« Si tu veux je fais le guet à la porte et oui, j’pense qu’on les fait tous fuir. Sinon, j’allais te proposer de déjà ramener un max de paperasses et de gérer toutes les factures et nos mails clients en attendant … Je sais que j’suis pas encore assez frais pour un retour au terrain, même si c’est un truc tranquille, la douleur est tenace. »

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Je serai sincèrement curieux de savoir ce qui fait qu'il se sente le besoin de se défouler au point d'aller se faire massacrer par un démon, mais je sens que la réponse est si complexe qu'il n'en a pas lui-même la moindre idée, hormis le fait que se nourrir de poches de sang et d'humains archi consentants tranquillement installés sur une chaise à attendre de se faire pomper un ou deux litres de sang, forcément, ça créé une frustration dont il n'a pas idée. Enfin, il connait mon avis sur la question, et si l'intervention de Sylvana était totalement surdosée, je ne suis pas totalement opposé à l'idée. Mais c'est pas le sujet.

"Au moins tu t'en rends compte. Que tu t'es merdé en beauté. C'pas donné à tout le monde."

L'idée c'est de pas remettre le couvert, et ça j'ai l'impression que c'est mal planté dans son crâne. Sitôt qu'il va s'en être remis, il est capable de remettre ça, et rien que pour ça, je me dit que j'espère qu'il va mettre son temps à cicatriser. Je le regarde s'installer près de la fenêtre pour s'allumer une cigarette, et je m'installe sur mon bureau pour lui faire face.

"Tu me fais penser à mon fils. Le nombre de fois où j'ai du lui dire de ne pas monter tout seul sur une chaise parce qu'il allait se faire mal. A fallu qu'il se torde la cheville en tombant et s'offre un mois de béquilles pour accepter que j'disais pas ça rien que pour l'ennuyer. Le problème, c'est que toi, j'suis pas sur que tu comprennes la leçon. J'suis pas ton père, et j'vais pas te materner parce que t'as mon venin dans les veines, mais j'suis ton ami, et je m'inquiètes pour toi. Qu'est-ce qui me dit que tu vas pas refaire la même le jour où tu retourneras sur le terrain?"

Non, je ne comptais pas lui faire de leçon, mais en même temps, je n'arrive pas à penser mon inquiétude illégitime. C'est mon ami, mon coéquipier, et en tant qu'ancien flic, il est bien placé pour savoir que les coéquipiers veillent les uns sur les autres. Rajoutez que les personnes à qui je tiens tiennent sur les doigts d'une main, et on peut dire qu'il est mal tombé pour glisser ça dans un tiroir sans qu'on en reparle.

"Parlant d'enfants. J'ai revu ma fille. Gwen. Merci de l'avoir conduite jusqu'à moi. Même si je suis pommé au possible en ce qui la concerne. Enfin, si y avait que ça qui me pommait, ça sonnerait presque simple."

Je me relève de mon bureau pour rassembler un paquet de dossiers sur lesquels je ne bosse pas actuellement (c'est à dire, pas dans l'heure qui précède ni dans celle qui soit), accédant à sa requête en allant les poser sur la table qui lui sert à l'occasion de bureau quand on se sent l'idée de partager la même pièce pour bosser. Ouais, nan, j'ai pas envie de le refourguer dans son cagibi et basta pour la soirée. Il a raison sur un point, c'est plus agréable de pas avoir besoin de se téléphoner pour se parler, en exagérant à peine.

"Les gosses." Oui je répond à la question qui lui brûle les lèvres. "Entre Tom qui devient un homme, Gwen qui est devenue cette magnifique jeune femme que je reconnais à peine, Adé qui n'a pas fini de me faire remarquer que je porte mes 70 ans mieux qu'elle ne porte ses 37... et toi qui me rend chèvre. Ouais, j'aurai du adopter une portée de chatons."

Bien sur que je le charrie, et même que je l'inclus volontairement dans le compte de mes galères du moment. En attendant, je fronce les sourcils devant la hauteur de la pile de papiers que je lui ai laissé, décidant d'en rajouter un peu plus, histoire de l'occuper une bonne partie de la nuit. Pour ma part, j'ai un dossier généalogique à finir, c'est un peu plus intéressant que les dossiers photos des couples adultérins. Même si ça a tendance à m'obliger à me mettre en contact avec des confrères d'autres Etats, qui ont accès à des renseignements que je ne peux pas avoir depuis l'Illinois. Les Américains et l'art de faire compliqué quand on peut faire simple... les Européens ont fait la même? Je suis Anglais je rappelle, nous on a su rester assez en dehors des clous pour se tirer de la team quand on voulait, et on l'a fait. J'dis ça, j'dis rien.

Tout est relatif. Je sais que du point de vue de Nath et Silas, j’ai merdé. De mon point de vue, la nuance est moins évidente. J’en avais besoin, je sais que ça aurait pu être pire et j’ai évité de commettre l’irréparable sur des innocents, préférant de loin me confronter à plus fort que moi pour déverser toute la férocité, le surplus d’énergie que génère le monstre en moi. Sachant tourner ma langue sept fois dans la bouche, je me garde bien d’en die quoi que ce soit à mon collègue. La discussion n’a pas besoin d’avoir lieu et il sait autant que moi que je remettrai cela si besoin s’en fait, il aura tout à loisir à ce moment-là de me pourrir si Nath ne le fait pas. Un sourire se dessine sur mon faciès lorsqu’il évoque les bêtises adorables de Tomas. Un gamin qui n’en est plus un depuis longtemps et le pauvre homme en face de moi se rend bien compte du temps qui passe alors qu’il évoque ses souvenirs. Il me confirme qu’il sait que je suis con et que je réitèrerais l’exploit. Je prends une grande bouffée de nicotine avant d’expirer la fumée sereinement par la fenêtre.

« Rien, j’en mourrais pas. »

Comme pour beaucoup de choses, je suis solide, côté vampire ou non, j’ai toujours été un battant. Mon sourire ne se déloge pas de mon visage et je sais qu’il en pense pas moins, mais n’enfonce pas le cloue dans la plaie béante que je me suis infligé tout seul. Le vampire rebondit sur le sujet tout autant délicat de sa fille et je m’illumine en entendant la bonne nouvelle.

« Laisse toi le temps, t’es trop exigeant. »

Dixit le mec qui se torture à chaque seconde de sa vie pour les conneries d’il y’a plus de 50 ans.

« Tom est un homme depuis longtemps … Adé, c’est ta petite sœur et moi j’suis ton ami ! Quant à ta fille … va falloir quand même que tu m’expliques. J’ai des trous monumentaux dans cette histoire et si tout ne me concerne pas, y’a quand même une partie qui m’intrigue drôlement et j’pense que tu sais très bien de quoi je parle … »

Mort vivante qui se remet à vieillir et reprend une vie d’humaine … c’est quand même pas banal comme histoire. Je finis de tirer sur ma clope jusqu’à sentir que seul le filtre reste. Je l’écrase sur le bord de la fenêtre et la balance dans la poubelle proche du bureau. Je roule pas en Tesla pour pourrir la nature avec des déchets … Je le regarde faire des allers-retours, prenants très au sérieux le fait de m’occuper durablement à la maison pour m’éviter de reprendre trop vite des risques sur le terrain.

« Tu vas me faire regretter d’être venu à pied avec tout ça … t’es au courant que je compte quand même repasser fréquemment en reprendre ? Et si jamais je te manque trop, t’as le droit de venir à la maison me noyer sous la paperasse directement dans mon lit. »

Je fronce les sourcils, imaginant la scène et Nath à côté, enseveli sous les papiers. Mon pauvre homme qui va devoir me supporter … finalement, Silas a bien raison de m’en donner pléthore, pour que la santé mentale de Nath survive à ma convalescence.

« T’as pu en parler à ta sœur et ton fils de l’arrivée de Gwen ? »

Je triture le haut de la pile pour voir ce qui s’y trouve, avant de reprendre.

« Nath m’a parlé d’un gosse qui est venu le voir … »

Pas que je veuille jeter de l’huile sur le feu, mais ça aussi j’ai pas tout capté.

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Il me confirme ce que je savais déjà, que de toute façon, on pourra dire ce qu'on voudra, si il se ressent le besoin d'y retourner il y retournera. Je suis sincère dans ce que je lui ai dit, c'est pas à moi de lui faire la morale, et j'imagine que dans son inquiétude, Nathan la lui a faite pour le prochain millénaire, mais j'en ai quand même une dernière sous le pied, juste pour la forme.

"La prochaine fois, rappelle moi d'attendre une demi heure de plus pour te récupérer. Juste pour te laisser apprécier un peu plus la compagnie du soleil. J'ai vraiment été trop rapide sur ce coup."

Cela dit, le sorcier m'y aurait peut-être bien laissé, sous le soleil, si j'avais déconné de ce coté là. Bref, sujet épineux sur lequel il s'avance là. Ma fille, j'veux dire. Sans doute parce que la question qu'il me pose, je me la pose moi aussi. Ca risque pas d'aider.

"Sans doute. Je sais pas si c'est moi qui ait toujours été ainsi, ou si c'est l'immortalité qui me fait voir le temps autrement, mais je ne les vois pas vieillir. Ni l'un ni l'autre. Adé avait deux ans quand j'l'lai rencontrée. A peine une dizaine d'années quand on a perdu notre père. Je sais bien que c'est ma sœur, mais j'ai toujours été plus paternel que fraternel avec elle. La différence d'âge peut-être. Et Tom... il serait pas plus mon fils si je l'avais tenu dans mes bras à la naissance, alors non, j'le vois pas plus grandir. Toi, ouais, t'es mon ami, et pour être honnête, très certainement davantage mon frère que Adé. Même si tu es actuellement une sacrée foutue épine dans mon pied!"

Oui bon, il me connait, il sait que le meilleur moyen que je trouve pour me sortir de la nostalgie dans laquelle j'étais une fois encore en train de m'installer, c'est de jouer sur le tableau de cet espèce d'humour noir piquant qu'il reçoit présentement en pleine poire.

"Concernant Gwen, j'en sais pas davantage que toi. Et elle n'a pas l'air d'en savoir davantage que nous. Ces histoires de sorciers, moi, ça me dépasse. Et je suis pas sur de vouloir creuser plus profond, pas si ça doit les ramener sur sa piste. J'veux juste rattraper le temps perdu avec elle."

Bon, j'ai sans doute été un peu généreux sur le nombre de dossiers que je lui laisse, mais au moins, il aura de quoi ne pas se triturer l'esprit sur le reste. J'ose penser que Nathan m'en remerciera, entre nous.

"Le coffre de ma voiture est pas grand mais il est vide. J'te raccompagne si tu veux. Et la réciproque est vraie, t'es en droit de débarquer chez moi si tu le veux. C'pas comme si c'était bondé en ce moment."

Ce qui veut dire? Qu'entre Tom et Adé qui prennent leur envol, j'suis en manque de gosse à paterner moi. Gwen? Je crois qu'on a beaucoup de trous à reboucher, elle et moi, avant qu'on ne retrouve notre complicité d'autrefois, si on a retrouve un jour. Donc en attendant, Dante, méfie toi, j'pourrai te faire manger de la gelée à la petite cuillère!

"Cela dit, je donnerai cher pour voir la tronche de ton mec s'il nous retrouvait à nous "noyer sous la paperasse directement dans ton lit". Mais plus sérieusement, non, j'ai pas encore eu l'occasion de leur en parler. Principalement parce que je sais qu'ils vont avoir cinquante questions dont j'ai pas les réponses."

Et parce que tenir les deux dans l'appart en même temps en ce moment, j'ai abandonné l'idée. Je crois qu'on pourrait sous-louer sans s'en rendre compte, sérieusement.

"Il t'as parlé du fait que je l'aurai bien égorgé aussi? Nathan, j'veux dire. Histoire de lui passer la brillante idée de m'empêcher d'égorger ce gamin. A un moment donné, ça lui arrive de réfléchir à ton sorcier?"

Non mais juste, me semble bien qu'il est père lui aussi. D'une brillante petite sorcière d'ailleurs. Tout ça pour dire que si un parfait inconnu venait me dire qu'il est arrivé quelque chose à Elaine, je commencerai par vérifier ma source, et une fois que j'serai sur de moi, j'irai lui en parler, mais certainement pas avec le dit inconnu et ses explications à la mords moi le nœud dans mes bagages. Au final, il se trouve que ses dires se sont confirmés, mais le gamin aurait pu lui raconter n'importe quoi que ça aurait été pareil. A tuer ce sorcier, à tuer... et sans transformation s'il vous plait, par pitié... non parce que dans le genre idiot, Dante se suffit à lui-même là tout de suite, y a vraiment pas besoin qu'ils soient deux à me filer la migraine, à moins qu'ils ne veuillent que je refile le lot à Dracula et compagnie.

L’introspection, ça me connait. Bien sûr que je le sais que j’ai merdé puisque c’est ma tendance de base que de penser que j’ai foiré. Au moins cette fois-ci, il y a un consensus général entre mon bien aimé et mon meilleur ami.
C’est un fait, je suis un livre ouvert. La moindre expression marque mon visage lorsque je parle avec lui. Pour cause, je ne cherche pas à le manipuler, lui mentir. Alors le 100% moi-même se traduit par une incapacité totale à réprimer mes émotions. Mon confrère sait lorsque je suis en colère, heureux ou même juste blasé rien qu’en jetant un regard à mon faciès. Et malgré le fait qu’il me confirme que je l’ai bien inquiété, emmerdé à partir en quête de sensation forte, qu’il me donne l’insigne honneur d’être comparé à un frère, je virerais presque rose de fierté.

« Honnêtement, le seul que je vois capable de s’y connaître un peu, c’est Maxwell. Il a grandit avec son père et il faisait parti du Coven je crois … ou je dis une connerie ? Non, en fait j’en sais trop rien. Je suis même pas sûr que ce soit le genre de truc dont Nath et lui aient parlé. »

Honnêtement, ces histoires de sorciers me semblent toujours bien compliqué. Cela dit, normalement, avec les clans de vampires, ce n’est guère mieux. C’est juste que Silas et moi ne sommes pas du genre à nous compliquer la vie avec ce genre de frivolité. Je ris alors qu’il pense exactement comme moi, au pauvre Nath assistant à la scène.

« La paperasse en générale c’est déjà pas son truc, alors si je veux définitivement tuer sa libido, j’pense que ça serait le meilleur moyen. »

Je tic. Attrape une cigarette dans son étui et la fait tournoyer entre mes doigts quelques secondes avant de répondre.

« T’es sûr que c’est lui l’irréfléchie ? »

J’vais pas défendre le gosse sans le connaître, mais je défends volontiers l’avis de ma moitié qui était de le protéger. Après, c’est facile pour moi, je n’étais pas là. Je n’ai vu ni le jeune sorcier, ni entendu ce qu’il a dit, mais Nath a un bon instinct, ou en tout cas, c’est ce que je pense de lui. Bon d’accord, j’idéalise sans doute encore une fois mon homme et surtout j’ai tendance à être incroyablement crédule et essayer de voir le bon en chacun. Le p’tit sorcier n’avait pas l’air de savoir mordre et de s’être rendu compte de la dangerosité de son plan. Rencontrer le vampire, le père, et se présenter comme un des tortionnaires de sa fille qu’il pensait perdu. C’est assez original comme premier abord … Il est au moins aussi prudent que moi et mon démon !

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