Je me noie. Je ne saurais le décrire autrement. Je bois ses paroles, elles m’étouffent. Ma tête vrombit et j’ai les tympans qui vrillent totalement. Bien sûr qu’il ne nous fera pas de mal, bien sûr que je l’aime, bien sûr que tata Adé et moi sommes sa famille. Je voulais juste qu’il me dise qu’il est un vampire et qu’il m’a sauvé en pourchassant une autre créature de la nuit comme il le fait actuellement avec son collègue. Mais non.
Ma cage thoracique me semble soudainement trop étroite pour contenir mon cœur et je ne peux que river mon regard sur mes mains tremblantes. Je m’apprêtais à entendre qu’il ne l’a jamais retrouvé et qu’inlassablement, mon père pourchasserait l’homme qui m’a rendu orphelin et qu’il ne se pardonnerait jamais de l’avoir laissé fuir cette nuit-là. Mais non.
La vérité me fait tomber des nues et je ne m’étais pas préparé le moins du monde à cela. Mon corps se met en branle tout seul, je ne contrôle plus rien et j’éclate de rire. Vous avez bien entendu. A gorge déployée, tandis que mes larmes couvrent mon visage et brouillent ma vue. Je me refuse à m’énerver ou rester sidérer. Je ris. Je pleure. Je ne sais plus quoi faire. Quelques tressauts persistent alors que j’enfouis ma tête dans mes bras croisés sur la table. C’est un torrent de larmes qui se déversent et je n’arrive pas à retenir la tempête émotionnelle qui régit mon être. J’ai soudainement chaud, mon palpitant me fait savoir qu’il bat la chamade et je me demande si Silas l’entend lui aussi.
Je n’arrive qu’à me certifier qu’une seule chose, ma pauvre mère aura croisé le démon de trop. Encore un. Peut-être était-elle prédestinée à finir de la sorte. Je reste plusieurs minutes, plusieurs dizaines de minutes ainsi … Le temps passe différemment lorsqu’on s’enfuit dans son imaginaire. La vérité est trop dure et j’essaye tant bien que mal de prendre le recul nécessaire pour affronter son regard. Car oui, il le faudra bien et je pourrais presque sentir son envie de mettre sa main sur mon épaule, m’entourer de ses bras et me réconforter. Me dire que tout va aller. Il l’a fait tant de fois. Les nuits où je me réveille en hurlant, en nage et le regard hébété encore perdu dans mon cauchemar.
Je suis épuisé et je commence à douter de la véracité de ce qu’il vient de se passer. Peut-être me suis-je endormi … Je relève mon visage pour apercevoir l’air contrarié de Silas en face de moi.
Eh merde …
Ma manche efface la majorité de l’humidité présente sur mon faciès sans pour autant rendre un résultat impeccable. Il me faudrait une douche, des mouchoirs ou au moins une seconde manche. Ça tombe bien, j’ai ça sous la main. Pas parfait, mais ça me laisse le temps d’émerger et de reprendre le souffle qui me manquait tant. Je pose mes deux mains à plat devant moi sur la table et fixe un point imaginaire entre elles pour me donner un peu de contenance. C’est trop tôt pour croiser ses yeux …
« Merci »Ma voix rauque trahit encore les sanglots qui m’ont échappé, incapable d’articuler plus, je me lève et me dirige vers ma chambre en claquant la porte. De l’autre côté, je m’effondre contre le battant de la porte et reste ainsi, en position fœtale, à pleurer toutes les larmes de mon corps encore prisonnières. Je ne fais nullement attention au soleil qui commence à poindre par la fenêtre et m’endors dans l’inconfort le plus total.